1 1936, Articles divers (1936-1938). Max Brod, Le Royaume enchanté de l’amour (1936)
1 Max Brod, Le Royaume enchanté de l’amour (1936)d Aucun ouvrage ne se passe mieux de préface qu’un b
2 ’amour (1936)d Aucun ouvrage ne se passe mieux de préface qu’un bon roman. Pourtant la réussite de Max Brod n’est pas s
3 de préface qu’un bon roman. Pourtant la réussite de Max Brod n’est pas seulement de l’ordre romanesque : elle est d’avoir
4 rtant la réussite de Max Brod n’est pas seulement de l’ordre romanesque : elle est d’avoir mêlé à un beau drame d’amour le
5 st pas seulement de l’ordre romanesque : elle est d’ avoir mêlé à un beau drame d’amour le souvenir et davantage, la présen
6 omanesque : elle est d’avoir mêlé à un beau drame d’ amour le souvenir et davantage, la présence d’un être vrai, qui apport
7 ame d’amour le souvenir et davantage, la présence d’ un être vrai, qui apporte à toute l’œuvre une émouvante précision. Le
8 te l’œuvre une émouvante précision. Le personnage de Garta, dont le lecteur ne tardera pas à voir qu’il figure la conscien
9 comme le juge incorruptible et amical du héros et de son débat, ce personnage a vécu dans ce siècle, où son nom ne cessera
10 nage a vécu dans ce siècle, où son nom ne cessera de grandir : Franz Kafka. De cet esprit incomparable — qu’on l’entende a
11 , où son nom ne cessera de grandir : Franz Kafka. De cet esprit incomparable — qu’on l’entende aux deux sens du terme —, u
12 français22. Ce serait assez pour donner une idée de l’ordre de grandeur spirituelle et de la singularité de l’œuvre entiè
13 . Ce serait assez pour donner une idée de l’ordre de grandeur spirituelle et de la singularité de l’œuvre entière. Mais bi
14 er une idée de l’ordre de grandeur spirituelle et de la singularité de l’œuvre entière. Mais bien peu en ont eu connaissan
15 rdre de grandeur spirituelle et de la singularité de l’œuvre entière. Mais bien peu en ont eu connaissance, et moins encor
16 et moins encore se sont risqués à en parler. Rien d’ étonnant d’ailleurs à cette réserve. Une sorte de stupéfaction respect
17 d’étonnant d’ailleurs à cette réserve. Une sorte de stupéfaction respectueuse ; le mutisme de l’homme qui s’est senti tou
18 e sorte de stupéfaction respectueuse ; le mutisme de l’homme qui s’est senti touché dans une région de l’être dont il igno
19 de l’homme qui s’est senti touché dans une région de l’être dont il ignorait presque l’existence, et qui demande un peu de
20 doute l’explication qu’il faut donner à l’espèce de résistance que rencontre Kafka parmi nous. Rien ne me paraît plus pro
21 od ; la biographie romanesque, l’approche vivante de la personne même de Kafka dans ce qu’elle eut de quotidien et de très
22 omanesque, l’approche vivante de la personne même de Kafka dans ce qu’elle eut de quotidien et de très simplement communic
23 de la personne même de Kafka dans ce qu’elle eut de quotidien et de très simplement communicable. Encore faut-il montrer
24 même de Kafka dans ce qu’elle eut de quotidien et de très simplement communicable. Encore faut-il montrer que ce détour n’
25 Pragois lui aussi, Brod fut l’ami le plus intime de Franz Kafka. C’est lui qui s’est chargé de publier ses œuvres, pour u
26 intime de Franz Kafka. C’est lui qui s’est chargé de publier ses œuvres, pour une très grande part inédites, et que Kafka
27 part inédites, et que Kafka lui-même, par l’excès d’ un scrupule à la fois artistique et religieux, souhaitait que l’on dét
28 on posthume du Procès : je doute que les lecteurs de ce livre étonnant, le plus profond qu’on puisse imaginer, aient le co
29 s profond qu’on puisse imaginer, aient le courage de le lui reprocher. La piété même que voue Max Brod à la mémoire de son
30 e voue Max Brod à la mémoire de son ami le retint d’ entreprendre au lendemain de la mort de Kafka sa biographie objective.
31 de son ami le retint d’entreprendre au lendemain de la mort de Kafka sa biographie objective. Mais par une sorte de compe
32 le retint d’entreprendre au lendemain de la mort de Kafka sa biographie objective. Mais par une sorte de compensation tou
33 Kafka sa biographie objective. Mais par une sorte de compensation tout inconsciente, c’est au désir de prolonger le mervei
34 de compensation tout inconsciente, c’est au désir de prolonger le merveilleux dialogue interrompu que l’auteur du Royaume
35 yaume enchanté attribue aujourd’hui l’inspiration de ce roman. Sachons-lui gré d’accorder par là même, à un public plus ét
36 rd’hui l’inspiration de ce roman. Sachons-lui gré d’ accorder par là même, à un public plus étendu, l’avance nécessaire, le
37 couvrir un génie tellement « étranger »… Le récit de Max Brod est librement imaginé. Toutefois le personnage de Garta, ses
38 od est librement imaginé. Toutefois le personnage de Garta, ses propos, sa vision du monde, ses expériences et préoccupati
39 es lectures qu’il fait à son ami, la brève idylle de Weimar… tout cela compose une description exacte de la jeunesse de Ka
40 Weimar… tout cela compose une description exacte de la jeunesse de Kafka. Quelques faits et deux ou trois dates suffiront
41 ela compose une description exacte de la jeunesse de Kafka. Quelques faits et deux ou trois dates suffiront désormais à si
42 is dates suffiront désormais à situer ce fragment de biographie. Franz Kafka naquit à Prague en 1883. Il passa dans cette
43 . Il passa dans cette ville la plus grande partie de sa vie. Docteur en droit, il travailla d’abord au service d’une compa
44 assa dans cette ville la plus grande partie de sa vie . Docteur en droit, il travailla d’abord au service d’une compagnie d’
45 Docteur en droit, il travailla d’abord au service d’ une compagnie d’assurances générales, puis d’une compagnie d’assurance
46 , il travailla d’abord au service d’une compagnie d’ assurances générales, puis d’une compagnie d’assurances ouvrières. Le
47 vice d’une compagnie d’assurances générales, puis d’ une compagnie d’assurances ouvrières. Le travail manuel l’attirait ; i
48 gnie d’assurances générales, puis d’une compagnie d’ assurances ouvrières. Le travail manuel l’attirait ; il s’essaya dans
49 l manuel l’attirait ; il s’essaya dans un atelier de menuiserie, puis dans une entreprise de jardinage. Lorsque enfin il v
50 n atelier de menuiserie, puis dans une entreprise de jardinage. Lorsque enfin il voulut émigrer à Berlin pour s’y vouer to
51 ont il mourut à Vienne en 1924. Il n’avait publié de son vivant qu’un petit nombre de récits. Mais on trouva dans ses papi
52 l n’avait publié de son vivant qu’un petit nombre de récits. Mais on trouva dans ses papiers les manuscrits presque comple
53 dans ses papiers les manuscrits presque complets de trois romans : Le Procès, Le Château, et Amérique. Le regard qu’il y
54 mérique. Le regard qu’il y porte sur le monde est d’ une précision proprement angoissante. Il considère notre vie quotidien
55 t masquent à peine une foncière absurdité. L’état d’ extrême lucidité que suscite en nous cette vision ressemble à s’y mépr
56 que tant de poètes s’efforçaient à la même époque de délirer méthodiquement, et de brouiller tous les plans du réel à seul
57 nt à la même époque de délirer méthodiquement, et de brouiller tous les plans du réel à seule fin de s’en évader — durant
58 t de brouiller tous les plans du réel à seule fin de s’en évader — durant le temps de leur ivresse tout au moins — Kafka n
59 réel à seule fin de s’en évader — durant le temps de leur ivresse tout au moins — Kafka nous ramène sans cesse, avec une s
60 ns — Kafka nous ramène sans cesse, avec une sorte d’ humour inflexible, à la conscience la plus sobre de notre humaine cond
61 ’humour inflexible, à la conscience la plus sobre de notre humaine condition. On dirait qu’il incite ses héros à pratiquer
62 rait qu’il incite ses héros à pratiquer contre la vie bourgeoise une espèce de « grève perlée » : c’est à force de conscien
63 s à pratiquer contre la vie bourgeoise une espèce de « grève perlée » : c’est à force de conscience, de naturel, d’exactit
64 e « grève perlée » : c’est à force de conscience, de naturel, d’exactitude dans l’exercice de leurs tâches banales et de l
65 rlée » : c’est à force de conscience, de naturel, d’ exactitude dans l’exercice de leurs tâches banales et de leurs relatio
66 science, de naturel, d’exactitude dans l’exercice de leurs tâches banales et de leurs relations sociales, qu’ils en découv
67 titude dans l’exercice de leurs tâches banales et de leurs relations sociales, qu’ils en découvrent et en dénoncent l’impo
68 t en dénoncent l’impossibilité foncière. À serrer de si près le réel, on le convainc rapidement de monstruosité et de scan
69 rer de si près le réel, on le convainc rapidement de monstruosité et de scandale métaphysique. Et dès lors tout devient ét
70 éel, on le convainc rapidement de monstruosité et de scandale métaphysique. Et dès lors tout devient étrangement signifian
71 fait divers s’agrandit peu à peu aux proportions d’ une parabole de l’existence. Ou bien c’est le contraire : partant d’un
72 agrandit peu à peu aux proportions d’une parabole de l’existence. Ou bien c’est le contraire : partant d’un fait inexplica
73 l’existence. Ou bien c’est le contraire : partant d’ un fait inexplicable et monstrueux23 survenu dans la vie de son héros,
74 fait inexplicable et monstrueux23 survenu dans la vie de son héros, Kafka nous amène à penser que le détail de l’existence
75 inexplicable et monstrueux23 survenu dans la vie de son héros, Kafka nous amène à penser que le détail de l’existence ban
76 on héros, Kafka nous amène à penser que le détail de l’existence banale, et le sentiment d’étrangeté qui parfois l’accompa
77 le détail de l’existence banale, et le sentiment d’ étrangeté qui parfois l’accompagne en sourdine s’expliquent de la mani
78 qui parfois l’accompagne en sourdine s’expliquent de la manière la plus logique sitôt qu’on les rapporte à un fait initial
79 u’on les rapporte à un fait initial mystérieux et d’ apparence extravagante. Derrière cette psychologie de l’angoisse quoti
80 pparence extravagante. Derrière cette psychologie de l’angoisse quotidienne, l’on pressent chez Kafka des intentions moral
81 orales, une philosophie, et la recherche au moins d’ une théologie. Tout cela, qui n’est pas exprimé mais voilé et seulemen
82 donne à l’œuvre une grandeur poétique, un pouvoir d’ inquiéter presque morbide au jugement de certains, mais aussi, pour qu
83 n pouvoir d’inquiéter presque morbide au jugement de certains, mais aussi, pour qui sait comprendre, salutaire… Les lectur
84 lectures favorites et les préoccupations sociales de « Garta », telles que nous les décrit Max Brod, aideront à deviner la
85 à deviner la nature assez rare du dessein secret de Kafka. Sa passion de l’absolu moral et religieux, sa psychologie de l
86 assez rare du dessein secret de Kafka. Sa passion de l’absolu moral et religieux, sa psychologie de l’angoisse dérivent sa
87 on de l’absolu moral et religieux, sa psychologie de l’angoisse dérivent sans doute de Kierkegaard, qu’il fut l’un des pre
88 sa psychologie de l’angoisse dérivent sans doute de Kierkegaard, qu’il fut l’un des premiers à découvrir au xxe siècle.
89 écouvrir au xxe siècle. D’autre part, sa volonté de sobriété, d’utilité, d’éducation des forces spirituelles par l’activi
90 xe siècle. D’autre part, sa volonté de sobriété, d’ utilité, d’éducation des forces spirituelles par l’activité pratique e
91 D’autre part, sa volonté de sobriété, d’utilité, d’ éducation des forces spirituelles par l’activité pratique et sociale,
92 et sociale, volonté qui se manifeste tout au long de son existence, et qui devait l’amener entre autres, à son projet de p
93 et qui devait l’amener entre autres, à son projet de participation au jeune mouvement sioniste, se rattache non moins cert
94 us suggestif que cette rencontre en un seul homme de deux influences aussi contradictoires et à tant d’égards exclusives…
95 e deux influences aussi contradictoires et à tant d’ égards exclusives… Il y aurait fort à dire là-dessus… Mais en voilà sa
96 ir au lecteur l’arrière-plan et les prolongements de l’aventure du « vieux Pragois », héros non tout à fait imaginaire, lu
97 à fait imaginaire, lui aussi, du Royaume enchanté de l’amour. 22. Le Procès, roman traduit de l’allemand par A. Vialatt
98 hanté de l’amour. 22. Le Procès, roman traduit de l’allemand par A. Vialatte. Deux autres récits de Kafka ont été publi
99 de l’allemand par A. Vialatte. Deux autres récits de Kafka ont été publiés par la Nouvelle Revue française  : La Métamorp
100 errier. 23. Par exemple : la métamorphose subite d’ un jeune homme en une bête innommable et même indescriptible (dans La
101 pèse sur le héros du Procès. d. Rougemont Denis de , Brod Max, « [Préface] Max Brod, Le Royaume enchanté de l’amour  », d
102 od Max, « [Préface] Max Brod, Le Royaume enchanté de l’amour  », dans Le Royaume enchanté de l’amour, Paris, Édition « Je
103 enchanté de l’amour  », dans Le Royaume enchanté de l’amour, Paris, Édition « Je sers », 1936, p. 9-12.
2 1936, Articles divers (1936-1938). Forme et transformation, ou l’acte selon Kierkegaard (janvier 1936)
104 erkegaard (janvier 1936)c « Toute mon activité d’ auteur — nous dit Kierkegaard — se rapporte à ce seul problème : comme
105 le devenir. Et le problème, alors, devient celui de l’acte, c’est-à-dire de la création d’une possibilité nouvelle, sans
106 ème, alors, devient celui de l’acte, c’est-à-dire de la création d’une possibilité nouvelle, sans précédent. Y a-t-il des
107 ient celui de l’acte, c’est-à-dire de la création d’ une possibilité nouvelle, sans précédent. Y a-t-il des actes ? L’homme
108 lle, sans précédent. Y a-t-il des actes ? L’homme d’ aujourd’hui ne le croit pas. Il croit aux lois, et il se veut détermin
109 is dans cette mesure même, il se peut qu’il cesse d’ être humain. Car l’homme n’a d’existence proprement humaine que lorsqu
110 e peut qu’il cesse d’être humain. Car l’homme n’a d’ existence proprement humaine que lorsqu’il participe à la transformati
111 aucun chemin. Comment marcher, s’il n’existe pas de chemin ? disent-ils dans leur suffisance — car on appelle ainsi leur
112 prouver que l’acte est impossible et que le tout de l’homme est soumis au calcul, tout cet effort des sciences et des soc
113  le chemin ». Je suis le chemin, la vérité et la vie , dit le Christ. 1. La vérité est le chemin Christ est la Vérité
114 qu’être la vérité est la seule explication vraie de la vérité… Être la vérité, c’est connaître la vérité, et le Christ n’
115 été la vérité ; et nul homme ne connaît davantage de vérité qu’il n’en incarne.3 Voici donc le mystère : s’il n’y a pas
116 ncarne.3 Voici donc le mystère : s’il n’y a pas de chemin, nous ne pouvons marcher, mais si nous ne marchons pas, il n’y
117 rcher, mais si nous ne marchons pas, il n’y a pas de chemin. La foi au Christ nous permet seule de franchir ce cercle ench
118 pas de chemin. La foi au Christ nous permet seule de franchir ce cercle enchanté où nous maintient l’argument du démon — l
119 Christ est la condition nécessaire et suffisante de tout acte véritable, de toute marche, de toute création, de toute vic
120 nécessaire et suffisante de tout acte véritable, de toute marche, de toute création, de toute victoire sur la Nécessité.
121 ffisante de tout acte véritable, de toute marche, de toute création, de toute victoire sur la Nécessité. « Je suis le chem
122 te véritable, de toute marche, de toute création, de toute victoire sur la Nécessité. « Je suis le chemin ». Mais un chemi
123 n’est qu’un point de vue ; ou bien encore le lieu d’ un pur possible, et sur ces lieux règne le désespoir. Il nous faut don
124 c’est-à-dire agir dans le Christ. La possibilité de l’acte est identique à sa nécessité. Il n’y a donc aucun acte possibl
125 . Mais croire au Christ, c’est croire au Paradoxe de l’incarnation, c’est croire que Dieu a revêtu la forme de ce monde, c
126 arnation, c’est croire que Dieu a revêtu la forme de ce monde, c’est croire donc que cette forme peut être transformée. — 
127 l’absurde » ; mais cela seul donne un sens à nos vies . Alors les règles, les morales et les lois qui nous disaient d’agir d
128 règles, les morales et les lois qui nous disaient d’ agir dans le même temps qu’elles nous privaient de tout pouvoir, s’éva
129 d’agir dans le même temps qu’elles nous privaient de tout pouvoir, s’évanouissent et meurent aux pages des livres. L’actio
130 uissent et meurent aux pages des livres. L’action de l’homme devient aussi la vérité ; et la norme de toutes les normes. A
131 de l’homme devient aussi la vérité ; et la norme de toutes les normes. Au premier pas que nous faisons dans notre nuit, v
132 nous allons connaître maintenant que seul l’acte de foi est création, transformation, nouveauté pure dans le monde, vocat
133 monde, vocation et personne éternelle, prophétie de l’éternité qui vient à nous. 2. Il n’est d’action que prophétique
134 ie de l’éternité qui vient à nous. 2. Il n’est d’ action que prophétique Qu’est-ce que prophétiser sinon dire la Paro
135  Sachez qu’à l’origine, — lit-on dans un dialogue de Kassner6 — toutes les créatures, le Soleil, la Terre, la Lune, les pl
136 t et prophétisaient, pareils aux prophètes. C’est de ce commencement que chaque chose tire sa force et son temps ; toute c
137 in possède son commencement ». Mais l’homme déchu de son origine éternelle a perdu la vision de sa fin. Le voici prisonnie
138 déchu de son origine éternelle a perdu la vision de sa fin. Le voici prisonnier des formes et des nombres, esclave des lo
139 nnier des formes et des nombres, esclave des lois d’ un monde sur lequel il devrait régner. Seule peut l’en délivrer la Par
140 pel dans les ténèbres. Certains reçoivent l’ordre de parler, et c’est là leur action, leur prophétie et leur salut. Cepend
141 ommes les frappent sur la bouche. Kierkegaard fut de ces croyants, dont la vocation prophétique pareille à celle des homme
142 vocation prophétique pareille à celle des hommes de Dieu qui se lèvent sous l’Ancienne Alliance, se confond avec la parol
143 Parole dite est leur chemin, leur vérité et leur vie dans ce monde ; ils meurent de l’avoir dite, et n’ont pas d’autre tâc
144 ur vérité et leur vie dans ce monde ; ils meurent de l’avoir dite, et n’ont pas d’autre tâche7. Le chemin est imprévisible
145 monde ; ils meurent de l’avoir dite, et n’ont pas d’ autre tâche7. Le chemin est imprévisible ; le nôtre, disons-nous, n’es
146 évisible ; le nôtre, disons-nous, n’est pas celui de ces prophètes. Cependant la question demeure : comment agir, et comme
147 Ce que nous connaissons, c’est pourtant son point de départ. Le chemin commence à tout homme qui se met en devoir d’obéir
148 chemin commence à tout homme qui se met en devoir d’ obéir à l’ordre qu’il reçoit de Dieu, — n’importe où et n’importe qui,
149 i se met en devoir d’obéir à l’ordre qu’il reçoit de Dieu, — n’importe où et n’importe qui, à n’importe quel ordre reçu, e
150 ? Tout simplement : prends n’importe quelle règle d’ action chrétienne, — ose la mettre en pratique. L’action que tu introd
151 troduiras ainsi dans la réalité portera la marque de l’absolu : c’est la marque de tout ce qui est véritablement chrétien
152 é portera la marque de l’absolu : c’est la marque de tout ce qui est véritablement chrétien (Journal). Vends ton bien et l
153 ux pauvres, par exemple, ou si tu ne possèdes pas de bien, cesse d’en désirer la possession, et vis comme un chrétien : au
154 exemple, ou si tu ne possèdes pas de bien, cesse d’ en désirer la possession, et vis comme un chrétien : au jour le jour,
155 , sans assurances et sans préparation, à la grâce de Dieu, dans la confiance et l’inquiétude, — on pourrait dire, dans une
156 l’inquiétude, — on pourrait dire, dans une sorte d’ humour — dans l’aventure de celui que rien ne protège et la prudence d
157 t dire, dans une sorte d’humour — dans l’aventure de celui que rien ne protège et la prudence de celui qui écoute, dans le
158 nture de celui que rien ne protège et la prudence de celui qui écoute, dans le tourment et dans la joie d’une découverte q
159 elui qui écoute, dans le tourment et dans la joie d’ une découverte quotidienne du chemin, — ton chemin, sur lequel tu es s
160 sur lequel tu es seul, parce qu’il est la parole de ta vie, sa mesure et sa vocation, son risque à chaque instant visible
161 equel tu es seul, parce qu’il est la parole de ta vie , sa mesure et sa vocation, son risque à chaque instant visible, et sa
162 Tant que nous considérons le Christ avec des yeux de moralistes, comme une personnalité morale de premier plan qu’il ne re
163 yeux de moralistes, comme une personnalité morale de premier plan qu’il ne resterait plus qu’à imiter, l’acte demeure un p
164 imiter, l’acte demeure un pur possible, un modèle d’ acte, une abstraction, c’est-à-dire quelque chose que nous pouvons ima
165 ant nous transformer, et c’est bien la définition de « l’inactuel ». Se conformer à ce pieux idéal, non seulement ce n’est
166 r, non seulement c’est limiter par avance le rôle de la foi, c’est-à-dire refuser la foi, mais c’est peut-être simplement
167 n’y est pas engagé. Parce que c’est un blasphème de l’homme pieux, du moraliste, que de prétendre imiter le modèle que se
168 un blasphème de l’homme pieux, du moraliste, que de prétendre imiter le modèle que ses yeux voient et que sa chair perçoi
169 ) au lieu d’écouter l’ordre, au lieu de croire et de faire un pas dans la nuit, sur ce « chemin » qui est le Christ présen
170 s par la grâce. L’imitation suivra comme un fruit de la reconnaissance… Tout commence par la joie d’être aimé — et ensuite
171 t de la reconnaissance… Tout commence par la joie d’ être aimé — et ensuite vient l’effort de plaire, constamment exalté pa
172 r la joie d’être aimé — et ensuite vient l’effort de plaire, constamment exalté par la certitude que l’on est aimé mainten
173 ien du Christ, du « chemin », en dehors de l’acte de foi qui, supprimant toute distance historique, nous rend contemporain
174 oute distance historique, nous rend contemporains de Son incarnation. Ainsi l’acte de foi détruit le temps où il a lieu ma
175 nd contemporains de Son incarnation. Ainsi l’acte de foi détruit le temps où il a lieu mais comme la plénitude détruit le
176 détruit le relatif. Il est ce contact impensable de l’éternité avec notre durée, et l’on n’en peut n’en dire sinon qu’il
177 Dieu peut tout à tout instant. C’est là la santé de la foi »10. Si nous vivions dans l’obéissance et dans la foi, il n’y
178 ’y aurait ni passé ni futur, mais le Jour éternel de la présence à Dieu et à soi-même régnerait sur le monde et l’unité du
179 a foi, l’histoire s’arrêterait comme l’Aspiration d’ un homme saisi par la beauté, et le temps immobile s’abîmerait dans l’
180 avons refusé l’éternel et nous lui préférons nos vies  : c’est pourquoi nous vivons dans l’Histoire, et dans l’absence, ou d
181 s qui viennent ; c’est pourquoi nous n’avons plus d’ être que par la foi, « substance des choses espérées », et c’est pourq
182 i nous, n’est que promesse et vigilante prophétie de l’invisible. De Séir, une voix crie au prophète11 : « Sentinelle, que
183 e promesse et vigilante prophétie de l’invisible. De Séir, une voix crie au prophète11 : « Sentinelle, que dis-tu de la nu
184 oix crie au prophète11 : « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? — La sentinelle a répon
185 e, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? — La sentinelle a répondu : Le matin vient, et la nuit auss
186 e est durée, et c’est la forme du péché, du refus de l’instant éternel12, — le temps, la succession et le désir. C’est le
187 temps, la succession et le désir. C’est le retard de l’acte et le retrait de Dieu, c’est le doute qui s’interpose entre le
188 le désir. C’est le retard de l’acte et le retrait de Dieu, c’est le doute qui s’interpose entre le savoir et le faire, et
189 entre le savoir et le faire, et c’est la lâcheté de l’homme qui se repose sur ses œuvres et qui les juge : son alliance a
190 s et qui les juge : son alliance avec le serpent. De quelles étranges et secrètes façons le temps est lié au péché, le péc
191 au péché, le pécheur seul le sait, dans l’instant de la foi, où par grâce il peut rompre ce lien. « Si vous voulez interro
192 st : « Convertissez-vous ! » À la lumière jaillie de l’acte de la foi, le mystère du temps se dévoile ; mais un temps nouv
193 vertissez-vous ! » À la lumière jaillie de l’acte de la foi, le mystère du temps se dévoile ; mais un temps nouveau prend
194 pardonné vit dans le temps comme à contre-courant de sa durée, vit d’acte en acte. Et son temps n’est plus son péché, mais
195 le temps comme à contre-courant de sa durée, vit d’ acte en acte. Et son temps n’est plus son péché, mais on pourrait dire
196 monde, mais il est ce qui la transforme. Vertige de la « vie chrétienne », cette histoire de Dieu dans le temps, cette hi
197 mais il est ce qui la transforme. Vertige de la «  vie chrétienne », cette histoire de Dieu dans le temps, cette histoire de
198 Vertige de la « vie chrétienne », cette histoire de Dieu dans le temps, cette histoire de l’éternité ! « Il suffit d’un c
199 te histoire de Dieu dans le temps, cette histoire de l’éternité ! « Il suffit d’un courage purement humain pour renoncer l
200 temps, cette histoire de l’éternité ! « Il suffit d’ un courage purement humain pour renoncer le temps afin de gagner l’éte
201 gner l’éternité : car je la gagne et ne puis plus de toute éternité la renoncer ; et c’est le paradoxe ; mais il faut un c
202 en vertu de l’absurde 13. Et ce courage est celui de la foi. Par la foi Abraham ne perdit point Isaac ; c’est par la foi d
203 la foi d’abord qu’il le reçut »14. 5. Le temps de l’acte est renaissance, initiation Les deux moments réels d’une vi
204 renaissance, initiation Les deux moments réels d’ une vie d’homme, s’il est vrai que Dieu Seul est réel, ce sont la nais
205 sance, initiation Les deux moments réels d’une vie d’homme, s’il est vrai que Dieu Seul est réel, ce sont la naissance e
206 e, initiation Les deux moments réels d’une vie d’ homme, s’il est vrai que Dieu Seul est réel, ce sont la naissance et l
207 naissance et la mort, parce qu’ils sont des actes de Dieu. Entre la naissance et la mort — ou plutôt puisque l’acte est à
208 t — ou plutôt puisque l’acte est à contre-courant de la durée : entre la mort et la naissance — toute la réalité de l’homm
209 entre la mort et la naissance — toute la réalité de l’homme est dans son acte. Tout acte est Passage et tension, — passag
210 acte. Tout acte est Passage et tension, — passage de la mort à la vie, tension entre ce qui résiste et ce qui crée, victoi
211 est Passage et tension, — passage de la mort à la vie , tension entre ce qui résiste et ce qui crée, victoire de la Parole s
212 ion entre ce qui résiste et ce qui crée, victoire de la Parole sur la chair, autorité de la personne sur l’anarchie et sur
213 rée, victoire de la Parole sur la chair, autorité de la personne sur l’anarchie et sur la loi individuelle. C’est ici qu’o
214 isqu’il est dans le même instant et la mort et la vie des êtres qu’il promet à l’existence ; mais détruisant le temps, il l
215 acte absolu serait création absolue, mais un acte de l’homme n’est jamais qu’une rédemption. Distinction de théologien, et
216 homme n’est jamais qu’une rédemption. Distinction de théologien, et qui veut prévenir l’orgueil. Mais la vision de celui q
217 n, et qui veut prévenir l’orgueil. Mais la vision de celui qui agit n’est point un jugement des résultats, — des créatures
218 onséquence, il est toujours initiation. La vision de celui qui agit est tout entière absorbée par l’instant, par le passag
219 ut entière absorbée par l’instant, par le passage de ce qui meurt à ce qui nait, — par le réel. « Celui qui doit agir, s’i
220 r le réel. « Celui qui doit agir, s’il veut juger de soi selon le succès qu’il remporte, n’arrivera jamais à rien entrepre
221 uccès pouvait réjouir le monde entier, il ne sert de rien au héros ; car le héros n’a connu son succès que lorsque tout ét
222 fut héros, mais par son entreprise »15. Le temps de l’acte vient s’inscrire sur les traits du visage héroïque. Dans cette
223 e. Dans cette chair qui doit vieillir, la tension de la mort et de la vie a mis des marques victorieuses. Qu’est-ce que la
224 chair qui doit vieillir, la tension de la mort et de la vie a mis des marques victorieuses. Qu’est-ce que la personne ? C’
225 qui doit vieillir, la tension de la mort et de la vie a mis des marques victorieuses. Qu’est-ce que la personne ? C’est la
226 sion à la parole dont elle procède, et si la face d’ un homme est belle, c’est parce qu’elle est un acte et un destin, une
227 ce qu’elle est un acte et un destin, une initiale de l’histoire, une effigie de la Parole créatrice. 6. Le contraire de
228 n destin, une initiale de l’histoire, une effigie de la Parole créatrice. 6. Le contraire de l’acte, c’est le désespoir
229 ffigie de la Parole créatrice. 6. Le contraire de l’acte, c’est le désespoir Nous savons tous cela, comme nous savon
230 roire. À vrai dire, nous avons toutes les raisons d’ en douter, s’il est vrai que le doute est révolte, et qu’il faut pour
231 , et qu’il faut pour se l’avouer la joie qui naît de l’acte de la foi. Lorsque Kierkegaard écrivit son traité de la Maladi
232 faut pour se l’avouer la joie qui naît de l’acte de la foi. Lorsque Kierkegaard écrivit son traité de la Maladie mortelle
233 de la foi. Lorsque Kierkegaard écrivit son traité de la Maladie mortelle 16, il venait justement de dépasser cette illusio
234 té de la Maladie mortelle 16, il venait justement de dépasser cette illusion du désespoir, qui consiste à s’imaginer que l
235 ui consiste à s’imaginer que l’acte est puissance de l’homme : d’où l’impossibilité de l’oser. Celui que la foi vint saisi
236 s’imaginer que l’acte est puissance de l’homme : d’ où l’impossibilité de l’oser. Celui que la foi vint saisir sait mainte
237 e est puissance de l’homme : d’où l’impossibilité de l’oser. Celui que la foi vint saisir sait maintenant que l’acte est l
238 te est le contraire du désespoir. Mais il le sait d’ une tout autre façon que le désespéré ne l’imagine. Parce que le rappo
239 création irréversible. Et cela tient à la nature de l’acte, — mieux encore : à son origine. Cela tient à l’absolu de la P
240 eux encore : à son origine. Cela tient à l’absolu de la Personne qui l’initie. Le désespéré, le douteur, ou simplement l’h
241 spéré, le douteur, ou simplement l’homme dépourvu de foi, l’homme détendu, vague et fiévreux qui peuple nos cités, l’homme
242 ! — s’imagine que l’acte viendra comme un sursaut de joie, comme une révolte, comme une affirmation désespérée de son orgu
243 mme une révolte, comme une affirmation désespérée de son orgueil, comme la preuve enfin de son moi, — mais il sait bien qu
244 désespérée de son orgueil, comme la preuve enfin de son moi, — mais il sait bien qu’il n’en a pas, ou que son moi est dés
245 t pas une vision dans un visage, mais une manière de loucher vers « les autres », une chaîne qui le lie à la coutume du bo
246 », une chaîne qui le lie à la coutume du bourg ou de la classe. Comment cet homme pourrait-il faire un acte ? Car l’acte e
247 liens, dans sa croyance à la réalité des liens et de la masse, à la réalité des autres dans l’ensemble. Comment cet homme
248 ’acte soit puissance et jouissance, il y a ce moi de désir qui veut que l’acte — l’instant ! — soit durée… Mais l’absolu q
249 — soit durée… Mais l’absolu qui vient jucher nos vies nous meut parce qu’il est un ordre, une Parole reçue d’ailleurs, une
250 n ordre, une Parole reçue d’ailleurs, une rupture de tout drame humain que nous pussions prévoir, désirer et décrire ; une
251 décrire ; une rupture et une vision. La présence de l’absolu dans la sobriété parfaite et insensible de l’instant, c’est
252 l’absolu dans la sobriété parfaite et insensible de l’instant, c’est l’obéissance à la Parole de Dieu, — la prophétie dan
253 ible de l’instant, c’est l’obéissance à la Parole de Dieu, — la prophétie dans l’immédiat. Que s’est-il donc passé ? Me vo
254 s ne voyons aucun visage ailleurs que dans l’acte d’ aimer. 7. Toute vocation est sans précédent Car elle est prophét
255 Car elle est prophétie justement ! — et c’est de la seule prophétie que relèvent la réalité et le sérieux, le risque e
256 réalité et le sérieux, le risque et la splendeur d’ une vie d’homme. L’homme se distingue du singe en ce qu’il prophétise,
257 té et le sérieux, le risque et la splendeur d’une vie d’homme. L’homme se distingue du singe en ce qu’il prophétise, unique
258 t le sérieux, le risque et la splendeur d’une vie d’ homme. L’homme se distingue du singe en ce qu’il prophétise, uniquemen
259 t bien remarquable : Kierkegaard a très peu parlé de vocation18. C’est qu’il parle sa vocation et ne s’en distingue jamais
260 pendant il est hors de doute qu’il eut conscience de cet aspect particulier de son destin qui qualifie précisément la voca
261 te qu’il eut conscience de cet aspect particulier de son destin qui qualifie précisément la vocation : l’invraisemblable.
262 able. Ses plus amers reproches au « christianisme de la chrétienté », à cette « inconcevable illusion des sens », ne s’adr
263 s pas justement à la « vraisemblance » doctrinale d’ une religion mise à la portée de « la masse », alors que la foi vérita
264 ance » doctrinale d’une religion mise à la portée de « la masse », alors que la foi véritable est celle du solitaire que p
265 lus forte raison l’audace chrétienne, est au-delà de toute vraisemblance, là où précisément l’on renonce à la vraisemblanc
266 que l’acte est initiateur ; parce que la dignité de l’homme est de marcher dans l’invisible et de prophétiser « en vertu
267 initiateur ; parce que la dignité de l’homme est de marcher dans l’invisible et de prophétiser « en vertu de l’absurde ».
268 ité de l’homme est de marcher dans l’invisible et de prophétiser « en vertu de l’absurde ». L’homme ne peut être déterminé
269 qui marche dans la nouveauté ne prend mesure que de ce qu’il transforme. Sa connaissance est acte et vision prophétique.
270 st acte et vision prophétique. La mesure du temps de sa vie réside dans la seule vocation qu’il incarne. Sur le chemin qui
271 e et vision prophétique. La mesure du temps de sa vie réside dans la seule vocation qu’il incarne. Sur le chemin qui commen
272 r et l’heure, mais il connaît l’instant, s’il vit de Parole. À cause de l’instant éternel, « le héros meurt toujours avant
273 avant qu’il ne meure »21. C’est le secret dernier de l’acte, et le sceau de l’amour chrétien. 3. Apprentissage du chri
274 1. C’est le secret dernier de l’acte, et le sceau de l’amour chrétien. 3. Apprentissage du christianisme. 4. Dans ce
275 rie récemment « découverte » par les psychologues de ce qui « se fait se faisant » est une antilogie chrétienne au premier
276 Chez les hindous, elle n’est encore qu’une forme de l’agitation humaine. Pour le chrétien seul elle signifie une transfor
277 our l’hindou, cette catégorie suppose la primauté d’ un Esprit sans contenu ; pour le chrétien, la primauté d’une personne.
278 prit sans contenu ; pour le chrétien, la primauté d’ une personne. 5. « Ta Parole est une lampe à mes pieds, une lumière s
279 . Die Chimäre, trad. française dans les Éléments de la grandeur humaine (NRF). 7. « Le prophète se lève et tombe avec sa
280 tombe avec sa mission » (Karl Barth). Il n’a pas de biographie. Rien ne serait plus ridicule que de tenter de faire la ps
281 s de biographie. Rien ne serait plus ridicule que de tenter de faire la psychologie d’un prophète, ou bien alors elle se r
282 aphie. Rien ne serait plus ridicule que de tenter de faire la psychologie d’un prophète, ou bien alors elle se réduirait à
283 us ridicule que de tenter de faire la psychologie d’ un prophète, ou bien alors elle se réduirait à la grammaire et à la sy
284 irait à la grammaire et à la syntaxe particulière de son message. 8. Journal. « L’imitation suivra », en allemand, « Die
285 retrouvons cette définition du temps comme refus de l’instant et de l’obéissance immédiate à la Parole. La ressemblance e
286 e définition du temps comme refus de l’instant et de l’obéissance immédiate à la Parole. La ressemblance est seulement for
287 ré par la lâcheté du pécheur, tandis que le temps de Schopenhauer est « l’idéalité » du sujet connaissant, — une chimère s
288 itualiste, une nostalgie. C’est pourquoi le temps de Kierkegaard peut connaître une rédemption par l’acte, quand celui de
289 connaître une rédemption par l’acte, quand celui de Schopenhauer s’évanouit en pure absence. 13. K. entend : en vertu de
290 ce paradoxe impensable, l’Incarnation historique de Dieu. Pas de réponse rationnelle au « Cur Deux Homo ? » de saint Anse
291 impensable, l’Incarnation historique de Dieu. Pas de réponse rationnelle au « Cur Deux Homo ? » de saint Anselme. 14. Cr
292 Pas de réponse rationnelle au « Cur Deux Homo ? » de saint Anselme. 14. Crainte et tremblement. 15. Actes de l’amour.
293 nselme. 14. Crainte et tremblement. 15. Actes de l’amour. 16. Traduction française sous le titre de Traité du désespo
294 l’amour. 16. Traduction française sous le titre de Traité du désespoir. C’est une laïcisation ! Kierkegaard se rapportai
295 C’est une laïcisation ! Kierkegaard se rapportait de la façon la plus précise à Jean XI. 4. 17. Richtet selbst. 18. Ib
296 dans le Journal des années 1846 à 1848, on trouve de nombreuses notations de ce genre : « Grande sera ma responsabilité si
297 es 1846 à 1848, on trouve de nombreuses notations de ce genre : « Grande sera ma responsabilité si je rejette une mission
298 sera ma responsabilité si je rejette une mission de cette sorte » — c’est-à-dire s’il rejette sa mission d’écrivain relig
299 te sorte » — c’est-à-dire s’il rejette sa mission d’ écrivain religieux pour se faire pasteur de campagne, par exemple. C’e
300 ission d’écrivain religieux pour se faire pasteur de campagne, par exemple. C’est, dit-il, que sa consigne est de « tenir
301 , par exemple. C’est, dit-il, que sa consigne est de « tenir bon en souffrant ». Le presbytère de campagne serait une solu
302 est de « tenir bon en souffrant ». Le presbytère de campagne serait une solution commode, surtout en regard des souffranc
303 le sujet était : La rencontre la plus importante de votre vie ? M. Clément Vautel qui personnifie de nos jours le Bourgeo
304 était : La rencontre la plus importante de votre vie  ? M. Clément Vautel qui personnifie de nos jours le Bourgeois, répond
305 de votre vie ? M. Clément Vautel qui personnifie de nos jours le Bourgeois, répondit avec une pertinence géniale : « Je n
306 21. Crainte et tremblement. c. Rougemont Denis de , « Forme et transformation, ou l’acte selon Kierkegaard », Hermès, Br
3 1936, Articles divers (1936-1938). Décadence des lieux communs (décembre 1936)
307 e est plus malade que n’était le latin à l’époque de la Renaissance24. Le latin de Bembo et de Sadolet était encore une rh
308 le latin à l’époque de la Renaissance24. Le latin de Bembo et de Sadolet était encore une rhétorique des lieux communs. Fo
309 ’époque de la Renaissance24. Le latin de Bembo et de Sadolet était encore une rhétorique des lieux communs. Forme vide, fo
310 , forme idolâtrée, c’est-à-dire pure rhétorique — d’ où son déclin — mais forme encore et convention admise par tous les cl
311 uropéens. On ne saurait en dire autant du langage de nos bons écrivains. Car non seulement il est mal entendu par la grand
312 asse des lecteurs ordinaires, disons des lecteurs de journaux, mais encore il s’est divisé en une foule de dialectes ésoté
313 ournaux, mais encore il s’est divisé en une foule de dialectes ésotériques. Non seulement l’écrivain moderne use d’une lan
314 ésotériques. Non seulement l’écrivain moderne use d’ une langue dont le lecteur moyen trouve parfaitement normal de déclare
315 dont le lecteur moyen trouve parfaitement normal de déclarer que « c’est du latin » pour ses oreilles, mais encore il exi
316 » pour ses oreilles, mais encore il existe autant de ces latins-là que de chapelles littéraires, que d’écoles philosophiqu
317 mais encore il existe autant de ces latins-là que de chapelles littéraires, que d’écoles philosophiques, que de théories p
318 e ces latins-là que de chapelles littéraires, que d’ écoles philosophiques, que de théories politiques. Ainsi les mots n’on
319 les littéraires, que d’écoles philosophiques, que de théories politiques. Ainsi les mots n’ont plus le même sens pour les
320 part des débats qui nous occupent, qu’il s’agisse de politique, de religion ou de littérature, nous offrent l’image d’un j
321 s qui nous occupent, qu’il s’agisse de politique, de religion ou de littérature, nous offrent l’image d’un jeu dont les di
322 pent, qu’il s’agisse de politique, de religion ou de littérature, nous offrent l’image d’un jeu dont les différents parten
323 religion ou de littérature, nous offrent l’image d’ un jeu dont les différents partenaires changent la règle à leur fantai
324 s trichent ou font défaut. N’est-ce pas la partie de croquet dans Alice au pays des merveilles ? Les boules étaient des hé
325 on, celui-ci tordait son long cou et la regardait d’ un air d’ahurissement profond. Quand elle l’avait remis en position, c
326 -ci tordait son long cou et la regardait d’un air d’ ahurissement profond. Quand elle l’avait remis en position, c’était le
327 un peu plus loin. Tandis que la Reine, au comble de la fureur, parcourait le terrain en hurlant au hasard son cri de guer
328 arcourait le terrain en hurlant au hasard son cri de guerre : « Qu’on lui coupe la tête ! » — Ainsi nos mots se déforment
329 hacun joue sa partie comme il le peut, sans souci de la règle commune, et la terreur domine cette anarchie, distribuant de
330 ine cette anarchie, distribuant des condamnations d’ autant plus excessives d’ailleurs que personne ne se soucie de les met
331 s excessives d’ailleurs que personne ne se soucie de les mettre à exécution25. « Vous n’avez pas idée, conclut Alice, comb
332 z pas idée, conclut Alice, combien c’est affolant de jouer avec des choses vivantes. » ⁂ Prenons cinq mots parmi les plus
333 les plus fréquents dans le langage et les écrits de notre temps : esprit, révolution, liberté, ordre, patrie. Voilà les i
334 oyens ou hommes d’État. Les uns tiennent le parti de l’esprit et les autres celui de l’ordre, les uns le parti de la révol
335 tiennent le parti de l’esprit et les autres celui de l’ordre, les uns le parti de la révolution, les autres celui de la pa
336 et les autres celui de l’ordre, les uns le parti de la révolution, les autres celui de la patrie… Les uns voudraient la l
337 s uns le parti de la révolution, les autres celui de la patrie… Les uns voudraient la liberté dans l’ordre, ou la révoluti
338 tion, l’ordre à la liberté, ou encore les patries de l’ordre à la patrie de la révolution… Toutes ces combinaisons et ces
339 rté, ou encore les patries de l’ordre à la patrie de la révolution… Toutes ces combinaisons et ces permutations seraient n
340 t définir utilement le parti, si seulement chacun de ces mots avait le même sens pour tout le monde. Ou, parmi plusieurs s
341 luxe des délicats, tantôt les facultés créatrices de l’homme, ou encore une sagesse asiatique, ou une mentalité de classe
342 ou encore une sagesse asiatique, ou une mentalité de classe ou simplement toute la culture et ses produits. Une simple équ
343 rie bourgeoise ; pour l’autre, présence effective de la pensée et de la foi à nos misères, activité concrète et créatrice,
344 pour l’autre, présence effective de la pensée et de la foi à nos misères, activité concrète et créatrice, et garantie con
345 re bout du jeu et j’aurais dû croquer le hérisson de la Reine s’il ne s’était mis à courir juste au moment où j’allais jou
346 le dictionnaire, il nous faut ajouter une dizaine de sens parfois contradictoires, créés par la crise actuelle et très mal
347 volution signifiera selon les cas : émeute, prise de pouvoir légal, désordre et anarchie, établissement d’une dictature mi
348 ouvoir légal, désordre et anarchie, établissement d’ une dictature militaire, plan quinquennal, conversion personnelle, app
349 quinquennal, conversion personnelle, application d’ une série de mesures économiques, trans­mutation de toutes les valeurs
350 , conversion personnelle, application d’une série de mesures économiques, trans­mutation de toutes les valeurs morales, et
351 ’une série de mesures économiques, trans­mutation de toutes les valeurs morales, etc. Et tous ces sens se chevauchent pour
352 ellectuels anarchistes ou libéraux, par la presse d’ opposition, par Staline qui fait taire cette presse au nom de la Révol
353 de la Révolution, par Hitler dénonçant le Diktat de Versailles, par l’Italie partant à la conquête de l’Éthiopie, etc. L’
354 de Versailles, par l’Italie partant à la conquête de l’Éthiopie, etc. L’ordre sera tantôt le statu quo, si absurde soit-il
355 ale et arbitraire, plus rarement la revendication d’ un équilibre vrai, d’une hiérarchie naturelle et féconde. Et quant au
356 us rarement la revendication d’un équilibre vrai, d’ une hiérarchie naturelle et féconde. Et quant au mot patrie, on le voi
357 voit confondu, dans les discours et les articles de journaux, avec état, nation, mystique raciale, peuple et coutumes, ou
358 euple et coutumes, ou terre natale, clocher, etc. D’ où l’embrouillamini de la politique et des partis, et la confusion meu
359 terre natale, clocher, etc. D’où l’embrouillamini de la politique et des partis, et la confusion meurtrière de termes dang
360 litique et des partis, et la confusion meurtrière de termes dangereusement chargés de passion et de préjugés, tels que pat
361 usion meurtrière de termes dangereusement chargés de passion et de préjugés, tels que patriotisme, nationalisme, impériali
362 re de termes dangereusement chargés de passion et de préjugés, tels que patriotisme, nationalisme, impérialisme… ⁂ Tout co
363 créer et aggraver cette crise du sens des mots et de la sémantique vivante. D’une part la somme des échanges écrits ou ver
364 ions formidables. D’autre part, le public capable de goûter une œuvre rigoureuse ou novatrice, et qui pourrait servir de n
365 e rigoureuse ou novatrice, et qui pourrait servir de norme ou de repère, a tout au plus triplé, et c’est sans doute encore
366 ou novatrice, et qui pourrait servir de norme ou de repère, a tout au plus triplé, et c’est sans doute encore trop dire.
367 s doute encore trop dire. Racine avait un millier d’ auditeurs ; Valéry, Claudel, Gide, Péguy n’ont guère eu davantage de l
368 ry, Claudel, Gide, Péguy n’ont guère eu davantage de lecteurs durant la période de leur vie ou paraissaient leurs œuvres c
369 guère eu davantage de lecteurs durant la période de leur vie ou paraissaient leurs œuvres capitales. Et je doute qu’un Me
370 u davantage de lecteurs durant la période de leur vie ou paraissaient leurs œuvres capitales. Et je doute qu’un Meyerson so
371 sérieusement compris et discuté par beaucoup plus de personnes que Descartes n’en convainquit de son vivant. Cependant les
372 plus de personnes que Descartes n’en convainquit de son vivant. Cependant les journaux du soir à cinq-cent-mille exemplai
373 e exemplaires et la radio atteignent des millions d’ auditeurs. Dans cette disproportion impressionnante entre l’aire de la
374 cette disproportion impressionnante entre l’aire de la vraie culture créatrice et régulatrice et l’aire des sous-produits
375 ulatrice et l’aire des sous-produits standardisés de la culture de consommation, on aperçoit la raison immédiate de la cri
376 aire des sous-produits standardisés de la culture de consommation, on aperçoit la raison immédiate de la crise actuelle du
377 de consommation, on aperçoit la raison immédiate de la crise actuelle du langage. La presse, la radio, l’éloquence politi
378 te accession démocratique des grandes masses à la vie de l’esprit me paraît tout à fait improbable dans l’état actuel du ré
379 ccession démocratique des grandes masses à la vie de l’esprit me paraît tout à fait improbable dans l’état actuel du régim
380 ficit que représente pour la culture, la création de ces grandes zones d’échanges incontrôlés. Ces échanges en effet about
381 pour la culture, la création de ces grandes zones d’ échanges incontrôlés. Ces échanges en effet aboutissent rapidement à d
382 est vague, impropre, sans saveur et sans pouvoir d’ évocation active du vrai. Il habitue des millions de lecteurs au rendu
383 évocation active du vrai. Il habitue des millions de lecteurs au rendu approximatif des faits, des choses, ou des idées. I
384 choses, ou des idées. Il flatte ainsi la paresse de l’esprit, décourage le sens critique, décontenance les expressions le
385 i les mots perdent leur force et leur délicatesse d’ appel. Et les bons écrivains, qui n’ont pas d’autres armes, se voient
386 s, qui n’ont pas d’autres armes, se voient privés de tous moyens d’agir. Leurs coups ne portent plus, ne marquent pas dans
387 s d’autres armes, se voient privés de tous moyens d’ agir. Leurs coups ne portent plus, ne marquent pas dans ce magma incon
388 ire dès lors n’est pour eux que tromper un besoin d’ expression qui n’a plus de mission réelle. C’est un jeu formel et préc
389 x que tromper un besoin d’expression qui n’a plus de mission réelle. C’est un jeu formel et précis, dont ils sont seuls à
390 quis » et par suite inapte à traduire une volonté d’ action bientôt jugée vulgaire. ⁂ La civilisation occidentale aurait-el
391 fins dernières à quoi elle tend ? Quand le peuple d’ Israël oublie sa vocation et se détourne de l’Éternel son Dieu, il per
392 peuple d’Israël oublie sa vocation et se détourne de l’Éternel son Dieu, il perd aussi le sens des noms et bientôt sa lang
393 ux ! » s’écrie le prophète Osée. Quand les clercs de la Cour de Rome cessent d’être les dociles instruments de la vocation
394 rie le prophète Osée. Quand les clercs de la Cour de Rome cessent d’être les dociles instruments de la vocation catholique
395 Osée. Quand les clercs de la Cour de Rome cessent d’ être les dociles instruments de la vocation catholique, pour devenir d
396 ur de Rome cessent d’être les dociles instruments de la vocation catholique, pour devenir de raffinés rhéteurs, ils perden
397 struments de la vocation catholique, pour devenir de raffinés rhéteurs, ils perdent leur autorité et suscitent contre eux
398 s vienne à faiblir et que la mesure commune cesse d’ être effectivement perçue et observée, l’on assiste à la même dégradat
399 ’on assiste à la même dégradation des instruments de la culture : — d’une part les écrivains se mettent à raffiner l’expre
400 rivains se mettent à raffiner l’expression propre de chaque chose séparée, au détriment de l’expression générale, d’autre
401 nérale, d’autre part, la grande masse des usagers de la langue cesse d’exercer aucun contrôle sur son parler, qu’elle ne s
402 t, la grande masse des usagers de la langue cesse d’ exercer aucun contrôle sur son parler, qu’elle ne soumet plus à un but
403 s du peuple, et que la langue vulgaire s’encombre d’ équivoques, de confusions et de malentendus parfois tragiques : l’oubl
404 t que la langue vulgaire s’encombre d’équivoques, de confusions et de malentendus parfois tragiques : l’oubli des fins der
405 ulgaire s’encombre d’équivoques, de confusions et de malentendus parfois tragiques : l’oubli des fins dernières entraîne n
406 s fins dernières entraîne nécessairement la ruine de la communauté, par le seul fait qu’il ruine le langage. Cette absenc
407 seul fait qu’il ruine le langage. Cette absence d’ un principe communautaire vivant et puissant dans nos vies, c’est le d
408 rincipe communautaire vivant et puissant dans nos vies , c’est le drame de la civilisation, de la culture, de la cité moderne
409 vivant et puissant dans nos vies, c’est le drame de la civilisation, de la culture, de la cité modernes. Tous les hommes
410 dans nos vies, c’est le drame de la civilisation, de la culture, de la cité modernes. Tous les hommes de ce temps, s’ils o
411 c’est le drame de la civilisation, de la culture, de la cité modernes. Tous les hommes de ce temps, s’ils ont quelque cons
412 la culture, de la cité modernes. Tous les hommes de ce temps, s’ils ont quelque conscience, souffrent obscurément de leur
413 ils ont quelque conscience, souffrent obscurément de leur séparation. Ils sont ensemble et ils sont seuls. Ils sont pressé
414 omme fait à un homme, et qui engage quelque chose de son être, c’est l’amitié humaine qui se détruit. ⁂ Telle est l’inquié
415 lle, elle est d’abord cette inquiétude du cœur et de l’esprit qui naît de la mort des amitiés. Plus angoissante encore, el
416 cette inquiétude du cœur et de l’esprit qui naît de la mort des amitiés. Plus angoissante encore, elle règne innommée et
417 crifié, là où elle n’a pas même laissé les traces d’ une coutume ancestrale : dans les villes. Mais ce que l’homme ne fait
418 u’un s’en est aperçu. Quelqu’un a formé le projet de tromper cette faim et cette soif. Au païen ignorant du vrai Dieu, les
419 donnent des idoles faites à l’image des terreurs de l’homme. Dans le culte de ces images, le peuple croit trouver son uni
420 à l’image des terreurs de l’homme. Dans le culte de ces images, le peuple croit trouver son unité, et il y retrouve en ef
421 ité, et il y retrouve en effet le symbole agrandi d’ un désespoir qu’il sent vivre dans tous les cœurs. L’homme d’aujourd’h
422 oir qu’il sent vivre dans tous les cœurs. L’homme d’ aujourd’hui méprise les religions. Il sait ce qu’il faut penser des pr
423 ette génération sans but. On nous en donnera donc de nouveaux fabriqués à notre mesure, — et quelle misérable mesure ! « S
424 le et mécanique qui plie l’individu à des calculs de masses, à des disciplines extérieures, à des ambitions inhumaines. No
425 ts d’ordre. L’on peut penser que c’est une espèce de progrès sur l’âge des clichés bourgeois. Mais si les mots d’ordre son
426 esse matérielle ? Que vaut alors cette communauté de réflexes et d’obsession ? N’est-elle pas une somme de nos défaites in
427  ? Que vaut alors cette communauté de réflexes et d’ obsession ? N’est-elle pas une somme de nos défaites intimes, de nos d
428 éflexes et d’obsession ? N’est-elle pas une somme de nos défaites intimes, de nos dénis d’humanité, — le contraire absolu
429 N’est-elle pas une somme de nos défaites intimes, de nos dénis d’humanité, — le contraire absolu de la culture, si la cult
430 s une somme de nos défaites intimes, de nos dénis d’ humanité, — le contraire absolu de la culture, si la culture est juste
431 s, de nos dénis d’humanité, — le contraire absolu de la culture, si la culture est justement la part active que prend l’ho
432 création dans la nature, dans l’histoire, dans la vie de l’esprit ? 24. Extrait d’un ouvrage intitulé Penser avec les m
433 tion dans la nature, dans l’histoire, dans la vie de l’esprit ? 24. Extrait d’un ouvrage intitulé Penser avec les main
434 istoire, dans la vie de l’esprit ? 24. Extrait d’ un ouvrage intitulé Penser avec les mains , à paraître chez Albin Mic
435 hez Albin Michel. 25. Les injures et les marques de mépris hautain dont se gratinent les poètes, les essayistes et les po
436 nes, avec une fureur sans exemple dans l’histoire de la culture, trahissent en somme l’impuissance pratique de notre langu
437 lture, trahissent en somme l’impuissance pratique de notre langue. Si les mots « portaient » réellement, les écrivains ser
438 a Terreur qui règne en permanence dans les revues d’ avant-garde est le signe d’une rupture de contact, d’un impuissant dép
439 anence dans les revues d’avant-garde est le signe d’ une rupture de contact, d’un impuissant dépit, d’un profond pessimisme
440 s revues d’avant-garde est le signe d’une rupture de contact, d’un impuissant dépit, d’un profond pessimisme de la pensée
441 vant-garde est le signe d’une rupture de contact, d’ un impuissant dépit, d’un profond pessimisme de la pensée qui désespèr
442 d’une rupture de contact, d’un impuissant dépit, d’ un profond pessimisme de la pensée qui désespère d’atteindre et de mou
443 t, d’un impuissant dépit, d’un profond pessimisme de la pensée qui désespère d’atteindre et de mouvoir effectivement les h
444 ’un profond pessimisme de la pensée qui désespère d’ atteindre et de mouvoir effectivement les hommes. Cas de Nietzsche, de
445 simisme de la pensée qui désespère d’atteindre et de mouvoir effectivement les hommes. Cas de Nietzsche, des surréalistes,
446 indre et de mouvoir effectivement les hommes. Cas de Nietzsche, des surréalistes, etc. Ce sont des êtres isolés, qui crien
447 rement à ce qui se passe normalement dans les cas d’ homonymie ou de polysémie. Ainsi l’on ne risque pas de confondre le vo
448 se passe normalement dans les cas d’homonymie ou de polysémie. Ainsi l’on ne risque pas de confondre le vol à la tire et
449 monymie ou de polysémie. Ainsi l’on ne risque pas de confondre le vol à la tire et le vol plané dans la conversation coura
450 ts politiques ou électoraux abondent en confusion de cette espèce et s’en nourrissent. L’opération fameuse qui consiste à
451 nner les casseroles et les haricots est à la base de l’éloquence démagogique. e. Rougemont Denis de, « Décadence des lie
452 de l’éloquence démagogique. e. Rougemont Denis de , « Décadence des lieux communs », Cahiers du Sud, Marseille, décembre
4 1937, Articles divers (1936-1938). Changer la vie ou changer l’homme ? (1937)
453 Changer la vie ou changer l’homme ? (1937)u Variations du communisme Opposez
454 nisme Opposez les dogmes chrétiens aux axiomes de Marx et d’Engels, les communistes vous répondront, non sans apparence
455 posez les dogmes chrétiens aux axiomes de Marx et d’ Engels, les communistes vous répondront, non sans apparence d’à-propos
456 s communistes vous répondront, non sans apparence d’ à-propos, que l’opération les laisse indifférents : ils sont sur le pl
457 on les laisse indifférents : ils sont sur le plan de l’histoire, non des vérités éternelles. Placez-vous donc sur ce plan
458 aucun doute les plus honnêtes), que la dictature de Staline se rapproche des régimes fascistes. Essayez d’en conclure que
459 aline se rapproche des régimes fascistes. Essayez d’ en conclure que le communisme c’est cela, s’il se confond, comme on no
460 rejeté sur le plan doctrinal. Informez-vous alors de cette fameuse dialectique : vous apprendrez qu’elle fut inventée par
461 z qu’elle fut inventée par Hegel, qui eut le tort de la fonder sur l’Esprit, ce qui était proprement la poser sur la tête 
462 it proprement la poser sur la tête : que le génie de Marx l’a remise sur ses pieds en la fondant sur la matière économique
463 ir au niveau du réel ; que son but primitif était de détruire l’État au profit de l’homme concret, non sans avoir d’abord
464 n but primitif était de détruire l’État au profit de l’homme concret, non sans avoir d’abord renforcé cet État jusqu’à l’e
465 enfin cette dictature disparaîtra nécessairement, d’ elle-même, avec les derniers opposants. Vous pensiez être dans l’histo
466 ous demeurez sceptique : Staline, après vingt ans de pouvoir des Soviets, annonce une constitution qui renforce encore l’é
467 renforce encore l’étatisme, et ne parle même plus de sa suppression future. Au contraire, il fait fusiller ceux qui en par
468 n parlent. On vous répond que c’est une nécessité de la tactique, dûment prévue d’ailleurs par les dialecticiens. Alors, p
469 ’obéissance aveugle à Staline, dépositaire unique de la doctrine. Quitter le plan des vérités éternelles pour entrer dans
470 n des vérités éternelles pour entrer dans le plan de l’histoire, cela signifiait donc, précisément, renoncer à la vérité,
471 r à la vérité, et ne croire plus qu’à la tactique d’ un dictateur, lequel changera la vérité tous les six mois. Mais alors
472 changera la vérité tous les six mois. Mais alors de quoi donc parle-t-on lorsqu’on parle de communisme ? Où le prendre ?
