1
Max Brod, Le Royaume enchanté
de
l’amour (1936)d Aucun ouvrage ne se passe mieux de préface qu’un b
2
’amour (1936)d Aucun ouvrage ne se passe mieux
de
préface qu’un bon roman. Pourtant la réussite de Max Brod n’est pas s
3
de préface qu’un bon roman. Pourtant la réussite
de
Max Brod n’est pas seulement de l’ordre romanesque : elle est d’avoir
4
rtant la réussite de Max Brod n’est pas seulement
de
l’ordre romanesque : elle est d’avoir mêlé à un beau drame d’amour le
5
st pas seulement de l’ordre romanesque : elle est
d’
avoir mêlé à un beau drame d’amour le souvenir et davantage, la présen
6
omanesque : elle est d’avoir mêlé à un beau drame
d’
amour le souvenir et davantage, la présence d’un être vrai, qui apport
7
ame d’amour le souvenir et davantage, la présence
d’
un être vrai, qui apporte à toute l’œuvre une émouvante précision. Le
8
te l’œuvre une émouvante précision. Le personnage
de
Garta, dont le lecteur ne tardera pas à voir qu’il figure la conscien
9
comme le juge incorruptible et amical du héros et
de
son débat, ce personnage a vécu dans ce siècle, où son nom ne cessera
10
nage a vécu dans ce siècle, où son nom ne cessera
de
grandir : Franz Kafka. De cet esprit incomparable — qu’on l’entende a
11
, où son nom ne cessera de grandir : Franz Kafka.
De
cet esprit incomparable — qu’on l’entende aux deux sens du terme —, u
12
français22. Ce serait assez pour donner une idée
de
l’ordre de grandeur spirituelle et de la singularité de l’œuvre entiè
13
. Ce serait assez pour donner une idée de l’ordre
de
grandeur spirituelle et de la singularité de l’œuvre entière. Mais bi
14
er une idée de l’ordre de grandeur spirituelle et
de
la singularité de l’œuvre entière. Mais bien peu en ont eu connaissan
15
rdre de grandeur spirituelle et de la singularité
de
l’œuvre entière. Mais bien peu en ont eu connaissance, et moins encor
16
et moins encore se sont risqués à en parler. Rien
d’
étonnant d’ailleurs à cette réserve. Une sorte de stupéfaction respect
17
d’étonnant d’ailleurs à cette réserve. Une sorte
de
stupéfaction respectueuse ; le mutisme de l’homme qui s’est senti tou
18
e sorte de stupéfaction respectueuse ; le mutisme
de
l’homme qui s’est senti touché dans une région de l’être dont il igno
19
de l’homme qui s’est senti touché dans une région
de
l’être dont il ignorait presque l’existence, et qui demande un peu de
20
doute l’explication qu’il faut donner à l’espèce
de
résistance que rencontre Kafka parmi nous. Rien ne me paraît plus pro
21
od ; la biographie romanesque, l’approche vivante
de
la personne même de Kafka dans ce qu’elle eut de quotidien et de très
22
omanesque, l’approche vivante de la personne même
de
Kafka dans ce qu’elle eut de quotidien et de très simplement communic
23
de la personne même de Kafka dans ce qu’elle eut
de
quotidien et de très simplement communicable. Encore faut-il montrer
24
même de Kafka dans ce qu’elle eut de quotidien et
de
très simplement communicable. Encore faut-il montrer que ce détour n’
25
Pragois lui aussi, Brod fut l’ami le plus intime
de
Franz Kafka. C’est lui qui s’est chargé de publier ses œuvres, pour u
26
intime de Franz Kafka. C’est lui qui s’est chargé
de
publier ses œuvres, pour une très grande part inédites, et que Kafka
27
part inédites, et que Kafka lui-même, par l’excès
d’
un scrupule à la fois artistique et religieux, souhaitait que l’on dét
28
on posthume du Procès : je doute que les lecteurs
de
ce livre étonnant, le plus profond qu’on puisse imaginer, aient le co
29
s profond qu’on puisse imaginer, aient le courage
de
le lui reprocher. La piété même que voue Max Brod à la mémoire de son
30
e voue Max Brod à la mémoire de son ami le retint
d’
entreprendre au lendemain de la mort de Kafka sa biographie objective.
31
de son ami le retint d’entreprendre au lendemain
de
la mort de Kafka sa biographie objective. Mais par une sorte de compe
32