473 ais alors de quoi donc parle-t-on lorsqu’on parle de communisme ? Où le prendre ? En quoi peut résider l’identité d’une do
474 ? Où le prendre ? En quoi peut résider l’identité d’ une doctrine qui prétend justifier théoriquement, à quelques années d’
475 rétend justifier théoriquement, à quelques années d’ intervalle, la démocratie des Soviets, puis la dictature de Staline ;
476 lle, la démocratie des Soviets, puis la dictature de Staline ; le pacifisme à tout prix des débuts et l’impérialisme actue
477 e contre l’État, et en même temps, le capitalisme d’ État de Lénine ; l’expropriation des patrons en 1918, puis la restaura
478 riation des patrons en 1918, puis la restauration de la propriété privée en 1933 ; la suppression de l’héritage puis son r
479 n de la propriété privée en 1933 ; la suppression de l’héritage puis son rétablissement ; l’antimilitarisme et la création
480 t ; l’antimilitarisme et la création enthousiaste d’ une armée abondamment pourvue de maréchaux ; l’égalité sociale absolue
481 tion enthousiaste d’une armée abondamment pourvue de maréchaux ; l’égalité sociale absolue puis la course aux salaires et
482 s la course aux salaires et aux grades ; la ruine de la famille puis sa réfection systématique ; la critique acerbe de la
483 is sa réfection systématique ; la critique acerbe de la SDN puis l’entrée dans cet organisme ? Tout cela peut s’expliquer,
484 gentes, et je n’ai pas à porter, ici, un jugement d’ allure politique. Mais ce qui est grave, c’est de voir tant d’intellec
485 d’allure politique. Mais ce qui est grave, c’est de voir tant d’intellectuels défendre ces manœuvres au nom de la doctrin
486 itique. Mais ce qui est grave, c’est de voir tant d’ intellectuels défendre ces manœuvres au nom de la doctrine, et les jus
487 airement, un simple opportunisme ? Que sert alors de discuter, de confronter ? « Rien ne sera juste à cette balance » (Pas
488 simple opportunisme ? Que sert alors de discuter, de confronter ? « Rien ne sera juste à cette balance » (Pascal). Je m’en
489 uste à cette balance » (Pascal). Je m’en voudrais d’ exploiter l’équivoque. Mais il fallait au moins rappeler son existence
490 dixièmes des adversaires du marxisme — et combien de marxistes eux-mêmes !) Si maintenant j’essaie de saisir l’identité fo
491 de marxistes eux-mêmes !) Si maintenant j’essaie de saisir l’identité foncière et la continuité de l’attitude communiste,
492 ie de saisir l’identité foncière et la continuité de l’attitude communiste, au travers des contradictions violentes de ses
493 mmuniste, au travers des contradictions violentes de ses témoignages successifs, je trouve tout de même, en fin de compte,
494 ompte, une grande volonté invariable : la volonté de changer le monde. Or une telle volonté ne saurait prendre son élan qu
495 ndre son élan que dans le sentiment insupportable d’ un défaut inhérent au monde. Connaître qu’il existe un mal universel,
496 plus tortueux, mettons les détours dialectiques, de l’action du parti communiste41. La « cause » justifie les moyens… Mai
497 te croit que la société présente n’a pas le droit de déterminer le tout de l’homme, et ne le peut pas. Car elle est divisé
498 é présente n’a pas le droit de déterminer le tout de l’homme, et ne le peut pas. Car elle est divisée contre elle-même, et
499 s. Car elle est divisée contre elle-même, et fait de l’homme qui s’abandonne à elle un être antinomique, « divisé », et co
500 être antinomique, « divisé », et comme « aliéné » de ce qu’il y a de plus humain en lui. À la découverte de « cette aliéna
501 qu’il y a de plus humain en lui. À la découverte de « cette aliénation de soi », qui selon Marx serait le fait de toutes
502 ain en lui. À la découverte de « cette aliénation de soi », qui selon Marx serait le fait de toutes les sociétés passées,
503 liénation de soi », qui selon Marx serait le fait de toutes les sociétés passées, y compris le communisme primitif, corres
504 t, dans le diagnostic chrétien, la reconnaissance d’ une corruption fondamentale, qui est le péché originel. Il s’ensuit qu
505 de et se « regagner totalement »43 qu’à la faveur d’ une économie44 radicalement renouvelée. Une réaction semblable — toujo
506 nc le chrétien et le marxiste contre toute espèce de statisme, contre toute spéculation idéaliste, détachée et inactuelle,
507 et contre toute activité qui ne concourrait pas, d’ une façon ou d’une autre, à transformer, à changer quelque chose, — à
508 e activité qui ne concourrait pas, d’une façon ou d’ une autre, à transformer, à changer quelque chose, — à lutter efficace
509 ntre le mal universel. Cette volonté fondamentale de transformation, je la trouve formulée et résumée, de part et d’autre,
510 transformation, je la trouve formulée et résumée, de part et d’autre, par deux propositions parfaitement claires qui, tout
511 ion, je la trouve formulée et résumée, de part et d’ autre, par deux propositions parfaitement claires qui, tout en affirma
512 qui, tout en affirmant avec vigueur la nécessité d’ un « changement », et d’un changement pratique, concret, visible, dive
513 avec vigueur la nécessité d’un « changement », et d’ un changement pratique, concret, visible, divergent cependant, d’une m
514 pratique, concret, visible, divergent cependant, d’ une manière significative, quant aux voies et moyens qu’elles préconis
515 voies et moyens qu’elles préconisent. La 2e thèse de Marx sur Feuerbach affirme : Les philosophes n’ont fait jusqu’ici qu
516 er diversement le monde ; or il s’agit maintenant de le transformer. Et l’apôtre Paul écrit dans sa Lettre aux Romains (1
517 ent, mais soyez transformés par le renouvellement de votre sens, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, c
518 s, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait. Dans les deux cas, il s’a
519 l s’agit du même mot : transformer ; et il s’agit de transformer en tant que l’on est proprement humain (c’est-à-dire en t
520 on fait la révolution, pour Marx). Il s’agit donc d’ action. Il s’agit d’attester soit la foi, par une réalisation des volo
521 n, pour Marx). Il s’agit donc d’action. Il s’agit d’ attester soit la foi, par une réalisation des volontés de Dieu, contra
522 ter soit la foi, par une réalisation des volontés de Dieu, contrariant celles du siècle, — soit la pensée, par une action4
523 re que révolutionnaire. Et cependant l’opposition de Marx et de l’apôtre éclate en ceci : que Paul veut transformer l’homm
524 lutionnaire. Et cependant l’opposition de Marx et de l’apôtre éclate en ceci : que Paul veut transformer l’homme d’abord —
525 d’abord, — et l’homme par lui. C’est sur le fait de cette opposition centrale qu’il importe d’être bien au clair, si l’on
526 e fait de cette opposition centrale qu’il importe d’ être bien au clair, si l’on veut comprendre pourquoi la pratique et le
527 les dérivent d’ailleurs obscurément, mais coupées de leurs liens éternels, abandonnées aux seules lois du Temps. De la
528 ternels, abandonnées aux seules lois du Temps. De la polémique antispiritualiste à la doctrine marxiste On ne répéte
529 répétera jamais assez que la doctrine originelle de Marx est avant tout la mise en forme d’une polémique. Elle est, très
530 riginelle de Marx est avant tout la mise en forme d’ une polémique. Elle est, très consciemment, conditionnée par la situat
531 très consciemment, conditionnée par la situation de l’Europe occidentale vers le milieu du xixe siècle, et par la volont
532 vers le milieu du xixe siècle, et par la volonté de la changer. En particulier, elle n’est « matérialiste », au sens vulg
533 sens vulgaire, que dans la mesure où la mentalité de l’époque peut être qualifiée — et se qualifie elle-même — de spiritua
534 peut être qualifiée — et se qualifie elle-même — de spiritualiste, au sens le plus contestable du terme. Quelle était, du
535 ituation qui se présentait à Marx ? C’était celle de la Restauration. Professeurs et bourgeois libéraux, grands patrons du
536 issant en Angleterre et en Allemagne, théologiens de l’école hégélienne, ou adversaires du christianisme, tous, dans un co
537 fait que le constater. Elle n’empêchait nullement de faire des affaires. Ni d’opprimer les ouvriers. Ni d’appeler justice,
538 e n’empêchait nullement de faire des affaires. Ni d’ opprimer les ouvriers. Ni d’appeler justice, au besoin, ce qui était u
539 aire des affaires. Ni d’opprimer les ouvriers. Ni d’ appeler justice, au besoin, ce qui était utile aux maîtres. La religio
540 s son temps à dénoncer l’erreur qui est à la base d’ une pareille imposture : il la sait trop profondément enracinée dans l
541 est la seule arme dont il disposerait sur le plan de l’« esprit », car il est incroyant. D’ailleurs, ce n’est pas l’« espr
542 ain. Il lui faudra donc recourir à un autre ordre d’ arguments : ceux que l’on dit « matérialistes ». Ce seront d’une part
543 d’autre part la « science » infaillible des lois de l’évolution économique, qu’il formule. Je résume et je simplifie ce p
544 étendent réformer « l’intérieur » se gardent bien de toucher à l’extérieur. Marx dira donc, contre eux, qu’il faut d’abord
545 songe spiritualiste, opposons l’argument frappant d’ un matérialisme polémique : nous l’appellerons matérialisme dialectiqu
546 ref qu’il n’est en somme qu’une tactique. Faisons de nécessité vertu. Proposons-nous de changer les choses et leurs rappor
547 tique. Faisons de nécessité vertu. Proposons-nous de changer les choses et leurs rapports, de changer « le monde », c’est-
548 ons-nous de changer les choses et leurs rapports, de changer « le monde », c’est-à-dire les rapports économiques et sociau
549 angerons l’homme. D’ailleurs, peut-être suffit-il de changer le cadre matériel pour que le contenu se transforme ? N’a-t-o
550 à son jeu polémique. Ce ne fut guère qu’à la fin de sa carrière que son ami Engels en découvrit le danger. « Marx et moi
551 t-il en 1890 — nous sommes peut-être responsables de ce que parfois nos disciples ont insisté plus qu’il ne convenait sur
552 sur les facteurs économiques. Nous étions forcés d’ insister sur leur caractère fondamental, par opposition à nos adversai
553 nous n’eûmes pas toujours le temps ni l’occasion de rendre justice aux autres facteurs. » De la doctrine marxiste à la
554 asion de rendre justice aux autres facteurs. » De la doctrine marxiste à la tactique stalinienne En effet, de ce « m
555 e marxiste à la tactique stalinienne En effet, de ce « mensonge » opportuniste qu’était le matérialisme polémique, prom
556 mique, promu par un glissement inévitable au rang de doctrine du parti, devait sortir la « vérité » tactique du matérialis
557 ire, celui que la presse bourgeoise a si beau jeu d’ attaquer aujourd’hui — encore qu’elle le pratique elle-même sans vergo
558 sans vergogne, tout en le niant pour les besoins de sa cause. Ce matérialisme vulgaire, que Marx avait tout d’abord comba
559 rès lui, un mensonge absolu exactement symétrique de celui des idéalistes : la croyance que si l’on change l’ordre des cho
560 e erreur non moins grave que celle des défenseurs de l’esprit pur : l’erreur qui porte l’homme à croire que la cause de to
561 l’erreur qui porte l’homme à croire que la cause de tous ses malheurs est dans les choses, et non dans lui. (Il n’en fut
562 mes — dont on a fait des résumés — qu’il a raison de croire cela. Bien plus, Marx vient lui démontrer que ceux qui prétend
563 , car l’argent distribué aux masses ne manque pas de créer du bonheur. Pour réussir, il faut une discipline. Pour la maint
564 , aux scrupuleux, libre au camarade Gide lui-même de s’indigner : il faut ce qu’il faut. L’étatisme dictatorial contredit
565 aut. L’étatisme dictatorial contredit la doctrine de Marx ? Qu’importe, puisque le but final est la richesse, mère du bonh
566 ulu le matérialisme vulgaire. Mais les nécessités de la polémique d’une part, — et sa définition de l’homme concret, purem
567 és de la polémique d’une part, — et sa définition de l’homme concret, purement social, d’autre part, l’ont amené à mettre
568 ienne devant le « monde » On parle avec raison de « doctrine » marxiste, d’« idéologie », de « tactique » communistes.
569 On parle avec raison de « doctrine » marxiste, d’ « idéologie », de « tactique » communistes. Mais ce serait introduire
570 raison de « doctrine » marxiste, d’« idéologie », de « tactique » communistes. Mais ce serait introduire une confusion irr
571 serait introduire une confusion irrémédiable que de parler dans le même sens d’une « doctrine » du christianisme. Le chré
572 sion irrémédiable que de parler dans le même sens d’ une « doctrine » du christianisme. Le chrétien, et surtout le protesta
573 s dogmes théologiques puissent figurer la théorie d’ une pratique49. Le christianisme n’est pas un programme ; ni, comme le
574 ; ni une tactique, cela va de soi. Parlons plutôt d’ une attitude. Et d’une attitude totale. (Je dirais bien totalitaire, s
575 cela va de soi. Parlons plutôt d’une attitude. Et d’ une attitude totale. (Je dirais bien totalitaire, si le mot n’avait ét
576 eillement perverti par les caricatures séculières de la révolution chrétienne.) La vie et la pensée chrétiennes, en effet,
577 tures séculières de la révolution chrétienne.) La vie et la pensée chrétiennes, en effet, se réfèrent à chaque instant à ce
578 èrent à chaque instant à ce qui détermine le tout de l’homme : son origine, sa fin, et sa mission présente. Le chrétien sa
579 t de Dieu, le Créateur ; qu’il va vers le Royaume de Dieu, le Réconciliateur ; et qu’il a pour mission actuelle d’obéir à
580 Réconciliateur ; et qu’il a pour mission actuelle d’ obéir à une Parole qui est Jésus-Christ, le Médiateur. Mais cette Paro
581 l méconnaît, ne sont que les reflets énigmatiques de cet événement primordial — ses succédanés temporels, en dérive vers l
582 s qu’à attendre, et à subir en gémissant les lois d’ un monde qu’il condamne ! Car alors, où serait son refus ? Et quelle p
583 serait son refus ? Et quelle preuve aurions-nous de sa transformation ? Une mauvaise humeur résignée ? Une simple réticen
584 leur aveuglement quant au devoir, et au pouvoir, de l’homme transformé par la foi. L’homme nouveau, selon l’Évangile, est
585 veau, selon l’Évangile, est un homme qui a changé de sens. Il est orienté autrement, comme l’indique le mot conversion. Ob
586 se, il reconnaît du même coup l’origine et le but de sa vie : il connaît dès lors son péché, tout ce qui l’écartait de sa
587 reconnaît du même coup l’origine et le but de sa vie  : il connaît dès lors son péché, tout ce qui l’écartait de sa voie. M
588 onnaît dès lors son péché, tout ce qui l’écartait de sa voie. Mais il se connaît du même coup responsable à l’endroit du m
589 faute. Ainsi : conscience du péché, connaissance de la fin et de l’origine, obligation d’agir pour racheter le mal commis
590  : conscience du péché, connaissance de la fin et de l’origine, obligation d’agir pour racheter le mal commis, sont trois
591 onnaissance de la fin et de l’origine, obligation d’ agir pour racheter le mal commis, sont trois moments indivisibles de l
592 er le mal commis, sont trois moments indivisibles de la « transformation » dont parle Paul. L’un n’est pas concevable, sér
593 sement, sans l’autre. « Toute droite connaissance de Dieu naît de l’obéissance », écrit Calvin. Et que serait une obéissan
594 l’autre. « Toute droite connaissance de Dieu naît de l’obéissance », écrit Calvin. Et que serait une obéissance qui ne se
595 as ? La transformation personnelle, au sens total de l’Évangile, ne peut donc se traduire, si elle s’est faite, que par un
596 t pas converti — mais encore toute transformation de la forme actuelle des choses, qui ne serait pas l’effet d’une convers
597 me actuelle des choses, qui ne serait pas l’effet d’ une conversion des hommes, ne doit être aux yeux du chrétien, qu’une r
598 ’Évangile est formel : « Que servirait à un homme de gagner le monde, s’il perdait son âme ? » Son âme, c’est-à-dire la co
599 t son âme ? » Son âme, c’est-à-dire la conscience de son origine et de sa fin, du sens même de son action, de sa pensée, d
600 âme, c’est-à-dire la conscience de son origine et de sa fin, du sens même de son action, de sa pensée, de sa vie corporell
601 science de son origine et de sa fin, du sens même de son action, de sa pensée, de sa vie corporelle ! Précisons, car nous
602 origine et de sa fin, du sens même de son action, de sa pensée, de sa vie corporelle ! Précisons, car nous ne parlons pas
603 sa fin, du sens même de son action, de sa pensée, de sa vie corporelle ! Précisons, car nous ne parlons pas de vérités « p
604 , du sens même de son action, de sa pensée, de sa vie corporelle ! Précisons, car nous ne parlons pas de vérités « purement
605 e corporelle ! Précisons, car nous ne parlons pas de vérités « purement théologiques » comme le dirait un incroyant. Que s
606 servirait à l’homme, tel que le voit le chrétien, de sauver sa vie matérielle et morale, d’échapper à la guerre, à la misè
607 ’homme, tel que le voit le chrétien, de sauver sa vie matérielle et morale, d’échapper à la guerre, à la misère, à l’oppres
608 chrétien, de sauver sa vie matérielle et morale, d’ échapper à la guerre, à la misère, à l’oppression, s’il ignore ou refu
609 les guerres se déchaîner, et les chômeurs mourir de faim ? Ce serait prouver qu’on n’est pas converti. J’agirai donc, tou
610 stes Telle étant donc la conception chrétienne de l’homme, seul responsable du mal qui est dans le monde, on comprendra
611 i apparaisse nécessairement borné. Je me servirai d’ une image. L’enfant qui rate son coup, ou qui se heurte contre un meub
612 es à s’entendre et à vivre heureux ? « Changer la vie  », criait l’enfant Rimbaud ! Et les intellectuels de gauche reprennen
613 », criait l’enfant Rimbaud ! Et les intellectuels de gauche reprennent aujourd’hui cette devise, pour l’opposer au « spiri
614 leur ôte toute liberté, et bientôt leur ôtera la vie  ! Ne faut-il pas « aller au plus pressé », sauver d’abord sa peau, re
615 ti chrétien » eût triomphé, rien ne l’eût empêché de subir le sort fatal des révoltes politiques : il eût revêtu les forme
616 temps plus paisibles l’évangélisation — sa raison d’ être — il se fût consacré aux tâches plus urgentes : donner du pain et
617 nouvelle, absolument nouvelle, venant d’ailleurs, d’ au-delà de ce monde, de leur transformation en Christ, venu au monde.
618 absolument nouvelle, venant d’ailleurs, d’au-delà de ce monde, de leur transformation en Christ, venu au monde. Il n’annon
619 uvelle, venant d’ailleurs, d’au-delà de ce monde, de leur transformation en Christ, venu au monde. Il n’annonçait pas un f
620 ement salutaire, au nom d’une Personne vivante et de son amour éternel. Il annonçait l’homme changé. Trop beau tout cela !
621 ne foi que ma raison refuse, et qu’elle m’ordonne d’ ignorer. Je ne vois pas les effets d’une telle foi dans l’histoire de
622 le m’ordonne d’ignorer. Je ne vois pas les effets d’ une telle foi dans l’histoire de notre Occident52. Si je n’ai pas votr
623 is pas les effets d’une telle foi dans l’histoire de notre Occident52. Si je n’ai pas votre foi, je ne les vois pas. Je vo
624 êchant la résignation. C’est vraiment trop facile de se mettre en règle avec sa mauvaise conscience, en prétextant que l’i
625 nt que l’intérieur importe seul, et que le « pain de vie » suffit à nourrir l’homme ! Peut-être suffit-il à vous nourrir,
626 que l’intérieur importe seul, et que le « pain de vie  » suffit à nourrir l’homme ! Peut-être suffit-il à vous nourrir, pers
627 ovoqué parmi les « exploités » un tel soulèvement d’ espérances, de telles vagues d’adhésions enthousiastes, si aveuglement
628 es « exploités » un tel soulèvement d’espérances, de telles vagues d’adhésions enthousiastes, si aveuglement enthousiastes
629 un tel soulèvement d’espérances, de telles vagues d’ adhésions enthousiastes, si aveuglement enthousiastes, c’est qu’il s’e
630 xistence, tout le malheur dont en vérité le péché de chacun est responsable. L’observation est juste ; elle est insuffisan
631 ’est sa volonté proclamée, concrète et immédiate, de changer tout ; et non pas seulement l’« esprit » ou l’« intérieur ».
632 aine n’a plus été prêchée au monde avec une force d’ attaque assez gênante et bouleversante. C’est que l’« esprit » qui dev
633 s conformismes, ou du moins n’a pas su, par excès de prudence, empêcher que les foules le considèrent comme tel. Les chrét
634 chrétiens sont bien plus responsables des succès de Marx auprès des foules, que le marxisme n’est responsable du déclin d
635 conscience plus fidèle, partant plus douloureuse de ce fait, je crois qu’ils éviteraient d’attaquer le marxisme dans les
636 uloureuse de ce fait, je crois qu’ils éviteraient d’ attaquer le marxisme dans les mêmes termes que la réaction. Mais ceci
637 ntenu, il reste qu’en doctrine, et indépendamment de toutes nos fautes, l’objection marxiste ne vaut rien, alors que l’obj
638 enne est imparable. Quand un marxiste me reproche de me contenter d’un changement tout spirituel, et qui n’affecte en rien
639 le. Quand un marxiste me reproche de me contenter d’ un changement tout spirituel, et qui n’affecte en rien le cours des ch
640 sse à mon hypocrisie, à ma lâcheté, à mon absence de foi, mais non pas du tout à la foi. Car la foi, dit Luther, est ‟une
641 changent. Ce que tu me reproches, c’est, en fait, de n’être pas assez chrétien ! Tu m’incites donc à le devenir davantage,
642 eligion. Ton athéisme devient prédication ! Drôle d’ aventure, pour un dialecticien ! Si tu dis que le chrétien est celui q
643 ntiel du marxisme, je le répète, c’est sa volonté de changer le monde, le monde d’abord, et non pas l’homme d’abord, et le
644 l’excès du matérialisme, non point par la malice de Staline, mais par l’effet des conditions physiques et spirituelles de
645 l’effet des conditions physiques et spirituelles de l’homme en ce qu’elles ont d’irréductibles à toute détermination soci
646 ues et spirituelles de l’homme en ce qu’elles ont d’ irréductibles à toute détermination sociale ou historique imaginable,
647 ir53. Le problème des fins dernières : Royaume de Dieu ou paradis terrestre ? Nous arrivons maintenant, toute équivo
648 le problème se posait avec urgence, aux environs de 1933, de réunir dans un même enthousiasme, « les deux Karl », c’est-à
649 ème se posait avec urgence, aux environs de 1933, de réunir dans un même enthousiasme, « les deux Karl », c’est-à-dire Bar
650 ue proprement théologique se révèle seule capable de marquer les limites existant en fait, et les distinctions décisives.
651 ique du communisme n’est justiciable, en soi, que d’ une critique politique, économique, historique, etc.55 Et je ne vois p
652 nique. Mais ce qui tombe directement sous le coup de la seule critique théologique, ce sont les buts derniers du communism
653 es postulats qu’il suppose. Qu’on me permette ici d’ être un peu schématique pour plus de clarté. Il me paraît que l’opposi
654 permette ici d’être un peu schématique pour plus de clarté. Il me paraît que l’opposition finale entre la croyance marxis
655 prépare un paradis terrestre, le paradis temporel de l’homme ; le christianisme prépare un Royaume éternel, qui sera celui
656 anisme prépare un Royaume éternel, qui sera celui de Dieu, non de la Terre. Tous deux sont eschatologiques, en ce sens qu’
657 e un Royaume éternel, qui sera celui de Dieu, non de la Terre. Tous deux sont eschatologiques, en ce sens qu’ils rapporten
658 à un terme futur et total, accessible au travers d’ une longue tribulation, d’une longue passion temporelle. Et c’est la «
659 , accessible au travers d’une longue tribulation, d’ une longue passion temporelle. Et c’est la « foi », substance des chos
660 , substance des choses espérées, qui permet seule de supporter les maux que l’on endure au nom du but dernier. (Le chrétie
661 te sur son bûcher, le komsomol accepte un salaire de famine s’il faut cela pour sauver l’URSS.) Mais l’eschaton chrétien e
662 ver l’URSS.) Mais l’eschaton chrétien est au-delà de ce temps, est éternel, et par là même peut être immédiatement présent
663 xister hic et nunc. Comment l’opposition radicale de ces deux fins, la temporelle et l’éternelle, va-t-elle maintenant se
664 nt se manifester dans notre siècle ? Le phénomène de la « conversion » le fait bien voir. Un homme qui se convertit au chr
665 au-dedans de lui. Cet homme n’est plus le maître de sa vie. Il est l’agent d’une vocation venue d’ailleurs, mais pour lui
666 dans de lui. Cet homme n’est plus le maître de sa vie . Il est l’agent d’une vocation venue d’ailleurs, mais pour lui seul e
667 me n’est plus le maître de sa vie. Il est l’agent d’ une vocation venue d’ailleurs, mais pour lui seul et ici-bas, et qui a
668 elle porte témoignage en faveur du fait accompli d’ une révolution humaine. Le chrétien converti commence donc par la fin
669 ossède déjà l’essentiel, que Marx voyait au terme de l’histoire : la personne. Et alors, il attaque le monde ! Mais un hom
670 est pas accompli, l’histoire n’ayant jamais connu de réalisation de communisme. Ainsi, des deux, c’est le marxiste qui est
671 i, l’histoire n’ayant jamais connu de réalisation de communisme. Ainsi, des deux, c’est le marxiste qui est l’utopiste ; e
672 ée, me montre dès maintenant un peu de la réalité de mes espérances. » Mais l’espérance finale du communisme, c’est la lib
673 pérance finale du communisme, c’est la libération de l’homme. Et moi je lui montre un homme libéré, tandis qu’il ne peut m
674 me montrer que quelques conditions préliminaires d’ une libération toujours future. Je marquerai encore une autre différen
675 ar là même, il se voit contraint à chaque instant de transformer autour de lui ce qui s’oppose à son bien souverain. S’il
676 rain. S’il est chrétien, il sait qu’il est membre d’ un corps qui porte toutes les marques du péché. Il est alors en face d
677 hé. Il est alors en face du monde, et au nom même de sa foi, dans la posture d’un révolutionnaire permanent. Non seulement
678 monde, et au nom même de sa foi, dans la posture d’ un révolutionnaire permanent. Non seulement il se voit contraint de ve
679 ire permanent. Non seulement il se voit contraint de venir en aide à son prochain, mais encore rien ne peut le satisfaire
680 prochain, mais encore rien ne peut le satisfaire de ce qu’il obtient, par cet effort, s’il compare ce mieux-être relatif
681 reçu en Christ. Il possède en lui-même la mesure d’ une perpétuelle transformation, nécessaire dans tous les domaines où s
682 ices présentes, du fait qu’il croit que l’intérêt de l’homme est seul en jeu — et de l’homme tel qu’il le conçoit, être so
683 oit que l’intérêt de l’homme est seul en jeu — et de l’homme tel qu’il le conçoit, être social — se verra fatalement neutr
684 t entre les intérêts sociaux présents et le désir d’ aller au-delà, d’aller jusqu’à l’accomplissement final. Car cet accomp
685 êts sociaux présents et le désir d’aller au-delà, d’ aller jusqu’à l’accomplissement final. Car cet accomplissement, ou plé
686 déviations dites « réformistes » ou « étatistes » de la révolution matérialiste. Pour qu’une telle pesanteur ne gagne pas
687 et en 1917), il faudrait que l’homme soit délivré de son péché, « changé », sorti du plan, précisément, où le marxisme le
688 écisément, où le marxisme le maintient. Moyens d’ action du chrétien et du marxiste Préparer le royaume de l’homme, o
689 du chrétien et du marxiste Préparer le royaume de l’homme, ou témoigner par des actes visibles en faveur du retour d’un
690 oigner par des actes visibles en faveur du retour d’ un Royaume déjà réalisé en Christ, cela suppose identiquement une volo
691 en Christ, cela suppose identiquement une volonté de changer tout ce qui peut l’être ; mais aussi, cela suppose certains m
692 l’être ; mais aussi, cela suppose certains moyens d’ action qui ne sauraient être les mêmes dans les deux cas, si la fin se
693 seule justifie les moyens58. La fin, ou le télos de l’action du chrétien, c’est le royaume de justice et d’amour. Tout ac
694 e télos de l’action du chrétien, c’est le royaume de justice et d’amour. Tout acte qui contredirait, dans le présent, la l
695 ction du chrétien, c’est le royaume de justice et d’ amour. Tout acte qui contredirait, dans le présent, la loi d’amour et
696 ut acte qui contredirait, dans le présent, la loi d’ amour et de justice, même s’il était commis au nom des intérêts de l’É
697 contredirait, dans le présent, la loi d’amour et de justice, même s’il était commis au nom des intérêts de l’Église chrét
698 stice, même s’il était commis au nom des intérêts de l’Église chrétienne, détruirait en fait cette Église en tant qu’elle
699 fait cette Église en tant qu’elle vit dans chacun de ses membres, et non pas dans un ciel abstrait. Car le gage de l’actio
700 es, et non pas dans un ciel abstrait. Car le gage de l’action chrétienne n’est pas futur, mais éternel et donc présent. Si
701 éternel et donc présent. Si, pour sauver le futur de l’Église, je désobéis dans le présent, je perds tout du même coup, pr
702 st et je m’oppose à son retour. Il n’est donc pas d’ « opportunisme » chrétien qui tienne, et tous les moyens du chrétien d
703 est le cas du marxiste. N’ayant pas derrière lui de modèle accompli, ni en lui de Présence souveraine, il se sent libre d
704 nt pas derrière lui de modèle accompli, ni en lui de Présence souveraine, il se sent libre d’appliquer les moyens qu’il ju
705 i en lui de Présence souveraine, il se sent libre d’ appliquer les moyens qu’il juge adéquats aux intérêts momentanés de so
706 oyens qu’il juge adéquats aux intérêts momentanés de son Parti et de sa classe. Ainsi Staline peut justifier en bonne doct
707 adéquats aux intérêts momentanés de son Parti et de sa classe. Ainsi Staline peut justifier en bonne doctrine « dialectiq
708 ialectique » ses négations actuelles du but final de Marx. Il légitime son étatisme totalitaire en arguant que c’est le se
709 me totalitaire en arguant que c’est le seul moyen d’ accéder à un stade économique plus favorable au développement du socia
710 la vraie volonté du marxisme, plutôt qu’un reste d’ humanisme libéral. Le fait est que la grosse majorité des communistes
711 la grosse majorité des communistes suit Staline. D’ où il résulte à l’évidence que pour la grosse majorité des communistes
712 ’oppression, l’hypocrisie suprême nommée « raison d’ État », et jusqu’à la guerre s’il le faut, sont des moyens parfaitemen
713 te » personnelle et actuelle, puisqu’il n’y a pas de salut présent ni éternel, puisque le salut n’est pas pour eux de tout
714 t ni éternel, puisque le salut n’est pas pour eux de toute façon, mais pour les descendants de leurs descendants ? C’est a
715 our eux de toute façon, mais pour les descendants de leurs descendants ? C’est ainsi qu’on a vu Zinoviev, par « fidélité »
716 Imaginez maintenant qu’un vrai chrétien juge bon de s’inscrire au parti communiste ou de militer en sa faveur : l’alterna
717 ien juge bon de s’inscrire au parti communiste ou de militer en sa faveur : l’alternative où il se place est sans issue. C
718 ans issue. Car ou bien il accepte les disciplines d’ action que lui impose son parti, et qui comportent la haine et le mens
719 ais alors pour sauver le monde, il perd sa raison d’ être personnelle, et renie justement cette foi qu’il croyait mieux ser
720 ieux servir dans le communisme ; ou bien il tâche de n’agir qu’en chrétien ; mais alors il devient un opposant, un « trotz
721 a fin dernière du chrétien est présente en chacun de ses actes, ou bien n’est pas ; tandis que la fin dernière du marxiste
722 ’on voit qu’en dépit du langage, la transcendance de la foi chrétienne se manifeste ici et maintenant et engage le tout de
723 se manifeste ici et maintenant et engage le tout de l’homme ; tandis que l’immanence de la croyance marxiste renvoie sans
724 ngage le tout de l’homme ; tandis que l’immanence de la croyance marxiste renvoie sans cesse le fait humain total dans un
725 indéfini, et n’engage que certaines dispositions de l’être, celles-là précisément que l’avenir socialiste, la société san
726 le chrétien sait que le bien naît du parfait. D’ une conséquence politique de la foi Je m’adresserai maintenant aux
727 n naît du parfait. D’une conséquence politique de la foi Je m’adresserai maintenant aux chrétiens déclarés. J’en voi
728 vois beaucoup qui estiment que la transformation de l’homme importe seule, puisqu’elle est, en effet, l’essentiel, et le
729 puisqu’elle est, en effet, l’essentiel, et le but de tout autre changement. J’en vois beaucoup qui jugent que l’action per
730 vois beaucoup qui jugent que l’action personnelle de charité et de sacrifice, pour le mieux-être du prochain, suffit à com
731 qui jugent que l’action personnelle de charité et de sacrifice, pour le mieux-être du prochain, suffit à compléter, si je
732 des risques financiers, et même parfois l’abandon de tous biens et d’intérêts humains très chers. Mais je demande à ces ch
733 ciers, et même parfois l’abandon de tous biens et d’ intérêts humains très chers. Mais je demande à ces chrétiens « changés
734 isme le plus « activiste ». Pourquoi refusent-ils de s’occuper de politique ? Comment se fait-il qu’un grand nombre d’entr
735 « activiste ». Pourquoi refusent-ils de s’occuper de politique ? Comment se fait-il qu’un grand nombre d’entre eux s’en dé
736 nt : « On ne peut pas tout faire ! Quand beaucoup d’ hommes seront changés, beaucoup de problèmes se poseront autrement… »
737 ations toutes théoriques : elle doit nous avertir de corriger sans trêve la déviation spiritualiste qui menace notre vie c
738 trêve la déviation spiritualiste qui menace notre vie chrétienne, et qui est la cause certaine des succès du marxisme. Tant
739 ue leur foi doit se manifester sur tous les plans de l’activité humaine, y compris le plan politique, ils ne répondront pa
740 olitique chrétienne, déduite une fois pour toutes de la théologie. Mais je crois que le christianisme, aussitôt qu’il se m
741 intime, à la création d’autres formes. Il importe de savoir lesquelles, et de les préparer consciemment. Sinon nous laisse
742 utres formes. Il importe de savoir lesquelles, et de les préparer consciemment. Sinon nous laisserons le champ libre à tou
743 ntes. Il se pose là, me semble-t-il, une question de solidarité, qui est une forme de la charité. Parfois aussi le devoir
744 il, une question de solidarité, qui est une forme de la charité. Parfois aussi le devoir chrétien peut apparaître plus his
745 fasciste ou soviétique : c’est la « mise au pas » de nos vies et de tous les aspects de nos vies, tant spirituels que maté
746 e ou soviétique : c’est la « mise au pas » de nos vies et de tous les aspects de nos vies, tant spirituels que matériels, au
747 iétique : c’est la « mise au pas » de nos vies et de tous les aspects de nos vies, tant spirituels que matériels, au servi
748  mise au pas » de nos vies et de tous les aspects de nos vies, tant spirituels que matériels, au service de l’État déifié.
749 u pas » de nos vies et de tous les aspects de nos vies , tant spirituels que matériels, au service de l’État déifié. Cette si
750 s vies, tant spirituels que matériels, au service de l’État déifié. Cette situation n’est pas sans rappeler celle de l’Emp
751 ié. Cette situation n’est pas sans rappeler celle de l’Empire romain au premier âge du christianisme, telle que nous l’évo
752 p bien organisées). On parle, à tort ou à raison, d’ États chrétiens, ou de nations, de forces, de civilisation chrétiennes
753 parle, à tort ou à raison, d’États chrétiens, ou de nations, de forces, de civilisation chrétiennes. Tout cela se trouve
754 rt ou à raison, d’États chrétiens, ou de nations, de forces, de civilisation chrétiennes. Tout cela se trouve mis au défi
755 son, d’États chrétiens, ou de nations, de forces, de civilisation chrétiennes. Tout cela se trouve mis au défi par l’exige
756 xigence totalitaire, comme le prouve le spectacle de l’Allemagne. L’État nouveau veut qu’on l’adore, sinon déjà dans des f
757 sent aux commandements du Décalogue, et au devoir d’ amour chrétien. Le conflit est inévitable. Suffira-t-il dès lors de se
758 Le conflit est inévitable. Suffira-t-il dès lors de se laisser persécuter ? N’avons-nous rien à faire qu’à subir le marty
759 Ou qu’à revêtir vis-à-vis de l’État une attitude d’ objecteurs de conscience ? N’avons-nous rien que nous-mêmes à sauver,
760 tir vis-à-vis de l’État une attitude d’objecteurs de conscience ? N’avons-nous rien que nous-mêmes à sauver, alors que nos
761 précise : un calviniste, doit être ici en mesure de répondre. De toutes les églises chrétiennes, l’église calviniste est
762 calviniste, doit être ici en mesure de répondre. De toutes les églises chrétiennes, l’église calviniste est en effet la p
763 elle qu’en passant les dragonnades et les guerres de religion qui les précèdent : on sait assez que ce fut la lutte d’une
764 les précèdent : on sait assez que ce fut la lutte d’ une royauté déjà « totalitaire » contre des groupes, loyalistes il est
765 certaine mise au pas. Il serait peut-être abusif de déduire d’une situation déterminée par la persécution brutale, que le
766 ise au pas. Il serait peut-être abusif de déduire d’ une situation déterminée par la persécution brutale, que les églises c
767 Mais si nous remontons plus haut, jusqu’au règne de François Ier, c’est-à-dire jusqu’à une époque où la passion totalitai
768 nsciemment fédérative61. Or il ne s’agit plus ici de contingences historiques. C’est le fond même de la doctrine calvinist
769 i de contingences historiques. C’est le fond même de la doctrine calviniste qui s’exprime par cette structure. L’importanc
770 ure. L’importance attachée par Calvin à la notion de vocation personnelle suffit à expliquer ce processus. À une éthique c
771 spond nécessairement une organisation fédéraliste de l’Église, et même de l’État. Calvin n’a pas fondé, comme le répètent
772 une organisation fédéraliste de l’Église, et même de l’État. Calvin n’a pas fondé, comme le répètent tous les manuels, une
773 , une société théocratique, mais bien une société de type fédératif, respectant les diversités, voulues par Dieu, dans l’u
774 par Dieu, dans l’unité spirituelle. Et les suites de cette création sont encore visibles aujourd’hui : nulle part l’esprit
775 nulle part l’esprit totalitaire n’a trouvé moins de complicité et plus de résistance déclarée que dans les pays calvinist
776 otalitaire n’a trouvé moins de complicité et plus de résistance déclarée que dans les pays calvinistes, où la notion de l’
777 larée que dans les pays calvinistes, où la notion de l’autonomie des groupes reste vivace (Angleterre, Écosse, Suisse, Hol
778 gne, la lutte des églises contre l’emprise morale de l’État fut menée, on le sait, par Karl Barth : c’est-à-dire par un ca
779 viniste… Je ne voudrais pas restreindre la portée de ce fait en l’opposant, comme il serait facile, à l’esprit unitaire et
780 l’esprit unitaire et impérial qui anime l’Église de Rome. Le grand souci d’œcuménisme, que nous voyons gagner toutes les
781 périal qui anime l’Église de Rome. Le grand souci d’ œcuménisme, que nous voyons gagner toutes les églises, est une promess
782 s, est une promesse à laquelle nous devons croire de toute la force de notre foi. Aussi ne veux-je tirer de mon exemple qu
783 e à laquelle nous devons croire de toute la force de notre foi. Aussi ne veux-je tirer de mon exemple qu’une conclusion qu
784 ute la force de notre foi. Aussi ne veux-je tirer de mon exemple qu’une conclusion que je crois valable pour tout chrétien
785 ue église qu’il appartienne. Nous avons tous reçu de Dieu un appel strictement personnel, un « charisme » dont nous sommes
786 les. Nous ne pouvons donc pas approuver une forme d’ État qui, par définition, contredit toute diversité, toute autonomie s
787 mie spirituelle au sein de la communauté. Il y va de notre tout, personnel, mais aussi de la valeur de la communauté pour
788 uté. Il y va de notre tout, personnel, mais aussi de la valeur de la communauté pour tous les hommes qui la composent. Ne
789 de notre tout, personnel, mais aussi de la valeur de la communauté pour tous les hommes qui la composent. Ne fût-ce que po
790 Elle entraîne beaucoup de braves gens au service d’ une cause présentée comme une valeur de pères de famille. C’est en vér
791 au service d’une cause présentée comme une valeur de pères de famille. C’est en vérité la croisade du matérialisme hypocri
792 e d’une cause présentée comme une valeur de pères de famille. C’est en vérité la croisade du matérialisme hypocrite contre
793 mes contre leur frère, le stalinisme : une guerre de religions qui ne sont pas les nôtres. Je prends ici parti contre une
794 uniste. On nous donne à choisir entre deux sortes de matérialisme. Mais le communisme, au moins, voulait changer le monde…
795 anger le monde… Contre les arguments démagogiques de nos croisés, je répète, après Berdiaev, après Gide : la « vérité » du
796 après Gide : la « vérité » du communisme résulte de la trahison du christianisme par la chrétienté. Toutes les aspiration
797 ns valables et généreuses du marxisme sont autant d’ essais de sauvetage de vérités chrétiennes égarées, déformées, ou « mi
798 es et généreuses du marxisme sont autant d’essais de sauvetage de vérités chrétiennes égarées, déformées, ou « mises sous
799 ses du marxisme sont autant d’essais de sauvetage de vérités chrétiennes égarées, déformées, ou « mises sous le boisseau p
800 boisseau par les chrétiens ». Cela est vrai même de l’aspiration totalitaire, qui est monstrueuse dans ses formes actuell
801 ais qui traduit encore, obscurément, l’aspiration d’ un Occident jadis chrétien, vers une économie sauvée : le Royaume où D
802 ses chrétiennes ont à souffrir demain par le fait d’ un État tyrannique, il faut qu’elles sachent qu’elles en sont responsa
803 i nos libertés civiques sont brimées, par le fait d’ une doctrine et d’un État « matérialistes », il faut savoir que nous e
804 iques sont brimées, par le fait d’une doctrine et d’ un État « matérialistes », il faut savoir que nous en sommes les respo
805 e. Tout le mal vient de notre esprit. C’est à lui de faire pénitence, car c’était lui qui devait témoigner de sa primauté
806 e pénitence, car c’était lui qui devait témoigner de sa primauté salutaire. Mais il faut aussi repartir. La tragédie de Ma
807 lutaire. Mais il faut aussi repartir. La tragédie de Marx et du marxisme, c’est de n’avoir pas su, ou pas pu opposer au me
808 partir. La tragédie de Marx et du marxisme, c’est de n’avoir pas su, ou pas pu opposer au mensonge spiritualiste, la vérit
809 ns pas à nous dresser contre la « vérité » déviée de Marx, contre une vérité orpheline, coupée des liens vivants qui l’att
810  ! », disait l’Apôtre. Malheur à moi si je refuse de réaliser l’Évangile dans tous les domaines de la vie. La seule lutte
811 use de réaliser l’Évangile dans tous les domaines de la vie. La seule lutte efficace contre le matérialisme, c’est la lutt
812 réaliser l’Évangile dans tous les domaines de la vie . La seule lutte efficace contre le matérialisme, c’est la lutte qu’il
813 ui supprimera la réalité présente. Les conditions de ce mouvement sont données par cette situation » (Marx, Deutsche Ideol
814 » (Rom., 12, 5). D’autre part, Marx n’a pas cessé de critiquer l’« individu isolé et abstrait » (Thèses sur Feuerbach). 4
815 ait » (Thèses sur Feuerbach). 43. Marx, Critique de la philosophie hégélienne du droit. 44. Au sens le plus large du ter
816 t désigner aussi bien la « société sans classes » de Marx, que le « Royaume de Dieu » chrétien. 45. « Dans la pratique, l
817  société sans classes » de Marx, que le « Royaume de Dieu » chrétien. 45. « Dans la pratique, l’homme doit prouver la vér
818  Dans la pratique, l’homme doit prouver la vérité de sa pensée, c’est-à-dire sa réalité et sa puissance concrète. Réalité
819 réalité et sa puissance concrète. Réalité ou non de la pensée humaine isolée du domaine pratique, c’est querelle de pure
820 umaine isolée du domaine pratique, c’est querelle de pure scolastique » (Marx, 2e thèse sur Feuerbach). De même pour le ch
821 s dit autre chose, contrairement aux affirmations de polémistes ignorants, ou qui jouent sur les deux sens du mot œuvres (
822 et action concrète). 46. Je parle, bien entendu, de la religion telle que Marx la voyait, telle qu’elle lui apparaissait
823 que a vu le grand réveil piétiste. 47. « L’armée de la critique ne peut évidemment remplacer la critique des armes » (Mar
824 remplacer la critique des armes » (Marx, Critique de le philosophie hégélienne). Il faut en user, certes, mais elle ne suf
825 e ne serait pas « dialectique ». « La coïncidence de la modification des circonstances et de la modification de l’activité
826 ïncidence de la modification des circonstances et de la modification de l’activité humaine, ou transformation personnelle,
827 ification des circonstances et de la modification de l’activité humaine, ou transformation personnelle, ne peut être ratio
828 me ! Mais combien oubliée par le communiste moyen de nos jours ! 49. Selon Karl Barth, par exemple, la dogmatique n’est q
829 ise s’adresse à elle-même, et qui a pour fonction de corriger sans cesse, de rectifier le message annoncé par la prédicati
830 e, et qui a pour fonction de corriger sans cesse, de rectifier le message annoncé par la prédication et par les sacrements
831 prédication et par les sacrements. C’est un acte d’ obéissance, et c’est aussi un acte d’humilité ; car toute parole humai
832 ’est un acte d’obéissance, et c’est aussi un acte d’ humilité ; car toute parole humaine sur Dieu est nécessairement inadéq
833 t ainsi qu’une mesure critique que l’Église prend de son message sous le rapport de sa fidélité à son fondement, à son con
834 un programme théorique qu’il s’agirait maintenant d’ appliquer. En bref, la doctrine chrétienne, si l’on veut établir un pa
835 s doute dangereux — ce serait la Personne vivante de Jésus-Christ, et non pas la théologie, simple autocritique de l’Églis
836 ist, et non pas la théologie, simple autocritique de l’Église et du message que l’on prêche dans l’Église. 50. « S’attend
837 c les mêmes inconvénients. Certes il y a des lois de l’histoire en ce sens qu’on retrouve les mêmes mécanismes partout où
838 Mühlestein, rétorquait : « Toutes les révolutions de l’histoire de l’Occident, sont sorties de la religion chrétienne. Tou
839 torquait : « Toutes les révolutions de l’histoire de l’Occident, sont sorties de la religion chrétienne. Toute autre cause
840 lutions de l’histoire de l’Occident, sont sorties de la religion chrétienne. Toute autre cause est secondaire. » Et Henri
841 t Henri de Man : « Je crois qu’il n’y a jamais eu de tentative révolutionnaire qui n’ait été d’origine chrétienne. S’il n’
842 ais eu de tentative révolutionnaire qui n’ait été d’ origine chrétienne. S’il n’y a pas de socialisme en Asie, cela tient à
843 ui n’ait été d’origine chrétienne. S’il n’y a pas de socialisme en Asie, cela tient à l’absence du christianisme. » Je not
844 christianisme. » Je note ici, à l’appui des dires de de Man, que le mouvement syndicaliste au Japon a été fondé par un chr
845 ions physiques et spirituelles en ce qu’elles ont de permanent », car alors, le marxiste me ferait observer que des facteu
846 ferait observer que des facteurs très essentiels de l’être même peuvent varier selon les milieux et la nature des institu
847 tutions. (Ainsi le besoin prétendu « primordial » de propriété, peut très bien être anéanti chez l’homme par un régime com
848 me communiste.) Que reste-t-il dans l’être humain d’ absolument irréductible à toute transformation sociale ? La mort physi
849 é. Mais aussi : la qualité, la fonction créatrice de l’esprit. En somme, tout l’essentiel ! — Je dis que toute doctrine qu
850 Je dis que toute doctrine qui ne tient pas compte d’ une de ces conditions conduit nécessairement soit à l’idéalisme, soit
851 que toute doctrine qui ne tient pas compte d’une de ces conditions conduit nécessairement soit à l’idéalisme, soit à son
852 Le stalinisme totalitaire résulte nécessairement d’ une conception de l’homme purement social, qui néglige la fonction spi
853 talitaire résulte nécessairement d’une conception de l’homme purement social, qui néglige la fonction spirituelle (créatri
854 arisation du christianisme résulte nécessairement de l’Évangile ! 54. Déclaration d’un étudiant chinois au congrès mondia
855 e nécessairement de l’Évangile ! 54. Déclaration d’ un étudiant chinois au congrès mondial de la Fédération des étudiants
856 laration d’un étudiant chinois au congrès mondial de la Fédération des étudiants chrétiens. (Cf. Student World, automne 19
857 erner Sombart, un de Man, et en France, le groupe de l’Ordre nouveau. (Cf. en particulier la Révolution nécessaire, par Ar
858 n nécessaire, par Aron et Dandieu, et sa critique de la notion d’échange chez Marx.) 56. « Les pharisiens lui ayant deman
859 par Aron et Dandieu, et sa critique de la notion d’ échange chez Marx.) 56. « Les pharisiens lui ayant demandé quand vien
860 iens lui ayant demandé quand viendrait le Royaume de Dieu, Jésus leur répondit : Le Royaume de Dieu ne vient pas de manièr
861 Royaume de Dieu, Jésus leur répondit : Le Royaume de Dieu ne vient pas de manière à frapper les regards et l’on ne dira pa
862 i, ou bien : il est là ! Car voici que le Royaume de Dieu est au-dedans de vous ! » (Luc, 17, 20-25.) 57. Je parle ici, l
863 7, 20-25.) 57. Je parle ici, l’on m’entend bien, de ce que doit être un chrétien conséquent. Il est trop clair que nous r
864 isons viennent de ceci : que nous n’acceptons pas de tout soumettre aux volontés de Dieu. Nous réservons certaines activit
865 us n’acceptons pas de tout soumettre aux volontés de Dieu. Nous réservons certaines activités, celles-là précisément dont
866 , et ceux des autres ! Exemple typique : l’auteur d’ un des cantiques les plus pieux du recueil anglais, sir John Browning,
867 sous la menace des canons, à s’ouvrir au commerce de l’opium. Un tel fait donne raison en apparence à la critique marxiste
868 en soi contraires à la justice, — ou à l’essence de la fin souhaitée. 59. Je ne cède pas ici à l’imagerie polémique des
869 istes représentent chez nous, en général, l’élite de leur classe. Je ne les traite pas de menteurs, d’hypocrites, etc. Mai
870 ral, l’élite de leur classe. Je ne les traite pas de menteurs, d’hypocrites, etc. Mais je dis qu’en tant qu’ils approuvent
871 de leur classe. Je ne les traite pas de menteurs, d’ hypocrites, etc. Mais je dis qu’en tant qu’ils approuvent la politique
872 je dis qu’en tant qu’ils approuvent la politique de Staline et ses moyens, connus de tous, ils approuvent le mensonge (af
873 ent la politique de Staline et ses moyens, connus de tous, ils approuvent le mensonge (affaire Zinoviev), l’hypocrisie (en
874 déportation des paysans, des écrivains), la haine de classe (prêchée par Marx) et la guerre (pour peu qu’elle soit censée
875 r ici un jugement quelconque sur les groupes dits d’ Oxford. Je ne les cite qu’au seul titre d’exemple topique. 61. Le réd
876 es dits d’Oxford. Je ne les cite qu’au seul titre d’ exemple topique. 61. Le rédacteur de cette « discipline » paraît avoi
877 u seul titre d’exemple topique. 61. Le rédacteur de cette « discipline » paraît avoir été le pasteur Antoine de Chandieu,
878 oine de Chandieu, mais l’intervention personnelle de Calvin dans l’élaboration du document ne fait pas de doute. « C’est,
879 Calvin dans l’élaboration du document ne fait pas de doute. « C’est, dit F. de Schickler, une constitution très serrée en
880 ratique, fédérative et parlementaire. » À la base de tout, il y a l’église locale, ou paroisse. Ces églises se fédèrent pa
881 e. Ces églises se fédèrent par région. L’instance d’ appel est « la cour suprême du synode national ». (John Viénot, Histoi
882 rême du synode national ». (John Viénot, Histoire de la Réforme française, I, p. 271.) 62. C’est-à-dire : fondée sur la n
883 p. 271.) 62. C’est-à-dire : fondée sur la notion de vocation. 63. L’URSS est le seul État totalement totalitaire, disait
884 isait récemment Victor Serge, écrivain communiste d’ opposition, au retour de sa déportation en Sibérie. u. Rougemont Den
885 erge, écrivain communiste d’opposition, au retour de sa déportation en Sibérie. u. Rougemont Denis de, « Changer la vie
886 e sa déportation en Sibérie. u. Rougemont Denis de , « Changer la vie ou changer l’homme ? », Le Communisme et les chréti
887 en Sibérie. u. Rougemont Denis de, « Changer la vie ou changer l’homme ? », Le Communisme et les chrétiens, Paris, Plon,
5 1937, Articles divers (1936-1938). Vocation et destin d’Israël (1937)
888 Vocation et destin d’ Israël (1937)v Sens de « l’histoire » d’Israël Un prophète, a
889 Vocation et destin d’Israël (1937)v Sens de « l’histoire » d’Israël Un prophète, a écrit Karl Barth, est un ho
890 stin d’Israël (1937)v Sens de « l’histoire » d’ Israël Un prophète, a écrit Karl Barth, est un homme sans biographi
891 e avec sa mission. » Nous ne savons rien du reste de sa vie, et n’avons nul besoin d’en rien connaître pour reconnaître la
892 sa mission. » Nous ne savons rien du reste de sa vie , et n’avons nul besoin d’en rien connaître pour reconnaître la portée
893 ns rien du reste de sa vie, et n’avons nul besoin d’ en rien connaître pour reconnaître la portée de son message puisque c’
894 in d’en rien connaître pour reconnaître la portée de son message puisque c’est le message de Dieu. Jérémie n’eût été qu’un
895 la portée de son message puisque c’est le message de Dieu. Jérémie n’eût été qu’un berger bègue si l’Éternel n’avait parlé
896 ternel n’avait parlé par lui. Voici qui est digne de remarque : le seul détail précis que rapporte la Bible à son sujet, c
897 cette difficulté à s’exprimer. Non seulement rien d’ historiquement notable ne le prédestinait à jouer le rôle d’un grand p
898 uement notable ne le prédestinait à jouer le rôle d’ un grand prophète, — les psychologues s’y épuiseront — mais encore il
899 raît le plus décisif, à vues humaines, s’agissant d’ un homme appelé au ministère de la Parole. Ce qui est vrai du prophète
900 maines, s’agissant d’un homme appelé au ministère de la Parole. Ce qui est vrai du prophète l’est aussi de son peuple, — p
901 a Parole. Ce qui est vrai du prophète l’est aussi de son peuple, — peuple entre tous prophétique. Ce qui est vrai de la bi
902 — peuple entre tous prophétique. Ce qui est vrai de la biographie d’un homme que l’Éternel choisit n’est pas moins vrai d
903 ous prophétique. Ce qui est vrai de la biographie d’ un homme que l’Éternel choisit n’est pas moins vrai de l’histoire prof
904 homme que l’Éternel choisit n’est pas moins vrai de l’histoire profane des Juifs, porteurs eux aussi d’une mission que ri
905 l’histoire profane des Juifs, porteurs eux aussi d’ une mission que rien en eux ne semblait préparer. On peut le dire sans
906 peut le dire sans paradoxe : Israël n’eût pas eu d’ histoire sans la promesse que Dieu fit à Abraham. Cette tribu « se lèv
907 ou matérialiste-dialectique, se donne pour tâche de reconstituer l’évolution immanente d’un peuple, telle qu’on peut vrai
908 pour tâche de reconstituer l’évolution immanente d’ un peuple, telle qu’on peut vraisemblablement la styliser et la chiffr
909 ïvement positiviste. Que nous apprend une science de cet ordre sur le destin auquel étaient promises les infimes tribus no
910 nation juive ? Une similitude facile nous permet de l’imaginer : l’histoire n’a pas la plus petite raison de supposer que
911 aginer : l’histoire n’a pas la plus petite raison de supposer que le peuple d’Israël, s’il n’avait pas été « élu », eût év
912 s la plus petite raison de supposer que le peuple d’ Israël, s’il n’avait pas été « élu », eût évolué d’une autre sorte que
913 ’Israël, s’il n’avait pas été « élu », eût évolué d’ une autre sorte que tant de tribus d’Arabie qui nous offrent encore au
914 , eût évolué d’une autre sorte que tant de tribus d’ Arabie qui nous offrent encore aujourd’hui, avec une persistance bien
915 bien remarquable tous les traits caractéristiques de la coutume pastorale des temps d’Abraham. Nous ne possédons pas un re
916 aractéristiques de la coutume pastorale des temps d’ Abraham. Nous ne possédons pas un renseignement d’ordre profane, qui n
917 d’Abraham. Nous ne possédons pas un renseignement d’ ordre profane, qui nous explique pourquoi cette tribu-là échappa au de
918 te à construire et à conquérir… Ainsi les annales d’ Israël sont celles d’une puissance imprévue et humainement imprévisibl
919 conquérir… Ainsi les annales d’Israël sont celles d’ une puissance imprévue et humainement imprévisible, qui ne fut jamais
920 ns médiocres des Hébreux. Ce que nous connaissons de leur « histoire » — mais le mot prend ici un sens nouveau — c’est la
921 d ici un sens nouveau — c’est la suite des gestes de Dieu dont ils ne furent que les instruments. Mais les instruments ind
922 révoltes constantes, leurs faux pas, leurs accès d’ incroyance. Et toute leur grandeur est à Dieu, c’est-à-dire à la vocat
923 vocation qui les arrache, malgré eux, à ce destin de très piètre envergure. Foi et idolâtrie La considération du con
924 raiment grandiose à cette opposition fondamentale d’ une vocation et d’un destin, hors de laquelle on ne peut rien comprend
925 à cette opposition fondamentale d’une vocation et d’ un destin, hors de laquelle on ne peut rien comprendre de ce qui touch
926 stin, hors de laquelle on ne peut rien comprendre de ce qui touche à la nation des Juifs. Destin nomade, vocation messiani
927 i seule l’élève, l’assemble et donne un sens à la vie de chacun. Ce peuple errait sans « fin » dans le désert, sans but jus
928 ule l’élève, l’assemble et donne un sens à la vie de chacun. Ce peuple errait sans « fin » dans le désert, sans but jusqu’
929 l vient de Dieu, il va vers Dieu, et c’est la loi de Dieu qui l’y conduit. C’est pourquoi son télos (sa fin dernière), est
930 e en son essence, comme Dieu, et comme Dieu objet de la foi seule. De la foi, et non de la vue ! Catégories absolument nou
931 comme Dieu, et comme Dieu objet de la foi seule. De la foi, et non de la vue ! Catégories absolument nouvelles, et qui jo
932 mme Dieu objet de la foi seule. De la foi, et non de la vue ! Catégories absolument nouvelles, et qui joueront un rôle dét
933 t qui joueront un rôle déterminant dans l’éthique de l’Occident, même sous les noms paganisés d’idéalisme et de réalisme a
934 hique de l’Occident, même sous les noms paganisés d’ idéalisme et de réalisme au sens courant. Mais le conflit de la foi et
935 dent, même sous les noms paganisés d’idéalisme et de réalisme au sens courant. Mais le conflit de la foi et de la vue n’es
936 e et de réalisme au sens courant. Mais le conflit de la foi et de la vue n’est en somme qu’un autre aspect du conflit de l
937 sme au sens courant. Mais le conflit de la foi et de la vue n’est en somme qu’un autre aspect du conflit de la vocation et
938 vue n’est en somme qu’un autre aspect du conflit de la vocation et du destin. Il fait comprendre l’esprit de révolte qui
939 ocation et du destin. Il fait comprendre l’esprit de révolte qui tourmenta sans fin les douze tribus. Car un but invisible
940 diats » qui se voient par trop négligés au profit d’ on ne sait quel futur. Et une angoisse contre laquelle il est fatal qu
941 que l’on cherche à se protéger par quelque chose de visible et de tangible. Ainsi les Hébreux se rebellent, ils fuient da
942 che à se protéger par quelque chose de visible et de tangible. Ainsi les Hébreux se rebellent, ils fuient dans le culte de
943 ulte des faux dieux, rassurants parce que « faits de main d’homme »… Mais sans relâche, des prophètes reviennent pour rail
944 faux dieux, rassurants parce que « faits de main d’ homme »… Mais sans relâche, des prophètes reviennent pour railler dure
945 Et c’est son bâton qui lui parle ! Car l’esprit de prostitution égare Et ils se prostituent loin de leur Dieu ! (Osée,
946 t loin de leur Dieu ! (Osée, 4, 12) Cet « esprit de prostitution », cette idolâtrie qui renaît dès qu’Israël cesse de cro
947 », cette idolâtrie qui renaît dès qu’Israël cesse de croire à ce que ses yeux ne peuvent voir, et qui pourtant fait toute
948 ême que cette révolte, et ce destin, et ce besoin de voir, sont symbolisés au concret par les statues des idoles étrangère
949 — car c’est le voisin qu’on imite lorsqu’on doute de sa vocation — de même cette vocation et la foi qu’elle implique ont u
950 ique ont un symbole, unique et univoque : l’Arche de l’Alliance présente au sein du peuple, aussi nommée arche du témoigna
951 du témoignage, parce qu’elle atteste les volontés de Dieu, les conditions de son alliance. La mesure Dans l’Arche so
952 elle atteste les volontés de Dieu, les conditions de son alliance. La mesure Dans l’Arche sont les Tables de la Loi.
953 nce. La mesure Dans l’Arche sont les Tables de la Loi. La Loi est la « mesure » sacrée : c’est elle qui rappelle à l
954 , tout est « mesuré » et jugé dans la perspective de la fin assignée à toute la nation : l’Éternel Dieu et son service. Ai
955 on : l’Éternel Dieu et son service. Ainsi l’Arche de l’Alliance nous apparaît comme l’exemple à peu près idéal de ce que l
956 ce nous apparaît comme l’exemple à peu près idéal de ce que l’on peut nommer (d’un terme d’ailleurs emprunté à l’antiquité
957 mple à peu près idéal de ce que l’on peut nommer ( d’ un terme d’ailleurs emprunté à l’antiquité hellénique) la mesure d’une
958 eurs emprunté à l’antiquité hellénique) la mesure d’ une civilisation, le canon d’une culture et d’un ordre social, le prin
959 ellénique) la mesure d’une civilisation, le canon d’ une culture et d’un ordre social, le principe initial et final régulat
960 ure d’une civilisation, le canon d’une culture et d’ un ordre social, le principe initial et final régulateur et en même te
961 al et final régulateur et en même temps animateur de toutes les œuvres d’une nation, tant matérielles que politiques et sp
962 r et en même temps animateur de toutes les œuvres d’ une nation, tant matérielles que politiques et spirituelles65. L’histo
963 s offre certes d’autres exemples assez grandioses de communes mesures rigoureuses. (Inde ancienne, Grèce de Périclès, Rome
964 Mais la mesure des tribus hébraïques se distingue de toutes les autres en ce qu’elle est une vocation adressée par un Dieu
965 l, transcendant. Elle n’est pas le produit normal d’ une évolution historique fécondée et cristallisée par l’intervention d
966 rique fécondée et cristallisée par l’intervention d’ un grand chef. Elle est donc plus « totalitaire » que toute mesure hum
967 t concevable, puisqu’elle ne tire pas son origine de circonstances ou de personnes nécessairement imparfaites ou partielle
968 ’elle ne tire pas son origine de circonstances ou de personnes nécessairement imparfaites ou partielles. Elle ne laisse au
969 laisse aucune contingence, ni aucune possibilité de retrait ou de dépassement. Aucun refuge « loin de la face de l’Éterne
970 contingence, ni aucune possibilité de retrait ou de dépassement. Aucun refuge « loin de la face de l’Éternel ». Parce qu’
971 ou de dépassement. Aucun refuge « loin de la face de l’Éternel ». Parce qu’elle est la loi de Dieu, et que ce Dieu est l’É
972 la face de l’Éternel ». Parce qu’elle est la loi de Dieu, et que ce Dieu est l’Éternel, la Loi est la conscience finale d
973 ale du peuple hébreu. Et parce qu’elle est la loi de Dieu — qui définit la vérité —, elle porte en elle la règle permanent
974 vérité —, elle porte en elle la règle permanente de toute action et de toute pensée. Vraie mesure donc, et parfaitement c
975 te en elle la règle permanente de toute action et de toute pensée. Vraie mesure donc, et parfaitement commune. On porte l’
976 vant des armées, dans la guerre, comme le symbole de l’unité du peuple, mais son usage est interdit pendant les guerres ci
977 oncent leur idolâtrie66. Remarquons que la notion d’ idolâtrie déborde ici singulièrement le culte des images d’où elle tir
978 ie déborde ici singulièrement le culte des images d’ où elle tire son nom. Elle embrasse tout ce qui n’est pas foi, mais vu
979 ui n’est pas foi, mais vue, tout ce qui est refus d’ obéissance, et imagination d’un autre bien. Idole tout ce qui détourne
980 out ce qui est refus d’obéissance, et imagination d’ un autre bien. Idole tout ce qui détourne de la seule vocation. Idole
981 ation d’un autre bien. Idole tout ce qui détourne de la seule vocation. Idole toute action ou pensée, si belle ou si fécon
982 des idolâtries, c’est celle qui prend pour objet de son culte la mesure même, la Loi en soi, abstraite des fins pour lesq
983 qui consiste à soumettre l’homme à la « lettre » d’ une législation divine, mais dont l’homme s’est emparé, et dont il fai
984 les plus grands rigoristes, les savants docteurs de la Loi, ceux que le peuple honorait à peu près comme on le fit plus t
985 raît plus propre à confirmer cette interprétation de la Loi, comme mesure du peuple hébreu, qu’un texte que je trouve dans
986 s, mais il a veillé à ce qu’elles fussent connues de tous. Cette connaissance produit parmi nous une admirable conformité
987 rable conformité, parce que rien n’est si capable de la faire naître et de l’entretenir, que d’avoir les mêmes sentiments
988 e que rien n’est si capable de la faire naître et de l’entretenir, que d’avoir les mêmes sentiments de la grandeur de Dieu
989 apable de la faire naître et de l’entretenir, que d’ avoir les mêmes sentiments de la grandeur de Dieu, et d’être élevés da
990 de l’entretenir, que d’avoir les mêmes sentiments de la grandeur de Dieu, et d’être élevés dans une même manière de vivre,
991 , que d’avoir les mêmes sentiments de la grandeur de Dieu, et d’être élevés dans une même manière de vivre, et dans les mê
992 r les mêmes sentiments de la grandeur de Dieu, et d’ être élevés dans une même manière de vivre, et dans les mêmes coutumes
993 r de Dieu, et d’être élevés dans une même manière de vivre, et dans les mêmes coutumes ; car on n’entend point parmi nous
994 r on n’entend point parmi nous parler diversement de Dieu, comme il arrive parmi les autres peuples, non seulement entre l
995 en sont persuadés comme nous : on peut apprendre de leur bouche les règles de la conduite de notre vie, et que toutes nos
996 ous : on peut apprendre de leur bouche les règles de la conduite de notre vie, et que toutes nos actions doivent avoir pou
997 pprendre de leur bouche les règles de la conduite de notre vie, et que toutes nos actions doivent avoir pour objet de plai
998 de leur bouche les règles de la conduite de notre vie , et que toutes nos actions doivent avoir pour objet de plaire à Dieu.
999 t que toutes nos actions doivent avoir pour objet de plaire à Dieu. Une culture pauvre, mais fidèle Un homme du xxe
1000 le ne peut, me semble-t-il, qu’éprouver une sorte d’ effroi au spectacle d’un ordre social, spirituel et matériel, aussi fa
1001 t-il, qu’éprouver une sorte d’effroi au spectacle d’ un ordre social, spirituel et matériel, aussi fanatiquement lié et sus
1002 é créatrice dans laquelle il met son orgueil. Que de richesses perdues, songe-t-il, que d’inventions négligées, méprisées 
1003 rgueil. Que de richesses perdues, songe-t-il, que d’ inventions négligées, méprisées ! Nous adorons la Vie et le Progrès, l
1004 inventions négligées, méprisées ! Nous adorons la Vie et le Progrès, le foisonnement et la diversité, et toute mesure ne se
1005 toute mesure ne serait à nos yeux qu’une occasion de dépassement… Oui, la Richesse est notre dernier dieu, et c’est peut-ê
1006 notre dernier dieu, et c’est peut-être le secret de l’expansion, mais aussi de l’anarchie finale de notre culture moderne
1007 st peut-être le secret de l’expansion, mais aussi de l’anarchie finale de notre culture moderne. Culture dont les éléments
1008 t de l’expansion, mais aussi de l’anarchie finale de notre culture moderne. Culture dont les éléments progressivement désu
1009 les éléments progressivement désunis, puis coupés de toute base commune, en viennent à ne plus même pouvoir communiquer, n
1010 lité, se forgeant une langue singulière au mépris de tout « sens » commun, et convoquant enfin, à grands frais d’invention
1011 ens » commun, et convoquant enfin, à grands frais d’ inventions, la vieille malédiction de la tour de Babel, qui est la dis
1012 grands frais d’inventions, la vieille malédiction de la tour de Babel, qui est la dispersion du genre humain. Le dilemme q
1013 s d’inventions, la vieille malédiction de la tour de Babel, qui est la dispersion du genre humain. Le dilemme qui se trouv
1014 lemme qui se trouve posé à toute civilisation, et d’ une manière très urgente à la nôtre, est assez clairement défini par l
1015 ent défini par la comparaison que l’on peut faire de notre richesse anarchique, et rendue presque vaine par ses excès, ave
1016 sque vaine par ses excès, avec la pauvreté pleine de sens et de grandeur qu’imposait la Loi d’Israël. Ce que l’on perd et
1017 par ses excès, avec la pauvreté pleine de sens et de grandeur qu’imposait la Loi d’Israël. Ce que l’on perd et ce que l’on
1018 pleine de sens et de grandeur qu’imposait la Loi d’ Israël. Ce que l’on perd et ce que l’on gagne à sacrifier à une « mesu
1019 ’exemple juif nous permettra mieux que tout autre de juger. Que devient en effet la culture, dans un monde où n’est toléré
1020 ’avenir religieux du monde. Dès qu’il était tenté de s’oublier dans les voies vulgaires des autres peuples, une sorte de g
1021 les voies vulgaires des autres peuples, une sorte de génie sombre lui montrait l’envers de toute chose, et avec des accent
1022 , une sorte de génie sombre lui montrait l’envers de toute chose, et avec des accents d’amère ironie, proclamait que la ju
1023 rait l’envers de toute chose, et avec des accents d’ amère ironie, proclamait que la justice à l’ancienne manière ne devait
1024 jamais être sacrifiée.68 Ainsi toute tentative de culture profane se voit assimilée à une révolte d’orgueil contre Dieu
1025 e culture profane se voit assimilée à une révolte d’ orgueil contre Dieu. La culture d’Israël sera pauvre à raison même de
1026 e à une révolte d’orgueil contre Dieu. La culture d’ Israël sera pauvre à raison même de sa pureté. Sa pauvreté sera la con
1027 eu. La culture d’Israël sera pauvre à raison même de sa pureté. Sa pauvreté sera la condition de sa grandeur. Car ce qui e
1028 même de sa pureté. Sa pauvreté sera la condition de sa grandeur. Car ce qui est grand, c’est ce qui comble la mesure, et
1029 st pourquoi sa pauvreté même garantit la fidélité de la culture du peuple hébreu. C’est une ascèse : il s’agit de détruire
1030 re du peuple hébreu. C’est une ascèse : il s’agit de détruire en germe tout ce qui comblerait trop tôt, ou trop humainemen
1031 humainement, la grande attente messianique. Point d’ abstractions : c’est que le culte qu’il faut rendre au Dieu vivant est
1032 vérité ». Or abstraire, c’est d’abord s’abstraire de l’immédiat. Et c’est aussi, dans une certaine mesure, douter… Ainsi d
1033 dès l’origine à cette vocation supérieure ; dénué de termes abstraits, impropre à toute métaphysique69 il contraint les au
1034 e69 il contraint les auteurs sacrés à l’invention de métaphores qui enrobent les notions les plus hautes dans un vêtement
1035 s un vêtement quotidien ; on dirait : un vêtement de travail. Cette « pauvreté » philosophique — mais quand un peuple a de
1036 is quand un peuple a des prophètes, a-t-il besoin de philosophes ? — est ainsi l’aspect négatif d’une splendeur poétique i
1037 oin de philosophes ? — est ainsi l’aspect négatif d’ une splendeur poétique inégalée. (La poésie de l’Occident chrétien ser
1038 tif d’une splendeur poétique inégalée. (La poésie de l’Occident chrétien sera grande dans la mesure où elle sera biblique
1039 ands discours prophétiques, parmi tous les chants de la terre, ont réellement rythmé l’action et vérifié l’étymologie grec
1040 t rythmé l’action et vérifié l’étymologie grecque de poésie, qui est agir. Point d’arts figuratifs ou imaginatifs. La loi
1041 étymologie grecque de poésie, qui est agir. Point d’ arts figuratifs ou imaginatifs. La loi les interdit par le deuxième et
1042 t le troisième commandement. « Tu ne te feras pas d’ image taillée, ni de représentation des choses qui sont en haut dans l
1043 ndement. « Tu ne te feras pas d’image taillée, ni de représentation des choses qui sont en haut dans les cieux, en bas sur
1044 us bas que la terre. » Cela condamne toute espèce d’ art plastique. « Tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face » — cela
1045 et la fabulation, où les Aryens puisent leur art de tromper et de se satisfaire d’illusions. Point de science purement te
1046 ion, où les Aryens puisent leur art de tromper et de se satisfaire d’illusions. Point de science purement technique : la s
1047 s puisent leur art de tromper et de se satisfaire d’ illusions. Point de science purement technique : la sagesse de Salomon
1048 de tromper et de se satisfaire d’illusions. Point de science purement technique : la sagesse de Salomon n’est pas une conn
1049 Point de science purement technique : la sagesse de Salomon n’est pas une connaissance des « causes » mais bien des « sig
1050 ment commercial71 et industriel. » Que reste-t-il de ce que nous nommons culture ? Philosophie, beaux-arts, fictions écrit
1051 é à la seule chose nécessaire : l’accomplissement d’ une vocation spirituelle. Et les moyens de cet accomplissement sont le
1052 ssement d’une vocation spirituelle. Et les moyens de cet accomplissement sont les moyens les plus élémentaires que les hom
1053 s moyens les plus élémentaires que les hommes ont de commercer : l’écriture, la parole et l’action, — la tradition, la pro
1054 la guerre… Mais cet extrême dénuement, ce résidu d’ exclusions fanatiques, se trouve sauver et garantir la possession de c
1055 iques, se trouve sauver et garantir la possession de ce que notre Occident lui-même a défini comme le bien souverain : l’h
1056 n : l’harmonie dans le dynamisme, le Sens général de la vie. Si l’on admet que la destination de toute culture, c’est de c
1057 harmonie dans le dynamisme, le Sens général de la vie . Si l’on admet que la destination de toute culture, c’est de concentr
1058 néral de la vie. Si l’on admet que la destination de toute culture, c’est de concentrer les puissances de la nature et de
1059 admet que la destination de toute culture, c’est de concentrer les puissances de la nature et de la société dans les, mai
1060 toute culture, c’est de concentrer les puissances de la nature et de la société dans les, mains de l’homme responsable, et
1061 ’est de concentrer les puissances de la nature et de la société dans les, mains de l’homme responsable, et dont l’esprit c
1062 ces de la nature et de la société dans les, mains de l’homme responsable, et dont l’esprit connaît un but auquel il dédie
1063 u, fut aussi la plus convenable aux fins suprêmes de l’esprit. Toutefois, non tant à cause de sa pauvreté même, qu’à cause
1064 cause de sa pauvreté même, qu’à cause de l’absolu de sa mesure, et de la promesse qu’elle portait. ⁂ Revenons encore à Jos
1065 eté même, qu’à cause de l’absolu de sa mesure, et de la promesse qu’elle portait. ⁂ Revenons encore à Josèphe : Quant à c
1066 ce que l’on nous reproche comme un grand défaut, de ne nous point étudier à inventer des choses nouvelles, soit dans les
1067 e les autres peuples méritent beaucoup de louange d’ y apporter de continuels changements, nous attribuons au contraire à v
1068 peuples méritent beaucoup de louange d’y apporter de continuels changements, nous attribuons au contraire à vertu et prude
1069 nous attribuons au contraire à vertu et prudence, de demeurer constamment dans l’observation des lois et des coutumes de n
1070 mment dans l’observation des lois et des coutumes de nos ancêtres, parce que c’est une preuve qu’elles ont été parfaitemen
1071 s qui n’ont pas cet avantage que l’on soit obligé de changer, lorsque l’expérience fait connaître le besoin d’en corriger
1072 er, lorsque l’expérience fait connaître le besoin d’ en corriger les défauts. Ainsi, comme nous ne doutons point que ce ne
1073 it Dieu qui nous a donné ces lois par l’entremise de Moïse, pourrions-nous, sans impiété, ne nous pas efforcer de les obse
1074 ourrions-nous, sans impiété, ne nous pas efforcer de les observer très religieusement ? Et quelle conduite peut être plus
1075 plus sainte, que celle dont ce souverain Monarque de l’univers est l’auteur… Quelle forme de gouvernement peut donc être p
1076 Monarque de l’univers est l’auteur… Quelle forme de gouvernement peut donc être plus parfaite que la nôtre, et quels plus
1077 e toutes choses ne sont pas mieux réglées le jour d’ une fête solennelle, qu’elles le sont toujours parmi nous ? Chute
1078 qu’elles le sont toujours parmi nous ? Chute d’ Israël Tout était suspendu à la Loi, qui était elle-même suspendue
1079 née. Et les juifs l’ont méconnue prenant prétexte de la Loi, cette « ombre des biens à venir. » (Héb. 10, 1), pour repouss
1080 rist, qui était « l’esprit » et la réalité finale de la Loi. Dès lors, la Loi est « accomplie » comme le dit Jésus-Christ
1081 comme le dit Jésus-Christ lui-même, et elle l’est d’ une double manière : parce qu’elle a abouti — le Messie est venu — et
1082 eur des messies qui ne viendront pas… Héritage d’ Israël Le christianisme par sa nature même, brisait avec le nation
1083 isme exclusif du judaïsme et assumait une mission de portée universelle. Il revendiquait toutefois en même temps l’héritag
1084 l revendiquait toutefois en même temps l’héritage d’ Israël, et l’attraction qu’il exerçait venait non des principes généra
1085 qu’il exerçait venait non des principes généraux de la pensée hellénistique, mais de la pure tradition hébraïque, représe
1086 incipes généraux de la pensée hellénistique, mais de la pure tradition hébraïque, représentée par la Loi et les Prophètes.
1087 d Israël, l’héritière du Royaume promis au Peuple de Dieu. Aussi conserva-t-elle à l’égard du monde des gentils cette atti
1088 ’égard du monde des gentils cette attitude voulue de séparatisme spirituel, cet esprit d’irréconciliable opposition dont s
1089 itude voulue de séparatisme spirituel, cet esprit d’ irréconciliable opposition dont s’était nourrie toute la tradition jud
1090 la tradition judaïque. C’est précisément ce sens de la continuité historique et de la solidarité sociale qui distingua l’
1091 récisément ce sens de la continuité historique et de la solidarité sociale qui distingua l’église chrétienne des religions
1092 ligions à mystères et des autres cultes orientaux de cette époque, et qui fit d’elle dès son apparition la seule rivale vé
1093 tres cultes orientaux de cette époque, et qui fit d’ elle dès son apparition la seule rivale véritable et la seule remplaça
1094 rivale véritable et la seule remplaçante possible de la religion officielle de l’Empire73. Ces quelques lignes de Dawson
1095 le remplaçante possible de la religion officielle de l’Empire73. Ces quelques lignes de Dawson me paraissent définir en r
1096 on officielle de l’Empire73. Ces quelques lignes de Dawson me paraissent définir en raccourci le double héritage que l’Ég
1097 age que l’Église et l’Europe ont repris des mains d’ Israël : héritage divin de l’« élection collective », d’une part, — ca
1098 pe ont repris des mains d’Israël : héritage divin de l’« élection collective », d’une part, — car la postérité d’Abraham,
1099 tion collective », d’une part, — car la postérité d’ Abraham, après le Christ, c’est l’ensemble de tous les croyants, genti
1100 rité d’Abraham, après le Christ, c’est l’ensemble de tous les croyants, gentils ou Juifs convertis, donc l’Église — hérita
1101 s, donc l’Église — héritage humain, d’autre part, de cette notion de la mesure « totalitaire » qui devait assurer la grand
1102 — héritage humain, d’autre part, de cette notion de la mesure « totalitaire » qui devait assurer la grandeur de l’Église
1103 re « totalitaire » qui devait assurer la grandeur de l’Église — mais dont les déviations et perversions ravagent l’Europe
1104 depuis le xviie siècle, et menacent aujourd’hui de la détruire74. Il ne saurait être question de retracer ici dans son e
1105 hui de la détruire74. Il ne saurait être question de retracer ici dans son ensemble l’évolution des éléments culturels et
1106 urels et civilisateurs qui survécurent à la chute d’ Israël, au moins aussi fondamentaux pour l’Occident que la raison des
1107 et l’ordre des Romains. Il m’appartient seulement de préciser en quelques traits le sens que prend l’héritage d’Israël pou
1108 r en quelques traits le sens que prend l’héritage d’ Israël pour la foi chrétienne protestante. On sait le rôle joué dans l
1109 out cela vit encore dans les églises évangéliques de nos jours ? Dès les bancs de « l’école du dimanche », tout jeune prot
1110 églises évangéliques de nos jours ? Dès les bancs de « l’école du dimanche », tout jeune protestant est nourri aux sources
1111 u par ses frères, Jonas dans sa baleine, l’ânesse de Balaam, David et Jonathan, Absalon pris par les cheveux, le jeune Sam
1112 en Testament était la vraie Antiquité des peuples de l’Europe protestante. Mais il y a bien davantage que cet arrière-plan
1113 ge que cet arrière-plan poétique, et ces exemples d’ une morale parfois scandaleusement antibourgeoise ! Le thème de la voc
1114 parfois scandaleusement antibourgeoise ! Le thème de la vocation et le thème du peuple élu sont de ceux qui émeuvent le pl
1115 ème de la vocation et le thème du peuple élu sont de ceux qui émeuvent le plus profondément la « sensibilité spirituelle »
1116 plus profondément la « sensibilité spirituelle » d’ un réformé. Le « peuple élu » Le simple fait que le calvinisme a
1117 s et celui du « petit troupeau » longtemps chassé de son pays ; ni les ressemblances entre les formes d’activité et d’atti
1118 son pays ; ni les ressemblances entre les formes d’ activité et d’attitude sociale adoptées par les deux « nations »76. Ce
1119 les ressemblances entre les formes d’activité et d’ attitude sociale adoptées par les deux « nations »76. Ce qui est déter
1120 in spirituel, dans un monde incrédule et rebelle, de ceux que Dieu s’est « choisis » pour témoins, en tant que collectivit
1121 tu de cette « élection » dont ils ont l’assurance d’ être l’objet, par une grâce périlleuse, et dans la foi, les calviniste
1122 fin du xvie siècle, se considèrent comme chargés d’ une mission au sein d’un monde pécheur que Dieu n’abandonne pas. De mê
1123 heur que Dieu n’abandonne pas. De même que la loi de Moïse maintenait le peuple juif, malgré le péché, dans une économie p
1124 tique77 des calvinistes les amène à la conception d’ une intendance des biens terrestres, dont ils auraient à assumer l’off
1125 res, dont ils auraient à assumer l’office : usant de ces richesses « comme n’en usant pas », au nom et par la charge du Se
1126 ue c’était là l’origine du capitalisme moderne et de ses principales valeurs éthiques. Mais Sombart lui répond que le capi
1127 que le capitalisme est plus ancien, et qu’il est d’ origine judaïque78. Ce n’est pas ici le lieu de prendre parti entre ce
1128 st d’origine judaïque78. Ce n’est pas ici le lieu de prendre parti entre ces deux explications d’un phénomène économique q
1129 lieu de prendre parti entre ces deux explications d’ un phénomène économique que par ailleurs personne — non pas même Marx,
1130 tache le capitalisme à des attitudes religieuses, d’ où serait partie l’impulsion, attitudes analogues en ceci tout au moin
1131 ut au moins qu’elles mettent l’accent sur le fait de l’élection. Il est curieux de noter que le parallélisme se poursuit m
1132 ’accent sur le fait de l’élection. Il est curieux de noter que le parallélisme se poursuit même, — et peut-être surtout —
1133 saient ». Le spiritualisme transcendant des Juifs d’ Orient au contact des coutumes occidentales, se mue peu à peu en son c
1134 reprochent aux Juifs allemands capitalistes, avec d’ autant plus d’amertume que cette attitude provocante fut souvent prise
1135 Juifs allemands capitalistes, avec d’autant plus d’ amertume que cette attitude provocante fut souvent prise à l’étranger
1136 ante fut souvent prise à l’étranger pour un trait de caractère germanique. Mais c’est aussi l’intellectualisme stérilisant
1137 st aussi l’intellectualisme stérilisant, l’esprit d’ abstraction inhumaine et chimérique, au surplus troublé de sentimental
1138 ction inhumaine et chimérique, au surplus troublé de sentimentalisme, que l’on dénonce à droite chez les auteurs d’origine
1139 lisme, que l’on dénonce à droite chez les auteurs d’ origine juive, mais qui ont cessé de croire à la mission de leur peupl
1140 z les auteurs d’origine juive, mais qui ont cessé de croire à la mission de leur peuple, et qui exercent désormais à vide
1141 juive, mais qui ont cessé de croire à la mission de leur peuple, et qui exercent désormais à vide les facultés psychologi
1142 tement développées dans leur race par des siècles d’ attente de l’invisible. De même, l’ascétisme vigoureux, le pessimisme
1143 eloppées dans leur race par des siècles d’attente de l’invisible. De même, l’ascétisme vigoureux, le pessimisme actif des
1144 formé dans le Nouveau Monde d’une part en volonté de puissance abstraite (les fondateurs des trusts au siècle dernier), d’
1145 litarisme platement moralisant ; l’une et l’autre de ces déviations traduisant une totale perte de conscience des fins rel
1146 tre de ces déviations traduisant une totale perte de conscience des fins religieuses de l’éthique puritaine, et transforma
1147 e totale perte de conscience des fins religieuses de l’éthique puritaine, et transformant en tyrannie absurde ce qui était
1148 nie absurde ce qui était à l’origine une attitude d’ obéissance à la foi, et de renoncement à soi-même. Corruptio optimi pe
1149 l’origine une attitude d’obéissance à la foi, et de renoncement à soi-même. Corruptio optimi pessima… La vocation coll
1150 amènent au problème central que pose à la pensée d’ un protestant, et particulièrement d’un calviniste, l’exemple d’Israël
1151 à la pensée d’un protestant, et particulièrement d’ un calviniste, l’exemple d’Israël et de sa chute. Toute la théologie é
1152 t, et particulièrement d’un calviniste, l’exemple d’ Israël et de sa chute. Toute la théologie éthique de Calvin est centré
1153 ulièrement d’un calviniste, l’exemple d’Israël et de sa chute. Toute la théologie éthique de Calvin est centrée sur la voc
1154 Israël et de sa chute. Toute la théologie éthique de Calvin est centrée sur la vocation : vocation du « petit troupeau » o
1155 r la vocation : vocation du « petit troupeau » ou de l’Église ; vocation personnelle de chaque membre de l’Église. Or, Isr
1156 troupeau » ou de l’Église ; vocation personnelle de chaque membre de l’Église. Or, Israël qui était le peuple élu, a trah
1157 l’Église ; vocation personnelle de chaque membre de l’Église. Or, Israël qui était le peuple élu, a trahi sa mission et s
1158 sion en est le châtiment. Serait-il donc possible de perdre sa vocation ? Et que devient celui qui la trahit, soit qu’il r
1159 ordres, soit qu’il la prenne pour idole, refusant d’ en reconnaître la vraie fin lorsqu’elle lui apparaît incarnée ? Est-il
1160 e vocation est-elle donc « amissible » ? Le refus de l’homme serait-il donc capable de modifier un arrêt éternel, alors qu
1161 le » ? Le refus de l’homme serait-il donc capable de modifier un arrêt éternel, alors que Dieu prédestine tout homme dès a
1162 Ce problème n’est pas gratuit : il touche au cœur de la foi réformée. Or c’est lui justement que traite saint Paul au chap
1163 ui justement que traite saint Paul au chapitre XI de l’Épître aux Romains. Et sans doute ce texte illumine aussi profondém
1164 rofondément qu’il est possible le mystère dernier d’ Israël. « Je demande maintenant : Dieu a-t-il rejeté son peuple ? Non
1165 ple ? Non certes, car je suis moi-même israélite, de la postérité d’Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n’a point rejet
1166 , car je suis moi-même israélite, de la postérité d’ Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n’a point rejeté son peuple qu’
1167 is moi-même israélite, de la postérité d’Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n’a point rejeté son peuple qu’il a connu
1168 israélite, de la postérité d’Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n’a point rejeté son peuple qu’il a connu d’avance » (
1169 n. Dieu n’a point rejeté son peuple qu’il a connu d’ avance » (c’est-à-dire prédestiné) (Rom., II, 1-2). Cependant, « Israë
1170 Ainsi, « c’est par suite de la faute des enfants d’ Israël que le salut est parvenu aux païens, afin d’exciter leur propre
1171 s ont perdu le bénéfice national, comme exclusif, de la Révélation. Mais c’est ici que saint Paul indique le mystérieux re
1172 e veux pas, frères, que vous ignoriez ce mystère, de peur que vous ne présumiez trop de votre sagesse : c’est qu’une parti
1173 ez ce mystère, de peur que vous ne présumiez trop de votre sagesse : c’est qu’une partie d’Israël est tombée dans l’endurc
1174 umiez trop de votre sagesse : c’est qu’une partie d’ Israël est tombée dans l’endurcissement jusqu’à ce que la totalité des
1175 ra sauvé » (v. 25-26) … « Car les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables » (v. 29). Hoc est verbum praeclarum ! Voilà
1176 rdue, même si celui qui en est l’objet s’y oppose de toutes ses forces ! Car sa révolte même se trouve servir les desseins
1177 volte même se trouve servir les desseins éternels de Dieu. Elle étend à l’humanité entière le bénéfice de la Promesse qu’i
1178 Dieu. Elle étend à l’humanité entière le bénéfice de la Promesse qu’il a reçue, cependant que son destin final demeure ent
1179 al demeure entre les mains du plus secret conseil de Dieu. « Quant à moi, écrit Calvin, j’étends ce nom d’Israël à tout le
1180 ieu. « Quant à moi, écrit Calvin, j’étends ce nom d’ Israël à tout le peuple de Dieu, en ce sens, après que les gentils ser
1181 Calvin, j’étends ce nom d’Israël à tout le peuple de Dieu, en ce sens, après que les gentils seront entrés dedans (l’Églis
1182 dans (l’Église), lors les Juifs aussi se retirant de leur révoltement, se rangeront à l’obéissance de la foi… toutefois qu
1183 de leur révoltement, se rangeront à l’obéissance de la foi… toutefois que les Juifs tiendront le premier lieu, comme étan
1184 lieu, comme étant les enfants aînés en la maison de Dieu. » (Commentaires, sur Rom. II, 26.) Le sort du monde, et l’on po
1185 rt du monde, et l’on pourrait même dire : la date de son salut final, dépend ainsi de la conversion des Juifs. Et ceci nou
1186 e dire : la date de son salut final, dépend ainsi de la conversion des Juifs. Et ceci nous révèle la plus profonde raison
1187 s « ambivalents », comme dirait Freud, qu’ont eus de tout temps les chrétiens à l’égard du peuple d’Israël. Tout dépend de
1188 s de tout temps les chrétiens à l’égard du peuple d’ Israël. Tout dépend de lui, et il refuse ! D’où la haine sourde, et en
1189 rétiens à l’égard du peuple d’Israël. Tout dépend de lui, et il refuse ! D’où la haine sourde, et en même temps le respect
1190 uple d’Israël. Tout dépend de lui, et il refuse ! D’ où la haine sourde, et en même temps le respect religieux qu’on lui po
1191 qu’on lui porte. Peut-être n’est-il pas excessif de voir dans cette passion contradictoire le secret des soudaines explos
1192 contradictoire le secret des soudaines explosions de rancune qui apparurent périodiquement au Moyen Âge. Je ne sais si cet
1193 s, éternellement lié au sien en vertu d’un décret de Dieu, mais encore qu’elle se doit de juger Israël autrement que ne fa
1194 d’un décret de Dieu, mais encore qu’elle se doit de juger Israël autrement que ne fait « le monde ». Ce n’est pas au nom
1195 ons à prendre position, mais au nom des promesses de la foi, et dans une perspective missionnaire qui réduit à leurs juste
1196 ncevoir nos polémiques. Et son issue ne dépend ni de nous seuls, ni d’eux seuls. On dit : les Juifs sont ceci, les Juifs s
1197 ques. Et son issue ne dépend ni de nous seuls, ni d’ eux seuls. On dit : les Juifs sont ceci, les Juifs sont cela, ils se s
1198 nt ceci, les Juifs sont cela, ils se sont emparés de nos richesses, etc. Mais de quels biens se préoccupe le croyant ? Leu
1199 , ils se sont emparés de nos richesses, etc. Mais de quels biens se préoccupe le croyant ? Leur faute a fait la richesse d
1200 tifié à l’origine que par la vocation spirituelle de ce peuple. Il n’est pas du tout biologique. Il ne le devient qu’acces
1201 soirement, à mesure que l’on prend les « signes » de la vocation pour des réalités valables en elles-mêmes. Mais sans dout
1202 ils n’en épousaient point qui aient été captives, de peur qu’elles n’aient eu quelque commerce avec des étrangers. Peut-il
1203 des pièces si authentiques, prouver leur descente de père en fils depuis deux-mille ans ? Que si quelqu’un manque d’observ
1204 s depuis deux-mille ans ? Que si quelqu’un manque d’ observer cet ordre, on le sépare de l’autel, sans qu’il lui soit plus
1205 elqu’un manque d’observer cet ordre, on le sépare de l’autel, sans qu’il lui soit plus permis de faire aucune des fonction
1206 épare de l’autel, sans qu’il lui soit plus permis de faire aucune des fonctions sacerdotales. » — Il est curieux de noter
1207 ne des fonctions sacerdotales. » — Il est curieux de noter que les lois racistes hitlériennes privent de tous droits civiq
1208 noter que les lois racistes hitlériennes privent de tous droits civiques les personnes qui ne peuvent prouver par les reg
1209 ui ne peuvent prouver par les registres la pureté de leurs origines : c’est que l’exercice des droits civiques est bien un
1210 l’exercice des droits civiques est bien une sorte de « sacerdoce » national. On voit ainsi que l’eugénisme n’est pas le se
1211 oit ainsi que l’eugénisme n’est pas le seul motif de la législation raciste. 65. Sur l’importance capitale de cette notio
1212 gislation raciste. 65. Sur l’importance capitale de cette notion de commune mesure pour toute culture ou civilisation, j’
1213 e. 65. Sur l’importance capitale de cette notion de commune mesure pour toute culture ou civilisation, j’ai donné de plus
1214 er avec les mains , où l’on trouvera un raccourci de la présente étude. Du point de vue de l’histoire du peuple juif, ce r
1215 n raccourci de la présente étude. Du point de vue de l’histoire du peuple juif, ce raccourci souffre, entre autres, d’une
1216 peuple juif, ce raccourci souffre, entre autres, d’ une très grave lacune en ce qu’il paraît conclure sur l’abandon final
1217 e en ce qu’il paraît conclure sur l’abandon final d’ Israël à son destin, après la mort de Jésus-Christ. Je suis heureux de
1218 bandon final d’Israël à son destin, après la mort de Jésus-Christ. Je suis heureux de pouvoir donner ci-après un développe
1219 n, après la mort de Jésus-Christ. Je suis heureux de pouvoir donner ci-après un développement qui n’avait pas sa place dan
1220 hétisme, c’est-à-dire l’élément le plus finaliste de la religion d’Israël qui aurait donné au peuple l’expression légale d
1221 à-dire l’élément le plus finaliste de la religion d’ Israël qui aurait donné au peuple l’expression légale de sa commune me
1222 ël qui aurait donné au peuple l’expression légale de sa commune mesure : le Décalogue. Ainsi la fin crée ses moyens. Cette
1223 le Moïse — aurait bel et bien donné les rudiments de la Loi au peuple juif dès la sortie d’Égypte. Les prophètes seraient
1224 rudiments de la Loi au peuple juif dès la sortie d’ Égypte. Les prophètes seraient alors ceux qui rappellent le peuple au
1225 xcès du légalisme. 67. Livre II, chap. VI, trad. d’ Arnaud d’Andilly. 68. Renan, Histoire du peuple d’Israël, t. II, p. 
1226 Arnaud d’Andilly. 68. Renan, Histoire du peuple d’ Israël, t. II, p. 265. 69. « L’embarras de l’hébreu pour expliquer le
1227 peuple d’Israël, t. II, p. 265. 69. « L’embarras de l’hébreu pour expliquer les notions philosophiques les plus simples,
1228 ns philosophiques les plus simples, dans le Livre de Job, dans l’Ecclésiaste, est quelque chose de surprenant. L’image phy
1229 vre de Job, dans l’Ecclésiaste, est quelque chose de surprenant. L’image physique qui, dans les langues sémitiques, est en
1230 , dans les langues sémitiques, est encore à fleur de sol, obscurcit la déduction abstraite… » (Renan, op. cit., I, p. 49).
1231 Où Renan voit un obscurcissement, je vois le gage d’ une vive actualité, ou efficacité, du langage des clercs, identique à
1232 s semblent infirmer en partie ce dernier jugement de Renan. Mais il reste valable pour la période primitive. 72. Abraham
1233 u « le jour du Seigneur ». Saint Paul et l’auteur de l’Épître aux Hébreux (chap. II) insistent fortement sur cette unicité
1234 (chap. II) insistent fortement sur cette unicité de la Révélation. C’est un grand lieu commun de la théologie réformée qu
1235 cité de la Révélation. C’est un grand lieu commun de la théologie réformée que de voir dans l’Ancien Testament l’histoire
1236 un grand lieu commun de la théologie réformée que de voir dans l’Ancien Testament l’histoire du Christ avant qu’il vienne,
1237 Prophètes après le Christ. Ainsi la Bible n’a pas d’ autre sens que de désigner l’Incarnation qui est son centre, au-delà d
1238 e Christ. Ainsi la Bible n’a pas d’autre sens que de désigner l’Incarnation qui est son centre, au-delà d’elle-même. Tolle
1239 ésigner l’Incarnation qui est son centre, au-delà d’ elle-même. Tolle Christum e scripturis, quid amplius invenies in illis
1240 turis, quid amplius invenies in illis ? (Luther : De servo arbitrio.) 73. Christopher Dawson, Les Origines de l’Europe et
1241 arbitrio.) 73. Christopher Dawson, Les Origines de l’Europe et de la civilisation européenne, trad. française, chez Ried
1242 . Christopher Dawson, Les Origines de l’Europe et de la civilisation européenne, trad. française, chez Rieder, 1934, p. 43
1243 eder, 1934, p. 43. 74. Sitôt que la mesure cesse d’ être transcendante, devient humaine, contingente et partielle, et n’ét
1244 eut encore totalitaire, on a l’État-nation-Police de type fasciste ou stalinien. Bien entendu, il serait absurde de rendre
1245 ste ou stalinien. Bien entendu, il serait absurde de rendre Israël responsable de ce qui n’est que « profanations » de la
1246 u, il serait absurde de rendre Israël responsable de ce qui n’est que « profanations » de la notion de mesure totalitaire.
1247 responsable de ce qui n’est que « profanations » de la notion de mesure totalitaire. 75. Cf. Ramuz. 76. Par exemple : c
1248 de ce qui n’est que « profanations » de la notion de mesure totalitaire. 75. Cf. Ramuz. 76. Par exemple : cohésion spiri
1249 sion spirituelle et matérielle des divers membres de ces nations éparses ou persécutées, esprit à la fois traditionaliste
1250 te et hardiment novateur, génie financier, niveau de culture élevé, etc. 77. Charisme signifie don particulier, vocation
1251 ter le phénomène capitaliste à l’« accumulation » de richesses des couvents anglais au Moyen Âge, et aux banques de l’Ital
1252 des couvents anglais au Moyen Âge, et aux banques de l’Italie du Nord. Les responsabilités se partageraient donc équitable
1253 trois religions ! 79. Calvin, toujours soucieux de ne pas spéculer arbitrairement sur les textes, note en effet cette re
1254 riction : « Et aussi ne faut-il pas entendre ceci de toute vocation, mais de celle par laquelle Dieu a adopté en son allia
1255 faut-il pas entendre ceci de toute vocation, mais de celle par laquelle Dieu a adopté en son alliance la postérité d’Abrah
1256 quelle Dieu a adopté en son alliance la postérité d’ Abraham : vu que le propos était nommément et spécialement d’icelle vo
1257 vu que le propos était nommément et spécialement d’ icelle vocation. » (Commentaires, sur Rom. II, 29). v. Rougemont Den
1258 mentaires, sur Rom. II, 29). v. Rougemont Denis de , « Vocation et destin d’Israël », Les Juifs, Paris, Plon, 1937, p. 14
1259 9). v. Rougemont Denis de, « Vocation et destin d’ Israël », Les Juifs, Paris, Plon, 1937, p. 143-165.
6 1937, Articles divers (1936-1938). Luther, Traité du serf arbitre (1937)
1260 ance serait exagérer, mais dans le sens contraire de celui qu’on imagine. Car on fait pis que de l’ignorer et même que de
1261 raire de celui qu’on imagine. Car on fait pis que de l’ignorer et même que de le méconnaître : on prétend, sans l’avoir ja
1262 ine. Car on fait pis que de l’ignorer et même que de le méconnaître : on prétend, sans l’avoir jamais lu, savoir qui il fu
1263 fut, qui il est. Certains ont parcouru les Propos de table, présentés au public français comme un ouvrage capital : ils s’
1264 rançais comme un ouvrage capital : ils s’étonnent d’ y trouver si peu de substance théologique et tant de plaisanteries par
1265 ique et tant de plaisanteries parfois grossières, de platitudes, de contradictions. Est-ce avec cela que s’est faite la Ré
1266 plaisanteries parfois grossières, de platitudes, de contradictions. Est-ce avec cela que s’est faite la Réforme ? D’autre
1267 utenir que Luther fut un démagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de la race allemande contre la civilisation ro
1268 émagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment de la race allemande contre la civilisation romaine. On a poussé la bouf
1269 oussé la bouffonnerie jusqu’à cet excès grandiose d’ assimiler Luther et M. Hitler, par goût de la rime sans doute. Pour l’
1270 andiose d’assimiler Luther et M. Hitler, par goût de la rime sans doute. Pour l’opinion moyenne sur Luther, je crois que l
1271 se marier. » J’extrais cette déclaration du livre d’ un critique littéraire connu, dont les revues n’hésitèrent pas lorsqu’
1272 e information théologique… Ceci dit, il est juste d’ insister sur la grande valeur des travaux de quelques spécialistes fra
1273 juste d’insister sur la grande valeur des travaux de quelques spécialistes français qui, au niveau de la haute culture, on
1274 e la haute culture, ont largement sauvé l’honneur de leur pays. Je pense aux ouvrages publiés par MM. Henri Strohl, J. Vig
1275 Gilson, pour ne rien dire — mais cela va de soi — de l’activité des professeurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire de
1276 is cela va de soi — de l’activité des professeurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire de l’Église dans les trois facul
1277 vité des professeurs de dogmatique luthérienne ou d’ histoire de l’Église dans les trois facultés françaises de théologie p
1278 ofesseurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire de l’Église dans les trois facultés françaises de théologie protestante.
1279 re de l’Église dans les trois facultés françaises de théologie protestante. Il n’en reste pas moins que l’ignorance ou la
1280 illies par des biographes amateurs, et à l’action de la polémique catholique (Denifle, Maritain, Grisar), mettent le publi
1281 tain, Grisar), mettent le public français en état d’ infériorité assez grave, ne fût-ce que sur le plan de la culture génér
1282 nfériorité assez grave, ne fût-ce que sur le plan de la culture générale. Car ignorer ou méconnaître Luther, c’est ignorer
1283 méconnaître un des deux ou trois moments décisifs de la tradition fondamentale de l’Occident, c’est s’interdire de rien co
1284 ois moments décisifs de la tradition fondamentale de l’Occident, c’est s’interdire de rien comprendre à la grande discussi
1285 ion fondamentale de l’Occident, c’est s’interdire de rien comprendre à la grande discussion millénaire, à la grande tensio
1286 u libre arbitre, opposant Érasme à Luther, permet de définir symboliquement les pôles : pensée « pure » et pensée « engagé
1287 le plan théologique, ou mieux : dans la totalité de l’être, revient à celle d’un christianisme qui se met au service de l
1288 eux : dans la totalité de l’être, revient à celle d’ un christianisme qui se met au service de l’humain (j’entends bien de
1289 à celle d’un christianisme qui se met au service de l’humain (j’entends bien de l’humain purifié, « divinisé » par les ef
1290 qui se met au service de l’humain (j’entends bien de l’humain purifié, « divinisé » par les efforts de la religion s’ajout
1291 de l’humain purifié, « divinisé » par les efforts de la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’un christianisme ab
1292 par les efforts de la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’un christianisme absolu, qu’on déclare volontiers « 
1293 e la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’ un christianisme absolu, qu’on déclare volontiers « inhumain » parce q
1294 arce qu’il attribue tout à Dieu. Importance du De servo arbitrio C’est sans doute dans cette perspective que le lec
1295 occidental par excellence, mais au centre, aussi, de la Réforme, et de l’effort dogmatique de Luther30. On croit d’abord à
1296 ellence, mais au centre, aussi, de la Réforme, et de l’effort dogmatique de Luther30. On croit d’abord à un pamphlet, enco
1297 , aussi, de la Réforme, et de l’effort dogmatique de Luther30. On croit d’abord à un pamphlet, encore que son volume matér
1298 sonnifiée), n’est en fait que le support apparent d’ une réflexion de plus vaste envergure, d’un témoignage qui transcende
1299 apparent d’une réflexion de plus vaste envergure, d’ un témoignage qui transcende toute dispute. Entraîné par sa fougue hab
1300 e il le dit aux premières pages) par les procédés de l’humaniste et du sceptique que se vantait d’être Érasme, Luther en v
1301 dés de l’humaniste et du sceptique que se vantait d’ être Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir et repo
1302 ue que se vantait d’être Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir et reposer avec puissance toutes les af
1303 c puissance toutes les affirmations fondamentales de la Réforme : justification par la foi, qui est don gratuit et œuvre d
1304 fication par la foi, qui est don gratuit et œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice de Dieu à la justice des homm
1305 st don gratuit et œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice de Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; op
1306 œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice de Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; opposition de la gr
1307 cette justice de Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; opposition de la grâce à la nature, selon les termes d
1308 ustice des hommes et de leurs œuvres ; opposition de la grâce à la nature, selon les termes de l’Apôtre ; opposition de la
1309 osition de la grâce à la nature, selon les termes de l’Apôtre ; opposition de la Parole vivante à la tradition codifiée ;
1310 nature, selon les termes de l’Apôtre ; opposition de la Parole vivante à la tradition codifiée ; sens de la décision total
1311 la Parole vivante à la tradition codifiée ; sens de la décision totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout m
1312 n totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout moyen terme ou médiation plus ou moins rationnelle entre les règ
1313 nnelle entre les règnes en guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage, et du témo
1314 en guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage, et du témoignage fidèle, certifié
1315 la Bible, et constituant la véritable « action » de l’homme entre les mains de Dieu. Tels sont les thèmes qu’illustre cet
1316 a véritable « action » de l’homme entre les mains de Dieu. Tels sont les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ils n’y sont pa
1317 étuelle question que nous posent toutes les pages de la Bible. Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne sont que les r
1318 e crois, si tu as reçu la foi, il n’est plus rien de « difficile » dans les assertions de Luther, ni dans sa négation joye
1319 st plus rien de « difficile » dans les assertions de Luther, ni dans sa négation joyeuse du libre arbitre. Ses coups viole
1320 ler. Folie pour les sages Mais il s’en faut de presque tout que les grandes thèses pauliniennes de la Réforme soient
1321 presque tout que les grandes thèses pauliniennes de la Réforme soient acceptées (ou simplement connues !) par nos contemp
1322 r nos contemporains, même chrétiens. Il s’en faut de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’un Érasme nous apparai
1323 orains, même chrétiens. Il s’en faut de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’un Érasme nous apparaissent comme a
1324 t de beaucoup, de presque tout, que les arguments d’ un Érasme nous apparaissent comme autant de sophismes. Non seulement t
1325 uments d’un Érasme nous apparaissent comme autant de sophismes. Non seulement tous les humanistes — des marxistes aux vieu
1326 pole : tout catholique se doit, en bonne logique, de les faire siens, puisqu’il croit au mérite des œuvres ; et tous les p
1327 e Calvin et Luther ont fait leur temps — que dire de Paul, bien plus ancien — tous ceux qui tiennent la prédestination pou
1328 aux hommes que Dieu agrée » par « Paix aux hommes de bonne volonté », tous ceux-là sont, en fait, avec Érasme et son armée
1329 s ceux-là sont, en fait, avec Érasme et son armée de grands docteurs de tous les siècles, pour soutenir le libre arbitre r
1330 fait, avec Érasme et son armée de grands docteurs de tous les siècles, pour soutenir le libre arbitre religieux, c’est-à-d
1331 igieux, c’est-à-dire le pouvoir qu’aurait l’homme de contribuer à son salut par ses efforts et ses œuvres morales. Que tro
1332 eront-ils, dès lors, dans ce Traité ? Une verdeur de polémique qui peut flatter en nous le goût du pittoresque ; l’élan gé
1333 u pittoresque ; l’élan génial, la violence loyale d’ une certitude pesante, vraiment « grave », d’une dialectique sobre et
1334 yale d’une certitude pesante, vraiment « grave », d’ une dialectique sobre et têtue, qui va droit au point décisif, envisag
1335 in conférer à son choix la force et la simplicité d’ une constatation évidente. D’un point de vue purement esthétique, ces
1336 rce et la simplicité d’une constatation évidente. D’ un point de vue purement esthétique, ces qualités sont assez rares, et
1337 même attiré et subjugué par le style, par le ton de l’ouvrage. (Nous ne savons que trop bien, nous modernes, séparer le f
1338 ons que trop bien, nous modernes, séparer le fond de la forme, admirer l’une quand nous condamnons l’autre, et vice versa.
1339 ette maîtrise, qu’on attendait d’ailleurs du chef d’ un grand mouvement (comme dirait le jargon d’aujourd’hui), tout est fa
1340 chef d’un grand mouvement (comme dirait le jargon d’ aujourd’hui), tout est fait, dans notre Traité, pour heurter de front
1341 ), tout est fait, dans notre Traité, pour heurter de front le lecteur incroyant, ou celui qui ne partage pas la foi de Pau
1342 eur incroyant, ou celui qui ne partage pas la foi de Paul et des Apôtres. D’abord, le langage scolastique, qui n’est pas p
1343 proprement luthérien, mais que Luther est obligé d’ utiliser pour débrouiller et supprimer les faux problèmes où la Diatri
1344 efus total, ou mieux, cette négligence tranquille de toute espèce de considération psychologique. (Un tel homme est bien t
1345 ieux, cette négligence tranquille de toute espèce de considération psychologique. (Un tel homme est bien trop vivant pour
1346 ue. (Un tel homme est bien trop vivant pour faire de la psychologie ; trop engagé dans le réel pour prendre au sérieux ses
1347 conscience du spectateur.) Ce qui ne manquera pas de faire crier au dogmatisme. Tout se passe ici « à l’intérieur » du chr
1348 se passe ici « à l’intérieur » du christianisme, de l’Église. L’humanisme laïque, autonome, est simplement nié, comme une
1349 e et doit suffire en droit, à réfuter l’objection d’ un moderne, l’objection parfaitement anachronique, mais que je sais in
1350 isse écarter cette objection par un simple rappel de l’ordre dans lequel le Traité fut pensé. Je tenterai donc d’esquisser
1351 dans lequel le Traité fut pensé. Je tenterai donc d’ esquisser, tout au moins, le dialogue d’une « conscience moderne », do
1352 erai donc d’esquisser, tout au moins, le dialogue d’ une « conscience moderne », douée d’exigence spirituelle, avec un part
1353 , le dialogue d’une « conscience moderne », douée d’ exigence spirituelle, avec un partisan du « serf arbitre » luthérien.
1354 alogue se déroule même à l’intérieur de la pensée d’ un homme qui veut croire…) Dialogue Car Dieu peut tout à tout in
1355 Dieu peut tout à tout instant. C’est là la santé de la foi. Kierkegaard Une conscience moderne. — Selon Luther, nous n
1356 ce, mais l’omniscience et la prescience éternelle de Dieu, qui ne peut faillir à sa promesse, et auquel nul obstacle ne s’
1357 Que devient alors notre effort ? Il ne sert plus de rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si, d’avance, le
1358 us de rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si, d’avance, le vainqueur a été désigné par un arbitre qui ne
1359 ous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si, d’ avance, le vainqueur a été désigné par un arbitre qui ne tient pas com
1360 té désigné par un arbitre qui ne tient pas compte de nos exploits ! Un luthérien. — Mais connais-tu seulement les vraies
1361 vraies règles du jeu ? Qui t’a fait croire que ta vie était une partie à jouer entre toi et le monde, par exemple ; ou enco
1362 Sort, cette idole païenne ? C. M. — J’ai besoin de le croire pour agir. L. — Mais qu’est-ce qu’agir ? Est-ce vraiment t
1363 nt toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-même agi par de puissantes forces sociales, historiques et économiques ? Toute ta sci
1364 Certes, mais ma dignité consiste à lutter contre de telles forces, une fois que je les ai reconnues ; à m’affirmer dans m
1365 omie par un acte qui crée ma liberté, par un acte de révolte, s’il le faut ! L. — Tu crois donc détenir un tel pouvoir ?
1366 nc détenir un tel pouvoir ? C. M. — Il me suffit de vouloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse de travail… Pour
1367 uloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse de travail… Pour moi, je crois que Dieu connaît la fin, la somme, la val
1368 Dieu connaît la fin, la somme, la valeur absolue de nos actions passées, présentes, futures ; car elles sont dans le temp
1369 ce Dieu, qui prétend voir plus loin que le terme de mes actions, ce qui, avouons-le, les ridiculise complètement et les r
1370 Et prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue de moi indignement ! Il faudra donc choisir : Dieu ou moi. Je dirai : mo
1371 es que si Dieu prévoit tout, tu es alors dispensé d’ agir, et que ce n’est plus la peine de faire aucun effort. C’est peut-
1372 rs dispensé d’agir, et que ce n’est plus la peine de faire aucun effort. C’est peut-être mal raisonner. Si ton effort auss
1373 ieu n’est pas ! »32 qui t’assurerait que cet acte de révolte échappe à l’éternelle prévision ? Qui t’assurerait qu’en pron
1374 ne prononcerais pas sur toi-même l’arrêt éternel de Dieu te rejetant vers le néant, en sorte que Dieu, vraiment, n’existe
1375 supprimer en fait. Mais c’est peut-être se priver de son secours, ou encore la transformer en une menace obscure… Il y a u
1376 ps ? C. M. — Mais mon temps est vivant, et plein de nouveauté, de création ! Ton éternité immobile, c’est l’image même de
1377 Mais mon temps est vivant, et plein de nouveauté, de création ! Ton éternité immobile, c’est l’image même de la mort. L.
1378 ation ! Ton éternité immobile, c’est l’image même de la mort. L. — Que savons-nous de l’éternité ? Les philosophes et la
1379 st l’image même de la mort. L. — Que savons-nous de l’éternité ? Les philosophes et la raison ne peuvent l’imaginer que m
1380 que morte. Mais la Bible nous dit qu’elle est la Vie , et que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l
1381 a Bible nous dit qu’elle est la Vie, et que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est quel
1382 Qui nous prouve que l’éternité est quelque chose d’ immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pas au contraire la
1383 ouve que l’éternité est quelque chose d’immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pas au contraire la source de t
1384 nous dit qu’elle n’est pas au contraire la source de tout acte et de toute création, une invention totale et perpétuelle,
1385 n’est pas au contraire la source de tout acte et de toute création, une invention totale et perpétuelle, une actualité pe
1386 elle le touche dans l’instant (dans un « atome » de temps, comme l’écrit Paul) ?33 Qui t’assure que notre raison tout att
1387 otre temps où elle s’est constituée, soit capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’une éternité seule actuelle ?
1388 t capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’ une éternité seule actuelle ? C’est un mystère plus profond que notre
1389 ctuelle ? C’est un mystère plus profond que notre vie , et la raison n’est qu’un faible élément de notre vie. C’est un mystè
1390 otre vie, et la raison n’est qu’un faible élément de notre vie. C’est un mystère que le croyant pressent et vit au seul mo
1391 et la raison n’est qu’un faible élément de notre vie . C’est un mystère que le croyant pressent et vit au seul moment de la
1392 ère que le croyant pressent et vit au seul moment de la prière. « Demandez et l’on vous donnera », dit le même Dieu qui no
1393 nt aux yeux de l’homme, sans que rien soit changé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car
1394 sans que rien soit changé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pa
1395 ngé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’e
1396 ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’est pas lié comme nous à une succession. Mais au cont
1397 traire, nos divers temps et successions procèdent de l’Éternel et lui sont liés : nous venons de lui, nous retournons à lu
1398 range illusion nous ferait croire qu’une décision de l’Éternel est une décision dans le passé ! Quand c’est elle seule qui
1399 cas, tu n’as rien prouvé. L. — On ne prouve rien de ce qui est essentiel ; on l’accepte ou on le refuse, en vertu d’une d
1400 pure. Discuter ne peut nous conduire qu’au seuil de cette décision. Et nous n’aurons pas dialogué en vain, si nous avons
1401 rnel qui commande — ou c’est moi. Il n’y a pas là de difficultés intellectuelles. Il n’y a que la résistance acharnée du «
1402 est Christ lui-même, — il me paraît que l’opinion de Luther n’est pas sujette à de sérieuses objections. Et la démonstrati
1403 araît que l’opinion de Luther n’est pas sujette à de sérieuses objections. Et la démonstration purement biblique qu’on en
1404 es, suffit à établir, pour le chrétien, la vérité d’ un paradoxe que Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l
1405 Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l’Évangile. L’apôtre Paul l’a formulé avant toute « tradition ecclési
1406 araît qu’à celui qui ose aller jusqu’aux extrêmes de la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther i
1407 i ose aller jusqu’aux extrêmes de la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « ex
1408 qu’aux extrêmes de la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « extrémisme » évan
1409 la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « extrémisme » évangélique, que les so
1410 p portés à corriger et à « humaniser », au risque d’ « évacuer la Croix ». Tant qu’on n’a pas envisagé la doctrine de la pu
1411 Croix ». Tant qu’on n’a pas envisagé la doctrine de la pure grâce jusque dans son sérieux dernier, on peut soutenir que l
1412 à l’inverse, il faut oser descendre jusqu’au fond de la connaissance du péché pour voir qu’il n’y a de liberté possible qu
1413 de la connaissance du péché pour voir qu’il n’y a de liberté possible que dans la grâce que Dieu nous fait. Toute l’argume
1414 a grâce que Dieu nous fait. Toute l’argumentation de Luther vise le moment de la décision, et néglige les moyens termes où
1415 t. Toute l’argumentation de Luther vise le moment de la décision, et néglige les moyens termes où voulait se complaire Éra
1416 aire Érasme. Le problème du salut est un problème de vie ou de mort. Or il est seul en cause pour le théologien. Et tout e
1417 e Érasme. Le problème du salut est un problème de vie ou de mort. Or il est seul en cause pour le théologien. Et tout est c
1418 e. Le problème du salut est un problème de vie ou de mort. Or il est seul en cause pour le théologien. Et tout est clair l
1419 mpris que Luther ne nie pas du tout notre faculté de vouloir, mais nie seulement qu’elle puisse suffire à nous obtenir le
1420 ncore catholique ; son humanisme mesuré l’empêche de voir le vrai tragique du débat. Mais le plus grand des adversaires du
1421 a poussé comme Luther, jusqu’aux extrêmes limites de l’homme, jusqu’aux questions dernières que peut envisager notre pensé
1422 la fatalité inéluctable. C’est dans cette volonté de reconnaître notre totale irresponsabilité, qu’il croit trouver et reg
1423 u’il croit trouver et regagner la dignité suprême de l’homme sans Dieu. Être libre, c’est vouloir l’éternité de son destin
1424 e sans Dieu. Être libre, c’est vouloir l’éternité de son destin. (Pour le chrétien, c’est accepter en acte l’éternelle pré
1425 oblème, dès qu’on en vient à une épreuve radicale de la vie. Au « tu dois » des chrétiens, qui est prononcé par Dieu, Niet
1426 , dès qu’on en vient à une épreuve radicale de la vie . Au « tu dois » des chrétiens, qui est prononcé par Dieu, Nietzsche o
1427 rononcé par Dieu, Nietzsche oppose le « je veux » de l’homme divinisé. Puis, à l’existence de Dieu, il oppose sa propre ex
1428 e veux » de l’homme divinisé. Puis, à l’existence de Dieu, il oppose sa propre existence35. Mais la difficulté fondamental
1429 a difficulté fondamentale que posent les rapports de notre volonté et de l’éternité souveraine, demeure entière. La différ
1430 ntale que posent les rapports de notre volonté et de l’éternité souveraine, demeure entière. La différence, c’est que Niet
1431 . La différence, c’est que Nietzsche nous propose d’ adorer un Destin muet, tandis que nous adorons une Providence dont la
1432 30. À la proposition qu’on lui faisait, en 1587, d’ éditer ses œuvres complètes, le réformateur répondit : « Je ne reconna
1433 le réformateur répondit : « Je ne reconnais aucun de mes livres pour adéquat, si ce n’est peut-être le de servo arbitrio e
1434 mes livres pour adéquat, si ce n’est peut-être le de servo arbitrio et le Catéchisme. » 31. Luther avertit à chaque fois 
1435 85 et suiv. en particulier. o. Rougemont Denis de , Luther Martin, « [Préface] Martin Luther, Traité du serf arbitre  »,
1436 ans Traité du serf arbitre, trad. Rougemont Denis de , Paris, Éditions « Je sers », 1937, p. 15-27.
7 1937, Articles divers (1936-1938). L’Acte comme point de départ (1936-1937)
1437 L’Acte comme point de départ (1936-1937)a b Nous partons de l’impression qu’il existe, e
1438 me point de départ (1936-1937)a b Nous partons de l’impression qu’il existe, entre certains systèmes qu’on a coutume d’
1439 l existe, entre certains systèmes qu’on a coutume d’ opposer très nettement les uns aux autres, un commun dénominateur d’er
1440 tement les uns aux autres, un commun dénominateur d’ erreur, que nous ne pourrions définir qu’en sortant du plan sur lequel
1441 nalisme et dans le pragmatisme, etc., un ensemble de suppositions communes qui nous paraissent renfermer la véritable rais
1442 qui nous paraissent renfermer la véritable raison de rejeter l’un et l’autre système, sans plus nous attacher à combattre
1443 an sur lequel ils s’opposent. Cette impossibilité de prendre parti entre deux erreurs qui nous semblent organiquement liée
1444 ption proprement révolutionnaire (ou « changement de plan »), qui seule nous restitue l’unité de vision, la plénitude de v
1445 ement de plan »), qui seule nous restitue l’unité de vision, la plénitude de volonté et en quelque sorte la bonne conscien
1446 ule nous restitue l’unité de vision, la plénitude de volonté et en quelque sorte la bonne conscience nécessaire à toute œu
1447 onstructive. Les quelques pages qui suivent n’ont d’ autre but que d’en indiquer le principe de permanente actualité. C’est
1448 quelques pages qui suivent n’ont d’autre but que d’ en indiquer le principe de permanente actualité. C’est précisément ce
1449 t n’ont d’autre but que d’en indiquer le principe de permanente actualité. C’est précisément ce sentiment de bonne conscie
1450 manente actualité. C’est précisément ce sentiment de bonne conscience que nous ne pouvons plus éprouver en présence de la
1451 rouver en présence de la plupart des philosophies de naguère et d’aujourd’hui, telles qu’elles se présentent à nous. Avant
1452 ence de la plupart des philosophies de naguère et d’ aujourd’hui, telles qu’elles se présentent à nous. Avant même d’en pén
1453 telles qu’elles se présentent à nous. Avant même d’ en pénétrer le détail et d’en critiquer la structure propre, nous nous
1454 ent à nous. Avant même d’en pénétrer le détail et d’ en critiquer la structure propre, nous nous sentons repoussés par quel
1455 t. Nos analyses ne nous donnent en elles-mêmes et d’ une façon précise rien de suffisant pour justifier ce mouvement de ref
1456 onnent en elles-mêmes et d’une façon précise rien de suffisant pour justifier ce mouvement de refus global. Mais nous sent
1457 ise rien de suffisant pour justifier ce mouvement de refus global. Mais nous sentons qu’elles entraînent en nous un état d
1458 nous sentons qu’elles entraînent en nous un état de division intérieure. Elles opèrent dans un monde dépourvu de correspo
1459 intérieure. Elles opèrent dans un monde dépourvu de correspondances avec notre situation concrète. Ce n’est pas leur abst
1460 se se donner des lois qui ne tiennent plus compte de la crise du monde, et de celle de l’esprit dans ce monde. L’esprit s’
1461 ne tiennent plus compte de la crise du monde, et de celle de l’esprit dans ce monde. L’esprit s’est dégagé des coordonnée
1462 ent plus compte de la crise du monde, et de celle de l’esprit dans ce monde. L’esprit s’est dégagé des coordonnées du mome
1463 son exercice n’engage plus à rien, concrètement. D’ où ce sentiment, quand nous voulons penser telle idéologie, de nous tr
1464 iment, quand nous voulons penser telle idéologie, de nous trouver diminués dans notre énergie totale. La pensée n’est plus
1465 re énergie totale. La pensée n’est plus le moteur de l’action ; au contraire, elle tourne à ses dépens. On peut continuer
1466 é n’en ronfle que mieux, d’ailleurs, et fait plus de bruit qu’en « prise ». Il arrive même qu’il tourne si vite que toute
1467 ive même qu’il tourne si vite que toute tentative d’ embrayage serait immédiatement fatale à la machine, et ferait voler en
1468 éclats les engrenages. La merveilleuse subtilité d’ une certaine pensée critique, aujourd’hui, ne donne-t-elle pas exactem
1469 par un seul mot, qui exprime à la fois son manque de coordonnées, d’une part, et, d’autre part, le sentiment de division e
1470 nnées, d’une part, et, d’autre part, le sentiment de division et de diminution qu’elle favorise en nous : ce mot serait ce
1471 rt, et, d’autre part, le sentiment de division et de diminution qu’elle favorise en nous : ce mot serait celui d’inactuali
1472 on qu’elle favorise en nous : ce mot serait celui d’ inactualité, entendu, non pas au sens temporel, mais au sens de ruptur
1473 , entendu, non pas au sens temporel, mais au sens de rupture entre la pensée et l’acte. ⁂ Que la pensée moderne repose sur
1474 e. ⁂ Que la pensée moderne repose sur un postulat d’ inactualité, il suffit, pour s’en convaincre, de se demander un instan
1475 t d’inactualité, il suffit, pour s’en convaincre, de se demander un instant ce qui arriverait dans le cas contraire. Si no
1476 ser passer, laisser faire », suppose le débrayage de la pensée, sinon nous vivrions dans la plus effroyable anarchie matér
1477 st réel, il se peut qu’il provienne, précisément, d’ actualisations partielles des philosophies que nous repoussons ? Nous
1478 se renouvelle, c’est qu’il y a dans le monde plus d’ actualité que nos philosophies n’en peuvent concevoir. Et s’il y a du
1479 le désordre n’est pas total, c’est la raison même de ce désordre : c’est la rupture entre la pensée et l’acte, rupture qui
1480 ’autre part, la freine et la prive pour le moment de virulence. Cet état d’équilibre entre le microbe et la maladie ne peu
1481 et la prive pour le moment de virulence. Cet état d’ équilibre entre le microbe et la maladie ne peut mener qu’à une consom
1482 lisation, c’est-à-dire par l’effort et la volonté de confondre l’opération propre de la pensée avec l’acte qui la certifie
1483 ort et la volonté de confondre l’opération propre de la pensée avec l’acte qui la certifie1. À vrai dire, cet effort et ce
1484 purement critique, ou idéaliste, ou relativiste, de l’activité du philosophe. ⁂ Mais cette réalité salutaire, cet acte, c
1485 alement — comment pourrions-nous faire comprendre de quoi il s’agit ? Nous allons être obligés ici d’avoir recours à une m
1486 de quoi il s’agit ? Nous allons être obligés ici d’ avoir recours à une méthode rigoureusement indirecte, et en quelque so
1487 négative. Car, en vérité, il n’y a pas pour nous de problème de l’acte mais il y a problème de ce qui s’oppose à l’acte.
1488 ar, en vérité, il n’y a pas pour nous de problème de l’acte mais il y a problème de ce qui s’oppose à l’acte. (En d’autres
1489 r nous de problème de l’acte mais il y a problème de ce qui s’oppose à l’acte. (En d’autres termes, il n’y a pas de problè
1490 ppose à l’acte. (En d’autres termes, il n’y a pas de problème de la personne, mais bien des « choses », de l’impersonnel.)
1491 te. (En d’autres termes, il n’y a pas de problème de la personne, mais bien des « choses », de l’impersonnel.) L’acte, éta
1492 roblème de la personne, mais bien des « choses », de l’impersonnel.) L’acte, étant immédiat au sujet, ne peut pas, sans ce
1493 étant immédiat au sujet, ne peut pas, sans cesser d’ être acte, être posé en face de l’acteur. On ne peut pas photographier
1494 raphier un acte, et donner ensuite la description de la photo comme la description d’un acte. On pourrait dire tout au plu
1495 e la description de la photo comme la description d’ un acte. On pourrait dire tout au plus (métaphoriquement) que l’acte r
1496 ) que l’acte révélé par le cliché, c’est l’éclair de magnésium dont la photo constitue l’un des effets. Quant à la scène r
1497 uel en soi, et problématique. Qu’on nous permette de reprendre ici une distinction importante introduite par M. Gabriel Ma
1498 ortante introduite par M. Gabriel Marcel à la fin de son article intitulé : Existence et objectivité. M. Marcel distingue
1499 Marcel distingue « entre les données susceptibles de fournir la matière d’un problème, données qui sont par là même object
1500 re les données susceptibles de fournir la matière d’ un problème, données qui sont par là même objectives, et celles sur le
1501 l que nous l’entendons, est évidemment une donnée de ce deuxième type, la donnée par excellence. En réalité, toute définit
1502 réalité, toute définition s’appuie sur une donnée de ce type, sur un de ces « a priori de fait », comme dirait Heidegger.
1503 nition s’appuie sur une donnée de ce type, sur un de ces « a priori de fait », comme dirait Heidegger. Toute tentative de
1504 r une donnée de ce type, sur un de ces « a priori de fait », comme dirait Heidegger. Toute tentative de définition de l’ac
1505 e fait », comme dirait Heidegger. Toute tentative de définition de l’acte lui-même supposerait un arrêt, un retour sur l’a
1506 e dirait Heidegger. Toute tentative de définition de l’acte lui-même supposerait un arrêt, un retour sur l’acte, c’est-à-d
1507 ’est, en réalité, qu’une réflexion sur les effets de l’acte. Si, au moment de sauter, l’athlète essaie de définir le saut,
1508 l’acte. Si, au moment de sauter, l’athlète essaie de définir le saut, il ne sautera pas. Tous ceux qui ont pratiqué un min
1509 autera pas. Tous ceux qui ont pratiqué un minimum de culture physique connaissent ce genre d’échec. C’est la conscience dé
1510 minimum de culture physique connaissent ce genre d’ échec. C’est la conscience défaillante qui refuse l’obstacle. Il ne re
1511 nous amène à constater que : 1° Si on ne part pas de l’acte, on ne part pas du tout. 2° Si on ne part pas tout de suite,
1512 des mots traduit ici le jeu des faits. Impossible de parler de l’acte dans un langage arrêté ou détendu. Tout discours sur
1513 raduit ici le jeu des faits. Impossible de parler de l’acte dans un langage arrêté ou détendu. Tout discours sur l’acte co
1514 nouveauté » déconcertante qui révèle la proximité de la réalité créante. Force nous est de reconnaître qu’un tel discours,
1515 a proximité de la réalité créante. Force nous est de reconnaître qu’un tel discours, dans l’état de notre philosophie, par
1516 st de reconnaître qu’un tel discours, dans l’état de notre philosophie, paraîtra peu philosophique. Personne, mieux que Ki
1517 , n’a su montrer cette complicité essentielle, et d’ apparence scandaleuse, entre l’expression et l’existence. Bornons-nous
1518 l’expression et l’existence. Bornons-nous à citer de lui une phrase bien typique par sa forme même, et qui, par ailleurs,
1519 de, d’autre part, n’est pas épuisée par l’analyse de ses effets. L’acte est à la fois créateur, et transcendant à sa créat
1520 e que dans ce rapport nouveau on ne trouvera rien d’ autre que la matière d’une problématique nouvelle, un donné, ou plutôt
1521 ouveau on ne trouvera rien d’autre que la matière d’ une problématique nouvelle, un donné, ou plutôt un « abandonné » livré
1522 , et s’offrant à son tour à l’éclair bouleversant d’ un nouvel acte. Il n’y a eu d’acte que dans le présent, dans l’instant
1523 éclair bouleversant d’un nouvel acte. Il n’y a eu d’ acte que dans le présent, dans l’instant créateur, dans ce contact ent
1524 ui, elles, se manifestent dans une certaine durée de vibration. Le sentiment qui accompagne l’acte, c’est le sentiment d’i
1525 ntiment qui accompagne l’acte, c’est le sentiment d’ indivision intérieure, d’indivision entre le vouloir et le pouvoir. On
1526 acte, c’est le sentiment d’indivision intérieure, d’ indivision entre le vouloir et le pouvoir. On pourrait presque dire qu
1527 . On pourrait presque dire que c’est la sensation de l’unité, ou, plus exactement, de son accomplissement. C’est l’euphori
1528 est la sensation de l’unité, ou, plus exactement, de son accomplissement. C’est l’euphorie de celui qui éprouve simultaném
1529 ctement, de son accomplissement. C’est l’euphorie de celui qui éprouve simultanément la résistance d’un objet et la victoi
1530 de celui qui éprouve simultanément la résistance d’ un objet et la victoire sur cette résistance. Moment mystérieux entre
1531 ance. Moment mystérieux entre tous, où le maximum de risque s’identifie au maximum de sécurité, dans la conscience de celu
1532 s, où le maximum de risque s’identifie au maximum de sécurité, dans la conscience de celui qui agit. Nous appellerions vol
1533 ntifie au maximum de sécurité, dans la conscience de celui qui agit. Nous appellerions volontiers cet instant le saint des
1534 erions volontiers cet instant le saint des saints de la réalité humaine, le lieu de la pureté, si la « pureté du cœur », c
1535 e saint des saints de la réalité humaine, le lieu de la pureté, si la « pureté du cœur », comme le veut Kierkegaard, c’est
1536 e vivant et le confondant un instant avec l’objet de son désir. On comprendra peut-être mieux maintenant le reproche d’ina
1537 comprendra peut-être mieux maintenant le reproche d’ inactualité essentielle que nous adressions dès le début à certains sy
1538 rcice se trouve être lié à une division préalable de notre être, par exemple à une objectivation du corps — de mon corps —
1539 être, par exemple à une objectivation du corps — de mon corps — ou à une objectivation du devenir historique, ou encore à
1540 du devenir historique, ou encore à une autonomie de la raison critique. Division qui a pour effet, généralement, de volat
1541 ritique. Division qui a pour effet, généralement, de volatiliser les points d’application de notre volonté, de relativiser
1542 ur effet, généralement, de volatiliser les points d’ application de notre volonté, de relativiser tout effort créateur, enf
1543 ralement, de volatiliser les points d’application de notre volonté, de relativiser tout effort créateur, enfin de « dés-or
1544 iliser les points d’application de notre volonté, de relativiser tout effort créateur, enfin de « dés-orienter » l’activit
1545 lonté, de relativiser tout effort créateur, enfin de « dés-orienter » l’activité spécifique de la pensée. L’acte, étant es
1546 , enfin de « dés-orienter » l’activité spécifique de la pensée. L’acte, étant essentiellement l’affirmation simultanée de
1547 e, étant essentiellement l’affirmation simultanée de l’un et du divers, affirmation absurde en langage rationnel, tout sys
1548 la disqualifier. À moins qu’il n’en parte, comme de la réalité centrale, impensable et qui permet de penser. Nous voudrio
1549 de la réalité centrale, impensable et qui permet de penser. Nous voudrions dégager ici, à titre d’exemple, quelques-unes
1550 et de penser. Nous voudrions dégager ici, à titre d’ exemple, quelques-unes des conséquences (méthodologiques) de notre pos
1551 quelques-unes des conséquences (méthodologiques) de notre position. ⁂ Nous ne pouvons faire comprendre la véritable valeu
1552 s ne pouvons faire comprendre la véritable valeur d’ une philosophie de l’acte qu’en montrant comment ses caractères princi
1553 comprendre la véritable valeur d’une philosophie de l’acte qu’en montrant comment ses caractères principaux, tels que nou
1554 r assez dit pour pouvoir affirmer qu’il n’y a pas de transition entre l’acte et ses effets. C’est l’acte lui-même qui se t
1555 transitif et novateur, sans qu’il y ait pour cela de « médiation ». On pourrait dire, paradoxalement : il n’y a de transit
1556 on ». On pourrait dire, paradoxalement : il n’y a de transition que par l’acte, mais l’acte est le contraire d’une transit
1557 tion que par l’acte, mais l’acte est le contraire d’ une transition. Avant de passer à l’examen de ses effets, rappelons en
1558 aire d’une transition. Avant de passer à l’examen de ses effets, rappelons encore deux caractéristiques de l’acte, impliqu
1559 es effets, rappelons encore deux caractéristiques de l’acte, impliquées d’ailleurs dans ce qui précède, et que nous allons
1560 s allons utiliser. La première, c’est la violence de l’acte. Quand on descend au fond de la notion de force, on est obligé
1561 t la violence de l’acte. Quand on descend au fond de la notion de force, on est obligé de faire appel à l’idée de choc, de
1562 de l’acte. Quand on descend au fond de la notion de force, on est obligé de faire appel à l’idée de choc, de rupture, en
1563 cend au fond de la notion de force, on est obligé de faire appel à l’idée de choc, de rupture, en un mot de violence (voir
1564 n de force, on est obligé de faire appel à l’idée de choc, de rupture, en un mot de violence (voir à cet égard Sorel). Il
1565 e, on est obligé de faire appel à l’idée de choc, de rupture, en un mot de violence (voir à cet égard Sorel). Il n’y a pas
1566 ire appel à l’idée de choc, de rupture, en un mot de violence (voir à cet égard Sorel). Il n’y a pas d’évolution créatrice
1567 e violence (voir à cet égard Sorel). Il n’y a pas d’ évolution créatrice sans révolution. L’acte sera donc agonique. D’autr
1568 pression du Dr Minkowski. L’acte est l’éclatement d’ une tension orientée ; il est donc aussi intention. Il n’est pas seule
1569 èbres. Son caractère dichotomique n’est pas isolé de son caractère agonique. Ce n’est pas à dire que la lumière et les tén
1570 qu’il ne serait pas acte. L’acte n’a qu’un point d’ application, le chaos, la discorde, le non-être, ou ce qui tend à y re
1571 rer du premier d’entre eux, qui est l’affirmation de la personnalité. Nous définissons la personne comme l’individu qui se
1572 r. Mais en s’affirmant, c’est-à-dire en changeant de plan, en allant de l’angoisse à la création, de l’impasse du désordre
1573 ant, c’est-à-dire en changeant de plan, en allant de l’angoisse à la création, de l’impasse du désordre à l’ordre nouveau,
1574 t de plan, en allant de l’angoisse à la création, de l’impasse du désordre à l’ordre nouveau, la personnalité accentue enc
1575 isque de plus en plus. C’est pourquoi les époques de conciliation sont des époques de décadence. Le salut n’est jamais dan
1576 quoi les époques de conciliation sont des époques de décadence. Le salut n’est jamais dans le repli, dans le refus du conf
1577 li, dans le refus du conflit concret. L’invention de l’homme « intérieur » suppose et permet celle du « robot » d’affaires
1578  intérieur » suppose et permet celle du « robot » d’ affaires. L’autisme est un fléchissement de la personnalité. D’une man
1579 obot » d’affaires. L’autisme est un fléchissement de la personnalité. D’une manière générale, l’acte personnel revêtira do
1580 ’autisme est un fléchissement de la personnalité. D’ une manière générale, l’acte personnel revêtira donc deux aspects, sym
1581 revêtira donc deux aspects, symbolisant les pôles de cette tension qui constitue le ressort de l’activité elle-même. D’un
1582 s pôles de cette tension qui constitue le ressort de l’activité elle-même. D’un côté, il y aura une joie créatrice, une co
1583 qui constitue le ressort de l’activité elle-même. D’ un côté, il y aura une joie créatrice, une conscience de libération qu
1584 ôté, il y aura une joie créatrice, une conscience de libération qui est la jouissance spécifiquement humaine. De l’autre c
1585 ion qui est la jouissance spécifiquement humaine. De l’autre côté, on trouvera une économie de force ou de pensée suscepti
1586 umaine. De l’autre côté, on trouvera une économie de force ou de pensée susceptible de se traduire en formules et en mécan
1587 ’autre côté, on trouvera une économie de force ou de pensée susceptible de se traduire en formules et en mécanismes tout f
1588 ra une économie de force ou de pensée susceptible de se traduire en formules et en mécanismes tout faits. D’un côté, un ch
1589 traduire en formules et en mécanismes tout faits. D’ un côté, un champ plus libre conquis pour l’esprit, de l’autre une pre
1590 côté, un champ plus libre conquis pour l’esprit, de l’autre une pression accrue sur l’inerte. Risque par conséquent accru
1591 par conséquent accru aussi, puisque la tentation de l’inertie augmentera en raison même de la plus grande docilité de l’i
1592 tentation de l’inertie augmentera en raison même de la plus grande docilité de l’inerte. Il est plus difficile d’échapper
1593 mentera en raison même de la plus grande docilité de l’inerte. Il est plus difficile d’échapper au prestige du positivisme
1594 rande docilité de l’inerte. Il est plus difficile d’ échapper au prestige du positivisme et du néo-pragmatisme qu’à celui d
1595 celui du moulin à prières. Il est plus difficile de maintenir sur le qui-vive un empire qu’une cité étroite. En effet, à
1596 qu’une cité étroite. En effet, à l’intérieur même de l’empire, s’établit un danger qu’ignorent les pays de marche. Le sent
1597 ’empire, s’établit un danger qu’ignorent les pays de marche. Le sentiment de la sécurité, de l’ennui, du vide, traduit un
1598 nger qu’ignorent les pays de marche. Le sentiment de la sécurité, de l’ennui, du vide, traduit un fléchissement de la tens
1599 les pays de marche. Le sentiment de la sécurité, de l’ennui, du vide, traduit un fléchissement de la tension. L’adoration
1600 té, de l’ennui, du vide, traduit un fléchissement de la tension. L’adoration de l’abstrait, c’est-à-dire de la formule, l’
1601 aduit un fléchissement de la tension. L’adoration de l’abstrait, c’est-à-dire de la formule, l’invention de l’acte gratuit
1602 tension. L’adoration de l’abstrait, c’est-à-dire de la formule, l’invention de l’acte gratuit, c’est-à-dire de l’acte san
1603 abstrait, c’est-à-dire de la formule, l’invention de l’acte gratuit, c’est-à-dire de l’acte sans point d’appui et sans ori
1604 mule, l’invention de l’acte gratuit, c’est-à-dire de l’acte sans point d’appui et sans orientation, autrement dit de l’act
1605 l’acte gratuit, c’est-à-dire de l’acte sans point d’ appui et sans orientation, autrement dit de l’acte impossible, sont de
1606 point d’appui et sans orientation, autrement dit de l’acte impossible, sont des exemples de ce fléchissement. La tentatio
1607 ement dit de l’acte impossible, sont des exemples de ce fléchissement. La tentation de l’acte gratuit n’est qu’une forme m
1608 nt des exemples de ce fléchissement. La tentation de l’acte gratuit n’est qu’une forme moderne de la tentation de l’inerte
1609 tion de l’acte gratuit n’est qu’une forme moderne de la tentation de l’inerte. C’est un vertige de la personnalité consécu
1610 ratuit n’est qu’une forme moderne de la tentation de l’inerte. C’est un vertige de la personnalité consécutif au relâcheme
1611 rne de la tentation de l’inerte. C’est un vertige de la personnalité consécutif au relâchement de la tension et à la perte
1612 tige de la personnalité consécutif au relâchement de la tension et à la perte du sentiment du risque véritable. À côté de
1613 ntiment du risque véritable. À côté de la réalité de la personne, une autre réalité immédiate à l’acte, c’est évidemment l
1614 mmédiate des mises en ordre, la raison est tentée de confondre cet ordre même, qui n’est qu’un effet, avec le dynamisme qu
1615 e dynamisme qui en est cause. Ce dynamisme propre de la pensée créatrice, c’est cela que nous appelons sa faculté dichotom
1616 qu’activité, elle peut se définir par l’invention de l’abstrait, c’est-à-dire de l’homogénéité mathématique. Elle apparaît
1617 finir par l’invention de l’abstrait, c’est-à-dire de l’homogénéité mathématique. Elle apparaît ainsi comme un va-et-vient
1618 n va-et-vient du « donné » à l’abstrait. (Conflit de l’identité et de la réalité, voir Meyerson). Il n’y a de paradoxe épi
1619 « donné » à l’abstrait. (Conflit de l’identité et de la réalité, voir Meyerson). Il n’y a de paradoxe épistémologique que
1620 entité et de la réalité, voir Meyerson). Il n’y a de paradoxe épistémologique que pour qui refuse d’aborder le problème de
1621 a de paradoxe épistémologique que pour qui refuse d’ aborder le problème de la connaissance à partir de l’acte. Mais, au co
1622 logique que pour qui refuse d’aborder le problème de la connaissance à partir de l’acte. Mais, au contraire, la science, c
1623 , considérée maintenant comme monument ou système de règles, ne saurait être qu’un aspect provisoirement favorable du chao
1624 es hommes, la science se traduit par une économie d’ énergie et de pensée, d’où cette zone où l’homme marche sur de l’art h
1625 science se traduit par une économie d’énergie et de pensée, d’où cette zone où l’homme marche sur de l’art humain en tout
1626 traduit par une économie d’énergie et de pensée, d’ où cette zone où l’homme marche sur de l’art humain en toute sécurité
1627 de pensée, d’où cette zone où l’homme marche sur de l’art humain en toute sécurité et en plein automatisme (exemple : les
1628 progrès scientifique accroît sans cesse ce risque d’ automatisme, rançon de la conquête2. À tous les étages et dans tous le
1629 ccroît sans cesse ce risque d’automatisme, rançon de la conquête2. À tous les étages et dans tous les domaines de l’effort
1630 ête2. À tous les étages et dans tous les domaines de l’effort de pensée nous retrouvons ce risque, né du caractère ordonna
1631 les étages et dans tous les domaines de l’effort de pensée nous retrouvons ce risque, né du caractère ordonnateur de l’ac
1632 retrouvons ce risque, né du caractère ordonnateur de l’activité humaine. Ainsi dans l’organisation du travail. La machine
1633 l où l’œuvre garde un caractère plus ou moins net de totalité. En d’autres termes, la machine sépare le travail qualifié,
1634 non qualifié, où l’homme ne joue plus qu’un rôle d’ exécuteur. Remarquons que la machine n’est que le prolongement d’un sc
1635 marquons que la machine n’est que le prolongement d’ un schéma mathématique, et qu’elle est elle-même prolongée par la rati
1636 ionalisation. Nous avons là un exemple saisissant de la progression par dichotomie. Progression réelle, créant un double r
1637 ce serait en quelque sorte renoncer au sens même de l’activité humaine ; mais, d’autre part, la domination de la machine
1638 ivité humaine ; mais, d’autre part, la domination de la machine serait le résultat fatal du renoncement à la valeur éthiqu
1639 résultat fatal du renoncement à la valeur éthique de la science en tant qu’acte (tentation à laquelle nous condamne à céde
1640 périmentalisme positiviste). Un troisième exemple de tension et d’acte nous est fourni par l’homme considéré du point de v
1641 positiviste). Un troisième exemple de tension et d’ acte nous est fourni par l’homme considéré du point de vue social. D’u
1642 rni par l’homme considéré du point de vue social. D’ un côté, nous trouvons l’attachement de l’homme à la terre, à la famil
1643 ue social. D’un côté, nous trouvons l’attachement de l’homme à la terre, à la famille, à la race, à l’ambiance sociale. L’
1644 ort. Remarquons que cet attachement est la marque de l’humanité. Mais, d’autre part, l’homme n’existe personnellement qu’a
1645 qu’autant qu’il s’affirme en acte. Quand on parle de solidarité humaine, de valeur humaine, c’est à une société de personn
1646 me en acte. Quand on parle de solidarité humaine, de valeur humaine, c’est à une société de personnes que l’on pense. L’ho
1647 é humaine, de valeur humaine, c’est à une société de personnes que l’on pense. L’homme n’atteint l’universel qu’à travers
1648 . Originalité éclatante, inoubliable, paradoxale, de la société humaine, qui lui permet de se dépasser elle-même. L’homme
1649 paradoxale, de la société humaine, qui lui permet de se dépasser elle-même. L’homme concret, l’homme vivant, l’homme en ac
1650 l’homme vivant, l’homme en acte est l’affirmation d’ une tension permanente entre ces deux pôles de l’amour : l’attachement
1651 ion d’une tension permanente entre ces deux pôles de l’amour : l’attachement à la diversité concrète, et l’actualisation d
1652 ement à la diversité concrète, et l’actualisation de l’universel par la charité personnaliste. ⁂ Pour éviter un malentendu
1653 nons à souligner encore en terminant le caractère d’ instantanéité de l’acte créateur. Nous affirmons ainsi ce qui nous par
1654 encore en terminant le caractère d’instantanéité de l’acte créateur. Nous affirmons ainsi ce qui nous paraît spécifique d
1655 ous affirmons ainsi ce qui nous paraît spécifique de l’effort et de la pensée humaine. La pensée créatrice est donc l’acte
1656 insi ce qui nous paraît spécifique de l’effort et de la pensée humaine. La pensée créatrice est donc l’acte le plus pur et
1657 e nous n’allons pas être amenés à nier la réalité de toute médiation ? Assurément l’évidence de l’acte, non seulement prim
1658 éalité de toute médiation ? Assurément l’évidence de l’acte, non seulement prime tout pour nous, mais constitue, comme nou
1659 mais constitue, comme nous l’avons dit, le point de départ nécessaire, la supra-rationalité la plus favorable à l’édifica
1660 pra-rationalité la plus favorable à l’édification de toute construction humaine, même et surtout rationnelle. Mais si nous
1661 Ce n’est que dans certains domaines très étroits de la pensée que ces résistances sont assez nettement brisées pour confé
1662 ttement brisées pour conférer à la création issue de l’acte comme une forme d’éternité. Partout ailleurs, les résistances
1663 rer à la création issue de l’acte comme une forme d’ éternité. Partout ailleurs, les résistances sont étroitement mêlées à
1664 nt étroitement mêlées à toutes les manifestations d’ activité. La médiation ne se manifeste pour nous que sous forme de rés
1665 s résistances plus ou moins favorables au ressort de l’activité, comme certains climats ou certains pays se prêtent mieux
1666 jamais que des résistances. Entre les deux pôles de la tension, il n’y a ni identité, ni égalité, justement parce que l’u
1667 ’un d’entre eux attache l’homme aux autres formes de la vie, tandis que le second affirme la transcendance de l’acte. Étan
1668 entre eux attache l’homme aux autres formes de la vie , tandis que le second affirme la transcendance de l’acte. Étant orien
1669 ie, tandis que le second affirme la transcendance de l’acte. Étant orientée vers l’acte, la tension humaine ne saurait don
1670 édiat, ou, pour reprendre l’expression vigoureuse de Kierkegaard, comme « un attentat métaphysique contre l’éthique ». Il
1671 ». Il faut, certes, que l’homme trouve des points d’ appui et garde une participation avec ce qui n’est pas personnel. Mais
1672 irmation du personnalisme. Dans les divers ordres de l’activité humaine, l’acte instantané ne fera briller son éclair que
1673 t ici en tant que résistance à l’effort une sorte de réalité indépendante, ne donnent que rarement l’occasion d’une victoi
1674 indépendante, ne donnent que rarement l’occasion d’ une victoire évidente ; mais dans tous les domaines de l’activité huma
1675 e victoire évidente ; mais dans tous les domaines de l’activité humaine la pensée dichotomique maintiendra cette volonté :
1676 libérer la personnalité, dégager l’instantanéité de l’acte. 1. Ce qui ne signifie pas du tout que la pensée doive être
1677 action — bien au contraire ! — mais que le risque de penser est actuel (D. R.). 2. Je retrouve dans les papiers posthume
1678 R.). 2. Je retrouve dans les papiers posthumes d’ Arnaud Dandieu quelques lignes qui me paraissent propres à éclairer ce
1679 logique du logique, où est-il donc ? Le point est d’ importance car il nous éclairera un peu sur la nature intime de l’acte
1680 car il nous éclairera un peu sur la nature intime de l’acte créateur, dans la mesure où elle est saisissable. En effet, de
1681 dans la mesure où elle est saisissable. En effet, de tous les seuils irrationnels que l’homme puisse passer, c’est sans do
1682 c’est sans doute le seul qui ne lui coûte pas la vie . Or, ce seuil, comme le montre clairement M. Lévy-Bruhl, notamment da
1683 que fois qu’il pense, encore que peut-être l’acte de penser, au sens plein et cartésien du mot, soit infiniment plus diffi
1684 à répondre à cette question, il est indispensable de marquer très fortement l’influence qu’exerce ce seuil sur toute la vi
1685 ement l’influence qu’exerce ce seuil sur toute la vie humaine et, probablement, sur la vie en général. Cela est d’autant pl
1686 sur toute la vie humaine et, probablement, sur la vie en général. Cela est d’autant plus nécessaire que de même que la scie
1687 et, probablement, sur la vie en général. Cela est d’ autant plus nécessaire que de même que la science a longtemps refusé d
1688 ire que de même que la science a longtemps refusé de faire entrer dans ses constructions le principe de Carnot, et qu’elle
1689 e faire entrer dans ses constructions le principe de Carnot, et qu’elle n’a accepté l’irréversibilité qu’il recèle, que po
1690 pour en tourner l’irrationalité foncière à l’aide d’ une loi statistique, de même la méthode sociologique qui a conduit à l
1691 éthode sociologique qui a conduit à la découverte de la véritable nature de la mentalité prélogique, hésite à faire la par
1692 a conduit à la découverte de la véritable nature de la mentalité prélogique, hésite à faire la part de l’orientation huma
1693 e la mentalité prélogique, hésite à faire la part de l’orientation humaine qui s’exprime par une affirmation croissante de
1694 aine qui s’exprime par une affirmation croissante de la discontinuité explosive sous forme d’individualisation ou de créat
1695 oissante de la discontinuité explosive sous forme d’ individualisation ou de création intellectuelle. Notre science n’est à
1696 nuité explosive sous forme d’individualisation ou de création intellectuelle. Notre science n’est à l’aise que dans le con
1697 le. Paradoxe que M. Meyerson a décrit sous le nom de paradoxe épistémologique. » (Arnaud Dandieu). a. Rougemont Denis d
1698 ogique. » (Arnaud Dandieu). a. Rougemont Denis de , « L’Acte comme point de départ », Recherches philosophiques, Paris,
1699 ). a. Rougemont Denis de, « L’Acte comme point de départ », Recherches philosophiques, Paris, 1936–1973, p. 55-64. b.
1700 iques, Paris, 1936–1973, p. 55-64. b. Texte daté de 1933 et co-rédigé avec Arnaud Dandieu.
8 1937, Articles divers (1936-1938). Formons des Clubs de presse (30 janvier 1937)
1701 Formons des Clubs de presse (30 janvier 1937)f g Les raisons Chacun sait et éprouv
1702 es ou des partisanneries politiques qui est celui de la presse française, rend à peu près impossibles une documentation ob
1703 n objective et une information sincère. Le procès de la presse n’est plus à faire. Sa réforme pose tant de problèmes et en
1704 re. Sa réforme pose tant de problèmes et entraîne de telles incidences (les dangers d’une information d’État : Tass ou DNB
1705 mes et entraîne de telles incidences (les dangers d’ une information d’État : Tass ou DNB sont aussi graves que celles d’un
1706 telles incidences (les dangers d’une information d’ État : Tass ou DNB sont aussi graves que celles d’un monopole privé) q
1707 d’État : Tass ou DNB sont aussi graves que celles d’ un monopole privé) qu’il est à craindre qu’elle ne puisse s’accomplir
1708 solément. Seul le redressement radical et général d’ un régime économique où règne aujourd’hui l’argent, libérera l’informa
1709 ui des journaux. Le but L’objet des « Clubs de presse », en même temps que de préparer et d’accélérer cette réforme
1710 ’objet des « Clubs de presse », en même temps que de préparer et d’accélérer cette réforme nécessaire, est de fournir dès
1711 ubs de presse », en même temps que de préparer et d’ accélérer cette réforme nécessaire, est de fournir dès à présent à tou
1712 arer et d’accélérer cette réforme nécessaire, est de fournir dès à présent à tous ceux qui en éprouvent le pressant besoin
1713 rouvent le pressant besoin, les premiers éléments d’ une information honnête, et cela en échappant résolument aux condition
1714 x conditions et aux méthodes aujourd’hui faussées de la grande presse imprimée. Le principe Ce sont les mêmes procéd
1715 ité, centralisation, etc.) qui ont fait le succès de la presse moderne, qui font aujourd’hui son servage. « L’imprimé » qu
1716 a trente ans, synonyme dans l’opinion populaire, de vérité, est devenu pour le public, synonyme de mensonge. Il s’agit en
1717 e, de vérité, est devenu pour le public, synonyme de mensonge. Il s’agit en attendant que la question puisse être attaquée
1718 t que la question puisse être attaquée et résolue de front — de tourner la difficulté en remontant à la source, en renouve
1719 estion puisse être attaquée et résolue de front — de tourner la difficulté en remontant à la source, en renouvelant le mod
1720 culté en remontant à la source, en renouvelant le mode primitif de l’information, l’information directe, personnelle et oral
1721 tant à la source, en renouvelant le mode primitif de l’information, l’information directe, personnelle et orale. Déjà aujo
1722 à aujourd’hui, devant la carence ou la subversion de l’information officielle, chercher à obtenir, par des contacts person
1723 nements aux sources mêmes, des nouvelles exemptes de déformations ou de tendances. Il s’agit, en contrôlant, en systématis
1724 mêmes, des nouvelles exemptes de déformations ou de tendances. Il s’agit, en contrôlant, en systématisant cette presse pa
1725 ant cette presse parlée qui se crée spontanément, d’ établir dans toute la France, un vaste réseau entre les hommes de bonn
1726 toute la France, un vaste réseau entre les hommes de bonne volonté. Les organismes On constitue, dans le plus grand
1727 On constitue, dans le plus grand nombre possible de localités un « Club de presse ». Les adhérents se réunissent une fois
1728 plus grand nombre possible de localités un « Club de presse ». Les adhérents se réunissent une fois par semaine, pour rece
1729 r semaine, pour recevoir et apporter les éléments de cette nouvelle forme d’informations. Le travail est centralisé par un
1730 et apporter les éléments de cette nouvelle forme d’ informations. Le travail est centralisé par un « Comité central des in
1731 qui, après recoupements et vérifications, permet d’ élaborer une matière définitive. Il convient de préciser que le bullet
1732 et d’élaborer une matière définitive. Il convient de préciser que le bulletin n’est pas distribué. Il est adressé personne
1733 nt et confidentiellement au président responsable de chaque club qui le communique à ses adhérents. Ceux-ci ne sont pas de
1734 e communique à ses adhérents. Ceux-ci ne sont pas de simples lecteurs passifs, mais des membres actifs, qui participent à
1735 s. Il faut encore ajouter que le « Comité central d’ informations » qui rédige le bulletin, n’a pas seulement à sa disposit
1736 les renseignements que lui fournissent les clubs de base. Composé lui-même de journalistes, d’économistes, de financiers,
1737 i fournissent les clubs de base. Composé lui-même de journalistes, d’économistes, de financiers, de militants, il utilise
1738 clubs de base. Composé lui-même de journalistes, d’ économistes, de financiers, de militants, il utilise toutes les Inform
1739 Composé lui-même de journalistes, d’économistes, de financiers, de militants, il utilise toutes les Informations directes
1740 me de journalistes, d’économistes, de financiers, de militants, il utilise toutes les Informations directes dans les agenc
1741 ndicats, les milieux financiers… Par la diversité de sa composition professionnelle, par l’étendue de ses ramifications, i
1742 de sa composition professionnelle, par l’étendue de ses ramifications, il vise à ne délaisser aucune source, à tenir comp
1743 vise à ne délaisser aucune source, à tenir compte de tous les points de vue. Le programme Le bulletin se divise en t
1744 ni appréciations, sur chacun des faits importants de la semaine. Cette première partie doit donner aux membres des clubs,
1745 rtie doit donner aux membres des clubs, une suite de « matières premières » offrant toute garantie ; 2° une partie critiqu
1746 arantie ; 2° une partie critique. C’est une sorte de revue de presse commentée. On y relèvera les contradictions et les dé
1747 2° une partie critique. C’est une sorte de revue de presse commentée. On y relèvera les contradictions et les déformation
1748 y relèvera les contradictions et les déformations de la grande presse ou de la presse d’opinion, en donnant chaque fois le
1749 ctions et les déformations de la grande presse ou de la presse d’opinion, en donnant chaque fois les raisons politiques ou
1750 déformations de la grande presse ou de la presse d’ opinion, en donnant chaque fois les raisons politiques ou financières
1751 chaque fois les raisons politiques ou financières de telle campagne et aussi de tel silence. Cette partie a pour but de do
1752 itiques ou financières de telle campagne et aussi de tel silence. Cette partie a pour but de donner aux adhérents, des moy
1753 et aussi de tel silence. Cette partie a pour but de donner aux adhérents, des moyens de comprendre et de redresser la doc
1754 ie a pour but de donner aux adhérents, des moyens de comprendre et de redresser la documentation que continuera à leur fou
1755 donner aux adhérents, des moyens de comprendre et de redresser la documentation que continuera à leur fournir la presse. E
1756 r fournir la presse. Elle pourrait être une sorte d’ école permanente des lecteurs de journaux ; 3° une partie documentaire
1757 it être une sorte d’école permanente des lecteurs de journaux ; 3° une partie documentaire sur la presse. Tout en cherchan
1758 . Tout en cherchant à remédier à l’action néfaste de la presse imprimée en se plaçant hors de son domaine, les « Clubs » n
1759 « Clubs » n’oublient pas que la réforme organique de la presse est le but final. Dans cette partie, on réunira petit à pet
1760 entation précise sur la structure et le mécanisme de la presse. Soit en signalant toutes les modifications dans la command
1761 professionnels, législatifs, que pose la réforme de la presse. Dès à présent, de tels documents facilitent aux adhérents
1762 que pose la réforme de la presse. Dès à présent, de tels documents facilitent aux adhérents l’objet de la partie numéro 2
1763 e tels documents facilitent aux adhérents l’objet de la partie numéro 2 du bulletin : savoir lire avec le minimum de duper
1764 uméro 2 du bulletin : savoir lire avec le minimum de duperie, une presse truquée. L’esprit Il est évident que la por
1765 quée. L’esprit Il est évident que la portée d’ une telle entreprise dépend de la valeur professionnelle et morale et
1766 ident que la portée d’une telle entreprise dépend de la valeur professionnelle et morale et de l’honnêteté intellectuelle
1767 dépend de la valeur professionnelle et morale et de l’honnêteté intellectuelle de ses réalisateurs. Le côté confidentiel
1768 nnelle et morale et de l’honnêteté intellectuelle de ses réalisateurs. Le côté confidentiel et privé de la méthode rend la
1769 e ses réalisateurs. Le côté confidentiel et privé de la méthode rend la question particulièrement importante. L’expérience
1770 xpérience seule permettra aux adhérents des clubs de vérifier le sérieux et l’indépendance du bulletin. Toutefois les adhé
1771 ie dans les groupements qui ont pris l’initiative de la création et du fonctionnement des clubs de presse. Les « Clubs de
1772 ive de la création et du fonctionnement des clubs de presse. Les « Clubs de presse » sont fondés et dirigés par Denis de R
1773 u fonctionnement des clubs de presse. Les « Clubs de presse » sont fondés et dirigés par Denis de Rougemont et R.-Philippe
1774 igés par Denis de Rougemont et R.-Philippe Millet de L’Ordre nouveau , L.-Émile Gallëy et Jean Maze de la Flèche, Jacques
1775 entreprise qui ne veut être qu’une œuvre stricte d’ information, à l’exclusivité de tout commentaire et de tout jugement.
1776 ’une œuvre stricte d’information, à l’exclusivité de tout commentaire et de tout jugement. Mais ils s’engagent, dans les «
1777 formation, à l’exclusivité de tout commentaire et de tout jugement. Mais ils s’engagent, dans les « clubs de presse », à d
1778 t jugement. Mais ils s’engagent, dans les « clubs de presse », à défendre les principes qui leur sont communs : primauté d
1779 re les principes qui leur sont communs : primauté de la personne humaine, respect de la vérité et lutte contre la tyrannie
1780 ommuns : primauté de la personne humaine, respect de la vérité et lutte contre la tyrannie de l’argent. Louis E. Galey, Ja
1781 respect de la vérité et lutte contre la tyrannie de l’argent. Louis E. Galey, Jacques Madaule, Jean Maze, R.-Philippe Mil
1782 unier, Denis de Rougemont. f. Rougemont Denis de , « Formons des clubs de presse », La Flèche, Paris, 30 janvier 1937,
1783 t. f. Rougemont Denis de, « Formons des clubs de presse », La Flèche, Paris, 30 janvier 1937, p. 2. g. Précédé de la
1784 Flèche, Paris, 30 janvier 1937, p. 2. g. Précédé de la notice suivante : « Nous présentons ci-dessous à tous nos camarade
1785 ntons ci-dessous à tous nos camarades et lecteurs de La Flèche le manifeste des clubs de presse en formation. À l’heure où
1786 s et lecteurs de La Flèche le manifeste des clubs de presse en formation. À l’heure où la grande presse française se const
1787 haque jour davantage en trusts, il ne suffit plus de dénoncer ses mensonges et ses trahisons. Il faut passer à l’action. S
1788 r un terrain parfaitement précis et limité, celui de l’information, nous avons pensé que nous devions collaborer avec des
1789 ons. Ce sera certainement par ailleurs l’occasion d’ un échange de vues qui ne peut être que fructueux pour tous. Nous fais
1790 certainement par ailleurs l’occasion d’un échange de vues qui ne peut être que fructueux pour tous. Nous faisons un appel
1791 si éloignée, si peu importante soit-elle, le club de presse dont ils seront les instigateurs devienne rapidement un organi
1792 l’heure où Havas règne, à l’heure où la diffusion de la pensée par le papier, le film et la radio n’a jamais été si grande
1793 dio n’a jamais été si grande, nous sommes obligés de revenir à une forme antique de transmission : l’information orale. C’
1794 ous sommes obligés de revenir à une forme antique de transmission : l’information orale. C’est la seule possible aujourd’h
1795 dière, en mettant dans le coin la mention : clubs de presse.) »
9 1937, Articles divers (1936-1938). À qui la liberté ? (5 mars 1937)
1796 a liberté ? (5 mars 1937)h Tout le monde parle de la culture et de la défense de la culture. C’est qu’on ne sait plus c
1797 rs 1937)h Tout le monde parle de la culture et de la défense de la culture. C’est qu’on ne sait plus ce que signifie cu
1798 lement dans les élites, mais se manifeste dans la vie publique, et dans les couches profondes de la nation. Je dis que la c
1799 ns la vie publique, et dans les couches profondes de la nation. Je dis que la crise de la culture est dans la rue. Je dis
1800 uches profondes de la nation. Je dis que la crise de la culture est dans la rue. Je dis que la culture fait le trottoir. E
1801 toir. Et que c’est la politique qui s’est chargée de réglementer à sa manière la prostitution des mots-clés, des lieux com
1802 e la Rocque défend ce qu’il appelle « la primauté de l’esprit ». Il fait placarder des affiches « Pour la défense de la li
1803 Couturier publie un manifeste intitulé Au service de l’esprit, où il est question à chaque page de défendre la liberté. Da
1804 ice de l’esprit, où il est question à chaque page de défendre la liberté. Dans l’état présent du langage, de la culture, e
1805 endre la liberté. Dans l’état présent du langage, de la culture, et de la politique, on peut être à peu près certain que c
1806 Dans l’état présent du langage, de la culture, et de la politique, on peut être à peu près certain que ces deux messieurs
1807 deux messieurs défendent en réalité le contraire de l’esprit et de la liberté, c’est-à-dire qu’ils défendent l’un et l’au
1808 défendent en réalité le contraire de l’esprit et de la liberté, c’est-à-dire qu’ils défendent l’un et l’autre un régime d
1809 à-dire qu’ils défendent l’un et l’autre un régime d’ étatisme oppressif et de dictature de l’économique. Le résultat de ces
1810 l’un et l’autre un régime d’étatisme oppressif et de dictature de l’économique. Le résultat de ces pratiques ne se fera pa
1811 re un régime d’étatisme oppressif et de dictature de l’économique. Le résultat de ces pratiques ne se fera pas attendre, e
1812 ssif et de dictature de l’économique. Le résultat de ces pratiques ne se fera pas attendre, et l’on en voit déjà les premi
1813 et l’on en voit déjà les premiers signes : parlez de la liberté, posez-vous en défenseur de cet idéal permanent de la Révo
1814 s : parlez de la liberté, posez-vous en défenseur de cet idéal permanent de la Révolution humaine, vous passerez bientôt p
1815 é, posez-vous en défenseur de cet idéal permanent de la Révolution humaine, vous passerez bientôt pour fasciste. On dit qu
1816 tôt pour fasciste. On dit que les mots n’ont plus de sens. Ce serait trop beau, ce serait trop facile, ce serait enfin la
1817 veut dans la bouche des politiciens. Ils prennent de préférence un sens contraire à celui de l’usage courant. (Staline dit
1818 prennent de préférence un sens contraire à celui de l’usage courant. (Staline dit : « Je ne suis pas un dictateur » ; Mus
1819 s pas un dictateur » ; Mussolini fait la conquête de l’Éthiopie au nom de ce qu’il appelle sa liberté, etc.) Mais ils pren
1820 erté, etc.) Mais ils prennent aussi toutes sortes de sens intermédiaires dans la bouche de nos députés et journalistes, qu
1821 utes sortes de sens intermédiaires dans la bouche de nos députés et journalistes, qui flétrissent (à droite) ou approuvent
1822 he) les lois sociales parce qu’ils les qualifient de socialistes, et qui approuveraient (à droite), ou flétriraient (à gau
1823 nt (à gauche) les mêmes lois si on les qualifiait de fascistes. Alors qu’elles sont, en fait, l’un et l’autre. La politiqu
1824 que ce qu’elle dit. On se demande pourquoi, dans de telles conditions, l’on s’obstinerait encore à écrire, à parler, si p
1825 t encore à écrire, à parler, si par hasard on est de bonne foi et si de plus on a des choses précises à exprimer. Je répon
1826 ut d’abord. Écrivons pour montrer qu’il n’est pas de problème politique plus urgent que celui des mots ; et qu’il n’est pa
1827 us urgent que celui des mots ; et qu’il n’est pas de problème culturel qui ne dépende de la politique. Cela revient à écri
1828 ’il n’est pas de problème culturel qui ne dépende de la politique. Cela revient à écrire, si l’on me comprend, pour éduque
1829 uer la méfiance du lecteur. h. Rougemont Denis de , « À qui la liberté ? », À nous la liberté, Paris, 5 mars 1937, p. 10
10 1937, Articles divers (1936-1938). Romanciers publicitaires ou la contagion romanesque (13 mars 1937)
1830 affirmant que le roman est le plus « contagieux » de nos genres littéraires, j’entends celui qui exerce l’influence la plu
1831 ent suicidés après Werther ; ou qui entreprennent de gagner un million au sortir d’une lecture de Balzac ; aux boursiers d
1832 qui entreprennent de gagner un million au sortir d’ une lecture de Balzac ; aux boursiers dont Stendhal enfièvre l’ambitio
1833 nent de gagner un million au sortir d’une lecture de Balzac ; aux boursiers dont Stendhal enfièvre l’ambition ; aux jeunes
1834 me, voire désirable, que cette contagion pratique de l’art, tant qu’il s’agit véritablement d’art, tant qu’il s’agit, pour
1835 ratique de l’art, tant qu’il s’agit véritablement d’ art, tant qu’il s’agit, pour un auteur, d’influencer le public par des
1836 blement d’art, tant qu’il s’agit, pour un auteur, d’ influencer le public par des moyens choisis, et de lui transmettre une
1837 d’influencer le public par des moyens choisis, et de lui transmettre une certaine vision du monde plus profonde, plus rich
1838 e, plus riche et plus vraie, que la vision banale de la vie quotidienne. Il est très bon que le romancier et ses romans ag
1839 très bon que le romancier et ses romans agissent, de cette manière intime et souterraine, tant qu’ils ont quelque chose à
1840 ils ont quelque chose à dire. Mais nos romanciers d’ après-guerre, qu’ont-ils à dire ? Dans quel sens entendent-ils agir su
1841 ? Dans quel sens entendent-ils agir sur les mœurs de leurs contemporains ? Ils prétendent faire de pures et simples descri
1842 urs de leurs contemporains ? Ils prétendent faire de pures et simples descriptions de la Vie (avec majuscule). Ils ne redo
1843 prétendent faire de pures et simples descriptions de la Vie (avec majuscule). Ils ne redoutent rien tant que l’œuvre à thè
1844 dent faire de pures et simples descriptions de la Vie (avec majuscule). Ils ne redoutent rien tant que l’œuvre à thèse. Ils
1845 t rien tant que l’œuvre à thèse. Ils se défendent de toutes leurs forces d’avoir une métaphysique, une idéologie déterminé
1846 à thèse. Ils se défendent de toutes leurs forces d’ avoir une métaphysique, une idéologie déterminée, des intentions moral
1847 termes, ils influencent au hasard, gratuitement, d’ une manière anarchique — tout en prétendant ne pas vouloir influencer,
1848 ux qui, par crainte de s’imposer ou par ignorance de ce qu’il faudrait imposer, se contentent d’un opportunisme à la petit
1849 rance de ce qu’il faudrait imposer, se contentent d’ un opportunisme à la petite semaine, et ménagent les opinions plutôt q
1850 et ménagent les opinions plutôt que les intérêts de leurs électeurs. Cet opportunisme à courte vue caractérise très bien
1851 bien le romancier bourgeois. Refuser toute espèce de thèse, cela signifie simplement ménager et flatter le lecteur, la con
1852 cience bourgeoise du lecteur, ou plus précisément de la lectrice, car en France, paraît-il, ce sont les femmes qui lisent
1853 es à flatter, à force de ne vouloir rien affirmer de trop volontaire, de trop positif, de trop réellement révolutionnaire
1854 e de ne vouloir rien affirmer de trop volontaire, de trop positif, de trop réellement révolutionnaire et constructif, le «
1855 ien affirmer de trop volontaire, de trop positif, de trop réellement révolutionnaire et constructif, le « romancier à succ
1856 nnaire et constructif, le « romancier à succès », de nos jours, est devenu un simple reflet de la conscience bourgeoise mo
1857 ccès », de nos jours, est devenu un simple reflet de la conscience bourgeoise moyenne. Il ne fait que traduire les humeurs
1858 tionnaire cohérent. Il n’a qu’une crainte : celle de passer pour autre chose qu’un « pur artiste », celle de passer pour u
1859 ser pour autre chose qu’un « pur artiste », celle de passer pour un auteur à thèse, pour un propagandiste. Cette crainte —
1860 ui ne fut jamais celle des grands artistes — fait de notre romancier, tout simplement, le propagandiste des goûts de sa cl
1861 cier, tout simplement, le propagandiste des goûts de sa classe. Rien n’est plus dangereusement tendancieux qu’un écrivain
1862 e uniquement au profit des classes possédantes et de leurs coutumes. Il n’est que de voir l’importance démesurée que nos r
1863 es possédantes et de leurs coutumes. Il n’est que de voir l’importance démesurée que nos romanciers attachent à la descrip
1864 tion des vêtements, des ameublements, des marques d’ autos, et même de cigarettes (Paul Reboux) de leurs personnages ! Le r
1865 s, des ameublements, des marques d’autos, et même de cigarettes (Paul Reboux) de leurs personnages ! Le romancier bourgeoi
1866 ques d’autos, et même de cigarettes (Paul Reboux) de leurs personnages ! Le romancier bourgeois qui s’imaginait, naïvement
1867 mné lui-même, en fait, à ne plus être que l’agent de publicité — plus ou moins bénévole — des fournisseurs d’une certaine
1868 icité — plus ou moins bénévole — des fournisseurs d’ une certaine classe. Ce romancier, et la culture qu’il représente, on
1869 roman, et du roman fait à l’usage des bourgeois, de leurs loisirs improductifs. Une telle crise ne peut être résolue par
1870 telle crise ne peut être résolue par des mesures de propagande, ni par des lois plus ou moins astucieuses. C’est toutes l
1871 plus ou moins astucieuses. C’est toutes les bases de la culture actuelle qui sont en crise. Faites-nous des œuvres qui aff
1872 mans qui riment à quelque chose, il n’y aura plus de crise du livre. i. Rougemont Denis de, « Romanciers publicitaires
1873 ura plus de crise du livre. i. Rougemont Denis de , « Romanciers publicitaires ou la contagion romanesque », À nous la l
11 1937, Articles divers (1936-1938). Vers une littérature personnaliste (20 mars 1937)
1874 On a très vivement critiqué le dernier chapitre de l’Histoire de la littérature française de Thibaudetk : celui qui est
1875 vement critiqué le dernier chapitre de l’Histoire de la littérature française de Thibaudetk : celui qui est consacré à l’a
1876 hapitre de l’Histoire de la littérature française de Thibaudetk : celui qui est consacré à l’après-guerre. II est vrai que
1877 raitées cavalièrement (Maurois-Mauriac : « manque de substance, d’épaisseur, de variété… », « accrochés aux petites histoi
1878 èrement (Maurois-Mauriac : « manque de substance, d’ épaisseur, de variété… », « accrochés aux petites histoires de leur mi
1879 ois-Mauriac : « manque de substance, d’épaisseur, de variété… », « accrochés aux petites histoires de leur milieu… »). On
1880 de variété… », « accrochés aux petites histoires de leur milieu… »). On a dit : le chapitre est bâclé. Je me demande si l
1881 it vu et constaté aussi nettement qu’à la lecture de ce bilan désinvolte. Au lendemain de la guerre, la production écrite
1882 à la lecture de ce bilan désinvolte. Au lendemain de la guerre, la production écrite des hommes qui revenaient du front —
1883 et la prospérité des nouveaux riches, une avidité de sensations, une libération érotique, des mécènes américains… Ce fut l
1884 ion, la Permission perpétuelle — jusqu’à la crise de 1930. Il nous en reste une génération de gloires rapides et sans ampl
1885 la crise de 1930. Il nous en reste une génération de gloires rapides et sans ampleur, des « noms » qu’un seul livre imposa
1886 ; pratiquement, la franchise n’est pas possible.) De ces années, et de celles de la crise qui les suit, on ne retiendra gu
1887 franchise n’est pas possible.) De ces années, et de celles de la crise qui les suit, on ne retiendra guère que les bizarr
1888 n’est pas possible.) De ces années, et de celles de la crise qui les suit, on ne retiendra guère que les bizarreries les
1889 stes composeront très probablement une anthologie de « mineurs » qui prendra le charme d’un style, et très vite, une patin
1890 e anthologie de « mineurs » qui prendra le charme d’ un style, et très vite, une patine rassurante. Quant au roman contempo
1891 ux que Thibaudet, son premier historien, ne tente d’ en sauver que les plus gros morceaux — au poids — les « romans-cycles 
1892 on qu’adoptent naturellement les écrivains lassés de l’improvisation et du bâclé. Au lieu de chercher la densité, en profo
1893 densité, en profondeur, ils trouvent plus commode de donner en surface une impression de masse construite. Au lieu d’appro
1894 plus commode de donner en surface une impression de masse construite. Au lieu d’approfondir un personnage jusqu’au type,
1895 s multiplient les personnages. Au lieu de marquer d’ une empreinte durable un moment donné de l’histoire sociale, ils s’éta
1896 e marquer d’une empreinte durable un moment donné de l’histoire sociale, ils s’étalent dans la durée et vagabondent à trav
1897 s qu’ils s’attardent presque tous aux générations d’ avant-guerre : le temps de leur jeunesse, remarque Thibaudet. Et il at
1898 ue tous aux générations d’avant-guerre : le temps de leur jeunesse, remarque Thibaudet. Et il attribue ce phénomène de « r
1899 , remarque Thibaudet. Et il attribue ce phénomène de « refoulement de la durée vers l’amont » à l’incertitude du lendemain
1900 det. Et il attribue ce phénomène de « refoulement de la durée vers l’amont » à l’incertitude du lendemain (et du présent),
1901 demain (et du présent), à la nécessité croissante de vivre sur ses réserves, enfin à une crise et à une carence de la créa
1902 ses réserves, enfin à une crise et à une carence de la création. Malgré ces difficultés, conclut-il, on ne saurait guère
1903 il, on ne saurait guère douter que le super-cycle de ces sept romans-cycles (Martin du Gard, Duhamel, Francis, Lacretelle,
1904 Lacretelle, Chardonne, Romains, Béhaine), le Tour de France des romanciers cyclistes, ne reste un trait capital de l’histo
1905 s romanciers cyclistes, ne reste un trait capital de l’histoire du roman, du paysage, du roman, pour cette tranche de sièc
1906 u roman, du paysage, du roman, pour cette tranche de siècle que meublera la génération de 1914. Il est caractéristique qu
1907 ette tranche de siècle que meublera la génération de 1914. Il est caractéristique que le livre de Thibaudet se termine su
1908 ion de 1914. Il est caractéristique que le livre de Thibaudet se termine sur une note pessimiste, et sur l’expression de
1909 mine sur une note pessimiste, et sur l’expression de « dégradation de la littérature, au sens où les physiciens s’intéress
1910 pessimiste, et sur l’expression de « dégradation de la littérature, au sens où les physiciens s’intéressent à la dégradat
1911 où les physiciens s’intéressent à la dégradation de l’énergie ». Mais cette dégradation littéraire, après tout, ne fait q
1912 ittéraire, après tout, ne fait que traduire celle de la société. Tous ces romans-cycles sont, en effet, des procès-verbaux
1913 romans-cycles sont, en effet, des procès-verbaux de dissolution du monde bourgeois : de Proust à Lacretelle, les salons s
1914 rocès-verbaux de dissolution du monde bourgeois : de Proust à Lacretelle, les salons se défont, les classes se mêlent, les
1915 nes leur identité. Comment imaginer la naissance, d’ une grande œuvre romanesque dans un pareil état social ? Tous les chef
1916 -d’œuvre du genre, au xixe siècle, étaient issus d’ une société solidement établie, où les types étaient fixes et stables,
1917 r outre aux conventions. Mais quand il n’y a plus de convention ? Lorsque tout est brouillé, lorsque tout est permis ? Que
1918 écroule — et cela ne peut pas donner les éléments d’ un art, si l’art est une construction. Il semble bien que la littératu
1919 éjà vers d’autres formes. Les gros romans sociaux de huit-cents pages que nous assènent les Céline, Aragon ou Plisnier son
1920 es pamphlets que des romans, des essais illustrés d’ exemples : du coup, ils retrouvent un public. Il semble, d’autre part,
1921 e, d’autre part, que les documentaires entremêlés de réflexions et de jugements personnels, comme par exemple les derniers
1922 que les documentaires entremêlés de réflexions et de jugements personnels, comme par exemple les derniers livres d’Henri P
1923 personnels, comme par exemple les derniers livres d’ Henri Petit et de Marius Richard soient promis à des succès moins tapa
1924 par exemple les derniers livres d’Henri Petit et de Marius Richard soient promis à des succès moins tapageurs, mais plus
1925 plus profonds. Nous avons à refaire un inventaire de l’homme, préparation modeste et nécessaire à une littérature vraiment
1926 ure vraiment personnaliste. j. Rougemont Denis de , « Vers une littérature personnaliste », À nous la liberté, Paris, 20
1927 20 mars 1937, p. 10. k. Rougemont a rendu compte de cet ouvrage dans Esprit de mars 1937.
1928 gemont a rendu compte de cet ouvrage dans Esprit de mars 1937.
12 1937, Articles divers (1936-1938). C’est jeune (10 avril 1937)
1929 re des prudences. C’est la conclusion que je tire d’ un article de M. Vandérem (dans Candide) où la critique des critiques
1930 ces. C’est la conclusion que je tire d’un article de M. Vandérem (dans Candide) où la critique des critiques actuels que j
1931 les contingences. Si j’étais plus avancé dans la vie — écrit-il —, je me rendrais compte de tous les aléas que représenter
1932 é dans la vie — écrit-il —, je me rendrais compte de tous les aléas que représenteraient pour la critique un chambardement
1933 eprésenteraient pour la critique un chambardement de ce genre. Ce serait toute une série de notions à acquérir, d’opinions
1934 mbardement de ce genre. Ce serait toute une série de notions à acquérir, d’opinions à se former, de classements à établir,
1935 Ce serait toute une série de notions à acquérir, d’ opinions à se former, de classements à établir, bref une réinstallatio
1936 ie de notions à acquérir, d’opinions à se former, de classements à établir, bref une réinstallation complète demandant des
1937 savoureux argument. Dans sa chronique littéraire de Marianne, il reprochait tout récemment à l’un de nos bons écrivains,
1938 de Marianne, il reprochait tout récemment à l’un de nos bons écrivains, M. Arnoux, de n’avoir pas su s’imposer « avec ass
1939 écemment à l’un de nos bons écrivains, M. Arnoux, de n’avoir pas su s’imposer « avec assez de force au public ». Car, préc
1940 Arnoux, de n’avoir pas su s’imposer « avec assez de force au public ». Car, précisait-il, « on sait que la force, en ces
1941 chance et la tactique, il me semble que le talent de M. Amoux est supérieur à sa tactique ». Faut-il être jeune, tout de m
1942 l être jeune, tout de même, et peu avancé dans la vie , pour s’ébahir, comme je le fais, d’une… « constatation » de cet ordr
1943 ncé dans la vie, pour s’ébahir, comme je le fais, d’ une… « constatation » de cet ordre ! Comprenez-vous ce qu’elle suppose
1944 ébahir, comme je le fais, d’une… « constatation » de cet ordre ! Comprenez-vous ce qu’elle suppose, ce qu’elle avoue serei
1945 ? Dans quelle illusion ai-je vécu ? Ce n’est rien d’ écrire, de faire une œuvre, de croire qu’on a quelque chose à dire ; l
1946 lle illusion ai-je vécu ? Ce n’est rien d’écrire, de faire une œuvre, de croire qu’on a quelque chose à dire ; le but de l
1947 écu ? Ce n’est rien d’écrire, de faire une œuvre, de croire qu’on a quelque chose à dire ; le but de l’écrivain, c’est de
1948 , de croire qu’on a quelque chose à dire ; le but de l’écrivain, c’est de s’imposer avec force au Public. Et cela demande
1949 uelque chose à dire ; le but de l’écrivain, c’est de s’imposer avec force au Public. Et cela demande de la tactique ! Je l
1950 e s’imposer avec force au Public. Et cela demande de la tactique ! Je le vois bien. Je supplie donc qu’on m’explique la ta
1951 treint. Je suis comme un enfant devant le mystère de « la vie… ». Profitant de mon innocence, que j’espère d’ailleurs prov
1952 Je suis comme un enfant devant le mystère de « la vie … ». Profitant de mon innocence, que j’espère d’ailleurs provisoire, —
1953 nfant devant le mystère de « la vie… ». Profitant de mon innocence, que j’espère d’ailleurs provisoire, — je vieillirai —
1954 ême des années ou des siècles, mais quelque chose de beaucoup plus dangereux et difficile que l’avancement dans la vie : q
1955 s dangereux et difficile que l’avancement dans la vie  : quelque chose que nous autres appelons, dans ce journal, une révolu
1956  tactique » du succès commercial, c’est le moment de fourrer les pieds dans le plat et d’éclabousser les convives. Nous fe
1957 st le moment de fourrer les pieds dans le plat et d’ éclabousser les convives. Nous ferons notre pain nous-mêmes. l. Rou
1958 rons notre pain nous-mêmes. l. Rougemont Denis de , « C’est jeune », À nous la liberté, Paris, 10 avril 1937, p. 10.
13 1937, Articles divers (1936-1938). Journal d’un intellectuel en chômage (fragments) (15 avril 1937)
1959 Journal d’ un intellectuel en chômage (fragments) (15 avril 1937)m J’étais chô
1960 abri quelque part, une maison vide, une occasion de solitude désirée en secret dès longtemps. Je voudrais bien n’avoir pa
1961 pas l’air trop romantique : mes dernières années de Paris m’avaient appris que cette ville, au moins pour la jeunesse san
1962 res disent : « Allons-nous-en », et restent faute d’ imagination. Et pourtant il suffit de bien peu pour partir : la France
1963 estent faute d’imagination. Et pourtant il suffit de bien peu pour partir : la France a des milliers de maisons vides. Dit
1964 e bien peu pour partir : la France a des milliers de maisons vides. Dites autour de vous que vous en cherchez une, et vous
1965 voulu répondre. Peut-être mon récit n’a-t-il pas d’ autre but que de décrire un précédent, d’affirmer que cela peut se fai
1966 Peut-être mon récit n’a-t-il pas d’autre but que de décrire un précédent, d’affirmer que cela peut se faire, que cela s’e
1967 t-il pas d’autre but que de décrire un précédent, d’ affirmer que cela peut se faire, que cela s’est fait, qu’il y a là un
1968 plus ce que j’attendais, ni ce que j’ai pu rêver de ce pays. Il est très pauvre, sec et lumineux. Toutes les nuances du g
1969 s, herbes, pierres, oliviers, et quelques touches de vert humide au fond des vallons, de vert sombre sur les premières pen
1970 lques touches de vert humide au fond des vallons, de vert sombre sur les premières pentes des Cévennes, où commencent les
1971 ncent les châtaigneraies. Au sud, on voit un coin de plaine entre des collines longues, aux olivettes étagées, quelques cy
1972 cyprès en silhouette sur les crêtes, et des toits de ce rose émouvant des tuiles romaines sous un ciel doux. Au nord, derr
1973 n : une ancienne magnanerie, très haute, aux murs de gros moellons rougeâtres et gris non revêtus. Il y a trois pièces au
1974 y a trois pièces au premier étage, où l’on entre de plain-pied par-derrière. Au-dessous, c’est une grande remise. Au seco
1975 second quatre petites chambres. Le tout encombré de fauteuils, de chaises de velours, tables rondes et ovaloïdes, guérido
1976 petites chambres. Le tout encombré de fauteuils, de chaises de velours, tables rondes et ovaloïdes, guéridons à photos, m
1977 ambres. Le tout encombré de fauteuils, de chaises de velours, tables rondes et ovaloïdes, guéridons à photos, meubles à mu
1978 as, rideaux à franges, tabourets brodés et objets d’ art. Aux murs, plusieurs douzaines d’aquarelles, sous-bois et marines.
1979 és et objets d’art. Aux murs, plusieurs douzaines d’ aquarelles, sous-bois et marines. Quelques tapis sur du carreau rouge.
1980 s fenêtres donnent au midi dans le branchage bleu d’ un tilleul. Au bord de la terrasse, une fontaine abondante coule dans
1981 où l’on accède par quelques marches et un balcon de pierre. L’on descend par d’étroits escaliers aux quatre autres terras
1982 marches et un balcon de pierre. L’on descend par d’ étroits escaliers aux quatre autres terrasses du jardin, étagées sur l
1983 terrasses du jardin, étagées sur le versant nord d’ un vallon qui vient mourir à notre hauteur sur la droite, tandis que l
1984 que le versant sud, avec ses restanques touffues d’ oliviers, ferme l’horizon immédiat. Au sud-est, nous avons une échappé
1985 t. Au sud-est, nous avons une échappée sur la fin de la vallée, la rivière et la plaine. La petite ville reste invisible,
1986 uche. À peine s’il nous en vient quelques rumeurs de gare, un coup de trompe d’auto, des cris de coq. L’odeur du raisin fo
1987 l nous en vient quelques rumeurs de gare, un coup de trompe d’auto, des cris de coq. L’odeur du raisin foulé monte de la c
1988 vient quelques rumeurs de gare, un coup de trompe d’ auto, des cris de coq. L’odeur du raisin foulé monte de la cour, et re
1989 meurs de gare, un coup de trompe d’auto, des cris de coq. L’odeur du raisin foulé monte de la cour, et remplit l’ombre ble
1990 o, des cris de coq. L’odeur du raisin foulé monte de la cour, et remplit l’ombre bleue sous le tilleul immense et les laur
1991 nd vase jaune brille au bord du bassin. Le reflet de l’eau tremble au plafond et sur les murs verdâtres de la chambre où j
1992 ’eau tremble au plafond et sur les murs verdâtres de la chambre où j’écris. Et voilà mon petit exercice de rentrée terminé
1993 a chambre où j’écris. Et voilà mon petit exercice de rentrée terminé : « Décrivez la maison de vos vacances… » Ajoutons qu
1994 xercice de rentrée terminé : « Décrivez la maison de vos vacances… » Ajoutons que le jardinier s’appelle Simard, sa femme
1995 Et qu’il va falloir modifier cette maison pleine de guéridons et d’aquarelles, de telle sorte qu’on puisse y travailler.
1996 loir modifier cette maison pleine de guéridons et d’ aquarelles, de telle sorte qu’on puisse y travailler. Nous faisons l’i
1997 cette maison pleine de guéridons et d’aquarelles, de telle sorte qu’on puisse y travailler. Nous faisons l’inventaire minu
1998 r. Nous faisons l’inventaire minutieux et le plan d’ arrangement actuel de chacune des pièces du premier, avant de les vide
1999 entaire minutieux et le plan d’arrangement actuel de chacune des pièces du premier, avant de les vider et de transporter l
2000 cune des pièces du premier, avant de les vider et de transporter leur contenu à l’étage supérieur. 23 septembre 1934 Maint
2001 23 septembre 1934 Maintenant les murs sont nus : d’ un joli vert bleu très clair. Le carreau rouge a été débarrassé du tap
2002 sur des tréteaux. Il ne reste qu’un grand canapé de velours ponceau et des chaises de paille trouvées dans un coin de la
2003 un grand canapé de velours ponceau et des chaises de paille trouvées dans un coin de la remise, où les chaises brodées, le
2004 au et des chaises de paille trouvées dans un coin de la remise, où les chaises brodées, les guéridons et le dessus de chem
2005 ù les chaises brodées, les guéridons et le dessus de cheminée — vingt-deux pièces dûment recensées — ont été les remplacer
2006 emplacer. Seul vestige des splendeurs bourgeoises de ce salon : un lustre formé d’une écaille de tortue polie, agrémenté d
2007 endeurs bourgeoises de ce salon : un lustre formé d’ une écaille de tortue polie, agrémenté de porte-bougies inutiles et de
2008 oises de ce salon : un lustre formé d’une écaille de tortue polie, agrémenté de porte-bougies inutiles et de pendeloques d
2009 re formé d’une écaille de tortue polie, agrémenté de porte-bougies inutiles et de pendeloques de verre taillé. Fascinant,
2010 tue polie, agrémenté de porte-bougies inutiles et de pendeloques de verre taillé. Fascinant, ce lustre. Nous sommes éreint
2011 menté de porte-bougies inutiles et de pendeloques de verre taillé. Fascinant, ce lustre. Nous sommes éreintés et couverts
2012 nant, ce lustre. Nous sommes éreintés et couverts de poussière. Mais on va pouvoir respirer. 25 septembre 1934 La traducti
2013 pouvoir respirer. 25 septembre 1934 La traduction d’ un considérable ouvrage allemand nous permettra de passer trois mois o
2014 d’un considérable ouvrage allemand nous permettra de passer trois mois ou quatre sans trop de soucis matériels. La vie par
2015 ermettra de passer trois mois ou quatre sans trop de soucis matériels. La vie paraît assez peu chère. Mais bien trop chère
2016 mois ou quatre sans trop de soucis matériels. La vie paraît assez peu chère. Mais bien trop chère encore pour les gens du
2017 l’autre. Il y a 400 chômeurs pour une population de 2300 habitants. Ceux qui travaillent encore gagnent à peine de quoi s
2018 aignes, des olives, des radis et quelques légumes de leurs cultures, qu’ils n’ont pas pu vendre au marché. Cependant, ils
2019 , cela se sent à la manière dont ils nous parlent de quelques familles des environs qui n’ont pas la ressource d’un jardin
2020 familles des environs qui n’ont pas la ressource d’ un jardin, ou qui ne « savent pas y faire ». (Légère nuance de supério
2021 ou qui ne « savent pas y faire ». (Légère nuance de supériorité sociale chez Simard). Nos hôtes nous avaient signalé la f
2022 imard). Nos hôtes nous avaient signalé la famille d’ un mineur retraité, dont la femme fait des journées. Considérant que r
2023 ait notable à partir des Cévennes. Mais bavarde ! De gré ou de force, c’est certain, nous saurons tout sur les gens de la
2024 e à partir des Cévennes. Mais bavarde ! De gré ou de force, c’est certain, nous saurons tout sur les gens de la ville… 5 o
2025 ce, c’est certain, nous saurons tout sur les gens de la ville… 5 octobre 1934 Petite cité tassée à la base d’une paroi de
2026 ille… 5 octobre 1934 Petite cité tassée à la base d’ une paroi de rocher et le long d’une rivière rapide qui débouche d’une
2027 bre 1934 Petite cité tassée à la base d’une paroi de rocher et le long d’une rivière rapide qui débouche d’une gorge étroi
2028 tassée à la base d’une paroi de rocher et le long d’ une rivière rapide qui débouche d’une gorge étroite, cité couleur de r
2029 cher et le long d’une rivière rapide qui débouche d’ une gorge étroite, cité couleur de rocher, de rivière et de vieilles t
2030 de qui débouche d’une gorge étroite, cité couleur de rocher, de rivière et de vieilles tuiles romaines, A… qui de loin par
2031 uche d’une gorge étroite, cité couleur de rocher, de rivière et de vieilles tuiles romaines, A… qui de loin paraît en ruin
2032 ge étroite, cité couleur de rocher, de rivière et de vieilles tuiles romaines, A… qui de loin paraît en ruine, prouve sa v
2033 de rivière et de vieilles tuiles romaines, A… qui de loin paraît en ruine, prouve sa vie par ses odeurs et la saleté de se
2034 maines, A… qui de loin paraît en ruine, prouve sa vie par ses odeurs et la saleté de ses ruelles. Un ruisseau coule au mili
2035 ruine, prouve sa vie par ses odeurs et la saleté de ses ruelles. Un ruisseau coule au milieu du pavé, charriant des ordur
2036 les passages étroits. Sur les seuils, des groupes de femmes en noir jacassent pendant des heures. Des enfants en sarraus n
2037 uent au football dans le ruisseau avec un torchon de papier d’emballage. Pas un de ces petits visages qui ne soit beau et
2038 otball dans le ruisseau avec un torchon de papier d’ emballage. Pas un de ces petits visages qui ne soit beau et fin mais i
2039 eau avec un torchon de papier d’emballage. Pas un de ces petits visages qui ne soit beau et fin mais incroyablement crasse
2040 la gare, il y a bien un parc municipal, le jardin d’ un couvent désaffecté, mais je n’y vois jamais que des vieillards en p
2041 ds en pantoufles. Devant le parc, un mail couvert d’ une épaisse couche de poussière : là, de nouveau, des bandes de joueur
2042 ant le parc, un mail couvert d’une épaisse couche de poussière : là, de nouveau, des bandes de joueurs de balle, dans un n
2043 couche de poussière : là, de nouveau, des bandes de joueurs de balle, dans un nuage… Cela tend à confirmer un soupçon qui
2044 poussière : là, de nouveau, des bandes de joueurs de balle, dans un nuage… Cela tend à confirmer un soupçon qui m’est venu
2045 soupçon qui m’est venu en maintes autres régions de la France : les provinciaux ignorent obstinément, peut-être même haïs
2046 ulation des faubourgs des grandes villes. Le goût de « la vie saine » et du grand air, vous ne le trouverez que dans la « 
2047 des faubourgs des grandes villes. Le goût de « la vie saine » et du grand air, vous ne le trouverez que dans la « banlieue
2048 us ne le trouverez que dans la « banlieue rouge » de Paris, d’ailleurs importé d’URSS, et récemment. On me dit qu’ici troi
2049 a « banlieue rouge » de Paris, d’ailleurs importé d’ URSS, et récemment. On me dit qu’ici trois maisons seulement, sur 200,
2050 la grande place, juste à côté de la pissotière et de l’arrêt des autocars. Pittoresque, on peut le dire… 8 octobre 1934 D
2051 on peut le dire… 8 octobre 1934 Du rôle pratique de la raison. Je vois la misère qui règne dans tous ces foyers, et qui l
2052 ts sales abandonnés par leurs parents aux hasards de la rue, qui valent bien ceux de la famille, mais aussi aux hasards de
2053 rents aux hasards de la rue, qui valent bien ceux de la famille, mais aussi aux hasards de l’éducation primaire, bienfaisa
2054 t bien ceux de la famille, mais aussi aux hasards de l’éducation primaire, bienfaisante en principe il est vrai, mais tris
2055 ois tous les espoirs et toutes les « assurances » de cette population balayée périodiquement par la faillite des entrepris
2056 reprises où elle travaille, ou par quelque décret d’ État. Je vois le chômage s’étendre et s’installer, comme se sont insta
2057 rant la feuille locale, qu’il naît encore pas mal d’ enfants dans ces foyers que tout menace. Faisons la part des « acciden
2058 dences ». Il reste encore une marge assez notable d’ imprévoyance naïve, d’acceptation des risques, de confiance obscurémen
2059 ore une marge assez notable d’imprévoyance naïve, d’ acceptation des risques, de confiance obscurément accordée à l’instinc
2060 d’imprévoyance naïve, d’acceptation des risques, de confiance obscurément accordée à l’instinct ou à « la Vie », ou à la
2061 iance obscurément accordée à l’instinct ou à « la Vie  », ou à la solidarité de l’espèce humaine, malgré tout. Pourtant c’es
2062 à l’instinct ou à « la Vie », ou à la solidarité de l’espèce humaine, malgré tout. Pourtant c’est bien ici le peuple « ra
2063 raisonnable » qu’on donne en exemple aux barbares de l’Europe centrale. Le peuple qui sait calculer, faire son budget, bou
2064 i sait calculer, faire son budget, bourrer le bas de laine et nourrir la bouteille aux pièces de dix sous. Une chose est c
2065 e bas de laine et nourrir la bouteille aux pièces de dix sous. Une chose est claire : faire des enfants, dans les conditio
2066 Or tout ce que l’État nous apprend, par le moyen de l’école primaire entre autres, ridiculise et ruine ce genre d’espoirs
2067 imaire entre autres, ridiculise et ruine ce genre d’ espoirs. Qui voudrait condamner l’usage pratique de la raison ? Simple
2068 ’espoirs. Qui voudrait condamner l’usage pratique de la raison ? Simplement je constate qu’en fait, et dans ce pays tel qu
2069 fortunés, ou ascètes. Ceux qui n’ont plus besoin de calculer, ceux-là calculent. Et les autres acceptent leurs risques, c
2070 s acceptent leurs risques, c’est-à-dire acceptent de vivre, malgré l’État laïque qui leur conseille plutôt l’épargne. 15 o
2071 a terminé les vendanges, et la récolte des figues d’ été. (Les figues d’hiver apparaissent déjà, plus petites et toujours v
2072 nges, et la récolte des figues d’été. (Les figues d’ hiver apparaissent déjà, plus petites et toujours vertes ; on ne les m
2073 les mange pas). Simard nous a indiqué une ferme, de l’autre côté de la colline du sud, où nous pourrons acheter une provi
2074 Simard nous a indiqué une ferme, de l’autre côté de la colline du sud, où nous pourrons acheter une provision d’« œillade
2075 ne du sud, où nous pourrons acheter une provision d’ « œillades ». C’est leur gros raisin bleu. Nous y sommes allés hier au
2076 violacée entre des monticules pointus tout frisés d’ oliviers, un paysage de primitifs italiens. Le mas au flanc de la coll
2077 icules pointus tout frisés d’oliviers, un paysage de primitifs italiens. Le mas au flanc de la colline, déjà dans l’ombre,
2078 un paysage de primitifs italiens. Le mas au flanc de la colline, déjà dans l’ombre, paraissait désert. Nous nous sommes as
2079 . Nous nous sommes assis sur la terrasse, au pied d’ un grand micocoulier. Bientôt un chien furieux surgit de la maison, su
2080 rand micocoulier. Bientôt un chien furieux surgit de la maison, suivi d’une grande femme en noir. C’est la propriétaire, M
2081 entôt un chien furieux surgit de la maison, suivi d’ une grande femme en noir. C’est la propriétaire, Madame Turc. Elle nou
2082 qu’à la nuit tombée. Nous sommes dans une cuisine de ferme mais la fermière nous reçoit comme une « dame », ou plutôt un p
2083 ou plutôt un peu mieux, avec une politesse pleine de réserve et d’attentions. On parle du domaine. Les deux femmes le diri
2084 eu mieux, avec une politesse pleine de réserve et d’ attentions. On parle du domaine. Les deux femmes le dirigent seules de
2085 Les deux femmes le dirigent seules depuis la mort de M. Turc. Elles ont un peu de peine avec les ouvriers. Il paraît qu’on
2086 eine avec les ouvriers. Il paraît qu’on en trouve de moins en moins. — « Mais, lui dis-je, et les chômeurs ? On m’a dit qu
2087 A ? » La mère, vivement : « Jamais je n’ai engagé de chômeurs, Monsieur, c’est un principe. Nous ne voulons que des ouvrie
2088 ômeur moi-même, Madame… » Elle sourit à son tour, de l’air de dire : Oh, vous, ce n’est pas la même chose. Elle a sans dou
2089 -même, Madame… » Elle sourit à son tour, de l’air de dire : Oh, vous, ce n’est pas la même chose. Elle a sans doute entend
2090 s la même chose. Elle a sans doute entendu parler de nous. Rien à faire : je suis un « monsieur ». La fille rentre : une f
2091 un peu masculine. Elle nous conduit à la chambre de conserve des raisins. Pendant qu’elle fait la pesée : « C’est pour qu
2092 que vous écrivez des articles ? J’en ai lu signés de ce nom-là. Et elle me cite une revue protestante et une revue littéra
2093 lles je collabore, en effet. — Vous avez le temps de lire beaucoup ? — Oh, on le prend. Comme nous ne voyons jamais person
2094 Je résume mes renseignements : famille paysanne, de tout temps. Vie laborieuse, peu ou point de gains depuis des années.
2095 renseignements : famille paysanne, de tout temps. Vie laborieuse, peu ou point de gains depuis des années. Pas de relations
2096 anne, de tout temps. Vie laborieuse, peu ou point de gains depuis des années. Pas de relations. Leur niveau de culture, fo
2097 use, peu ou point de gains depuis des années. Pas de relations. Leur niveau de culture, fort au-dessus de la moyenne, ne m
2098 depuis des années. Pas de relations. Leur niveau de culture, fort au-dessus de la moyenne, ne m’étonne guère, s’agissant
2099 relations. Leur niveau de culture, fort au-dessus de la moyenne, ne m’étonne guère, s’agissant de protestantes. Ce ne sont
2100 ssus de la moyenne, ne m’étonne guère, s’agissant de protestantes. Ce ne sont pas des bourgeoises, certes, et pourtant ell
2101 en sont encore à estimer que chômeur est synonyme de vagabond dangereux. Elles font partie des « travailleurs » et pourtan
2102 iétaires. Je vois en elles un type très classique de Françaises : leur politesse mesurée, leur raison, leur énergie sérieu
2103 , leur raison, leur énergie sérieuse, cette façon de ne pas se plaindre de son sort… Pourtant, il y en a peu de cette espè
2104 ergie sérieuse, cette façon de ne pas se plaindre de son sort… Pourtant, il y en a peu de cette espèce, semble-t-il. On n’
2105 nt pas du tout se considérer comme un type social d’ exception. Combien y a-t-il de classes entre la bourgeoisie des villes
2106 omme un type social d’exception. Combien y a-t-il de classes entre la bourgeoisie des villes et le prolétariat ? L’opposit
2107 crets, dès que je sors des très grandes villes et de leur caricature de société. — Simard, le jardinier, est à demi métaye
2108 ors des très grandes villes et de leur caricature de société. — Simard, le jardinier, est à demi métayer. Est-ce un prolét
2109 exé qu’on le lui dise. Il s’estime fort au-dessus d’ un mineur retraité, par exemple. Les instituteurs d’A… ? Ils sont du p
2110 un mineur retraité, par exemple. Les instituteurs d’ A… ? Ils sont du peuple. Oui, mais bourgeois par leur profession. Et l
2111 on. Et les Calixte ? Prolétaires sans doute, mais d’ une tout autre espèce, on dirait même d’une autre race que les métayer
2112 ute, mais d’une tout autre espèce, on dirait même d’ une autre race que les métayers catholiques de la montagne qu’on voit
2113 ême d’une autre race que les métayers catholiques de la montagne qu’on voit venir à A… pour le marché. Et très conscients
2114 oit venir à A… pour le marché. Et très conscients d’ une supériorité qu’ils ne peuvent attribuer au rang social ni au salai
2115 omiques. On ne comprend rien à la réalité sociale de ce canton si l’on fait abstraction de tout cela dont le marxisme, jus
2116 ité sociale de ce canton si l’on fait abstraction de tout cela dont le marxisme, justement, se doit de ne pas tenir compte
2117 de tout cela dont le marxisme, justement, se doit de ne pas tenir compte. Un communiste traitera les dames Turc de « koula
2118 nir compte. Un communiste traitera les dames Turc de « koulaks » et tout sera dit. Le marxisme part de statistiques et de
2119 de « koulaks » et tout sera dit. Le marxisme part de statistiques et de relations numériques (salaires, plus-value, profit
2120 out sera dit. Le marxisme part de statistiques et de relations numériques (salaires, plus-value, profits). Il s’estime don
2121 s). Il s’estime donc scientifique. Il ne part pas de ce que les hommes veulent être, ni de la conscience globale qu’ils on
2122 ne part pas de ce que les hommes veulent être, ni de la conscience globale qu’ils ont de leur état (et c’est pourtant le p
2123 lent être, ni de la conscience globale qu’ils ont de leur état (et c’est pourtant le principal, pratiquement et moralement
2124 pinions politiques). Le marxisme traite tout cela de nuances vaines, d’illusions, voire de « mystification ». Il part de c
2125 . Le marxisme traite tout cela de nuances vaines, d’ illusions, voire de « mystification ». Il part de ce que les hommes so
2126 e tout cela de nuances vaines, d’illusions, voire de « mystification ». Il part de ce que les hommes sont malgré eux, du p
2127 d’illusions, voire de « mystification ». Il part de ce que les hommes sont malgré eux, du point de vue abstrait et inhuma
2128 malgré eux, du point de vue abstrait et inhumain de la Statistique. Et il prétend fonder là-dessus non seulement des mesu
2129 une morale, un art et une métaphysique ! Problème de la politique actuelle : sera-t-elle l’affaire du meilleur statisticie
2130 e ? 2 novembre 1934 Minuit. J’ai terminé la tâche de la journée. Ma femme dort, dans la chambre dont je vois la porte entr
2131 fume, il fait presque froid. Dans ce silence vide de la nuit campagnarde, me voici seul encore éveillé, les yeux bien ouve
2132 lé, les yeux bien ouverts, l’esprit clair. Clarté d’ un minuit solitaire, veillée trop lucide peut-être, puisque le monde n
2133 lucide peut-être, puisque le monde n’y porte plus d’ ombres. Je me souviens de ces nuits de Paris, pleines d’appels fugitif
2134 le monde n’y porte plus d’ombres. Je me souviens de ces nuits de Paris, pleines d’appels fugitifs, assourdis ; de ces vei
2135 porte plus d’ombres. Je me souviens de ces nuits de Paris, pleines d’appels fugitifs, assourdis ; de ces veillées fiévreu
2136 es. Je me souviens de ces nuits de Paris, pleines d’ appels fugitifs, assourdis ; de ces veillées fiévreuses, assiégées. Es
2137 de Paris, pleines d’appels fugitifs, assourdis ; de ces veillées fiévreuses, assiégées. Est-ce que je les regrette ? Est-
2138 . Est-ce que je les regrette ? Est-ce que l’heure de la nuit où l’on ne dort pas n’est pas toujours l’heure des mauvaises
2139 pourrait nous écrire une histoire des inventions de l’insomnie ? Ne serait-ce pas tout simplement l’histoire de la naissa
2140 nie ? Ne serait-ce pas tout simplement l’histoire de la naissance de nos démons ? La nuit ne pose pas de questions immédia
2141 ce pas tout simplement l’histoire de la naissance de nos démons ? La nuit ne pose pas de questions immédiates. C’est pourq
2142 la naissance de nos démons ? La nuit ne pose pas de questions immédiates. C’est pourquoi, dans cette heure suspendue, il
2143 dans cette heure suspendue, il vaut mieux cesser de penser. Que penserais-je, ici, d’humain, d’actif ? Ici où je suis san
2144 ut mieux cesser de penser. Que penserais-je, ici, d’ humain, d’actif ? Ici où je suis sans prochain, à cette heure ou mes f
2145 esser de penser. Que penserais-je, ici, d’humain, d’ actif ? Ici où je suis sans prochain, à cette heure ou mes frères (?)
2146 uit est faite pour dormir », me disait un gardien de l’ordre qui m’avait surpris sur les quais de la Seine, au plus profon
2147 dien de l’ordre qui m’avait surpris sur les quais de la Seine, au plus profond d’une contemplation des eaux nocturnes. Ma
2148 urpris sur les quais de la Seine, au plus profond d’ une contemplation des eaux nocturnes. Ma police personnelle m’envoie a
2149 le arrière-pensée rode ici ? La mauvaise habitude de penser « librement » ? Le goût des chimères précises ? 10 novembre 19
2150 eau est rouge, mais la porte donne au nord-ouest, d’ où vient le vent le plus glacial, depuis des siècles, et en tout cas d
2151 n tout cas depuis longtemps avant la construction de cette maison… On n’y avait pas pensé ? Je passe au fond, dans une cha
2152 rtait sa main du lit, cela fumait. « Vous avez eu de la fièvre ! » Elle ne sait pas. Elle ne veut pas de médecin. Sa fille
2153 la fièvre ! » Elle ne sait pas. Elle ne veut pas de médecin. Sa fille dit : « Elle ne voulait même plus toucher à la vian
2154 pas goût. Alors j’ai pensé lui faire du bouillon de poulet, ça lui a fait de l’avantage. Voyez ! Ce n’est pas vrai que la
2155 sé lui faire du bouillon de poulet, ça lui a fait de l’avantage. Voyez ! Ce n’est pas vrai que la viande est si bonne pour
2156 nde est si bonne pour les malades. » Elle accepte de venir faire une lessive à la maison pour remplacer sa mère. Nous manq
2157 à la maison pour remplacer sa mère. Nous manquons de corde pour étendre le linge ; elle imagine de le mettre à sécher sur
2158 ons de corde pour étendre le linge ; elle imagine de le mettre à sécher sur des buissons de ronce. Tous les mouchoirs sont
2159 le imagine de le mettre à sécher sur des buissons de ronce. Tous les mouchoirs sont plus ou moins déchirés quand on va les
2160 il a fait un vent cette nuit ! » 11 novembre 1934 D’ une manière générale, ils ne sont pas conscients de porter la responsa
2161 ’une manière générale, ils ne sont pas conscients de porter la responsabilité des accidents qui leur arrivent. Cela peut a
2162 que les gens du peuple sont spécialement adroits de leurs mains, débrouillards et pleins de ressources mystérieuses. Mais
2163 t adroits de leurs mains, débrouillards et pleins de ressources mystérieuses. Mais ils seraient moins dignes aussi. Leur d
2164 ils seraient moins dignes aussi. Leur dignité est de subir sans se tourmenter. Ils ne se mettront jamais dans des états pa
2165 lixte, qui casse tout ce que l’on veut, a coutume de dire en constatant le mal : « Voyez-vous ! je croyais la tenir cette
2166 yez-vous ! je croyais la tenir cette assiette ! » De telle manière qu’on entend bien que c’est ainsi de tout, et qu’on aur
2167 e telle manière qu’on entend bien que c’est ainsi de tout, et qu’on aurait grand tort de croire que rien au monde dépend d
2168 e c’est ainsi de tout, et qu’on aurait grand tort de croire que rien au monde dépend de nous. Ceci vaut pour les femmes, q
2169 ait grand tort de croire que rien au monde dépend de nous. Ceci vaut pour les femmes, qui sont la part la plus civilisée d
2170 ur les femmes, qui sont la part la plus civilisée de la population. Ce sont elles qui gagnent ce qu’il faut, elles qui tra
2171 nt souvent réactionnaires et se mêlent peu à ceux de la place. Enfin ceux qui sont occupés par l’imprimerie du journal loc
2172 tes les conférences, prennent la parole au Cercle d’ hommes, citent des livres sur la politique. 12 novembre 1934 J’ai rele
2173 es chiffres dans un ouvrage sur A…, dû à la plume d’ un de ses pasteurs à la retraite. En 1570, le mûrier, importé de Chine
2174 iffres dans un ouvrage sur A…, dû à la plume d’un de ses pasteurs à la retraite. En 1570, le mûrier, importé de Chine, fai
2175 steurs à la retraite. En 1570, le mûrier, importé de Chine, fait son apparition dans le Midi. État du pays en 1820 : douze
2176 du pays en 1820 : douze filatures, deux fabriques de chapeaux, 5000 habitants, un commerce important de produits soyeux ma
2177 e chapeaux, 5000 habitants, un commerce important de produits soyeux manufacturés. Lors de la dédicace du nouveau temple,
2178 mple, en 1822, quinze mille protestants accourent de toute la contrée pour suivre des cérémonies dont leurs descendants pa
2179 la vallée du Rhône. Fondation des grandes usines de la région lyonnaise. Apparition du grand capital. État du pays en 193
2180 du travail cinq jours par semaine à une centaine d’ ouvrières, dont le salaire moyen est de 7 francs par jour. Faillite de
2181 e centaine d’ouvrières, dont le salaire moyen est de 7 francs par jour. Faillite de la dernière bonnetterie, ces derniers
2182 salaire moyen est de 7 francs par jour. Faillite de la dernière bonnetterie, ces derniers jours. Le tiers des maisons est
2183 t son apparition sur le marché lyonnais. Faillite de plusieurs des grosses entreprises de soie artificielle. Le cycle norm
2184 is. Faillite de plusieurs des grosses entreprises de soie artificielle. Le cycle normal du progrès capitaliste est clos. L
2185 st clos. Lyon a drainé toute la richesse indigène de ce département. Et cette richesse à son tour va reprendre le chemin d
2186 cette richesse à son tour va reprendre le chemin de l’Orient, d’où vint autrefois le mûrier. Question : Que reste-t-il po
2187 se à son tour va reprendre le chemin de l’Orient, d’ où vint autrefois le mûrier. Question : Que reste-t-il pour entreprend
2188 vient s’excuser : « Qui sait, Madame, j’aimerais d’ aller à Alès, quelle jour ça vous préférerait ? » (En prononçant tous
2189 ciété présente. Et c’est encore une fois le drame de la culture. Qu’on ne croie pas que j’exagère. Je ne tire de ce fait,
2190 ure. Qu’on ne croie pas que j’exagère. Je ne tire de ce fait, à vrai dire minuscule, qu’une évidence. Les mots que nous di
2191 t exemple que je viens de citer, c’est une espèce de calembour qui ne joue que sur des sons. Mais il est clair que le sens
2192 les lieux communs sur quoi repose, tacitement, la vie sociale, sont aujourd’hui vidés de leur signification à la fois symbo
2193 acitement, la vie sociale, sont aujourd’hui vidés de leur signification à la fois symbolique et précise. Ils n’éveillent p
2194 it de ce que l’on pourrait déduire, dans le fait, d’ une discussion raisonnable, c’est-à-dire truquée, avec tel ou tel ouvr
2195 truquée, avec tel ou tel ouvrier. On pensera que de tout temps la traduction du langage surveillé des écrivains dans le l
2196 ains dans le langage parlé du peuple fut affectée de malentendus de ce genre. Voire. Le peuple ne lisait pas, avant l’écol
2197 ngage parlé du peuple fut affectée de malentendus de ce genre. Voire. Le peuple ne lisait pas, avant l’école de Guizot. Le
2198 re. Voire. Le peuple ne lisait pas, avant l’école de Guizot. Le « public », c’était la noblesse, et les bourgeois imitant
2199 e vrai peuple les comprenait dans la seule mesure de l’utile. L’Église faisait le trait d’union, l’Église gardienne du sen
2200 eule mesure de l’utile. L’Église faisait le trait d’ union, l’Église gardienne du sens concret des lieux communs. Aujourd’h
2201 t sinon le goût, du moins la pratique quotidienne de la lecture. Le public s’étend au hasard. Il ne constitue plus un corp
2202 un peut en être, et juger comme il veut. Le droit de se tromper, et de tromper grâce au langage, est un des droits impresc
2203 t juger comme il veut. Le droit de se tromper, et de tromper grâce au langage, est un des droits imprescriptibles que se t
2204 avoir décrété la Convention. Bref, il n’est plus de mesure commune : ni l’Église, ni la Culture, ni l’École qui prétend l
2205 ni l’École qui prétend les remplacer, n’ont plus d’ autorité sur l’esprit de la lettre. Aussi bien nous parlons au hasard,
2206 les remplacer, n’ont plus d’autorité sur l’esprit de la lettre. Aussi bien nous parlons au hasard, pour ne pas dire dans l
2207 nos efforts vers la rigueur et vers l’adaptation de notre style à notre action. On serait même tenté d’estimer que la plu
2208 notre style à notre action. On serait même tenté d’ estimer que la plus grande rigueur entraîne la moindre efficacité, et
2209 , et l’inverse. Par où l’on voit que le contraire de la « vie spirituelle », c’est « le public ». Cette vie spirituelle et
2210 nverse. Par où l’on voit que le contraire de la «  vie spirituelle », c’est « le public ». Cette vie spirituelle et ce publi
2211 a « vie spirituelle », c’est « le public ». Cette vie spirituelle et ce public nous posent des exigences dont il faut admir
2212 lles soient aussi exactement contradictoires. Or, de ces deux antagonistes, c’est l’esprit qui sera vaincu. Non point qu’i
2213 n’agit plus. Ce qu’on « entend », c’est l’absence de l’esprit, c’est l’appel aux instincts, aux intérêts urgents, presque
2214 ns une salle attenante au temple, pour les hommes de sa paroisse. « C’est le seul moyen de les avoir, me dit-il. Comme vou
2215 les hommes de sa paroisse. « C’est le seul moyen de les avoir, me dit-il. Comme vous l’aurez remarqué, il n’en vient qu’u
2216 à 50. Et une fois qu’ils sont là, on peut parler de tout… J’irai d’autant plus volontiers que, devant parler moi-même, da
2217 is qu’ils sont là, on peut parler de tout… J’irai d’ autant plus volontiers que, devant parler moi-même, dans quelques jour
2218 t parler moi-même, dans quelques jours, au cercle d’ hommes de St-J. j’ai besoin de prendre contact. 3 décembre 1934 Soiré
2219 moi-même, dans quelques jours, au cercle d’hommes de St-J. j’ai besoin de prendre contact. 3 décembre 1934 Soirée au « Ce
2220 es jours, au cercle d’hommes de St-J. j’ai besoin de prendre contact. 3 décembre 1934 Soirée au « Cercle d’hommes ». — Il
2221 ndre contact. 3 décembre 1934 Soirée au « Cercle d’ hommes ». — Ils étaient en effet une quarantaine hier soir. Je suis en
2222 ine hier soir. Je suis entré comme ils achevaient de boire leur tasse de café au fond de la salle, dans un coin arrangé en
2223 is entré comme ils achevaient de boire leur tasse de café au fond de la salle, dans un coin arrangé en cabinet de lecture.
2224 ls achevaient de boire leur tasse de café au fond de la salle, dans un coin arrangé en cabinet de lecture. Journaux et ill
2225 fond de la salle, dans un coin arrangé en cabinet de lecture. Journaux et illustrés, quelques livres sur la table. Puis on
2226 acteurs, le libraire, le quincaillier, un adjoint de la mairie, quelques retraités qui « travaillent le mazet » dans nos p
2227 s instituteurs. Le pasteur a lu quelques passages de l’Écriture. Après quoi le sujet a été introduit par l’un des institut
2228 ntroduit par l’un des instituteurs. Il s’agissait de « l’histoire de notre département ». La discussion n’a vraiment démar
2229 n des instituteurs. Il s’agissait de « l’histoire de notre département ». La discussion n’a vraiment démarré que lorsqu’on
2230 vraiment démarré que lorsqu’on s’est mis à parler d’ autre chose que du sujet, c’est-à-dire d’un peu tout : de l’enseigneme
2231 à parler d’autre chose que du sujet, c’est-à-dire d’ un peu tout : de l’enseignement, des journaux, des traditions et anecd
2232 chose que du sujet, c’est-à-dire d’un peu tout : de l’enseignement, des journaux, des traditions et anecdotes locales. Di
2233 c’étaient surtout des questions, des affirmations de partis pris ou des récits entremêlés d’allusions à des célébrités loc
2234 irmations de partis pris ou des récits entremêlés d’ allusions à des célébrités locales, provoquant chaque fois de gros rir
2235 à des célébrités locales, provoquant chaque fois de gros rires. L’homme du peuple — et je pense qu’il en va de même du bo
2236 a de même du bourgeois peu cultivé, et sans doute de tout ce qui n’est pas « intellectuel » — ne « discute » pas à proprem
2237 essées. Or cette lenteur et ces répétitions n’ont d’ autre but que de laisser à l’esprit le temps de se « figurer » ce qui
2238 lenteur et ces répétitions n’ont d’autre but que de laisser à l’esprit le temps de se « figurer » ce qui est dit. (C’est
2239 nt d’autre but que de laisser à l’esprit le temps de se « figurer » ce qui est dit. (C’est seulement de la langue des écri
2240 e se « figurer » ce qui est dit. (C’est seulement de la langue des écrivains français qu’il est exact de dire, avec tous l
2241 la langue des écrivains français qu’il est exact de dire, avec tous les manuels, qu’elle est une langue de discussion, pa
2242 re, avec tous les manuels, qu’elle est une langue de discussion, parce que toujours elle vise à la formule décisive, et ne
2243 e à la formule décisive, et ne s’accorde le droit de dire chaque chose qu’une seule fois, de la façon la plus économique e
2244 le droit de dire chaque chose qu’une seule fois, de la façon la plus économique et la plus claire28. Or, cette langue d’é
2245 économique et la plus claire28. Or, cette langue d’ échanges dialectiques rapides se trouve par là même inefficace sur le
2246 là même inefficace sur le « peuple ». Elle manque de durée. Évitant méticuleusement les reprises, les retours, elle s’acco
2247 s, les retours, elle s’accorde très mal au rythme de la réflexion spontanée, qui est « péguyste » et non « classique ». Éc
2248 inutilisables dans la mesure où ils veulent être de bons écrivains français.) — Que de bonne volonté chez les hommes de c
2249 s veulent être de bons écrivains français.) — Que de bonne volonté chez les hommes de ce Cercle ! comme ils s’appliquent à
2250 français.) — Que de bonne volonté chez les hommes de ce Cercle ! comme ils s’appliquent à comprendre, comme ils sont vifs
2251 dit une bêtise ou bafouille — et comme on a envie de leur expliquer des choses, amicalement ; de partager avec eux ce que
2252 envie de leur expliquer des choses, amicalement ; de partager avec eux ce que l’on sait ! Je pense aux auditoires bourgeoi
2253 tir, le facteur ronflait, le front sur un dossier de chaise. Il s’est relevé, s’est frotté les yeux, est sorti tout tranqu
2254 es opinions politiques, dans ce cercle ? — Il y a de tout. Le quincaillier est royaliste, un des instituteurs est objecteu
2255 est royaliste, un des instituteurs est objecteur de conscience, la plupart sont radicaux ou socialistes. Il vient aussi d
2256 x ou socialistes. Il vient aussi des communistes, de temps à autre. Il paraît que ça chauffe certains soirs. Mais le paste
2257 dictateur qui se présentera un jour comme l’homme de gauche à poigne ? J’ai questionné à ce sujet quelqu’un qui connaît bi
2258 ce sujet quelqu’un qui connaît bien son monde. La vie même de cet homme consiste en effet à connaître intimement le plus gr
2259 quelqu’un qui connaît bien son monde. La vie même de cet homme consiste en effet à connaître intimement le plus grand nomb
2260 effet à connaître intimement le plus grand nombre de familles de N., leurs circonstances matérielles, leurs difficultés mo
2261 aître intimement le plus grand nombre de familles de N., leurs circonstances matérielles, leurs difficultés morales, leurs
2262 c’est souvent la même chose — leurs idées sur la vie , sur la mort, sur le mariage. Et quand je dis que sa vie consiste à c
2263 r la mort, sur le mariage. Et quand je dis que sa vie consiste à connaître ces choses, il faut prendre le mot dans le sens
2264 teur. C’est bien plutôt un conseiller, un donneur d’ aide morale et parfois matérielle, quelqu’un qui est responsable de co
2265 parfois matérielle, quelqu’un qui est responsable de connaître ces gens mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes, quelqu’u
2266 nnaissent eux-mêmes, quelqu’un qui a pour mission de leur enseigner le sens dernier des circonstances de leur vie. C’est l
2267 leur enseigner le sens dernier des circonstances de leur vie. C’est le pasteur. Sa paroisse comprend les villages de N. e
2268 seigner le sens dernier des circonstances de leur vie . C’est le pasteur. Sa paroisse comprend les villages de N. et de V. o
2269 est le pasteur. Sa paroisse comprend les villages de N. et de V. où il habite. V., c’est un vieux nid d’aigle, une pierrai
2270 steur. Sa paroisse comprend les villages de N. et de V. où il habite. V., c’est un vieux nid d’aigle, une pierraille couro
2271 N. et de V. où il habite. V., c’est un vieux nid d’ aigle, une pierraille couronnant des hauteurs ventées. Les rues sont é
2272 Les rues sont étroites et caillouteuses, pleines d’ odeurs dès que le vent cesse de les balayer. Nous sommes installés au
2273 louteuses, pleines d’odeurs dès que le vent cesse de les balayer. Nous sommes installés au presbytère sur une galerie d’où
2274 us sommes installés au presbytère sur une galerie d’ où l’on domine un ample paysage horizontal. La plaine est à nos pieds,
2275 orizon des collines vers Uzès, où quelques ruines de castels et quelques cheminées d’usines grattent le bas d’un grand cie
2276 quelques ruines de castels et quelques cheminées d’ usines grattent le bas d’un grand ciel jaune. On distingue à peine le
2277 ls et quelques cheminées d’usines grattent le bas d’ un grand ciel jaune. On distingue à peine le village de N. parmi les r
2278 grand ciel jaune. On distingue à peine le village de N. parmi les rangées de peupliers : il faut suivre des yeux la route
2279 tingue à peine le village de N. parmi les rangées de peupliers : il faut suivre des yeux la route noire pour découvrir enf
2280 vrir enfin l’amas brunâtre des maisons au-dessous d’ une tache blanche dans un pré, qui est le château. Joie de voir un pay
2281 che blanche dans un pré, qui est le château. Joie de voir un pays dans son ensemble, dans son unité naturelle et ancienne.
2282 son unité naturelle et ancienne. Une même patine de crépuscule réunit les champs, les arbres, les maisons. Dans ces maiso
2283 c’est que ces communistes. — Voilà. Que vous dire de gens que je connais si bien ? C’est difficile de les classer et je n’
2284 de gens que je connais si bien ? C’est difficile de les classer et je n’aime pas beaucoup ça… Il y en a de toutes sortes,
2285 s classer et je n’aime pas beaucoup ça… Il y en a de toutes sortes, bien sûr, et plus on les voit de près… — Je comprends
2286 a de toutes sortes, bien sûr, et plus on les voit de près… — Je comprends qu’il soit difficile de parler en général de ses
2287 voit de près… — Je comprends qu’il soit difficile de parler en général de ses paroissiens. Mais s’ils sont communistes, il
2288 mprends qu’il soit difficile de parler en général de ses paroissiens. Mais s’ils sont communistes, ils ne doivent tout de
2289 tes, ils ne doivent tout de même pas faire partie de votre église, pratiquement ? — C’est-à-dire, oui et non. — Enfin, vie
2290 ue, mais ils ont peur. C’est toujours la question de la place à traverser. — ??? — Oui, vous savez que nos temples du Midi
2291 , si on pouvait entrer par-derrière, par la porte de la sacristie, on viendrait bien ! Mais on est lâches ! — Et chez eux,
2292 urtout ils y sont entre eux. Je n’ai aucune envie d’ aller faire l’intrus ou le bon apôtre. Si c’était possible, ce serait
2293 j’organise. Vous avez déjà parlé dans des cercles d’ hommes. Vous voyez le genre. — Et les communistes y viennent ? — Bien
2294 ient en Dieu, et qu’ils attendent tous les ordres de lui. À la fin, un des communistes se lève et résume le débat : « En s
2295 ns, etc. C’est l’élément réveillé et entreprenant de la population. — Mais savent-ils ce que c’est, le marxisme ? — Ils es
2296 . J’en connais plusieurs qui lisent des brochures de vulgarisation de la doctrine. Ils me posent quelquefois des questions
2297 usieurs qui lisent des brochures de vulgarisation de la doctrine. Ils me posent quelquefois des questions. Mais ce n’est p
2298 nent au parti. L’affaire, pour eux, c’est d’abord de se grouper afin d’entreprendre quelque chose, de résister aux gros pr
2299 de se grouper afin d’entreprendre quelque chose, de résister aux gros propriétaires qui tiennent la région, et de leur im
2300 aux gros propriétaires qui tiennent la région, et de leur imposer des mesures de progrès, de bon sens… — Au point de vue d
2301 iennent la région, et de leur imposer des mesures de progrès, de bon sens… — Au point de vue des classes, d’où viennent-il
2302 égion, et de leur imposer des mesures de progrès, de bon sens… — Au point de vue des classes, d’où viennent-ils ? — Pour l
2303 grès, de bon sens… — Au point de vue des classes, d’ où viennent-ils ? — Pour la plupart — tous les chefs en tous cas —, ce
2304 a plupart — tous les chefs en tous cas —, ce sont de petits propriétaires ou des ouvriers travaillant à leur compte. — En
2305 entendez bien avec eux ? — Ils savent que je suis de leur côté, en gros, dans les questions locales où il faut prendre pos
2306 riteraient mieux que ce qu’on leur donne, en fait de doctrine. En réalité, ils ne sont pas plus marxistes que moi. Ils veu
2307 s vont au parti communiste parce qu’il n’y a rien d’ autre et personne d’autre… Ce seraient souvent les meilleures têtes du
2308 uniste parce qu’il n’y a rien d’autre et personne d’ autre… Ce seraient souvent les meilleures têtes du pays, et on les lai
2309 ns, c’est qu’ils prennent au sérieux l’incroyance de leurs contemporains. Au fond, ils en ont peur. Or ils devraient n’avo
2310 ls en ont peur. Or ils devraient n’avoir peur que de Dieu, et des vocations bouleversantes qu’il arrive que Dieu nous adre
2311 déprimant que celui du chrétien honteux, honteux d’ une foi qu’il n’a pas ! Car s’il l’avait, il n’aurait plus de honte à
2312 u’il n’a pas ! Car s’il l’avait, il n’aurait plus de honte à la confesser devant les hommes ; et s’il a honte, c’est qu’il
2313 hommes la vérité et le chemin. Point n’est besoin d’ actions extraordinaires, surhumaines : se rire des dieux du monde est
2314 héroïque, dans notre monde, pour qu’il soit vain de chercher mieux. 12 janvier 1935 Ces cochons-là ! — Simard le jardini
2315 e au doigt en travaillant. Ce gros homme, violacé d’ ordinaire, en est tout pâle. Je vais discuter le coup avec lui pour le
2316 uter le coup avec lui pour le ravigoter. C’est un de ces Méridionaux qui ne connaît pas de meilleur remède que la parlotte
2317 r. C’est un de ces Méridionaux qui ne connaît pas de meilleur remède que la parlotte. Tout de suite, c’est la question des
2318 n’a guère vendu depuis un mois que pour 50 francs de légumes. Or la vente des produits de son jardin est son seul moyen de
2319 ur 50 francs de légumes. Or la vente des produits de son jardin est son seul moyen de gagner). Carré sur son tabouret de c
2320 nte des produits de son jardin est son seul moyen de gagner). Carré sur son tabouret de cuisine, le doigt en l’air, il pas
2321 son seul moyen de gagner). Carré sur son tabouret de cuisine, le doigt en l’air, il passe en revue les compagnies d’assura
2322 doigt en l’air, il passe en revue les compagnies d’ assurances — et analogues — avec lesquelles il est en compte. Je dis c
2323 ec lesquelles il est en compte. Je dis compagnies d’ assurances, mais lui les nomme plus couramment « ces cochons-là ». Ces
2324 cochons-là ». Ces cochons-là sont donc au nombre de sept ou huit. Il en totalise sept pour son compte, et sa dame fait le
2325 . Il reste par bonheur : les assurances sociales, vie , décès, « avec doublage », vieillesse, accidents du travail, incendie
2326 travail, incendie et une histoire très compliquée de capitalisation-loterie, qui l’excite particulièrement. Tout cela rend
2327 . Dans certains cas, bien entendu, il s’agit même d’ y aller de sa poche. Enfin, on obtient tout de même quelque chose, mai
2328 tains cas, bien entendu, il s’agit même d’y aller de sa poche. Enfin, on obtient tout de même quelque chose, mais bou Diou
2329 — au ministre du Travail — pour avoir une pension de 5000 francs pour son beau-frère. « Ce cochon-là » n’a pas répondu, et
2330 que lui Simard, et cette personne lui a conseillé d’ écrire une nouvelle lettre recommandée « à la charge du destinataire »
2331 ne compétente lui dit : « Ce cochon-là t’a refait de 299 francs, consulte voir le barème ! » Il a fallu récrire deux fois
2332  » Il a fallu récrire deux fois pour obtenir gain de cause. Et tout ça lui a bien coûté 50 francs. Autrement, vous savez c
2333 cause de la mévente croissante, on vit sur le dos de l’État, on suit des enterrements, on se brouille avec ses enfants pou
2334 n se brouille avec ses enfants pour des questions d’ argent, on ne croit plus ni à Dieu ni à diable et à peine à la politiq
2335 me partout. Bon. Alors les catholiques descendent de la montagne et viennent prendre la place. « On les appelle ici les il
2336 s plus au temps où j’approuvais certains « Éloges de l’ignorance » plus sentimentaux d’ailleurs que machiavéliques. Je sai
2337 avéliques. Je sais que l’ignorance — oui, au sens de l’école primaire — est un mal qu’il faudrait guérir. Mais je ne puis
2338 qu’il faudrait guérir. Mais je ne puis m’empêcher de penser que ces « illettrés » sont peut-être moins bas que ces « assur
2339 tes ne sait plus bien ce qu’il craint davantage : de la vie qui ne rapporte plus, ou de la mort qui rapporte « en doublage
2340 sait plus bien ce qu’il craint davantage : de la vie qui ne rapporte plus, ou de la mort qui rapporte « en doublage »… 20
2341 nt davantage : de la vie qui ne rapporte plus, ou de la mort qui rapporte « en doublage »… 20 janvier 1935 Superstition.
2342 oublage »… 20 janvier 1935 Superstition. — C’est de Casanova que Ligne écrit : « Il ne croit à rien excepté ce qui est le
2343 oins croyable, étant superstitieux sur tout plein d’ objets. » Malchance affreuse du peuple français : il n’échappe aux jés
2344 idées à majuscules, toucher du bois, la bouteille de champagne brisée contre la coque des bateaux neufs, etc. Un geste rés
2345 : c’est celui du coiffeur fameux, premier gagnant de la Loterie nationale, s’inclinant sur la tombe du Soldat inconnu. Jus
2346 at inconnu. Juste hommage au collègue, au gagnant d’ une autre loterie ! Toute la grande presse en a parlé. Personne ne rit
2347 — L’intellectuel l’est toujours. C’est qu’il est d’ une classe particulière, dispersée comme les Juifs le sont chez les ge
2348 urquoi ne l’ai-je compris vraiment qu’à la faveur de ce chômage ? C’est qu’il m’a fallu m’éloigner de cette ambiance bourg
2349 de ce chômage ? C’est qu’il m’a fallu m’éloigner de cette ambiance bourgeoise où l’on a convenu de cacher cela — de cache
2350 er de cette ambiance bourgeoise où l’on a convenu de cacher cela — de cacher ce fait que l’intellectuel en tant que tel es
2351 nce bourgeoise où l’on a convenu de cacher cela — de cacher ce fait que l’intellectuel en tant que tel est un hors-classe,
2352 -classe, un être à part, auquel on ne croit pas. ( D’ où sans doute l’angoisse qui pousse tant d’écrivains à gagner de l’arg
2353 pas. (D’où sans doute l’angoisse qui pousse tant d’ écrivains à gagner de l’argent, à entrer à l’Académie, voire à jouer u
2354 e l’angoisse qui pousse tant d’écrivains à gagner de l’argent, à entrer à l’Académie, voire à jouer un rôle politique : po
2355 éfenseurs du prolétariat. 17 février 1935 Cercle d’ hommes. — Hier soir le sujet de l’entretien était le problème de l’aut
2356 vrier 1935 Cercle d’hommes. — Hier soir le sujet de l’entretien était le problème de l’autorité. La discussion dévia bien
2357 er soir le sujet de l’entretien était le problème de l’autorité. La discussion dévia bientôt vers le fascisme. Un beau cha
2358 ion dévia bientôt vers le fascisme. Un beau chaos de partis pris, d’erreurs de faits et de formules électorales ! Je deman
2359 t vers le fascisme. Un beau chaos de partis pris, d’ erreurs de faits et de formules électorales ! Je demandai la parole po
2360 fascisme. Un beau chaos de partis pris, d’erreurs de faits et de formules électorales ! Je demandai la parole pour expliqu
2361 beau chaos de partis pris, d’erreurs de faits et de formules électorales ! Je demandai la parole pour expliquer, le plus
2362 e pays, et qu’en tout cas il ne peut pas se poser de la même façon en France. Je conclus que la seule manière de prévenir
2363 façon en France. Je conclus que la seule manière de prévenir utilement un fascisme, ce n’était pas de condamner les Itali
2364 de prévenir utilement un fascisme, ce n’était pas de condamner les Italiens et leurs admirateurs français, position négati
2365 sition négative, paresseuse, et donc faible, mais d’ essayer de résoudre « à la française » le problème de l’autorité, tel
2366 ative, paresseuse, et donc faible, mais d’essayer de résoudre « à la française » le problème de l’autorité, tel que le pos
2367 ssayer de résoudre « à la française » le problème de l’autorité, tel que le posent cinquante années de démocratie parlemen
2368 de l’autorité, tel que le posent cinquante années de démocratie parlementaire, et toute une tradition de libertés. Bref, u
2369 démocratie parlementaire, et toute une tradition de libertés. Bref, un petit sermon élémentaire sur le thème « liberté ob
2370 u sortir de la réunion, je surprends cette phrase d’ un homme, dans la cour, tandis qu’il donne du feu à son copain : Pour
2371 soit pour ou contre, et il se méfie par principe de celui qui distingue et nuance. On ne tiendra jamais assez compte de c
2372 ngue et nuance. On ne tiendra jamais assez compte de cette opposition fondamentale. Peut-être ferais-je bien, à l’avenir,
2373 quelque chose sur le fascisme ou sur les soviets, de mettre en épigraphe à mon article : Je suis contre. Sinon, pour peu q
2374 a fasciste ou communiste. Et pourtant, la mission de l’écrivain n’est-elle pas justement d’éduquer le lecteur, j’entends d
2375 la mission de l’écrivain n’est-elle pas justement d’ éduquer le lecteur, j’entends de l’amener à réfléchir sur les raisons
2376 lle pas justement d’éduquer le lecteur, j’entends de l’amener à réfléchir sur les raisons de ses partis pris ? Mars 1935 (
2377 j’entends de l’amener à réfléchir sur les raisons de ses partis pris ? Mars 1935 (à Marseille) J’ai parlé à R. de mon proj
2378 is pris ? Mars 1935 (à Marseille) J’ai parlé à R. de mon projet de publier sous le titre de Journal d’un intellectuel en
2379 1935 (à Marseille) J’ai parlé à R. de mon projet de publier sous le titre de Journal d’un intellectuel en chômage , ces
2380 parlé à R. de mon projet de publier sous le titre de Journal d’un intellectuel en chômage , ces pages que je suis en trai
2381 e mon projet de publier sous le titre de Journal d’ un intellectuel en chômage , ces pages que je suis en train de rédiger
2382 mps perdu. Il est assez sceptique sur le résultat de cette entreprise. Pour des raisons que je devine plus sentimentales q
2383 ilà pourquoi l’on trouvera sans doute, indiscret, de ma part, ce journal. Un tel jugement ne serait pas très franc, d’aill
2384 térielle. Il est entendu qu’on ne doit pas parler de « questions matérielles » dans une société distinguée. Vous me direz
2385 istinguée. Vous me direz qu’on ne parle guère que de cela. Oui, mais d’une façon générale, non pas personnelle. Seulement,
2386 direz qu’on ne parle guère que de cela. Oui, mais d’ une façon générale, non pas personnelle. Seulement, il se trouve que m
2387 nt, il se trouve que mon propos, précisément, est de montrer, entre autres, la décadence de ce tabou. Je trouve moins indi
2388 ément, est de montrer, entre autres, la décadence de ce tabou. Je trouve moins indiscret de parler en public de ma pauvret
2389 décadence de ce tabou. Je trouve moins indiscret de parler en public de ma pauvreté — qui ne me gêne pas moralement — moi
2390 ou. Je trouve moins indiscret de parler en public de ma pauvreté — qui ne me gêne pas moralement — moins indiscret de parl
2391 — qui ne me gêne pas moralement — moins indiscret de parler d’argent que de parler, comme tant d’autres, de mes amours, en
2392 e gêne pas moralement — moins indiscret de parler d’ argent que de parler, comme tant d’autres, de mes amours, en donnant t
2393 ralement — moins indiscret de parler d’argent que de parler, comme tant d’autres, de mes amours, en donnant toutes les pré
2394 rler d’argent que de parler, comme tant d’autres, de mes amours, en donnant toutes les précisions qu’un collégien puisse d
2395 un vrai chômeur, puisque vous avez la possibilité de travailler. — Je me suis fait moi-même cette objection. Il est clair
2396 r qu’un intellectuel aura toujours la possibilité de travailler, pour autant que son vrai travail est de penser. Mais je l
2397 travailler, pour autant que son vrai travail est de penser. Mais je l’appelle chômeur, faute d’autre terme, s’il n’a plus
2398 l est de penser. Mais je l’appelle chômeur, faute d’ autre terme, s’il n’a plus la possibilité de s’assurer un gagne-pain r
2399 faute d’autre terme, s’il n’a plus la possibilité de s’assurer un gagne-pain régulier par son travail, s’il n’a plus d’emp
2400 agne-pain régulier par son travail, s’il n’a plus d’ emploi, et ne sait plus de quoi sera fait le lendemain. — Admettez que
2401 travail, s’il n’a plus d’emploi, et ne sait plus de quoi sera fait le lendemain. — Admettez que cela ne vous empêche pas
2402 endemain. — Admettez que cela ne vous empêche pas de vivre assez bien, à votre idée. Vous avez l’air très satisfait de vot
2403 ien, à votre idée. Vous avez l’air très satisfait de votre situation. Ce n’est fichtre pas le cas des vrais chômeurs ! — A
2404 à me vêtir ? Vous n’avez qu’à regarder la frange de mon pantalon. Ce n’est pas avec ça que je pourrais faire une carrière
2405 s mon journal, c’est qu’on peut être très content d’ un sort matériel très médiocre. Ce n’est pas nouveau. Et il faut bien
2406 e croire. L’intéressant à mon point de vue, c’est de montrer une fois que c’est vrai, et de montrer comment c’est vrai, da
2407 vue, c’est de montrer une fois que c’est vrai, et de montrer comment c’est vrai, dans le détail… ⁂ Cette conversation avec
2408 ent, et qui se mêle en particulier à tout échange d’ idées sur la richesse, la pauvreté ou le chômage. Mélange extraordinai
2409 le chômage. Mélange extraordinairement irritable de mauvaise conscience, de désir, de peur, de préjugés, de revendication
2410 raordinairement irritable de mauvaise conscience, de désir, de peur, de préjugés, de revendications secrètes, de jalousie,
2411 ement irritable de mauvaise conscience, de désir, de peur, de préjugés, de revendications secrètes, de jalousie, de snobis
2412 itable de mauvaise conscience, de désir, de peur, de préjugés, de revendications secrètes, de jalousie, de snobisme antibo
2413 vaise conscience, de désir, de peur, de préjugés, de revendications secrètes, de jalousie, de snobisme antibourgeois ou pr
2414 de peur, de préjugés, de revendications secrètes, de jalousie, de snobisme antibourgeois ou prolétarien, de méfiances poli
2415 réjugés, de revendications secrètes, de jalousie, de snobisme antibourgeois ou prolétarien, de méfiances politiques, d’arr
2416 lousie, de snobisme antibourgeois ou prolétarien, de méfiances politiques, d’arrière-sentiments religieux, de rancunes, de
2417 ourgeois ou prolétarien, de méfiances politiques, d’ arrière-sentiments religieux, de rancunes, de souvenirs… On ne peut gu
2418 ances politiques, d’arrière-sentiments religieux, de rancunes, de souvenirs… On ne peut guère imaginer d’imbroglio passion
2419 ues, d’arrière-sentiments religieux, de rancunes, de souvenirs… On ne peut guère imaginer d’imbroglio passionnel plus idéa
2420 rancunes, de souvenirs… On ne peut guère imaginer d’ imbroglio passionnel plus idéalement favorable à l’apparition de délir
2421 ssionnel plus idéalement favorable à l’apparition de délires subits de la pensée ou des sentiments. Aigreur et nervosité q
2422 lement favorable à l’apparition de délires subits de la pensée ou des sentiments. Aigreur et nervosité qui révèlent surtou
2423 ité qui révèlent surtout un refoulement séculaire de ces questions. Plusieurs générations de bourgeoisie, et la crise de c
2424 séculaire de ces questions. Plusieurs générations de bourgeoisie, et la crise de cette bourgeoisie ont accouché d’un des p
2425 Plusieurs générations de bourgeoisie, et la crise de cette bourgeoisie ont accouché d’un des plus beaux complexes que le d
2426 ie, et la crise de cette bourgeoisie ont accouché d’ un des plus beaux complexes que le diable ait jamais pu concevoir pour
2427 ons outre à nos vieilles pudeurs : c’est le début de la cure. Ensuite il faudra essayer de réviser nos préjugés en fonctio
2428 st le début de la cure. Ensuite il faudra essayer de réviser nos préjugés en fonction du vrai but de notre vie, de nous re
2429 r de réviser nos préjugés en fonction du vrai but de notre vie, de nous refaire une hiérarchie éthique, et de rendre ainsi
2430 ser nos préjugés en fonction du vrai but de notre vie , de nous refaire une hiérarchie éthique, et de rendre ainsi à l’argen
2431 os préjugés en fonction du vrai but de notre vie, de nous refaire une hiérarchie éthique, et de rendre ainsi à l’argent so
2432 e vie, de nous refaire une hiérarchie éthique, et de rendre ainsi à l’argent son rôle mineur de moyen, d’impur et simple m
2433 ue, et de rendre ainsi à l’argent son rôle mineur de moyen, d’impur et simple moyen… 31 mars 1935 Place aux vieux ! — Je
2434 rendre ainsi à l’argent son rôle mineur de moyen, d’ impur et simple moyen… 31 mars 1935 Place aux vieux ! — Je lis dans u
2435 journal socialiste du Midi, sous la rubrique « La vie régionale », qui chaque jour m’apporte d’inénarrables sujets de médit
2436 e « La vie régionale », qui chaque jour m’apporte d’ inénarrables sujets de méditation, le petit communiqué que voici : Bo
2437 , qui chaque jour m’apporte d’inénarrables sujets de méditation, le petit communiqué que voici : Bouillargues. — Les « ex
2438 rence au profit des vieux, hommes et femmes, âgés de 60 ans au mois de juillet 1930 29 . Tous ceux qui ne bénéficient pas
2439 s vieux, hommes et femmes, âgés de 60 ans au mois de juillet 1930 29 . Tous ceux qui ne bénéficient pas de la loi des assu
2440 uillet 1930 29 . Tous ceux qui ne bénéficient pas de la loi des assurances sociales ont intérêt à assister à la conférence
2441 Ô merveille du pathos révolutionnaire ! ô gloire de la phraséologie marxiste ! Ô triomphe des mots d’ordre sur l’inertie
2442 st venu le jour que la Volonté populaire appelait de tous ses espoirs ! Mais que dis-je le jour ! C’est l’heure même qui v
2443 même qui va sonner : demain dimanche, sur le coup de dix heures, le grand mot qui résume cent années d’efforts, de luttes,
2444 e dix heures, le grand mot qui résume cent années d’ efforts, de luttes, de sacrifices et d’éloquence, de pensée libre, de
2445 s, le grand mot qui résume cent années d’efforts, de luttes, de sacrifices et d’éloquence, de pensée libre, de raison cart
2446 mot qui résume cent années d’efforts, de luttes, de sacrifices et d’éloquence, de pensée libre, de raison cartésienne, de
2447 ent années d’efforts, de luttes, de sacrifices et d’ éloquence, de pensée libre, de raison cartésienne, de soif de Justice
2448 efforts, de luttes, de sacrifices et d’éloquence, de pensée libre, de raison cartésienne, de soif de Justice et de passion
2449 s, de sacrifices et d’éloquence, de pensée libre, de raison cartésienne, de soif de Justice et de passion libertaire, ce g
2450 loquence, de pensée libre, de raison cartésienne, de soif de Justice et de passion libertaire, ce grand mot sera prononcé,
2451 , de pensée libre, de raison cartésienne, de soif de Justice et de passion libertaire, ce grand mot sera prononcé, proclam
2452 bre, de raison cartésienne, de soif de Justice et de passion libertaire, ce grand mot sera prononcé, proclamé, acclamé par
2453 prononcé, proclamé, acclamé par les travailleurs de Bouillargues, prouvant à la face du monde que nos militants héroïques
2454 sent « avancés » osent le proposer comme objectif de « lutte ». Où la publication d’un communiqué de ce genre ne soit pas
2455 er comme objectif de « lutte ». Où la publication d’ un communiqué de ce genre ne soit pas accueillie par une traînée de ri
2456 f de « lutte ». Où la publication d’un communiqué de ce genre ne soit pas accueillie par une traînée de rigolade irrépress
2457 e ce genre ne soit pas accueillie par une traînée de rigolade irrépressible dans toutes les couches de la population, « la
2458 de rigolade irrépressible dans toutes les couches de la population, « laborieuse » ou « réactionnaire ». À la prochaine en
2459 re ». À la prochaine enquête sur l’état politique de la France, je me promets de répondre par cette simple déclaration : «
2460 sur l’état politique de la France, je me promets de répondre par cette simple déclaration : « La France est un pays combl
2461 vieux !” Quand on en est à cela, dans les partis d’ extrême gauche, c’est que l’état social est à peu près paradisiaque. »
2462 l est comme ça. Il faut le laisser frapper le sol de sa canne et redresser sa casquette pour ponctuer ses raisonnements d’
2463 sser sa casquette pour ponctuer ses raisonnements d’ alcoolique. Entre un homme maigre, casquette et veste de toile bleue p
2464 olique. Entre un homme maigre, casquette et veste de toile bleue proprette, visage nerveux et intelligent. — Vous avez mon
2465 s ai toutes vendues, Monsieur Dumas ! (C’est jour de foire). — Allons, tant mieux, fait l’homme. Et si des fois on vous en
2466 , fait l’homme. Et si des fois on vous en demande de trop, vous n’avez qu’à donner la mienne, vous savez. Plus on la lit…
2467 e, vous savez. Plus on la lit… Ce généreux apôtre de la cause va sortir, lorsque le vieux gâteux l’arrête sur le seuil. « 
2468 t. Le vieux le tient par la manche et lui martèle de sa canne le bout des souliers : « Tu m’entends ? Nous ôtres, nous all
2469 roit ? Peuchère, c’est notre devoir ! (Il glousse d’ un air malin). — On sait bien, dit le communiste, que vous avez toujou
2470 mmuniste. C’est un Méridional du type sérieux, un de ces hommes qui pourraient sauver sa région de la totale décrépitude o
2471 un de ces hommes qui pourraient sauver sa région de la totale décrépitude où l’ont laissée les radicaux et les créatures
2472 de où l’ont laissée les radicaux et les créatures de Bouisson, dont mon alcoolique fait partie. Voilà l’aspect local et pe
2473 ue fait partie. Voilà l’aspect local et personnel de la question, sur le plan des prochaines élections municipales. Mais i
2474 s sont du même niveau social, sans doute parents, de mœurs et de langage pareils. S’ils s’opposent, c’est que l’un est ava
2475 me niveau social, sans doute parents, de mœurs et de langage pareils. S’ils s’opposent, c’est que l’un est avare et légère
2476 l’autre énergique et assez sensé. Simple question de tempérament. Peut-être aussi le communiste n’est-il pas encore parven
2477 communiste n’est-il pas encore parvenu à « mettre de côté » autant qu’il le voudrait. Mais ce n’est pas sûr. Je sais bien
2478 Mais ce n’est pas sûr. Je sais bien une douzaine de ses camarades qui comptent parmi les mieux rentés de ce pays. Faut-il
2479 ses camarades qui comptent parmi les mieux rentés de ce pays. Faut-il donc penser que les partis expriment tout simplement
2480 qui avais acheté, innocemment, le dernier numéro de l’Huma. De la haine et encore de la haine, quelques mensonges grossie
2481 acheté, innocemment, le dernier numéro de l’Huma. De la haine et encore de la haine, quelques mensonges grossiers, le truq
2482 e dernier numéro de l’Huma. De la haine et encore de la haine, quelques mensonges grossiers, le truquage habituel des titr
2483 ge habituel des titres, une sauce aigre où nagent de grandes vérités brutales, toujours bonnes à dire, mais mal dites. J’a
2484 ros et en petits, si c’est le seul moyen pratique de faire valoir les droits élémentaires d’une partie de la population. M
2485 pratique de faire valoir les droits élémentaires d’ une partie de la population. Mais quelle trahison des « petits » repré
2486 faire valoir les droits élémentaires d’une partie de la population. Mais quelle trahison des « petits » représente alors c
2487 ces retraités radicaux ou socialistes, ce serait d’ être le parti de la vérité et du bon sens. Ils auraient avec eux tous
2488 adicaux ou socialistes, ce serait d’être le parti de la vérité et du bon sens. Ils auraient avec eux tous les hommes — bou
2489 es révoltes les mieux justifiées, on les étourdit de mensonges, on les abreuve d’une prose abstraite, brutale — eux qui le
2490 ées, on les étourdit de mensonges, on les abreuve d’ une prose abstraite, brutale — eux qui le sont si peu ! — et si possib
2491 ible, plus médiocre que celle des grands journaux d’ information. On leur impose une mystique confectionnée à l’usage des m
2492 ait affirmer que ce quotidien lamentable, hérissé de clichés hargneux, travaille pour le bien de ses lecteurs ? Si l’on pr
2493 rissé de clichés hargneux, travaille pour le bien de ses lecteurs ? Si l’on prend au sérieux le sort qui est fait aux ouvr
2494  adhèrent » aux disciplines staliniennes en haine d’ une société qu’ils sont les seuls à croire encore « chrétienne » — il
2495 ation. Mais les intellectuels, dont le métier est de comprendre, dont le métier est de vouloir la vérité, dont la seule di
2496 t le métier est de comprendre, dont le métier est de vouloir la vérité, dont la seule dignité est d’avoir foi dans le pouv
2497 t de vouloir la vérité, dont la seule dignité est d’ avoir foi dans le pouvoir d’une pensée droite, — on se demande par que
2498 la seule dignité est d’avoir foi dans le pouvoir d’ une pensée droite, — on se demande par quelle rancune vaguement démoni
2499 aussi les « petits » en défendant ces exploiteurs de la bassesse et du mensonge en service commandé. L’homme à la veste bl
2500 ’aime, ils me dégoûtent. 28 avril 1935 Réflexion de « personnaliste ». — Le peuple tel qu’on le voit paraît tout ignorant
2501  Le peuple tel qu’on le voit paraît tout ignorant de ses intérêts véritables. Mais c’est qu’il ne peut pas les exprimer tr
2502 ne peut pas les exprimer très aisément. Question de langage. Revenez voir ces mêmes hommes que j’ai dit, revenez deux foi
2503 ois, vingt fois, prenez-les sur le fait au détour d’ une phrase maladroite, rendez-les attentifs au sens de leurs clichés.
2504 e phrase maladroite, rendez-les attentifs au sens de leurs clichés. Mieux encore, parlez-leur de leur travail, de celui qu
2505 sens de leurs clichés. Mieux encore, parlez-leur de leur travail, de celui qu’ils sont en train de faire tandis que vous
2506 ichés. Mieux encore, parlez-leur de leur travail, de celui qu’ils sont en train de faire tandis que vous causez, vous arri
2507 causez, vous arriverez à leur tirer quelque chose de sensé, de vécu, de réel, — et qui renversera les conclusions cyniques
2508 us arriverez à leur tirer quelque chose de sensé, de vécu, de réel, — et qui renversera les conclusions cyniques des parti
2509 rez à leur tirer quelque chose de sensé, de vécu, de réel, — et qui renversera les conclusions cyniques des partisans de l
2510 renversera les conclusions cyniques des partisans de la dictature. Ils vous diront d’abord que le fond de leur vie, c’est
2511 la dictature. Ils vous diront d’abord que le fond de leur vie, c’est l’ennui. Ils expliqueront presque toujours cet ennui
2512 ture. Ils vous diront d’abord que le fond de leur vie , c’est l’ennui. Ils expliqueront presque toujours cet ennui par les c
2513 nomadisme des employés et ouvriers, impossibilité de « suivre » un effort bien localisé, de s’attacher à ce qu’on fait ; n
2514 ossibilité de « suivre » un effort bien localisé, de s’attacher à ce qu’on fait ; nécessité où l’on se trouve de bâcler so
2515 her à ce qu’on fait ; nécessité où l’on se trouve de bâcler son ouvrage, pour gagner de quoi vivre, tentation perpétuelle
2516 l’on se trouve de bâcler son ouvrage, pour gagner de quoi vivre, tentation perpétuelle de changer de condition. Ils vous d
2517 pour gagner de quoi vivre, tentation perpétuelle de changer de condition. Ils vous diront aussi qu’ils n’ont plus le cœur
2518 r de quoi vivre, tentation perpétuelle de changer de condition. Ils vous diront aussi qu’ils n’ont plus le cœur à leur ouv
2519 ils savent que les résultats sont à la merci soit d’ un trust, soit d’un syndicat d’incapables. Ils vous diront que le mal
2520 s résultats sont à la merci soit d’un trust, soit d’ un syndicat d’incapables. Ils vous diront que le mal vient de l’État —
2521 nt à la merci soit d’un trust, soit d’un syndicat d’ incapables. Ils vous diront que le mal vient de l’État — et cela veut
2522 que le mal vient de l’État — et cela veut dire : de ceux qui font les lois sans rien savoir des situations locales. Parfo
2523 ils proposeront quelque réforme pratique : faire de la place aux jeunes en abaissant la limite d’âge dans les chemins de
2524 ire de la place aux jeunes en abaissant la limite d’ âge dans les chemins de fer et l’administration ; faire des lois régio
2525 pour la viticulture ; mettre en commun les terres d’ un petit village ; vendre le vin du pays dans les épiceries du pays, l
2526 riqués dans des « caves centrales » avec des vins d’ Afrique et des produits chimiques (« que vous avez la gorge brûlante a
2527 ûlante après un verre »). Enfin ils se plaindront de ce que, dans leur pays, il n’y a plus de vie, d’initiative, de vrai p
2528 aindront de ce que, dans leur pays, il n’y a plus de vie, d’initiative, de vrai plaisir. On n’est plus fier d’en être, on
2529 dront de ce que, dans leur pays, il n’y a plus de vie , d’initiative, de vrai plaisir. On n’est plus fier d’en être, on appr
2530 de ce que, dans leur pays, il n’y a plus de vie, d’ initiative, de vrai plaisir. On n’est plus fier d’en être, on approuve
2531 ns leur pays, il n’y a plus de vie, d’initiative, de vrai plaisir. On n’est plus fier d’en être, on approuve la jeunesse q
2532 d’initiative, de vrai plaisir. On n’est plus fier d’ en être, on approuve la jeunesse qui délaisse la terre pour la ville.
2533 province). Et puis « leur » politique, parlez-moi de « leurs combines » — il n’y a rien à y comprendre. Dans une assemblée
2534 ns une assemblée populaire, on ne dira pas un mot de tout cela, on s’en tiendra aux clichés du journal. On n’aura pas le t
2535 n’aura pas le temps ni le courage, ni même l’idée de pousser plus loin, d’aborder des réalités. Donc, par amour du peuple,
2536 le courage, ni même l’idée de pousser plus loin, d’ aborder des réalités. Donc, par amour du peuple, n’écoutons plus ses a
2537 ue formulent des individus pris à part, dans leur vie concrète. Je constate qu’elles vont toutes dans le sens de ce que pro
2538 te. Je constate qu’elles vont toutes dans le sens de ce que proposent les personnalistes : autonomie de la région naturell
2539 e ce que proposent les personnalistes : autonomie de la région naturelle, communalisme, syndicats locaux, rajeunissement d
2540 s techniques libératrices, des sports, des moyens de circuler et de s’instruire, résistance à l’état tentaculaire. (Quant
2541 bératrices, des sports, des moyens de circuler et de s’instruire, résistance à l’état tentaculaire. (Quant à la lutte cont
2542 re le capitalisme, tout le monde en est, ou feint d’ en être ; c’est bien moins concret qu’il ne semble.) Conclusion : il a
2543 semble.) Conclusion : il appartient à des équipes d’ hommes nouveaux, jeunes et sortis de toutes les classes, d’exprimer ce
2544 à des équipes d’hommes nouveaux, jeunes et sortis de toutes les classes, d’exprimer ce que taisent les journaux, les orate
2545 nouveaux, jeunes et sortis de toutes les classes, d’ exprimer ce que taisent les journaux, les orateurs et les affiches — e
2546 ge politicien. La dictature est la seule solution de ceux qui refusent d’éduquer le peuple. Dictature ou éducation, voilà
2547 tature est la seule solution de ceux qui refusent d’ éduquer le peuple. Dictature ou éducation, voilà le dilemme du xxe si
2548 es plus humains. C’est peu, dites-vous. Mais rien d’ autre n’est vrai… 6 mai 1935 La mort et les cérémonies dans le Gard.
2549 mort et les cérémonies dans le Gard. — La maison de Simard recèle un effrayant secret qu’on m’avait laissé ignorer : une
2550 enons son existence en même temps que l’imminence de sa mort — et voici qui éveillera peut-être des réflexions fécondes da
2551 e. Déjà huit mois que nous sommes ici, et combien de fois ne sommes-nous pas entrés dans la grande cuisine qui était, pens
2552 s autres pièces étaient vides ou ne servaient que de débarras —, et rien ne pouvait nous faire soupçonner cette présence à
2553 tout. — Mais les Simard ne m’avaient jamais parlé d’ elle ! — Peuchère ! ils languissaient de l’emballer, la vieille ! » Il
2554 ais parlé d’elle ! — Peuchère ! ils languissaient de l’emballer, la vieille ! » Ils n’auront plus à languir bien longtemps
2555 e. Et on l’entend ! Trois fois par jour, le bruit d’ effroyables discussions nous parvient de la cuisine des Simard. Un bea
2556 le bruit d’effroyables discussions nous parvient de la cuisine des Simard. Un beau-frère est arrivé, et on partage. C’est
2557 respect pour la moribonde qu’ils veillent à tour de rôle, ils sont venus discuter dans la remise qui est au-dessous de no
2558 est au-dessous de notre chambre, et leurs éclats de voix nous ont plusieurs fois réveillés. 18 mai 1935 … Et un beau jour
2559 eillés. 18 mai 1935 … Et un beau jour, plus moyen d’ échapper à cette humiliante évidence : sans auto, sans argent, sans am
2560 gens », bien sûr. C’est instructif. Mais le désir de s’instruire a des limites. Déjà les relations se stabilisent, les « c
2561 habitudes » épuisent leur vertu. C’est le moment de lever son camp. Plus tard, peut-être, quand toutes ces maisons vides
2562 des des environs seront habitées par des colonies de jeunes gens — si jamais ils en ont assez de se plaindre des villes, o
2563 onies de jeunes gens — si jamais ils en ont assez de se plaindre des villes, où ils s’incrustent — la province deviendra v
2564 place les aquarelles, les guéridons et les dessus de cheminée. Après-demain, nous partons. Nous fuyons. 27. Monsieur X…
2565 n. 28. La stratégie qu’inaugurèrent les généraux de la Révolution, et qui fut celle de Bonaparte, n’est en somme que l’ap
2566 t les généraux de la Révolution, et qui fut celle de Bonaparte, n’est en somme que l’application du style français à la ch
2567 rd’hui, où l’article paraît. m. Rougemont Denis de , «  Journal d’un intellectuel en chômage (fragments) », Mesures, Chât
2568 ticle paraît. m. Rougemont Denis de, «  Journal d’ un intellectuel en chômage (fragments) », Mesures, Châtenay-Malabry /
14 1937, Articles divers (1936-1938). Lénine, Staline et la littérature (17 avril 1937)
2569 ine en 1905 déjà ! — doit devenir une littérature de Parti. » Et Staline fait écho, trente ans plus tard, à cette déclarat
2570 aration totalitaire ; dans un discours aux cadets de l’Académie de l’Armée rouge, il s’écrie : « Chez nous, dans les circo
2571 taire ; dans un discours aux cadets de l’Académie de l’Armée rouge, il s’écrie : « Chez nous, dans les circonstances actue
2572 les circonstances actuelles, les cadres décident de tout ! » Compris ? Ces deux phrases sont tirées d’un choix de propos
2573 e tout ! » Compris ? Ces deux phrases sont tirées d’ un choix de propos de Lénine et de Staline Sur la littérature et l’art
2574 Compris ? Ces deux phrases sont tirées d’un choix de propos de Lénine et de Staline Sur la littérature et l’art. Disons to
2575 Ces deux phrases sont tirées d’un choix de propos de Lénine et de Staline Sur la littérature et l’art. Disons tout de suit
2576 ses sont tirées d’un choix de propos de Lénine et de Staline Sur la littérature et l’art. Disons tout de suite que le Père
2577 es peuples n’a fourni pour sa part qu’une dizaine de pages (sur 150) relatives surtout au développement d’une culture nati
2578 ages (sur 150) relatives surtout au développement d’ une culture nationale-socialiste en Russie. Mais cela permet toutefois
2579 -socialiste en Russie. Mais cela permet toutefois de comparer sa manière à celle de Lénine. Lénine affiche en littérature
2580 a permet toutefois de comparer sa manière à celle de Lénine. Lénine affiche en littérature des goûts tantôt traditionnels
2581 uveau, qui lui demeurait étranger. » Il préférait de beaucoup à Maïakovski le « Salut au 17e » : Salut, salut à vous, bra
2582 cœur — vous ne l’aurez jamais ! Dans un article de 1922, il loue cependant un poème de Maïakovski contre les bureaucrate
2583 ns un article de 1922, il loue cependant un poème de Maïakovski contre les bureaucrates. Je n’appartiens pas, dit-il, aux
2584 es. Je n’appartiens pas, dit-il, aux admirateurs de son talent poétique, bien que je reconnaisse tout à fait mon incompét
2585 et siéger encore. Je ne sais ce qu’il faut penser de la poésie, mais pour ce qui est de la politique, je m’en porte garant
2586 il faut penser de la poésie, mais pour ce qui est de la politique, je m’en porte garant, c’est parfaitement vrai. Voilà q
2587 onne toute la mesure (la dernière phrase surtout) de Lénine « fondateur de la nouvelle culture ». Au moins, c’est franc, s
2588 la dernière phrase surtout) de Lénine « fondateur de la nouvelle culture ». Au moins, c’est franc, sans prétention, et cel
2589 demeure le poète le meilleur, le plus talentueux de notre époque soviétique. L’indifférence à sa mémoire et à ses œuvres
2590 quelle était l’intention des éditeurs communistes de ce choix. Il en ressort à l’évidence que les « idées » de Lénine sur
2591 oix. Il en ressort à l’évidence que les « idées » de Lénine sur la littérature étaient en général saines, banales, un peu
2592 ales, un peu courtes, et que Staline s’est chargé d’ en extraire ce qu’elles avaient de réactionnaire et d’attardé, ou de b
2593 ne s’est chargé d’en extraire ce qu’elles avaient de réactionnaire et d’attardé, ou de brutalement primaire, pour le plani
2594 extraire ce qu’elles avaient de réactionnaire et d’ attardé, ou de brutalement primaire, pour le planifier à l’échelle de
2595 u’elles avaient de réactionnaire et d’attardé, ou de brutalement primaire, pour le planifier à l’échelle de son empire nat
2596 utalement primaire, pour le planifier à l’échelle de son empire national-socialiste. À nous de relever la vraie défense de
2597 échelle de son empire national-socialiste. À nous de relever la vraie défense de la culture, et d’une culture créatrice, n
2598 ous de relever la vraie défense de la culture, et d’ une culture créatrice, novatrice, contre ses fossoyeurs totalitaires,
2599 ossoyeurs totalitaires, et contre ce distributeur de prix à l’Académie de l’Armée rouge, l’homme des « cadres qui décident
2600 s, et contre ce distributeur de prix à l’Académie de l’Armée rouge, l’homme des « cadres qui décident de tout ». n. Rou
2601 l’Armée rouge, l’homme des « cadres qui décident de tout ». n. Rougemont Denis de, « Lénine, Staline et la littérature
2602 res qui décident de tout ». n. Rougemont Denis de , « Lénine, Staline et la littérature », À nous la liberté, Paris, 17
15 1937, Articles divers (1936-1938). Chamisso et le Mythe de l’Ombre perdue (mai-juin 1937)
2603 Chamisso et le Mythe de l’Ombre perdue (mai-juin 1937)p L’énigme Vers 1813, un person
2604 , un personnage assez hagard aborde l’imagination de Chamisso ; il déclare avoir perdu son ombre. Le second romantisme bat
2605 rôdait depuis longtemps dans les régions obscures de la légende populaire. S’il se risque à paraître devant Chamisso, c’es
2606 vant Chamisso, c’est peut-être poussé par l’envie d’ être enfin deviné, expliqué. Chamisso est français de naissance et d’é
2607 tre enfin deviné, expliqué. Chamisso est français de naissance et d’éducation. Une excentricité du sort a fait de lui un p
2608 , expliqué. Chamisso est français de naissance et d’ éducation. Une excentricité du sort a fait de lui un poète allemand. L
2609 e et d’éducation. Une excentricité du sort a fait de lui un poète allemand. Les autres ont toujours cru à cette fable, mai
2610 . Chamisso, lui, s’en étonnera. Tel est le calcul de l’homme sans ombre. Surprendre ce Français, c’est passer au soleil :
2611 e souvent qu’un étranger s’initiant aux croyances d’ un peuple soit le premier saisi par ce frisson d’absurdité que l’on ba
2612 d’un peuple soit le premier saisi par ce frisson d’ absurdité que l’on baptise inspiration lorsqu’il excite ou crée, chez
2613 xcite ou crée, chez celui qui l’éprouve, le désir de s’en délivrer en l’exprimant. Et c’est ainsi que Chamisso introduisit
2614 o introduisit dans la conscience moderne le mythe de l’homme qui a perdu son ombre, sous les traits pathétiques et naïfs d
2615 pathétiques et naïfs du célèbre Peter Schlemihl. De Chamisso à Hofmannsthal, plusieurs ont repris cette histoire. Le dern
2616 mystère, qui reste entier. Cependant, à voir tant d’ auteurs s’exercer l’imagination sur un sujet qui défie l’expérience, l
2617 ier. L’on s’étonne qu’aucun non plus n’ait essayé de formuler le symbole enfermé dans le mythe. Serait-ce pudeur d’artiste
2618 e symbole enfermé dans le mythe. Serait-ce pudeur d’ artistes ? Pudeur tout court ? Ou faut-il croire qu’ils ont écrit leur
2619 u’ils ont écrit leurs contes sans jamais se poser de questions sur le sens d’un tel accident — dont à vrai dire les suites
2620 tes sans jamais se poser de questions sur le sens d’ un tel accident — dont à vrai dire les suites sont assez pittoresques
2621 préfère en ignorer la cause ? L’on s’étonne enfin de ce lien entre le domaine germanique et l’expression littéraire du myt
2622 e moindre n’est pas Hoffmann… ⁂ L’énigme commença de m’inquiéter lors d’un séjour allemand au cours duquel je pus observer
2623 Hoffmann… ⁂ L’énigme commença de m’inquiéter lors d’ un séjour allemand au cours duquel je pus observer mainte fois l’extra
2624 nnait du Strauss. Je ne connaissais pas le livret d’ Hofmannsthal, et compris mal l’intrigue de la Femme sans ombre. Je voy
2625 livret d’Hofmannsthal, et compris mal l’intrigue de la Femme sans ombre. Je voyais une actrice parcourir la scène en hurl
2626 hurlant : elle tirait après soi un grand morceau d’ étoffe qui figurait son ombre et l’embarrassait fort. Aux entractes, o
2627 et l’embarrassait fort. Aux entractes, on parlait de Freud. La musique m’ennuyait, indéfinie. Plus tard je lus le livre qu
2628 -ce qu’une ombre ? me demandais-je. Quelque chose d’ assez méprisable. Les Latins la ridiculisent. C’est pour eux l’irréali
2629 ux l’irréalité même. (« Il n’est plus que l’ombre de lui-même ! ») Mais je vois bien qu’ils exagèrent : si nous étions de
2630 is je vois bien qu’ils exagèrent : si nous étions de purs esprits, nous ne projetterions pas d’ombre. L’ombre est la preuv
2631 étions de purs esprits, nous ne projetterions pas d’ ombre. L’ombre est la preuve humiliante de la chair — humiliante pour
2632 ons pas d’ombre. L’ombre est la preuve humiliante de la chair — humiliante pour ceux, du moins qui, plaçant la Raison dans
2633 ux-là qui déplorent qu’elle se fasse, aux regards de la convoitise, « opaque »36. Que pouvais-je tirer de tout cela ? Rien
2634 la convoitise, « opaque »36. Que pouvais-je tirer de tout cela ? Rien qu’une évidence assez pauvre : l’ombre est le fait,
2635 ence assez pauvre : l’ombre est le fait, en nous, de notre chair. Mais perdre sa chair, c’est mourir, et cet infortuné Sch
2636 infortuné Schlemihl n’était tout de même pas mort d’ avoir perdu son ombre… Il était même si vivant, et sa présence si gêna
2637 vivant, et sa présence si gênante, que je tentai de le contraindre, quoi qu’il arrive, aux suprêmes aveux. Il y avait la
2638 mes aveux. Il y avait la psychanalyse. Mais avant d’ en venir à cette extrémité, on pouvait essayer d’un pédantisme moins b
2639 d’en venir à cette extrémité, on pouvait essayer d’ un pédantisme moins barbare. Je rédigeai la note qui suit, en m’appliq
2640 qui suit, en m’appliquant à écarter les conseils de pitié que me dictait mon cœur. Signalement de Peter Schlemihl P
2641 de pitié que me dictait mon cœur. Signalement de Peter Schlemihl Peter est un naïf : il croit à la fortune. Il croi
2642 assure à l’homme une dignité. C’est un bourgeois de la plus dangereuse espèce, le bourgeois pauvre qui envie les bourgeoi
2643 bourgeois pauvre qui envie les bourgeois riches. D’ où vient le sentiment qu’il a d’être inférieur. Le diable sait cela :
2644 bourgeois riches. D’où vient le sentiment qu’il a d’ être inférieur. Le diable sait cela : c’est par là qu’il le tient. Pet
2645 er lui donne son ombre contre une bourse magique, d’ où il pourra tirer un or inépuisable. Désormais riche, mais privé d’om
2646 er un or inépuisable. Désormais riche, mais privé d’ ombre, il se croit le maître du monde. Point du tout : on se moque de
2647 t le maître du monde. Point du tout : on se moque de lui. Comblé, le voici plus qu’avant inadmissible. Le complexe d’infér
2648 le voici plus qu’avant inadmissible. Le complexe d’ infériorité à peine défait par la fortune subite, se renoue, cette foi
2649 sans remède. Il ne tarde pas à tourner au délire de persécution. Tout effraye Peter, et le moleste en mille manières. Les
2650 re, surtout la lumière du jour, et même la clarté de la lune. Il recherche la solitude pour y mener des réflexions désespé
2651 te en sanglots à l’idée du plus simple bonheur, —  de ce bonheur dont tous les autres semblent détenir le secret, jalouseme
2652 innocence ?) Schlemihl est donc le type classique de l’homme qui perd le contact social. L’or même ne suffit pas à rétabli
2653 ge surtout pour ce philistin-là. Toutes les ruses de Peter échouent devant cet obstacle dernier. Il a beau n’aller que de
2654 evant cet obstacle dernier. Il a beau n’aller que de nuit aux rendez-vous avec Mina. Le jour venu de signer le contrat, de
2655  ! Oui, je le savais depuis longtemps, il n’a pas d’ ombre ! » Que reste-t-il à un tel homme ? Le suicide ? Rien n’est plus
2656 ensée. Sa vision du monde serait exactement celle d’ un philistin sympathique, d’un philistin sans exigences, et qui veut c
2657 rait exactement celle d’un philistin sympathique, d’ un philistin sans exigences, et qui veut croire à la vertu, — s’il n’y
2658 ut croire à la vertu, — s’il n’y avait, au centre de lui-même, cette absence. En tout pareil aux autres, sauf en ce je ne
2659 essentiel, notre philistin méconnu se voit chassé de la communauté des siens. Et par sa faute ! c’est là son amertume. Ici
2660 t l’évasion. Il achète — par économie — une paire de bottes usagées. Mais voilà bien sa chance, ce sont les bottes de sept
2661 es. Mais voilà bien sa chance, ce sont les bottes de sept lieues ! Désormais il échappe à la vie, au voisinage et au dialo
2662 bottes de sept lieues ! Désormais il échappe à la vie , au voisinage et au dialogue. Son existence réelle se confond avec to
2663 qu’il imagine. Il peut même retrouver une espèce d’ activité, purement descriptive il est vrai, solitaire, presque mécaniq
2664 presque mécanique : il dresse un vaste catalogue de toutes les plantes de la terre. C’est à cela qu’il s’occupe en Thébaï
2665 l dresse un vaste catalogue de toutes les plantes de la terre. C’est à cela qu’il s’occupe en Thébaïde, quand nous perdons
2666 quand nous perdons sa trace. Résumons : complexe d’ infériorité, délire de persécution, perte du contact social, sentiment
2667 trace. Résumons : complexe d’infériorité, délire de persécution, perte du contact social, sentiment de culpabilité, besoi
2668 e persécution, perte du contact social, sentiment de culpabilité, besoin d’évasion, activité maniaque (ou universitaire-ér
2669 contact social, sentiment de culpabilité, besoin d’ évasion, activité maniaque (ou universitaire-érudite)… Nul doute n’est
2670 en. Il savait peut-être autre chose. Tentative d’ interprétation Je reproche pour ma part à la psychanalyse de flatte
2671 ion Je reproche pour ma part à la psychanalyse de flatter notre propension à localiser les symboles. Car, pour la vie s
2672 propension à localiser les symboles. Car, pour la vie spirituelle, il n’est pas de lieux séparés, on peut toujours passer d
2673 boles. Car, pour la vie spirituelle, il n’est pas de lieux séparés, on peut toujours passer de l’un à l’autre par quelque
2674 est pas de lieux séparés, on peut toujours passer de l’un à l’autre par quelque ruse de la métamorphose, qui est la vie mê
2675 oujours passer de l’un à l’autre par quelque ruse de la métamorphose, qui est la vie même de la vie. Et pourquoi dire dès
2676 e par quelque ruse de la métamorphose, qui est la vie même de la vie. Et pourquoi dire dès lors : ceci est cause de cela ?
2677 lque ruse de la métamorphose, qui est la vie même de la vie. Et pourquoi dire dès lors : ceci est cause de cela ? Quand l’
2678 use de la métamorphose, qui est la vie même de la vie . Et pourquoi dire dès lors : ceci est cause de cela ? Quand l’inverse
2679 a vie. Et pourquoi dire dès lors : ceci est cause de cela ? Quand l’inverse est au moins aussi probable. Et quand rien ne
2680 er des descriptions utiles, et quelques « trucs » d’ observation. Je retiens donc de Freud cette constatation : « Celui qui
2681 quelques « trucs » d’observation. Je retiens donc de Freud cette constatation : « Celui qui, dans un domaine quelconque, e
2682 elui-là peut être considéré comme anormal dans sa vie sexuelle »37. Nous venons de voir que Schlemihl est le type même de l
2683 ous venons de voir que Schlemihl est le type même de l’inadapté, — celui qui ne peut « trouver sa place au soleil », et qu
2684 au soleil », et qui ne subsiste dans la compagnie de ses semblables que par un subterfuge toujours menacé. D’une incompati
2685 semblables que par un subterfuge toujours menacé. D’ une incompatibilité sociale aussi absolue, nous devrions déduire, semb
2686 ximum. Pour confirmer notre soupçon sur la nature de cette aberration, il conviendrait de rappeler ici que Peter parvient
2687 ur la nature de cette aberration, il conviendrait de rappeler ici que Peter parvient à la cacher à tous sauf aux deux femm
2688 . Mais n’allons pas conclure trop vite. Les états d’ âme d’un malade ou d’un fou diffèrent-ils essentiellement des états d’
2689 n’allons pas conclure trop vite. Les états d’âme d’ un malade ou d’un fou diffèrent-ils essentiellement des états d’âme d’
2690 onclure trop vite. Les états d’âme d’un malade ou d’ un fou diffèrent-ils essentiellement des états d’âme d’un homme sain ?
2691 d’un fou diffèrent-ils essentiellement des états d’ âme d’un homme sain ? Ne sont-ils pas plutôt de simples fixations d’ét
2692 fou diffèrent-ils essentiellement des états d’âme d’ un homme sain ? Ne sont-ils pas plutôt de simples fixations d’états qu
2693 ts d’âme d’un homme sain ? Ne sont-ils pas plutôt de simples fixations d’états qui, normalement, ne tarderaient pas à se m
2694 ain ? Ne sont-ils pas plutôt de simples fixations d’ états qui, normalement, ne tarderaient pas à se muer en leur contraire
2695 muer en leur contraire ? Plus précisément, l’état de Peter Schlemihl n’est-il pas comparable à celui d’un esprit et d’un c
2696 e Peter Schlemihl n’est-il pas comparable à celui d’ un esprit et d’un corps sains après « l’amour » ? Durant quelques mome
2697 hl n’est-il pas comparable à celui d’un esprit et d’ un corps sains après « l’amour » ? Durant quelques moments, l’homme ép
2698 t quelques moments, l’homme éprouve une sensation de vide, de légèreté et en même temps de lourdeur, comme s’il était un p
2699 s moments, l’homme éprouve une sensation de vide, de légèreté et en même temps de lourdeur, comme s’il était un peu en arr
2700 e sensation de vide, de légèreté et en même temps de lourdeur, comme s’il était un peu en arrière des choses, lent à démêl
2701 démêler le monde où il revient, et qui l’accable de présences bizarres, ou douces, mais aussi quelques fois, hostiles. (E
2702 . (Et cela peut être comme une première influence de ce qu’on nommera chez un malade, folie de la persécution). Il arrive
2703 fluence de ce qu’on nommera chez un malade, folie de la persécution). Il arrive aussi que cet homme se sente trop lucide,
2704 ucide, perçant toutes choses à jour, et lui-même, d’ où l’impression qu’il a d’être mal défendu contre les regards qu’il re
2705 es à jour, et lui-même, d’où l’impression qu’il a d’ être mal défendu contre les regards qu’il rencontre, transparent dirai
2706 les réserves qu’on voudra, mais en nous souvenant de la question que nous posait l’origine germanique du mythe38. Dès le d
2707 rimer qu’un fait humain élémentaire. J’étais déçu de le voir se réduire à quelque chose d’aussi précis, et que mille préju
2708 ’étais déçu de le voir se réduire à quelque chose d’ aussi précis, et que mille préjugés, français surtout, concourent à ri
2709 is surtout, concourent à ridiculiser. Un fragment de Paracelse, lu par hasard à cette époque, vint heureusement me donner
2710 cette époque, vint heureusement me donner la clé d’ une interprétation autrement riche et inquiétante. Je traduis ce fragm
2711 « l’ombre intérieure. » Une lecture plus poussée de Paracelse devait bientôt m’apprendre, avec bien d’autres choses curie
2712 tres choses curieuses et profondes, que la portée de ce passage était en vérité beaucoup plus vaste que tout ce que permet
2713 té beaucoup plus vaste que tout ce que permettait d’ imaginer l’obtus physiologisme de ce siècle. La « Liquor vitae », selo
2714 e que permettait d’imaginer l’obtus physiologisme de ce siècle. La « Liquor vitae », selon Paracelse, c’est en effet le pr
2715 ae », selon Paracelse, c’est en effet le principe d’ activité vitale répandu dans tous nos organes. Elle figure le « miroir
2716 st ainsi l’agent microcosmique, la puissance même de notre créativité dans tous les ordres. Elle est ce qu’il y a de plus
2717 t entier et dans l’homme. » Je la rapproche alors de ce Selbst (ou soi-même) dont parle Chamisso vers la fin de son conte.
2718 bst (ou soi-même) dont parle Chamisso vers la fin de son conte. Voilà qui peut situer enfin le vrai problème39. La créativ
2719 ramène tout ce qui est vraiment grave dans notre vie  ; et la fameuse « question sexuelle » ne tire son importance démesuré
2720 eur spirituel. Comme on peut le voir par l’examen de la pudeur. Ne serait-ce point pour la raison qu’en beaucoup d’êtres l
2721 Ne serait-ce point pour la raison qu’en beaucoup d’ êtres la créativité paraît avoir son siège dans le seul sexe, que la p
2722 homme cherche à le dissimuler comme quelque chose de sacré, et que les deux fils de Noé couvrirent la nudité de leur père
2723 omme quelque chose de sacré, et que les deux fils de Noé couvrirent la nudité de leur père ivre en marchant vers lui à rec
2724 et que les deux fils de Noé couvrirent la nudité de leur père ivre en marchant vers lui à reculons ? Mais chez l’homme qu
2725  ? Mais chez l’homme qui parvient à la conscience de sa mission spirituelle, le centre de la créativité paraît se déplacer
2726 a conscience de sa mission spirituelle, le centre de la créativité paraît se déplacer dans le cerveau ou dans le cœur. La
2727 tôt affecte la pensée, les sentiments. On parle «  d’ étalage impudique » lorsqu’un auteur exhibe une excessive sincérité da
2728 e plus profond, le plus sacré, qui est le pouvoir de création que l’on possède, c’est naturel ; mais non du tout qu’on en
2729 mble-t-il. En vérité, la mauvaise pudeur provient de ce que le corps et l’âme se distinguent de plus en plus, et cessent d
2730 l’âme se distinguent de plus en plus, et cessent d’ être reflets l’un de l’autre. Alors le corps a honte de sa pensée, et
2731 t de plus en plus, et cessent d’être reflets l’un de l’autre. Alors le corps a honte de sa pensée, et celle-ci des désirs
2732 e reflets l’un de l’autre. Alors le corps a honte de sa pensée, et celle-ci des désirs de son corps — comme d’un embrassem
2733 orps a honte de sa pensée, et celle-ci des désirs de son corps — comme d’un embrassement sans amour, ou d’un amour qui se
2734 nsée, et celle-ci des désirs de son corps — comme d’ un embrassement sans amour, ou d’un amour qui se refuse à l’étreinte.
2735 on corps — comme d’un embrassement sans amour, ou d’ un amour qui se refuse à l’étreinte. Et pourquoi la pudeur cesse-t-ell
2736 à l’étreinte. Et pourquoi la pudeur cesse-t-elle d’ exister — normalement — quand deux êtres s’aiment ? Parce que le sexe
2737 à notre mythe : la transparence, c’est l’absence d’ ombre, donc de secret. Or le secret « sacré » étant le lieu de la créa
2738  : la transparence, c’est l’absence d’ombre, donc de secret. Or le secret « sacré » étant le lieu de la créativité dans la
2739 c de secret. Or le secret « sacré » étant le lieu de la créativité dans la personne, celui qui a perdu son ombre, se promè
2740 mbre, se promène parmi les hommes avec l’angoisse de voir révélée au grand jour non son secret, mais justement l’absence e
2741 r non son secret, mais justement l’absence en lui de son secret, sa transparence : spirituellement, ou de quelque autre so
2742 son secret, sa transparence : spirituellement, ou de quelque autre sorte, il n’est plus un homme créateur. À l’inverse, la
2743 e son élan vers le monde. Elle le porte au-devant de tout, comme un peu en avant de lui-même, là où il peut dominer sa vie
2744 eu en avant de lui-même, là où il peut dominer sa vie et la construire avec tout son instinct à l’image d’une vision de l’e
2745 et la construire avec tout son instinct à l’image d’ une vision de l’esprit. (L’esprit seul voit) Le corps et l’âme chanten
2746 ire avec tout son instinct à l’image d’une vision de l’esprit. (L’esprit seul voit) Le corps et l’âme chantent alors dans
2747 ) Le corps et l’âme chantent alors dans l’unisson de la chasteté. L’esprit offensif et joyeux, le corps qui se sent « plei
2748 Et l’homme a retrouvé son ombre. Suite et fin de la fable Peter Schlemihl nous apparaît maintenant une émouvante et
2749 ntenant une émouvante et très précise description de l’individu romantique, dans ce qu’il a de démissionnaire, d’impuissan
2750 ription de l’individu romantique, dans ce qu’il a de démissionnaire, d’impuissant à saisir le monde pour le former à son i
2751 du romantique, dans ce qu’il a de démissionnaire, d’ impuissant à saisir le monde pour le former à son image40, et d’évasif
2752 saisir le monde pour le former à son image40, et d’ évasif devant sa vocation : le mystère de l’incarnation. Chamisso a do
2753 ge40, et d’évasif devant sa vocation : le mystère de l’incarnation. Chamisso a donné à son Peter tous les traits physiques
2754 é à son Peter tous les traits physiques et moraux de ce que l’on appellera plus tard le vague à l’âme, — qui est aussi bie
2755 — qui est aussi bien le vague au corps… Le roman d’ Hoffmannsthal — contre-épreuve — décrit le tourment d’une femme stéril
2756 ffmannsthal — contre-épreuve — décrit le tourment d’ une femme stérile, l’impératrice qui a perdu son ombre et qui emprunte
2757 trice qui a perdu son ombre et qui emprunte celle d’ une fille du peuple. Mais Andersen, comme on pouvait s’y attendre, fai
2758 ominer l’aspect « spirituel » du mythe. Son conte de l’Ombre, c’est le symbole de la puissance de création qui vient à se
2759 du mythe. Son conte de l’Ombre, c’est le symbole de la puissance de création qui vient à se détacher de l’auteur pour pre
2760 onte de l’Ombre, c’est le symbole de la puissance de création qui vient à se détacher de l’auteur pour prendre corps dans
2761 la puissance de création qui vient à se détacher de l’auteur pour prendre corps dans l’œuvre poétique. Et le poème ensuit
2762 que l’individu qui l’a conçu comme porté au-delà de lui-même par l’attrait puissant d’un désir — reviendra s’asservir le
2763 porté au-delà de lui-même par l’attrait puissant d’ un désir — reviendra s’asservir le poète… ⁂ C’est une des gloires du r
2764 C’est une des gloires du romantisme allemand que d’ avoir su élever les faiblesses de l’homme, et quelques-unes de ses plu
2765 sme allemand que d’avoir su élever les faiblesses de l’homme, et quelques-unes de ses plus folles illusions, à la hauteur
2766 lever les faiblesses de l’homme, et quelques-unes de ses plus folles illusions, à la hauteur du mythe, et de la Fable, plu
2767 plus folles illusions, à la hauteur du mythe, et de la Fable, plus profondément vrais que la vie. (Plus riches d’enseigne
2768 e, et de la Fable, plus profondément vrais que la vie . (Plus riches d’enseignements concrets, et d’invites à la métamorphos
2769 plus profondément vrais que la vie. (Plus riches d’ enseignements concrets, et d’invites à la métamorphose). Mettre en for
2770 la vie. (Plus riches d’enseignements concrets, et d’ invites à la métamorphose). Mettre en forme ce qui nous défait, c’est
2771 xe génial, l’audace comme malgré soi re-créatrice d’ un Chamisso. Les amateurs d’absurdités lyriques, j’en suis parfois, de
2772 lgré soi re-créatrice d’un Chamisso. Les amateurs d’ absurdités lyriques, j’en suis parfois, devraient se garder d’affadir
2773 lyriques, j’en suis parfois, devraient se garder d’ affadir une telle œuvre, n’y admirant à leur coutume qu’une « fantaisi
2774 rant à leur coutume qu’une « fantaisie gratuite » de l’art. Nul doute que l’art de Chamisso ne signifie. Il y suffit d’ail
2775 antaisie gratuite » de l’art. Nul doute que l’art de Chamisso ne signifie. Il y suffit d’ailleurs qu’il soit vraiment un a
2776 rs qu’il soit vraiment un art — tout effort digne de ce nom établit d’abord une action concertée, une mise en ordre, un se
2777 sens donné… C’est par là que Chamisso s’est sauvé de lui-même : s’il a fait Schlemihl comme on sait, en grande partie à so
2778 ère toutefois par ceci qu’il l’a fait, témoignant d’ un pouvoir d’invention dont la nouveauté reste entière. Et j’y songe :
2779 par ceci qu’il l’a fait, témoignant d’un pouvoir d’ invention dont la nouveauté reste entière. Et j’y songe : ce Schlemihl
2780 onge : ce Schlemihl éternel, ce symbole en bottes de sept lieues qui traverse encore notre vie, n’est-ce pas l’ombre de Ch
2781 n bottes de sept lieues qui traverse encore notre vie , n’est-ce pas l’ombre de Chamisso ? Une ombre qui a perdu son homme,
2782 i traverse encore notre vie, n’est-ce pas l’ombre de Chamisso ? Une ombre qui a perdu son homme, cette fois, mais non pas
2783 profonds. C’est le siècle où je vis qui n’a plus d’ ombre, et c’est pour lui que je garde ma pitié. Il ne sait même plus é
2784 P.-S. Je n’ai pas voulu alourdir cette esquisse de tout un appareil de références bibliographiques. On les trouve d’aill
2785 voulu alourdir cette esquisse de tout un appareil de références bibliographiques. On les trouve d’ailleurs réunies dans le
2786 k). Cet érudit psychanalyste ne recense pas moins d’ une cinquantaine d’auteurs célèbres qui ont traité le mythe de l’ombre
2787 hanalyste ne recense pas moins d’une cinquantaine d’ auteurs célèbres qui ont traité le mythe de l’ombre perdue dans leurs
2788 ntaine d’auteurs célèbres qui ont traité le mythe de l’ombre perdue dans leurs romans, pièces, ou contes fantastiques. Not
2789 rientent plutôt vers l’aspect individuel du mythe de l’ombre, rejoignant le mythe voisin du double. (Maupassant par exempl
2790 e). Barrès, dans ses Cahiers, recueille la lettre d’ un descendant français de Chamisso, selon lequel l’idée de Peter Schle
2791 ers, recueille la lettre d’un descendant français de Chamisso, selon lequel l’idée de Peter Schlemihl aurait été donnée à
2792 cendant français de Chamisso, selon lequel l’idée de Peter Schlemihl aurait été donnée à son auteur par un de ses parents,
2793 r Schlemihl aurait été donnée à son auteur par un de ses parents, au cours d’un séjour à Paris. L’origine du conte célèbre
2794 nnée à son auteur par un de ses parents, au cours d’ un séjour à Paris. L’origine du conte célèbre serait donc bien françai
2795 u’à soutenir que l’ombre perdue serait le symbole de la patrie (française) perdue par Chamisso. Les documents réunis par R
2796 antiquité nordique du mythe, auquel se rattachent de très nombreuses coutumes populaires, antérieures de plusieurs siècles
2797 très nombreuses coutumes populaires, antérieures de plusieurs siècles, voire d’un ou deux millénaires, à Chamisso. 36.
2798 pulaires, antérieures de plusieurs siècles, voire d’ un ou deux millénaires, à Chamisso. 36. « J’éprouve que chaque obje
2799 , à Chamisso. 36. « J’éprouve que chaque objet de cette terre que je convoite se fait opaque, par cela même que je le c
2800 ritures. 37. Freud : Trois essais sur la théorie de la sexualité. La définition du normal est donc ici : adapté au milieu
2801 ilieu social. Qui ne voit ce qu’on pourrait tirer de cette « vérité d’expérience » si l’on voulait en faire une règle, com
2802 ne voit ce qu’on pourrait tirer de cette « vérité d’ expérience » si l’on voulait en faire une règle, comme nous en menacen
2803 totalitaires ? On ne peut accepter une « vérité » de ce genre qu’en insistant sur le contraire : l’anormal peut être créat
2804 t sur le contraire : l’anormal peut être créateur d’ un nouveau type de rapports sociaux, c’est-à-dire d’une nouvelle norma
2805  : l’anormal peut être créateur d’un nouveau type de rapports sociaux, c’est-à-dire d’une nouvelle normalité. 38. Dans le
2806 un nouveau type de rapports sociaux, c’est-à-dire d’ une nouvelle normalité. 38. Dans le conte intitulé « l’Ombre », Ander
2807 aux pays chauds, perd son ombre à force de rêver d’ une jeune femme qu’il perçoit de sa fenêtre. « Mais dans les climats c
2808 à force de rêver d’une jeune femme qu’il perçoit de sa fenêtre. « Mais dans les climats chauds, les choses croissent très
2809 it à sa grande joie qu’une nouvelle ombre partant de ses pieds commençait à croître lorsqu’il se promenait dans le soleil.
2810 u’il se promenait dans le soleil. » Ici donc, pas de fixation morbide, comme dans Schlemihl. Aussi bien, le diable n’est-i
2811 Paracelse toujours, l’élément sexuel se distingue de la Liquor vitae « comme l’écume d’une soupe ». La créativité se purif
2812 l se distingue de la Liquor vitae « comme l’écume d’ une soupe ». La créativité se purifie donc en le localisant. Il paraît
2813 Il paraît alors que le freudisme ne s’occupe que de l’écume d’une soupe ! (ou bien l’appelle-t-il libido ?). 40. Ces tra
2814 alors que le freudisme ne s’occupe que de l’écume d’ une soupe ! (ou bien l’appelle-t-il libido ?). 40. Ces traits ne saur
2815 ntisme allemand qui en a montré bien d’autres, et de tout contraire parfois : que l’on songe à Hegel, à Fichte, à Schlegel
2816 Hegel, à Fichte, à Schlegel. p. Rougemont Denis de , « Chamisso et le Mythe de l’Ombre perdue », Les Cahiers du Sud, Mars
2817 . p. Rougemont Denis de, « Chamisso et le Mythe de l’Ombre perdue », Les Cahiers du Sud, Marseille, mai–juin 1937, p. 28
16 1937, Articles divers (1936-1938). Journal d’un intellectuel en chômage (25 juillet 1937)
2818 Journal d’ un intellectuel en chômage (25 juillet 1937)q r Début de novembre 1
2819 llectuel en chômage (25 juillet 1937)q r Début de novembre 1933 Mon domaine, c’est ce que j’ai sous la main. Voici d’ab
2820 du jardin. Quand je lève le nez, je vois la cour de terre battue à l’ombre de ses deux tilleuls, la margelle du puits à g
2821 ose une vieille chatte, le chai à droite. Au-delà de la cour, les planches incultes du potager, de chaque côté d’une allée
2822 elà de la cour, les planches incultes du potager, de chaque côté d’une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une port
2823 les planches incultes du potager, de chaque côté d’ une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deu
2824 tes du potager, de chaque côté d’une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deux battants, à demi
2825 ée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deux battants, à demi cachée par des lauriers épais. De hauts
2826 x battants, à demi cachée par des lauriers épais. De hauts murs blancs enclosent de tous côtés ce jardin de curé qui a jus
2827 es lauriers épais. De hauts murs blancs enclosent de tous côtés ce jardin de curé qui a juste la largeur de la maison. On
2828 uts murs blancs enclosent de tous côtés ce jardin de curé qui a juste la largeur de la maison. On ne voit rien que le ciel
2829 us côtés ce jardin de curé qui a juste la largeur de la maison. On ne voit rien que le ciel au-delà, un ciel lavé, tissé d
2830 oit rien que le ciel au-delà, un ciel lavé, tissé d’ oiseaux, et parfois traversé par un nuage rapide. En me retournant à d
2831 t à droite, je vois par une autre fenêtre un coin de lande, et de petites dunes broussailleuses qui ferment l’horizon bas.
2832 e vois par une autre fenêtre un coin de lande, et de petites dunes broussailleuses qui ferment l’horizon bas. Peu de terre
2833 compte deux chambres au rez-de-chaussée, séparées de la cuisine par un couloir dallé. À l’étage, où l’on parvient par un p
2834 parvient par un petit escalier qui prend au fond de la cuisine, deux autres chambres assez vastes et presque vides, auxqu
2835 vastes et presque vides, auxquelles le toit sert de plafond. Très peu de meubles, comme j’aime. Des murs blanchis ou tein
2836 ubles, comme j’aime. Des murs blanchis ou teintés de bleu clair, des planchers rudes. Décor candide et gai, oui vraiment p
2837 rte un peu trop basse, règne une pénétrante odeur de laurier. On distingue dans l’ombre des amas de branchages, des outils
2838 ur de laurier. On distingue dans l’ombre des amas de branchages, des outils et des treilles pour la pêche aux crevettes. J
2839 ux crevettes. Je me suis procuré un petit tonneau de vin blanc de l’île. C’est un clairet assez acide, qui laisse peut-êtr
2840 Je me suis procuré un petit tonneau de vin blanc de l’île. C’est un clairet assez acide, qui laisse peut-être un léger go
2841 -être un léger goût iodé, au moins l’on est tenté de l’imaginer : la vigne croît ici au ras d’un sol sablonneux que l’on f
2842 t tenté de l’imaginer : la vigne croît ici au ras d’ un sol sablonneux que l’on fume avec du varech. De l’île, du village,
2843 d’un sol sablonneux que l’on fume avec du varech. De l’île, du village, de la mer, je ne veux rien dire encore : je laisse
2844 e l’on fume avec du varech. De l’île, du village, de la mer, je ne veux rien dire encore : je laisse tout cela se mêler à
2845 n dire encore : je laisse tout cela se mêler à ma vie , dans l’heureux étourdissement de la lumière maritime. Pour mes pensé
2846 se mêler à ma vie, dans l’heureux étourdissement de la lumière maritime. Pour mes pensées, je les occupe en attendant à d
2847 e. Pour mes pensées, je les occupe en attendant à de petits exercices formels, sans nul rapport avec ce beau vertige de li
2848 es formels, sans nul rapport avec ce beau vertige de liberté. Depuis six jours que nous sommes arrivés, je n’ai lu que les
2849 ue nous sommes arrivés, je n’ai lu que les Règles de Descartes, comme on ferait un mot croisé, pour tuer le temps avant un
2850 e petite rue toute blanche qui contourne la panse de l’église, et aboutit à la place principale. Au milieu de cette place,
2851 milieu de cette place, qui est un vaste rectangle de terre jaune, les habitants plantèrent à la Révolution un arbre de la
2852 les habitants plantèrent à la Révolution un arbre de la Liberté. Cet orme est devenu gigantesque, majestueux exemplaire da
2853 ulence, frisé comme une perruque du grand siècle. De trois côtés de la place généralement vide, les maisons s’alignent en
2854 omme une perruque du grand siècle. De trois côtés de la place généralement vide, les maisons s’alignent en ordre modeste,
2855 couleur des volets s’harmonise avec chaque façade d’ une manière subtile et précise qui en dit long sur l’âme de ce peuple
2856 ière subtile et précise qui en dit long sur l’âme de ce peuple discret. C’est l’impression que je veux retenir pour le mom
2857 du chou-fleur, des enveloppes jaunes, du peloton de ficelle et du kilo de riz. Mes vêtements, citadins mais râpés, ne la
2858 veloppes jaunes, du peloton de ficelle et du kilo de riz. Mes vêtements, citadins mais râpés, ne la renseignent pas claire
2859 , ne la renseignent pas clairement. Et que penser d’ un « Parisien » qui manifeste l’intention de rester ici tout l’hiver ?
2860 enser d’un « Parisien » qui manifeste l’intention de rester ici tout l’hiver ? — C’est plutôt en été qu’on vient chez nous
2861 mes vacances ! J’ai du travail chez moi, des tas de choses à écrire… Elle n’ose pas m’en demander davantage. Et moi, je r
2862 davantage. Et moi, je recule devant l’entreprise de lui expliquer la nature de mon travail. « Écrire », qu’est-ce que cel
2863 le devant l’entreprise de lui expliquer la nature de mon travail. « Écrire », qu’est-ce que cela signifie ? Écrire pour le
2864 u’on voudrait. En hiver elle fait peu de réserves de produits alimentaires, les habitants n’achetant guère autre chose que
2865 s, les habitants n’achetant guère autre chose que de la mercerie, des lainages et des épices. Alors il faut aller de l’aut
2866 , des lainages et des épices. Alors il faut aller de l’autre côté de la place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’
2867 t des épices. Alors il faut aller de l’autre côté de la place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’être vu par l’un
2868 côté de la place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’ éviter d’être vu par l’une, entrant chez l’autre. Mais c’est prudent,
2869 a place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’ être vu par l’une, entrant chez l’autre. Mais c’est prudent, on me l’a
2870 elles les augmenteront bien plutôt pour le punir d’ avoir été en face. Sans compter qu’on n’aime pas être accueilli par la
2871 e pas être accueilli par la réprobation sournoise d’ une épicière. 21 novembre 1933 Le bureau de poste. — Trois mètres sur
2872 rnoise d’une épicière. 21 novembre 1933 Le bureau de poste. — Trois mètres sur trois, et grille épaisse au milieu. Derrièr
2873 sse au milieu. Derrière la grille, le long visage de Pédenaud. J’ai l’impression que je lui gâte la vie. Trois fois la sem
2874 de Pédenaud. J’ai l’impression que je lui gâte la vie . Trois fois la semaine au moins, il me voit venir avec une grande env
2875 ’est tapé à la machine. — Est-ce qu’il n’y a rien d’ écrit à la main ? — Si, il y a des corrections écrites à la main. Péde
2876 nième fois son tarif, fait son calcul sur un bout de papier, et conclut que j’ai à payer 72 francs, pour un envoi, ce jour
2877 ’ai à payer 72 francs, pour un envoi, ce jour-là, d’ une centaine de feuillets. Il en paraît lui-même consterné. J’affirme
2878 francs, pour un envoi, ce jour-là, d’une centaine de feuillets. Il en paraît lui-même consterné. J’affirme avec vivacité q
2879 Il faut tout recommencer. Finalement l’on décide d’ envoyer le manuscrit comme échantillon sans valeur. Port : quatre fran
2880 ntends grincer la porte du jardin. C’est la femme de Pédenaud qui brandit un papier. J’accours : elle me tend une formule
2881 t un papier. J’accours : elle me tend une formule de télégramme, mais ce n’est pas un télégramme, c’est une notification o
2882 un télégramme, c’est une notification officielle d’ avoir à verser sans délai la somme de Fr. 67.25 restant due sur l’envo
2883 n officielle d’avoir à verser sans délai la somme de Fr. 67.25 restant due sur l’envoi de ce matin. En effet, Pédenaud, qu
2884 lai la somme de Fr. 67.25 restant due sur l’envoi de ce matin. En effet, Pédenaud, qui a voulu en avoir le cœur net, a pri
2885 ue je m’exécute, sinon c’est lui qui sera forcé «  d’ y aller de sa poche ». Me voilà courant à l’autobus pour arrêter le co
2886 écute, sinon c’est lui qui sera forcé « d’y aller de sa poche ». Me voilà courant à l’autobus pour arrêter le courrier. L’
2887 stal, discuter passionnément, trouver une formule d’ apaisement qui ménage toutes les susceptibilités, et finalement ne rie
2888 raît entre les gens d’ici et moi dès qu’il s’agit de mon travail et de ses conditions pratiques. Petits ennuis sans gravit
2889 s d’ici et moi dès qu’il s’agit de mon travail et de ses conditions pratiques. Petits ennuis sans gravité, bien sûr. Mais
2890 s sans gravité, bien sûr. Mais quel drame dans la vie d’un buraliste de recette auxiliaire ! Depuis lors, il rougit et tran
2891 ns gravité, bien sûr. Mais quel drame dans la vie d’ un buraliste de recette auxiliaire ! Depuis lors, il rougit et transpi
2892 n sûr. Mais quel drame dans la vie d’un buraliste de recette auxiliaire ! Depuis lors, il rougit et transpire rien qu’à me
2893 peu, pour me faire pardonner. Pédenaud est mutilé de guerre. Il boite. On lui a donné cette recette auxiliaire à titre de
2894 dans la catégorie bourgeoise. Ma bonne conscience de pauvre n’aura pas duré bien longtemps. 16 décembre 1933 Derrière la m
2895 longtemps. 16 décembre 1933 Derrière la même pile d’ assiettes où je crois avoir déjà dit que j’avais trouvé deux ouvrages
2896 éjà dit que j’avais trouvé deux ouvrages traitant de mon île, j’ai déniché ce matin une édition populaire de La Naissance
2897 île, j’ai déniché ce matin une édition populaire de La Naissance du jour, de Colette. Je n’avais pas encore lu ce livre.
2898 in une édition populaire de La Naissance du jour, de Colette. Je n’avais pas encore lu ce livre. Il est exactement de l’es
2899 n’avais pas encore lu ce livre. Il est exactement de l’espèce que j’aime, et l’un des plus charmants dans cette espèce, ma
2900 à voir avec la critique littéraire. À la page 43 de l’édition que j’ai sous les yeux, je lis ceci : « … ils déménagent… c
2901 je lis ceci : « … ils déménagent… comme les puces d’ un hérisson mort. » Cette phrase a fait dans mon esprit ce qu’on appel
2902 a fait dans mon esprit ce qu’on appelle un trait de lumière. Lundi dernier, au petit matin, nous nous sommes réveillés co
2903 petit matin, nous nous sommes réveillés couverts de puces. J’exagère à peine : pour mon compte, j’en ai pris sept sur mon
2904 e, j’en ai pris sept sur mon pyjama dans l’espace de deux minutes, ce qui doit constituer une sorte de record. D’autres sa
2905 de deux minutes, ce qui doit constituer une sorte de record. D’autres sautaient sur le couvre-pied. D’autres sur le planch
2906 l est vrai qu’on a beau porter un nombre excessif de jupons, cela ne devrait pas suffire à rendre vraisemblable une hypoth
2907 ’explique sans peine désormais, grâce à la phrase de Colette. Je rapporte cette anecdote parce qu’elle comporte une conclu
2908 : pour la première fois depuis je ne sais combien d’ années, je viens de trouver dans un ouvrage littéraire la solution d’u
2909 de trouver dans un ouvrage littéraire la solution d’ une question précise. Grâce à Colette, je sais maintenant pourquoi not
2910 is maintenant pourquoi notre chambre était pleine de puces. Cela n’a l’air de rien, mais je vois là comme un symbole. Les
2911 tre chambre était pleine de puces. Cela n’a l’air de rien, mais je vois là comme un symbole. Les livres devraient être uti
2912 iles. 23 décembre 1933 J’écris ceci sur une table de café. À travers la vitrine, je vois le vieux port de cette vieille vi
2913 café. À travers la vitrine, je vois le vieux port de cette vieille ville, la plus proche de notre île, et où nous devons e
2914 encore passer deux heures en attendant le départ de l’autobus pour Taillefer. Nous sommes attablés ici depuis un bon mome
2915 blés ici depuis un bon moment déjà, tout contents de revoir le va-et-vient d’un lieu public, de lire les journaux de Paris
2916 ment déjà, tout contents de revoir le va-et-vient d’ un lieu public, de lire les journaux de Paris et de fumer des cigarett
2917 ntents de revoir le va-et-vient d’un lieu public, de lire les journaux de Paris et de fumer des cigarettes américaines au
2918 a-et-vient d’un lieu public, de lire les journaux de Paris et de fumer des cigarettes américaines au goût de miel, introuv
2919 ’un lieu public, de lire les journaux de Paris et de fumer des cigarettes américaines au goût de miel, introuvables dans l
2920 is et de fumer des cigarettes américaines au goût de miel, introuvables dans l’île. Pendant que ma femme lit des hebdomada
2921 mme lit des hebdomadaires, je vais renouer le fil de ce journal. Tout d’abord, j’ai à constater l’échec de notre première
2922 e journal. Tout d’abord, j’ai à constater l’échec de notre première tentative d’autonomie. Je ne suis pas arrivé à gagner
2923 i à constater l’échec de notre première tentative d’ autonomie. Je ne suis pas arrivé à gagner assez vite ce qu’il nous fal
2924 il nous fallait pour subsister après l’épuisement de notre réserve. J’ai travaillé beaucoup, mais je ne serai pas payé ava
2925 ui vit au jour le jour, il s’agit essentiellement d’ éviter les lacunes de cette sorte. (Ce que l’on nomme « difficultés de
2926 r, il s’agit essentiellement d’éviter les lacunes de cette sorte. (Ce que l’on nomme « difficultés de trésorerie » dans le
2927 de cette sorte. (Ce que l’on nomme « difficultés de trésorerie » dans les affaires, devient ici, évidemment, un obstacle
2928 évidemment, un obstacle absolu.) Assuré au moins de quelque argent à venir, j’ai accepté l’invitation d’un ami qui nous o
2929 quelque argent à venir, j’ai accepté l’invitation d’ un ami qui nous offre de passer trois semaines chez lui. Il habite à u
2930 j’ai accepté l’invitation d’un ami qui nous offre de passer trois semaines chez lui. Il habite à une petite journée de voy
2931 semaines chez lui. Il habite à une petite journée de voyage de notre île. La leçon pratique de cette première expérience d
2932 hez lui. Il habite à une petite journée de voyage de notre île. La leçon pratique de cette première expérience de deux moi
2933 journée de voyage de notre île. La leçon pratique de cette première expérience de deux mois, c’est que la liberté ne s’imp
2934 e. La leçon pratique de cette première expérience de deux mois, c’est que la liberté ne s’improvise pas. Qu’il faut la con
2935 rir avec méthode, et organiser à l’avance un plan d’ attaque, prévoyant à un jour près la date d’arrivée des renforts. Je n
2936 plan d’attaque, prévoyant à un jour près la date d’ arrivée des renforts. Je ne suis pas trop fier de ma retraite stratégi
2937 d’arrivée des renforts. Je ne suis pas trop fier de ma retraite stratégique, mais tout de même bien décidé à renouveler m
2938 ma tentative, dans un mois. q. Rougemont Denis de , «  Journal d’un intellectuel en chômage  », La Revue du dimanche, su
2939 ans un mois. q. Rougemont Denis de, «  Journal d’ un intellectuel en chômage  », La Revue du dimanche, supplément hebdom
2940  », La Revue du dimanche, supplément hebdomadaire de la Revue de Lausanne , Lausanne, 25 juillet 1937, p. 1. r. Précédé d
2941 du dimanche, supplément hebdomadaire de la Revue de Lausanne , Lausanne, 25 juillet 1937, p. 1. r. Précédé de la note su
2942 ne , Lausanne, 25 juillet 1937, p. 1. r. Précédé de la note suivante : « Par les soins de la Guilde du Livre, à Lausanne,
2943 r. Précédé de la note suivante : « Par les soins de la Guilde du Livre, à Lausanne, paraîtra très prochainement un ouvrag
2944 Lausanne, paraîtra très prochainement un ouvrage de notre compatriote, l’excellent écrivain neuchâtelois Denis de Rougeme
2945 rivain neuchâtelois Denis de Rougement : Journal d’ un intellectuel en chômage . Grâce à la complaisance du directeur de l
2946 en chômage . Grâce à la complaisance du directeur de la Guilde, M. A. Mermoud, nous sommes en mesure d’offrir à nos lecteu
2947 e la Guilde, M. A. Mermoud, nous sommes en mesure d’ offrir à nos lecteurs la primeur de quelques pages de ce livre. Dans c
2948 mmes en mesure d’offrir à nos lecteurs la primeur de quelques pages de ce livre. Dans ces pages, l’auteur peint notamment
2949 ffrir à nos lecteurs la primeur de quelques pages de ce livre. Dans ces pages, l’auteur peint notamment le milieu où il s’
17 1937, Articles divers (1936-1938). Extraits de… Journal d’un intellectuel en chômage (15 août 1937)
2950 Extraits de … Journal d’un intellectuel en chômage (15 août 1937)s t Il faut pa
2951 Extraits de… Journal d’ un intellectuel en chômage (15 août 1937)s t Il faut parler des « a
2952 « autocars ». Je ne sais si l’on se doute à Paris de l’importance des autocars et des transformations qu’ils sont en train
2953 formations qu’ils sont en train de causer dans la vie provinciale. Je n’ai pas compté le nombre de lignes actuellement expl
2954 la vie provinciale. Je n’ai pas compté le nombre de lignes actuellement exploitées. Mais j’ai pu constater dans plusieurs
2955 ais j’ai pu constater dans plusieurs départements de l’Ouest qu’il n’est plus guère de « pays » qui ne soit desservi par u
2956 rs départements de l’Ouest qu’il n’est plus guère de « pays » qui ne soit desservi par une ou deux ou même trois compagnie
2957 desservi par une ou deux ou même trois compagnies de transports locaux. Depuis que j’ai quitté Paris, j’ai bien utilisé un
2958 ’ai quitté Paris, j’ai bien utilisé une vingtaine de ces lignes. Je commence à connaître leurs coutumes : rien ne pouvait
2959 us rapidement et plus profondément « la coutume » de la France rurale. Mais ce n’est pas encore assez dire : l’autocar mod
2960 re assez dire : l’autocar modifie complètement le mode de contact entre le voyageur et la province. Naguère encore, quand on
2961 sez dire : l’autocar modifie complètement le mode de contact entre le voyageur et la province. Naguère encore, quand on n’
2962 out convergeait vers Paris, non seulement du fait d’ une organisation ferroviaire centralisée, mais encore sentimentalement
2963 s à l’heure, où l’on se sentait relégué à l’écart de la « vraie » circulation. Et l’on ne voyait guère que des gares, ce q
2964 nt dans chaque village. Aujourd’hui, les stations d’ autocars sont sur la place principale. C’est de là qu’on part au milie
2965 ns d’autocars sont sur la place principale. C’est de là qu’on part au milieu d’une grande affluence de badauds, c’est là q
2966 de là qu’on part au milieu d’une grande affluence de badauds, c’est là qu’on arrive à grands sons de trompe, c’est enfin c
2967 e de badauds, c’est là qu’on arrive à grands sons de trompe, c’est enfin ce que l’on voit le mieux de chaque pays. La voie
2968 de trompe, c’est enfin ce que l’on voit le mieux de chaque pays. La voie ferrée était une sorte d’insulte à la vie locale
2969 ux de chaque pays. La voie ferrée était une sorte d’ insulte à la vie locale ; elle la traversait abstraitement, sans la vo
2970 ys. La voie ferrée était une sorte d’insulte à la vie locale ; elle la traversait abstraitement, sans la voir, sans tenir c
2971 it abstraitement, sans la voir, sans tenir compte de ses circonstances. Sur ses bords ne vivait qu’une population nomade,
2972 qu’une population nomade, qui portait l’uniforme de l’État, partout la même. Vous pouviez parcourir vingt fois la France
2973 même. Vous pouviez parcourir vingt fois la France de part en part sans remarquer que les gens qui l’habitent ne sont pas t
2974 quer que les gens qui l’habitent ne sont pas tous de la même sorte, et que d’une province à une autre, ce n’est pas seulem
2975 abitent ne sont pas tous de la même sorte, et que d’ une province à une autre, ce n’est pas seulement le paysage qui change
2976 » dans la nation abstraitement unifiée ? La ligne d’ autocar fait partie du pays. Elle en épouse la géographie physique mai
2977 voiture. Mais aussi elle tient compte des rythmes de la vie locale, du calendrier des marées, de l’heure matinale des foir
2978 e. Mais aussi elle tient compte des rythmes de la vie locale, du calendrier des marées, de l’heure matinale des foires, dan
2979 thmes de la vie locale, du calendrier des marées, de l’heure matinale des foires, dans les districts ruraux, et ailleurs d
2980 es foires, dans les districts ruraux, et ailleurs de l’entrée et de la sortie des usines ou des écoles. La simple intentio
2981 les districts ruraux, et ailleurs de l’entrée et de la sortie des usines ou des écoles. La simple intention d’utiliser ce
2982 tie des usines ou des écoles. La simple intention d’ utiliser ce moyen de transport vous met en contact avec toutes sortes
2983 s écoles. La simple intention d’utiliser ce moyen de transport vous met en contact avec toutes sortes d’habitudes locales.
2984 transport vous met en contact avec toutes sortes d’ habitudes locales. D’abord il faut aller dans deux ou trois cafés pour
2985 dans deux ou trois cafés pour obtenir un minimum de précisions concernant l’heure du prochain départ et la destination de
2986 enant du voyage lui-même ? C’est une résurrection de ce que Vigny pleurait, la poésie des diligences, mais aérée. C’est fa
2987 la poésie des diligences, mais aérée. C’est fait d’ une foule d’incidents entrevus, que tout dispose à romancer ; de conve
2988 es diligences, mais aérée. C’est fait d’une foule d’ incidents entrevus, que tout dispose à romancer ; de conversations abs
2989 incidents entrevus, que tout dispose à romancer ; de conversations absurdes et rapidement intimes, avec ce personnage enfo
2990 ge enfoui à côté de vous dans un luxueux fauteuil de cuir rouge ou bleu vif, et qui change de tête plusieurs fois pendant
2991 fauteuil de cuir rouge ou bleu vif, et qui change de tête plusieurs fois pendant le trajet, de coups de main aux voyageurs
2992 change de tête plusieurs fois pendant le trajet, de coups de main aux voyageurs chargés de paquets ou d’un jeune veau, ou
2993 le trajet, de coups de main aux voyageurs chargés de paquets ou d’un jeune veau, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’arrêt
2994 coups de main aux voyageurs chargés de paquets ou d’ un jeune veau, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’arrêts et de détour
2995 yageurs chargés de paquets ou d’un jeune veau, ou d’ un enfant hurlant et admiré, d’arrêts et de détours imprévus — car les
2996 ’un jeune veau, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’ arrêts et de détours imprévus — car les chauffeurs acceptent volontier
2997 au, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’arrêts et de détours imprévus — car les chauffeurs acceptent volontiers toutes sor
2998 les chauffeurs acceptent volontiers toutes sortes de petites commissions que de vieilles dames leur confient au départ ave
2999 lontiers toutes sortes de petites commissions que de vieilles dames leur confient au départ avec force recommandations ; e
3000 ar la portière entr’ouverte un instant à la fille de l’auberge écartée qui attend le passage du car, les cheveux au vent,
3001 passage du car, les cheveux au vent, sur le bord de la route. Rien n’est plus sympathique qu’un conducteur de car. Cela t
3002 ute. Rien n’est plus sympathique qu’un conducteur de car. Cela tient évidemment à leur métier. Ce sont en général de jeune
3003 ient évidemment à leur métier. Ce sont en général de jeunes gaillards solides et gais, et qui ont toutes les raisons d’aim
3004 ds solides et gais, et qui ont toutes les raisons d’ aimer le travail et de le faire bien : c’est moderne, c’est sportif, c
3005 qui ont toutes les raisons d’aimer le travail et de le faire bien : c’est moderne, c’est sportif, cela vous pose dans l’e
3006 à bord de sa puissante machine, et l’on bénéficie de ces petites faveurs que les femmes ont toujours accordées à ceux qui
3007 ndent et disposent, ne fût-ce que pour une heure, de leur vie. Oui, voilà bien les hommes avec lesquels je rêverais d’entr
3008 disposent, ne fût-ce que pour une heure, de leur vie . Oui, voilà bien les hommes avec lesquels je rêverais d’entreprendre
3009 , voilà bien les hommes avec lesquels je rêverais d’ entreprendre une belle révolution, qui rajeunisse la France : ils ont
3010 ur, le dynamisme, le sens pratique et la rapidité d’ esprit que les bourgeois, qui en sont dépourvus, attribuent par erreur
3011 dont ils disposent et qui seraient décisifs lors d’ une action rapide. Mais loin de moi ces ambitions : ceux qui les ont n
3012 ne suis qu’un écrivain. Ceci me rappelle un bout de conversation que j’aurais dû noter plus tôt. Le monsieur rencontré da
3013 er plus tôt. Le monsieur rencontré dans l’autocar de Taillefer voulait savoir quel était mon métier. Et quand j’eus dit qu
3014 fique à jouer dans la société. Vous avez le temps de réfléchir et de nous faire part de vos lumières, et sans vous, où iri
3015 ns la société. Vous avez le temps de réfléchir et de nous faire part de vos lumières, et sans vous, où irions-nous donc, n
3016 avez le temps de réfléchir et de nous faire part de vos lumières, et sans vous, où irions-nous donc, nous qui ne croyons
3017 lui dis-je, qu’un écrivain a bien deux fois plus de peine à vivre qu’un homme normal, mettons qu’un fonctionnaire c’était
3018 aux circonstances mêmes qui l’ont mis dans le cas d’ écrire. Car ou bien l’on écrit ce que l’on ne peut pas faire, et c’est
3019 it ce que l’on ne peut pas faire, et c’est l’aveu d’ une faiblesse ou d’une ambition excessive, deux choses qui compliquent
3020 eut pas faire, et c’est l’aveu d’une faiblesse ou d’ une ambition excessive, deux choses qui compliquent fort la vie, je cr
3021 on excessive, deux choses qui compliquent fort la vie , je crois ; ou bien l’on écrit des choses intelligentes, et c’est enc
3022 des choses intelligentes, et c’est encore l’aveu d’ une inadaptation cruelle aux mœurs et coutumes de ce temps ; on bien l
3023 d’une inadaptation cruelle aux mœurs et coutumes de ce temps ; on bien l’on écrit simplement pour gagner sa chienne de vi
3024 bien l’on écrit simplement pour gagner sa chienne de vie, et c’est le bon moyen de traîner la misère la plus honteuse qui
3025 n l’on écrit simplement pour gagner sa chienne de vie , et c’est le bon moyen de traîner la misère la plus honteuse qui se p
3026 r gagner sa chienne de vie, et c’est le bon moyen de traîner la misère la plus honteuse qui se puisse imaginer, dans les a
3027 dans les antres rédactionnels. Je dis les antres. De toute façon, un écrivain est par nature un empêtré. Et voilà le parad
3028 ’injustice : c’est qu’on attend, qu’on exige même de ces gens-là des vertus au-dessus du commun, la révélation de secrets
3029 -là des vertus au-dessus du commun, la révélation de secrets qui suffiraient à rendre heureux les plus indignes, et ingéni
3030 je ne sais quelle supériorité humaine, quel luxe d’ énergie ou d’invention qui, s’ils les possédaient vraiment, feraient d
3031 uelle supériorité humaine, quel luxe d’énergie ou d’ invention qui, s’ils les possédaient vraiment, feraient de leurs déten
3032 ion qui, s’ils les possédaient vraiment, feraient de leurs détenteurs non point des écrivains mais des Don Juan, des dicta
3033 aurez compris cela, vous cesserez, je le crains, d’ envier ma condition… s. Rougemont Denis de, « Extraits de… Journal
3034 ins, d’envier ma condition… s. Rougemont Denis de , « Extraits de… Journal d’un intellectuel en chômage  », Le Journal,
3035 a condition… s. Rougemont Denis de, « Extraits de … Journal d’un intellectuel en chômage  », Le Journal, 15 août 1937, p
3036 s. Rougemont Denis de, « Extraits de… Journal d’ un intellectuel en chômage  », Le Journal, 15 août 1937, p. 2. t. Pré
3037 e  », Le Journal, 15 août 1937, p. 2. t. Précédé de la notice suivante : « Brillant essayiste dans deux ouvrages déjà rem
3038 personnalisme [sic], M. Denis de Rougemont vient d’ illustrer ce que l’on peut appeler sa « doctrine », en nous donnant, s
3039 r sa « doctrine », en nous donnant, sous le titre de Journal d’un intellectuel en chômage, un recueil de réflexions, d’obs
3040 rine », en nous donnant, sous le titre de Journal d’ un intellectuel en chômage, un recueil de réflexions, d’observations e
3041 Journal d’un intellectuel en chômage, un recueil de réflexions, d’observations et de jugements. Il y montre ce que peut a
3042 ntellectuel en chômage, un recueil de réflexions, d’ observations et de jugements. Il y montre ce que peut avoir de quotidi
3043 mage, un recueil de réflexions, d’observations et de jugements. Il y montre ce que peut avoir de quotidien cet effort de r
3044 ns et de jugements. Il y montre ce que peut avoir de quotidien cet effort de restauration morale — et sociale — qui s’impo
3045 montre ce que peut avoir de quotidien cet effort de restauration morale — et sociale — qui s’impose aux nouvelles générat
3046 nouvelles générations. Par les menues expériences d’ une vie diminuée et matériellement difficile, M. Denis de Rougemont sa
3047 les générations. Par les menues expériences d’une vie diminuée et matériellement difficile, M. Denis de Rougemont sait trac
3048 sait tracer un tableau très vivant et très nuancé de la province française, ainsi qu’en témoigne cet extrait. »
18 1937, Articles divers (1936-1938). « Subjectivité et transcendance », Lettre de M. Denis de Rougemont (décembre 1937)
3049 « Subjectivité et transcendance », Lettre de M. Denis de Rougemont (décembre 1937)w x Pourquoi voulez-vous — ou
3050 — ou veulent-ils — que la philosophie se purifie de théologie ? La théologie vaut bien la science. C’est même une science
3051 les fondements sont renversés tous les vingt ans de fond en comble. Je ne pense pas que la transcendance puisse jamais êt
3052 Nietzsche : dans la mesure où elle est un élément de transcendance, la nature devient divinité (et ne peut pas ne pas le d
3053 pas le devenir). Pour ma part, je ne conçois pas de relation concrète à la transcendance où manquerait le sentiment du di
3054 nous oriente utilement vers une nouvelle analyse de la transcendance dans son rapport aux puissances de l’imagination et
3055 la transcendance dans son rapport aux puissances de l’imagination et non seulement dans son rapport à l’éthique. w. Ro
3056 ns son rapport à l’éthique. w. Rougemont Denis de , « Lettre de M. Denis de Rougemont », Bulletin de la Société français
3057 t à l’éthique. w. Rougemont Denis de, « Lettre de M. Denis de Rougemont », Bulletin de la Société française de philosop
3058 de, « Lettre de M. Denis de Rougemont », Bulletin de la Société française de philosophie, Paris, décembre 1937, p. 204. x
3059 de Rougemont », Bulletin de la Société française de philosophie, Paris, décembre 1937, p. 204. x. Lettre publiée parmi l
3060 ettre publiée parmi les réactions à la conférence de Jean Wahl, « Subjectivité et transcendance ».
19 1938, Articles divers (1936-1938). Réponse à Pierre Beausire (15 janvier 1938)
3061 M. Pierre Beausire80 demande aux personnalistes «  de ne point perdre leur temps et leurs forces à discuter avec leurs adve
3062 avec leurs adversaires ». Il leur demande ensuite de prendre le pouvoir. Mais avant de prendre le pouvoir, il faut convain
3063 il faut convaincre, sinon l’on se verra contraint d’ exercer cette dictature que l’on se proposait justement de combattre,
3064 r cette dictature que l’on se proposait justement de combattre, et qui est celle de l’État totalitaire. Or, pour convaincr
3065 roposait justement de combattre, et qui est celle de l’État totalitaire. Or, pour convaincre, il faut entre autres dissipe
3066 discuter. Au surplus, je ne sais pas si le terme d’ adversaire convient à M. Pierre Beausire. Il approuve notre réaction (
3067 il énumère nos réclamations, il ajoute en parlant de leurs auteurs : « On ne peut que les suivre et les approuver. » En so
3068 mme, il se rangerait à nos côtés pour l’essentiel de ce que nous avons dit dans notre numéro spécial81. S’il nous attaque,
3069 ordés, et sur des thèses que je souhaite qu’aucun de nous ne soutienne jamais. Précisons. ⁂ « Au nom de quel principe s’in
3070 e que le personnalisme ? « C’est l’amour abstrait de l’humanité. » Erreur totale et malentendu maximum. S’il fallait à tou
3071 tus toutes passives et féminines) » (au sentiment de l’auteur), mais c’est, au contraire, la volonté d’agir dans le sens d
3072 e l’auteur), mais c’est, au contraire, la volonté d’ agir dans le sens de ce qui libère en l’homme les forces de résistance
3073 est, au contraire, la volonté d’agir dans le sens de ce qui libère en l’homme les forces de résistance et de création, sys
3074 ns le sens de ce qui libère en l’homme les forces de résistance et de création, systématiquement déprimées par les tyranni
3075 qui libère en l’homme les forces de résistance et de création, systématiquement déprimées par les tyrannies que l’on sait.
3076 se une. Il est, à mon sens, la tradition centrale de l’Occident, l’élément civilisateur de notre civilisation, le caractèr
3077 on centrale de l’Occident, l’élément civilisateur de notre civilisation, le caractère spécifique de la pensée et de la vie
3078 ur de notre civilisation, le caractère spécifique de la pensée et de la vie des hommes qui ont fait l’Europe et qui veulen
3079 lisation, le caractère spécifique de la pensée et de la vie des hommes qui ont fait l’Europe et qui veulent la maintenir.
3080 on, le caractère spécifique de la pensée et de la vie des hommes qui ont fait l’Europe et qui veulent la maintenir. Et l’in
3081 que les déviations complémentaires et périodiques de cette ligne de plus grande efficacité. Le mouvement personnaliste ne
3082 ns l’Europe actuelle se déchaînent des puissances de mort, spirituelles et matérielles, radicalement contraires au génie d
3083 et matérielles, radicalement contraires au génie de l’Occident. Ces puissances nous ont obligés, par leurs menaces instan
3084 ntes et brutales, à prendre une conscience active de ce qui, depuis nos origines, n’était que le sous-entendu de tous nos
3085 depuis nos origines, n’était que le sous-entendu de tous nos efforts créateurs. Cette prise de conscience active s’est ef
3086 on des idéologies totalitaires, en termes proches de l’anarchisme, etc. Comme l’Europe, le personnalisme est essentielleme
3087 ste. Il exalte les différences en ce qu’elles ont de créateur. Il veut une organisation de la cité qui leur permette de s’
3088 u’elles ont de créateur. Il veut une organisation de la cité qui leur permette de s’exprimer. Telle est la forme que revêt
3089 eut une organisation de la cité qui leur permette de s’exprimer. Telle est la forme que revêt « la charité personnaliste »
3090 arité personnaliste », pour reprendre une formule d’ Arnaud Dandieu (qui d’ailleurs était nietzschéen). Que le christianism
3091 de la foi, ils connaissent l’Histoire, et savent de quoi l’Europe s’est faite. Pierre Beausire ne craint pas de proclamer
3092 Europe s’est faite. Pierre Beausire ne craint pas de proclamer que « si l’on veut parler à des hommes, et non à des enfant
3093 oncer à invoquer le Christ ». Je ne craindrai pas de lui répondre que ce n’est pas là parler en homme, ni en enfant, mais
3094 lescent impénitent. ⁂ Je ne sais trop quelle dose d’ ironie M. Beausire joint à son vœu final : « Qu’ils s’emparent hardime
3095 oir dans cet État, et, en manifestant la noblesse de leur caractère, nous délivrent du triste spectacle que nous avons sou
3096 tâche. « Le peuple a besoin — nous dit l’auteur — de chefs d’une souveraine dignité, d’une intelligence froide et d’un jug
3097 Le peuple a besoin — nous dit l’auteur — de chefs d’ une souveraine dignité, d’une intelligence froide et d’un jugement dro
3098 dit l’auteur — de chefs d’une souveraine dignité, d’ une intelligence froide et d’un jugement droit. » Où trouve-t-on cela 
3099 souveraine dignité, d’une intelligence froide et d’ un jugement droit. » Où trouve-t-on cela ? Dans les livres de Nietzsch
3100 nt droit. » Où trouve-t-on cela ? Dans les livres de Nietzsche. Mais non pas encore dans l’Histoire ? Si ce n’est pas une
3101 aibles et les sceptiques, pour ceux qui craignent de se perdre en s’engageant, et préfèrent la littérature ; si ce n’est p
3102 rent la littérature ; si ce n’est pas une manière de « grève perlée » que de n’accepter la lutte que dans ces termes ; si
3103 ce n’est pas une manière de « grève perlée » que de n’accepter la lutte que dans ces termes ; si cet idéal est possible,
3104  ; si cet idéal est possible, si Beausire connaît de tels chefs, ou désire en devenir un, qu’il nous amène ce précieux ren
3105 s amène ce précieux renfort, et nous le saluerons d’ un vivat ! Nous saurons très bien nous entendre avec tous ceux qui veu
3106 ulent sauver non point nos âmes — c’est l’affaire de Dieu seul — mais bien la possibilité de vivre et de créer sa vérité —
3107 l’affaire de Dieu seul — mais bien la possibilité de vivre et de créer sa vérité — bonne ou mauvaise — contre les fous tot
3108 Dieu seul — mais bien la possibilité de vivre et de créer sa vérité — bonne ou mauvaise — contre les fous totalitaires de
3109 bonne ou mauvaise — contre les fous totalitaires de droite ou de gauche, leurs guerres et leurs cultes d’État. 80. Voir
3110 vaise — contre les fous totalitaires de droite ou de gauche, leurs guerres et leurs cultes d’État. 80. Voir numéro du 1e
3111 roite ou de gauche, leurs guerres et leurs cultes d’ État. 80. Voir numéro du 1er décembre 1937 : Le Personnalisme en Sui
3112 se », auquel Beausire croit que je crois, résulte d’ un malentendu. Je crois à « l’idée suisse » telle que l’exprime Liehbu
3113 e l’exprime Liehburg. Idée qui exclut l’existence d’ un type suisse racial, ou « national » au sens unitaire. Je ne crois m
3114 ois même pas à l’homo alpinus, création polémique de Ramuz. y. Rougemont Denis de, « Réponse à Pierre Beausire », Suisse
3115 création polémique de Ramuz. y. Rougemont Denis de , « Réponse à Pierre Beausire », Suisse romande, Morges, 15 janvier 19
20 1938, Articles divers (1936-1938). Søren Kierkegaard (février 1938)
3116 udit le Dieu Tout-Puissant qui le laissait mourir de faim. Ce blasphème assombrit sa vie, et la révélation qu’en eut plus
3117 aissait mourir de faim. Ce blasphème assombrit sa vie , et la révélation qu’en eut plus tard Søren fut décisive pour son dév
3118 re éducation piétiste, un secret qu’il qualifiera de terrifiant, et une belle aisance matérielle. Du secret, il tira une p
3119 aisance matérielle. Du secret, il tira une partie de son œuvre : son analyse du désespoir considéré comme une révolte cont
3120 ésespoir considéré comme une révolte contre Dieu. De sa fortune, il ne voulut tirer nul intérêt : il la confia à l’un de s
3121 ne voulut tirer nul intérêt : il la confia à l’un de ses frères, pour éviter d’avoir affaire aux banques, et lorsqu’il mou
3122  : il la confia à l’un de ses frères, pour éviter d’ avoir affaire aux banques, et lorsqu’il mourut, l’on s’aperçut qu’il n
3123 n restait que 200 francs. Cette fortune provenait d’ une malédiction, pensait-il. Il l’avait donc dilapidée sans compter, m
3124 dons généreux. À 27 ans, il terminait ses études de théologie, et se fiançait avec une jeune fille de 18 ans, Régine Olse
3125 de théologie, et se fiançait avec une jeune fille de 18 ans, Régine Olsen. Tout le monde connaît le drame de ces fiançaill
3126 ans, Régine Olsen. Tout le monde connaît le drame de ces fiançailles douloureusement rompues au bout d’un an. L’idée que K
3127 sa devise devait fatalement le conduire au refus d’ une perspective de bonheur dans laquelle il ne pouvait voir le vrai to
3128 fatalement le conduire au refus d’une perspective de bonheur dans laquelle il ne pouvait voir le vrai tout de son existenc
3129 eur dans laquelle il ne pouvait voir le vrai tout de son existence singulière. (Que d’autres y cherchent des raisons physi
3130 t des raisons physiologiques ; c’est probable, et de peu de portée). Au lendemain de sa rupture, il partit pour Berlin où
3131 ’est probable, et de peu de portée). Au lendemain de sa rupture, il partit pour Berlin où il désirait suivre les cours de
3132 artit pour Berlin où il désirait suivre les cours de Schelling. Il y demeura quelques mois, puis il revint à Copenhague po
3133 a mort, en 1835. Il travaillait une grande partie de la nuit. Georg Brandes raconte qu’on pouvait le voir, de la rue, arpe
3134 uit. Georg Brandes raconte qu’on pouvait le voir, de la rue, arpenter longuement les pièces illuminées de ses vastes appar
3135 la rue, arpenter longuement les pièces illuminées de ses vastes appartements. Dans chaque chambre il faisait disposer une
3136 on le voyait parcourir les rues les plus animées de la ville, parlant, riant et discutant avec les bourgeois, avec des je
3137 ssi que cet original était le plus grand écrivain de son pays. Sa première œuvre eut un immense succès : c’était l’Alterna
3138 même année parurent deux autres ouvrages, signés de pseudonymes (La Répétition, Crainte et Tremblement) et deux recueils
3139 étition, Crainte et Tremblement) et deux recueils de Discours édifiants, signés de son nom. Mais à mesure qu’il faisait mi
3140 t) et deux recueils de Discours édifiants, signés de son nom. Mais à mesure qu’il faisait mieux voir le fond chrétien de s
3141 mesure qu’il faisait mieux voir le fond chrétien de sa pensée, le public s’écarta, effrayé. Et lorsqu’en 1831, il se mit
3142 a lutte qu’il menait seul contre tous, il tombait d’ épuisement au cours d’une promenade en ville. On le transporta à l’hôp
3143 eul contre tous, il tombait d’épuisement au cours d’ une promenade en ville. On le transporta à l’hôpital où il mourut pais
3144 ami, le pasteur Boesen : « Salue tous les hommes de tua part, je les aimais bien, tous… » Le seul événement extérieur de
3145 aimais bien, tous… » Le seul événement extérieur de sa vie avait été la rupture de ses fiançailles. Mais l’acte qui résum
3146 s bien, tous… » Le seul événement extérieur de sa vie avait été la rupture de ses fiançailles. Mais l’acte qui résume toute
3147 vénement extérieur de sa vie avait été la rupture de ses fiançailles. Mais l’acte qui résume toute son œuvre, cet acte apr
3148 e Hamlet — autre Danois ! — il put mourir certain d’ avoir accompli sa mission, ce fut l’attaque qu’il mena contre l’Église
3149 ontre l’Église établie et contre dix-huit siècles de chrétienté officielle — attaque contre le « monde chrétien » au nom d
3150 nom du Christ des évangiles. ⁂ Toute mon activité d’ auteur — nous dit-il dans son Point de vue explicatif sur mon œuvre —
3151 ns cesse le devenir, et le devenir dans l’instant de la foi, qui est l’instant de l’acte d’obéissance. Cessons de prendre
3152 venir dans l’instant de la foi, qui est l’instant de l’acte d’obéissance. Cessons de prendre le christianisme « à bon marc
3153 l’instant de la foi, qui est l’instant de l’acte d’ obéissance. Cessons de prendre le christianisme « à bon marché », comm
3154 qui est l’instant de l’acte d’obéissance. Cessons de prendre le christianisme « à bon marché », comme les évêques. Pensée
3155 bon marché », comme les évêques. Pensée centrale de l’œuvre énorme de Kierkegaard (40 volumes en douze années). Pensée qu
3156 me les évêques. Pensée centrale de l’œuvre énorme de Kierkegaard (40 volumes en douze années). Pensée qu’il défendit et qu
3157 ze années). Pensée qu’il défendit et qu’il servit de toutes les forces de son génie universel de poète, de philosophe, d’i
3158 ’il défendit et qu’il servit de toutes les forces de son génie universel de poète, de philosophe, d’ironiste et de théolog
3159 ervit de toutes les forces de son génie universel de poète, de philosophe, d’ironiste et de théologien. Il se trouvait dev
3160 outes les forces de son génie universel de poète, de philosophe, d’ironiste et de théologien. Il se trouvait devant un mon
3161 s de son génie universel de poète, de philosophe, d’ ironiste et de théologien. Il se trouvait devant un monde où tout avai
3162 universel de poète, de philosophe, d’ironiste et de théologien. Il se trouvait devant un monde où tout avait été brouille
3163 miques. L’évêque Nynster venait de mourir, comblé d’ honneurs et de gloire mondaine. Sur sa tombe son successeur le qualifi
3164 ue Nynster venait de mourir, comblé d’honneurs et de gloire mondaine. Sur sa tombe son successeur le qualifia, selon l’usa
3165 tombe son successeur le qualifia, selon l’usage, de « grand témoin de la vérité ». Kierkegaard écrivit alors un article i
3166 eur le qualifia, selon l’usage, de « grand témoin de la vérité ». Kierkegaard écrivit alors un article indigné, qui provoq
3167 qui provoqua un énorme scandale. Il décrivait la vie de Nynster. Était-ce celle d’un témoin de la vérité ? Non, s’écriait
3168 provoqua un énorme scandale. Il décrivait la vie de Nynster. Était-ce celle d’un témoin de la vérité ? Non, s’écriait Kie
3169 e. Il décrivait la vie de Nynster. Était-ce celle d’ un témoin de la vérité ? Non, s’écriait Kierkegaard : Un témoin de la
3170 ait la vie de Nynster. Était-ce celle d’un témoin de la vérité ? Non, s’écriait Kierkegaard : Un témoin de la vérité, c’e
3171 vérité ? Non, s’écriait Kierkegaard : Un témoin de la vérité, c’est un homme dont la vie est familière avec toute espèce
3172 : Un témoin de la vérité, c’est un homme dont la vie est familière avec toute espèce de souffrance, … un homme qui témoign
3173 homme dont la vie est familière avec toute espèce de souffrance, … un homme qui témoigne dans le dénuement, la misère et l
3174 traîné en prison, et puis enfin — car c’est bien d’ un véritable témoin de la vérité qu’on nous parle — et puis enfin cruc
3175 puis enfin — car c’est bien d’un véritable témoin de la vérité qu’on nous parle — et puis enfin crucifié, décapité, brûlé
3176 ndroit écarté, sans être enterré. Voilà un témoin de la vérité, sa vie et son existence, sa mort et son enterrement, et l’
3177 ns être enterré. Voilà un témoin de la vérité, sa vie et son existence, sa mort et son enterrement, et l’évêque Nynster, no
3178 ue Nynster, nous dit-on, fut un des vrais témoins de la vérité ! En vérité, il y a quelque chose de plus contraire au chri
3179 istianisme que n’importe quelle hérésie, et c’est de jouer au christianisme, d’en écarter les dangers, et de jouer ensuite
3180 elle hérésie, et c’est de jouer au christianisme, d’ en écarter les dangers, et de jouer ensuite au jeu que l’évêque Nynste
3181 er au christianisme, d’en écarter les dangers, et de jouer ensuite au jeu que l’évêque Nynster était un témoin de la vérit
3182 suite au jeu que l’évêque Nynster était un témoin de la vérité. Cas symbolique aux yeux de Kierkegaard. Il fallait un rap
3183 llait un rappel à l’ordre. Il le devint lui-même, de tout son être. Et il savait ce que cela devait lui coûter. Car le mon
3184 une confusion impensable, et n’en conçoivent pas de malaise. D’autres, qui s’essaient à penser en fin de semaine, comme o
3185 malaise. D’autres, qui s’essaient à penser en fin de semaine, comme on fait un peu d’ordre dans l’appartement, reculent bi
3186 à penser en fin de semaine, comme on fait un peu d’ ordre dans l’appartement, reculent bientôt devant l’énormité — l’absen
3187 t, reculent bientôt devant l’énormité — l’absence de normes — de la vie telle qu’ils la découvrent. Ils se rendorment, ou
3188 bientôt devant l’énormité — l’absence de normes — de la vie telle qu’ils la découvrent. Ils se rendorment, ou bien édifien
3189 t devant l’énormité — l’absence de normes — de la vie telle qu’ils la découvrent. Ils se rendorment, ou bien édifient des s
3190 u bien édifient des systèmes (qu’ils se garderont d’ habiter). Ceux qui persistent cependant, s’aperçoivent que l’entrepris
3191 tre mortellement compromettante. Aussi l’histoire de la pensée n’est-elle peut-être que la chronique de ses retraites éloq
3192 e la pensée n’est-elle peut-être que la chronique de ses retraites éloquentes. Très peu vont jusqu’au bout de leur emporte
3193 abat. Un seul, je crois, parvint dans l’intégrité de sa force à une mort que toute son œuvre provoquait et qui vaincue par
3194 ans les derniers instants le vrai sens, la valeur de destin de la pensée qui aboutissait là. Contempler dans sa mort la « 
3195 rniers instants le vrai sens, la valeur de destin de la pensée qui aboutissait là. Contempler dans sa mort la « fin » de s
3196 boutissait là. Contempler dans sa mort la « fin » de sa passion et l’accomplissement de sa foi, tel fut le sort de Kierkeg
3197 ort la « fin » de sa passion et l’accomplissement de sa foi, tel fut le sort de Kierkegaard, son incommensurable grandeur.
3198 n et l’accomplissement de sa foi, tel fut le sort de Kierkegaard, son incommensurable grandeur. Un acharnement sans pareil
3199 à forcer l’esprit sur l’obstacle du désespoir et de l’absurdité de l’existence ; toute une vie tendue vers l’impossible,
3200 rit sur l’obstacle du désespoir et de l’absurdité de l’existence ; toute une vie tendue vers l’impossible, toute une œuvre
3201 poir et de l’absurdité de l’existence ; toute une vie tendue vers l’impossible, toute une œuvre de sarcasmes précis contre
3202 une vie tendue vers l’impossible, toute une œuvre de sarcasmes précis contre les innombrables tentations d’une religion qu
3203 rcasmes précis contre les innombrables tentations d’ une religion qui n’est pas Dieu ; et soudain, sur son lit de mort, cet
3204 gion qui n’est pas Dieu ; et soudain, sur son lit de mort, cette phrase : Je ne pense pas que ce soit mauvais, ce que j’a
3205 lléluia !82 Deux documents éclairent le mystère de ce triomphe, le sens dernier de cette vie et de cette mort. Le premie
3206 airent le mystère de ce triomphe, le sens dernier de cette vie et de cette mort. Le premier est de Kierkegaard : Forcer l
3207 mystère de ce triomphe, le sens dernier de cette vie et de cette mort. Le premier est de Kierkegaard : Forcer les hommes
3208 e de ce triomphe, le sens dernier de cette vie et de cette mort. Le premier est de Kierkegaard : Forcer les hommes à être
3209 ier de cette vie et de cette mort. Le premier est de Kierkegaard : Forcer les hommes à être attentifs et à juger, c’est e
3210 r son action, il a compris qu’elle faisait partie de son action, oui, que cette action ne commencerait vraiment qu’avec sa
3211 83 On trouve le second document dans le journal de l’hôpital où vint mourir Kierkegaard (c’est un interne qui transcrit
3212 toutes ses forces spirituelles et toute son œuvre d’ écrivain… S’il reste en vie, dit-il, il poursuivra sa lutte religieuse
3213 lles et toute son œuvre d’écrivain… S’il reste en vie , dit-il, il poursuivra sa lutte religieuse, mais il craint qu’elle ne
3214 oit alors affaiblie. Au contraire sa mort donnera de la force à son attaque, et lui assurera, pense-t-il, la victoire.84
3215 , et lui assurera, pense-t-il, la victoire.84 ⁂ De cette œuvre considérable, il ne saurait être question, ici, de résume
3216 e considérable, il ne saurait être question, ici, de résumer ne fût-ce que les thèmes directeurs. Il faut y aller voir dan
3217 publie ces jours-ci. Mais il sera peut-être utile d’ insister sur deux caractères qui ne peuvent manquer de frapper, de ret
3218 sister sur deux caractères qui ne peuvent manquer de frapper, de retenir ou de repousser le lecteur non prévenu : la « dif
3219 eux caractères qui ne peuvent manquer de frapper, de retenir ou de repousser le lecteur non prévenu : la « difficulté » de
3220 qui ne peuvent manquer de frapper, de retenir ou de repousser le lecteur non prévenu : la « difficulté » de Kierkegaard e
3221 ousser le lecteur non prévenu : la « difficulté » de Kierkegaard et sa dialectique du sérieux et de l’ironie. Kierkegaard
3222  » de Kierkegaard et sa dialectique du sérieux et de l’ironie. Kierkegaard est difficile parce qu’il est simple. « La pur
3223 arce qu’il est simple. « La pureté du cœur, c’est de vouloir une seule chose », écrit-il. Mais cette seule chose nécessair
3224 re, c’est « en vertu de l’absurde », c’est-à-dire de l’incarnation de Dieu en Christ. On ne peut pas le comprendre : on le
3225 rtu de l’absurde », c’est-à-dire de l’incarnation de Dieu en Christ. On ne peut pas le comprendre : on le souffre. On l’ai
3226 s autres, sauf Empédocle et Nietzsche, ont refusé de signer de leur sang le pacte qui lie le penseur à Méphisto : expérime
3227 sauf Empédocle et Nietzsche, ont refusé de signer de leur sang le pacte qui lie le penseur à Méphisto : expérimentateurs q
3228 avant la décision mortelle. Concession, la raison de Pascal, et lors même qu’il y renonce : concession, la pitié parfois p
3229 ce : concession, la pitié parfois presque sadique de Dostoievsky. Oui, même ceux-là ! Même ces deux-là qui sont allés si l
3230 es deux-là qui sont allés si loin dans la passion de l’absolu chrétien, mais seul Kierkegaard en est mort. Une pureté pres
3231 ieu. Et cependant, dans le pire désespoir, jamais de défi, ni d’« hybris ». Pureté du chrétien, non du surhomme. Quant au
3232 ndant, dans le pire désespoir, jamais de défi, ni d’ « hybris ». Pureté du chrétien, non du surhomme. Quant au « sérieux »
3233 u chrétien, non du surhomme. Quant au « sérieux » de Kierkegaard, il est de nature à tromper le lecteur mille manières. On
3234 omme. Quant au « sérieux » de Kierkegaard, il est de nature à tromper le lecteur mille manières. On peut se laisser prendr
3235 On peut se laisser prendre à la fantaisie baroque de certaines paraboles, de certaines ironies polémiques. Et tout d’un co
3236 re à la fantaisie baroque de certaines paraboles, de certaines ironies polémiques. Et tout d’un coup on s’aperçoit qu’elle
3237 raboles, de certaines ironies polémiques. Et tout d’ un coup on s’aperçoit qu’elles nous jettent en plein drame de l’existe
3238 n s’aperçoit qu’elles nous jettent en plein drame de l’existence. Kierkegaard déconsidère le sérieux « humain », par l’iro
3239 d déconsidère le sérieux « humain », par l’ironie de l’éternité. L’éternité, pour lui, est une ironie sur le temps, à laqu
3240 is, ayant tué en lui toute autre vanité que celle de haïr le temps — c’est là son dépit amoureux — Kierkegaard peut enfin
3241 fin parler avec un sérieux total, dont l’écrivain d’ aujourd’hui n’a même plus l’idée. Un de nos meilleurs auteurs déclarai
3242 l’écrivain d’aujourd’hui n’a même plus l’idée. Un de nos meilleurs auteurs déclarait récemment que le palais de Versailles
3243 illeurs auteurs déclarait récemment que le palais de Versailles manque de sérieux. C’était bien vu. Mais notre auteur étai
3244 rait récemment que le palais de Versailles manque de sérieux. C’était bien vu. Mais notre auteur était-il sérieux lui-même
3245 sérieux vrai est en définitive dans le seul acte de foi, qui jette sur nos sérieux, poses et amusettes (ou « plaisirs » c
3246 ses si peu plaisantes en général), un « soupçon » d’ ironie qui est infiniment pire qu’une ironie. Car peut-être que l’acte
3247 ment pire qu’une ironie. Car peut-être que l’acte de foi n’existe pas, n’est qu’une figure de rhétorique pieuse, une illus
3248 e l’acte de foi n’existe pas, n’est qu’une figure de rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, un saut dans le vide, etc.
3249 s le vide, etc. Et alors il n’y a plus nulle part de « vrai » sérieux. Mais peut-être aussi cet acte existe-t-il, quelque
3250 existe-t-il, quelque part, et alors il n’y a pas de vrai sérieux dans ma vie tant que je n’ai pas trouvé dans la foi, ou
3251 rt, et alors il n’y a pas de vrai sérieux dans ma vie tant que je n’ai pas trouvé dans la foi, ou mieux : tant que la foi —
3252 la foi, ou mieux : tant que la foi — qui est don de Dieu — ne m’a trouvé. Kierkegaard a eu trois descendances spirituelle
3253 seconde philosophique : l’école « existentielle » d’ Allemagne, avec Martin Heidegger et Karl Jaspers. La troisième théolog
3254 gique : l’école dialectique, qui sous l’impulsion de Karl Barth est en train de sauver l’honneur et l’existence même des é
3255 aujourd’hui le développement promis à l’influence de Kierkegaard sur notre temps : on le redécouvre après cent ans, on le
3256 it partout, on publie sur son œuvre des centaines d’ ouvrages et d’articles. Ce qui est certain, c’est qu’à la différence d
3257 publie sur son œuvre des centaines d’ouvrages et d’ articles. Ce qui est certain, c’est qu’à la différence de Nietzsche, p
3258 les. Ce qui est certain, c’est qu’à la différence de Nietzsche, personne ne parviendra jamais à « utiliser » Kierkegaard p
3259 politiques et temporelles. Il se dresse, au seuil de l’époque comme la plus formidable accusation vivante contre nos lâche
3260 , nos passions courtes et agitées. Sur une pierre de cimetière danois, on peut lire cette inscription nue : « Le Solitaire
3261 sion sévère, le ricanement puissant et le message d’ amour de Kierkegaard traversent notre âge comme cette pierre et ce mot
3262 ère, le ricanement puissant et le message d’amour de Kierkegaard traversent notre âge comme cette pierre et ce mot gravé q
3263 comme cette pierre et ce mot gravé qui ne cessent de nous accuser dans leur silence d’éternité. 82. « Alléluia » : Louez
3264 qui ne cessent de nous accuser dans leur silence d’ éternité. 82. « Alléluia » : Louez l’Éternel. Kierkegaard avait auss
3265  : « Il n’y a pas eu, durant mille-huit-cents ans de christianisme, une seule tâche comparable à la mienne. Dans la ‟chrét
3266 ». 83. Point de vue explicatif sur mon activité d’ auteur (1848). 84. Rapporté par Georges Brandes, dans Søren Kierkegaa
3267 literarische Charakterbild. z. Rougemont Denis de , « Søren Kierkegaard », Jean-Jacques, Paris, 20 février 1938, p. 3.
21 1938, Articles divers (1936-1938). Nouvelles pages du Journal d’un intellectuel en chômage (avril 1938)
3268 Nouvelles pages du Journal d’ un intellectuel en chômage (avril 1938)aa Note pour une préface. —
3269 une préface. — « C’est une entreprise hardie que d’ aller dire aux hommes qu’ils sont peu de chose », s’écrie Bossuet (Ser
3270 hose, n’est pas trop humiliant pour qui se flatte d’ une image de soi composée dans la solitude : tant qu’on ne s’est pas a
3271 pas trop humiliant pour qui se flatte d’une image de soi composée dans la solitude : tant qu’on ne s’est pas avoué devant
3272 . Et ce n’est pas encore franchement s’avouer que de se comparer aux seuls humains que le métier ou notre rang social nous
3273 le métier ou notre rang social nous met en mesure d’ approcher. L’épreuve décisive est celle que l’on subit au contact de v
3274 euve décisive est celle que l’on subit au contact de voisins que rien en nous, que rien dans notre vie n’attendait et ne p
3275 de voisins que rien en nous, que rien dans notre vie n’attendait et ne prévoyait. Ce n’est qu’au prix d’un désordre social
3276 n’attendait et ne prévoyait. Ce n’est qu’au prix d’ un désordre social — selon les préjugés du régime établi — que ces ren
3277 — On dit souvent qu’il faut à l’homme un minimum de confort ou d’aisance matérielle pour pouvoir réfléchir, se poser des
3278 ent qu’il faut à l’homme un minimum de confort ou d’ aisance matérielle pour pouvoir réfléchir, se poser des problèmes nouv
3279 éfléchir, se poser des problèmes nouveaux, créer… D’ où résulterait qu’un certain degré de pauvreté ou de misère physique c
3280 eaux, créer… D’où résulterait qu’un certain degré de pauvreté ou de misère physique condamnerait même un « intellectuel »
3281 où résulterait qu’un certain degré de pauvreté ou de misère physique condamnerait même un « intellectuel » au chômage abso
3282 ctuel » au chômage absolu, c’est-à-dire à l’arrêt de la pensée, tout au moins de la pensée créatrice. Mais quel est ce cer
3283 ’est-à-dire à l’arrêt de la pensée, tout au moins de la pensée créatrice. Mais quel est ce certain degré ? À quel niveau p
3284 araît insoluble dès qu’on la pose dans le concret d’ une vie connue. Prenons deux hommes qui furent tous deux de prodigieux
3285 insoluble dès qu’on la pose dans le concret d’une vie connue. Prenons deux hommes qui furent tous deux de prodigieux produc
3286 connue. Prenons deux hommes qui furent tous deux de prodigieux producteurs d’idées : deux hommes qui ont écrit chacun une
3287 es qui furent tous deux de prodigieux producteurs d’ idées : deux hommes qui ont écrit chacun une vingtaine de volumes l’es
3288  : deux hommes qui ont écrit chacun une vingtaine de volumes l’espace de dix ans : Kierkegaard et Nietzsche. Le premier ét
3289 nt écrit chacun une vingtaine de volumes l’espace de dix ans : Kierkegaard et Nietzsche. Le premier était riche et dépensa
3290 rvi à rapiécer les épaules et le plastron. Le peu d’ argent de sa retraite de professeur servait à payer ses logeuses succe
3291 iécer les épaules et le plastron. Le peu d’argent de sa retraite de professeur servait à payer ses logeuses successives, e
3292 es et le plastron. Le peu d’argent de sa retraite de professeur servait à payer ses logeuses successives, et les remèdes c
3293 r d’autres buts à leur existence que la recherche d’ un gain précaire. Mais à ceux qui ont quelque chose, il faut rappeler
3294 t redouter je ne sais quelle invisible et brusque vie tout près. Nuit des villes, rouge et circulante, pleine de rumeurs, c
3295 rès. Nuit des villes, rouge et circulante, pleine de rumeurs, comparable à la fièvre. Plus lucide souvent que les jours. I
3296 entre les rosiers. Je trouve, à tâtons, le verrou de la porte du fond, dans l’odeur des lauriers épais. Voici les rues du
3297 or blanc et vert. Des chiens surgissent des coins d’ ombre, aboient horriblement, tournent autour de moi, me flairent avec
3298 loigner du village. De nouveau le noir, et l’écho de mes pas contre les murs des maisons mortes. Je me glisse dans le hang
3299 s des maisons mortes. Je me glisse dans le hangar de la grosse voiture et tâte ses flancs jusqu’à ce que je rencontre l’ou
3300 es flancs jusqu’à ce que je rencontre l’ouverture de la boîte aux lettres. De loin, le village apparaît fantastique : les
3301 je rencontre l’ouverture de la boîte aux lettres. De loin, le village apparaît fantastique : les becs de gaz, très bas, éc
3302 nées par le clocher à toit plat, et des fragments de silhouettes d’arbres devant les maisons. La rumeur de la mer arrive p
3303 cher à toit plat, et des fragments de silhouettes d’ arbres devant les maisons. La rumeur de la mer arrive par bouffées. Pu
3304 ilhouettes d’arbres devant les maisons. La rumeur de la mer arrive par bouffées. Puis c’est de nouveau cet étrange écho de
3305 s chiens qui reviennent, et pas une âme. « Vallée de l’ombre de la mort… étranger et voyageur sur la terre… » Jamais plus
3306 i reviennent, et pas une âme. « Vallée de l’ombre de la mort… étranger et voyageur sur la terre… » Jamais plus que dans ce
3307 a terre… » Jamais plus que dans cette nuit. Fin de séjour à A… (Gard). — Tout est en place. Je garderai toutefois le pla
3308 Tout est en place. Je garderai toutefois le plan d’ aménagement et de décoration des trois chambres du premier étage, on n
3309 e. Je garderai toutefois le plan d’aménagement et de décoration des trois chambres du premier étage, on ne sait jamais… Le
3310 n ne sait jamais… Les vingt-deux pièces du dessus de cheminée ont été replacées au millimètre, dans une symétrie impeccabl
3311 , dans une symétrie impeccable. Mais tout l’effet de notre labeur risque d’être détruit par une odieuse malice du sort. No
3312 eccable. Mais tout l’effet de notre labeur risque d’ être détruit par une odieuse malice du sort. Nous avions descendu du d
3313 est étroit. La descente s’était opérée sans trop de mal lors de notre arrivée. Mais nous n’avions pas prévu la remontée !
3314 as prévu la remontée ! Épuisés par une demi-heure d’ efforts haletants, qui n’ont abouti qu’à coincer le sommier au tournan
3315 er au tournant, entre la balustrade et les parois de la cage d’escalier — au surplus fortement rayées — nous avons couru i
3316 rtement rayées — nous avons couru implorer l’aide de Simard. « Ce cochon-là » refuse, prétextant une hernie ; sa femme aus
3317 ant sa jambe « coupée ». (Bonne occasion pourtant de la décrocher un peu pour toucher davantage à l’assurance !) Il a bien
3318 que nous avons infligés à la maison. Pas question d’ aller quérir du renfort à A. Il faut encore boucler les valises, desce
3319 encore boucler les valises, descendre mes caisses de livres à la gare, etc., et le train part dans une heure. Quand la pro
3320 ns » en général — quand je ne fais que les jauger d’ un regard — et sympathie violente, « élan vers », dès que mon regard s
3321 ments, aux mains, à l’attitude distraite et vraie d’ un être isolé près de moi. Je prends le métro, malgré l’odeur de buand
3322 é près de moi. Je prends le métro, malgré l’odeur de buanderie et ce relent de fauves de certains parfums de femmes, rien
3323 e métro, malgré l’odeur de buanderie et ce relent de fauves de certains parfums de femmes, rien que pour regarder des être
3324 algré l’odeur de buanderie et ce relent de fauves de certains parfums de femmes, rien que pour regarder des êtres et vivre
3325 nderie et ce relent de fauves de certains parfums de femmes, rien que pour regarder des êtres et vivre un moment auprès d’
3326 pour regarder des êtres et vivre un moment auprès d’ eux, le temps de trois stations, le temps d’imaginer une rencontre, un
3327 s êtres et vivre un moment auprès d’eux, le temps de trois stations, le temps d’imaginer une rencontre, un échange spontan
3328 uprès d’eux, le temps de trois stations, le temps d’ imaginer une rencontre, un échange spontané, une de ces découvertes fr
3329 ’imaginer une rencontre, un échange spontané, une de ces découvertes frémissantes telles que j’en ai sans doute vécues, ad
3330 uoi j’ai eu ce fort désir soudain, dans le métro, de tutoyer mes compagnons de route. Était-ce envie de donner ou de recev
3331 soudain, dans le métro, de tutoyer mes compagnons de route. Était-ce envie de donner ou de recevoir ? Il me semble mainten
3332 e tutoyer mes compagnons de route. Était-ce envie de donner ou de recevoir ? Il me semble maintenant que j’écris, que c’es
3333 compagnons de route. Était-ce envie de donner ou de recevoir ? Il me semble maintenant que j’écris, que c’est profondémen
3334 ent le même mouvement, l’amour. La même déception de l’amour, parce rien ne s’est produit, rien ne peut se produire, pour
3335 lution ! » — Ce substitut, ce renvoi aux calendes de la Grande Communication… Montparnasse. — Stupidité triste, parfois
3336 — Stupidité triste, parfois insolente et lourde, de cette population de mannequins vides et mal truqués. Figures grises d
3337 parfois insolente et lourde, de cette population de mannequins vides et mal truqués. Figures grises devant des menthes fa
3338 occuper des « petits-faits-vrais » vaut mieux que de les ignorer. Mais l’excellent, c’est de parvenir à les ignorer avec f
3339 mieux que de les ignorer. Mais l’excellent, c’est de parvenir à les ignorer avec force, une fois qu’on les a bien connus,
3340 e, une grande idée embrassée avec force au mépris de soi-même et de l’utilité. Car elle peut devenir le fait dominateur. E
3341 dée embrassée avec force au mépris de soi-même et de l’utilité. Car elle peut devenir le fait dominateur. En vérité, il n’
3342 venir le fait dominateur. En vérité, il n’y a pas de faits grands ou petits en soi et par comparaison. Il y a dans chaque
3343 its en soi et par comparaison. Il y a dans chaque vie d’homme à peu près digne de ce nom, un fait qui commande tous les aut
3344 en soi et par comparaison. Il y a dans chaque vie d’ homme à peu près digne de ce nom, un fait qui commande tous les autres
3345 . Il y a dans chaque vie d’homme à peu près digne de ce nom, un fait qui commande tous les autres et qui est la mesure de
3346 qui commande tous les autres et qui est la mesure de tout. Quand tu l’auras connu et accepté — tu es seul à pouvoir le con
3347 travers les paroles qu’ils croient dire : essaie de les comprendre quand ils se plaignent ou quand ils rient : tu ne verr
3348 i. Car il est tout ce que le monde attend, attend de toute éternité pour aujourd’hui et de toi seul — et c’est ta foi. 8
3349 end, attend de toute éternité pour aujourd’hui et de toi seul — et c’est ta foi. 85. Kierkegaard avait déposé sa fortune
3350 250 francs dans le coffre. aa. Rougemont Denis de , « Nouvelles pages du Journal d’un intellectuel en chômage  », Existe
3351 Rougemont Denis de, « Nouvelles pages du Journal d’ un intellectuel en chômage  », Existences, Saint-Hilaire-du-Touvet, av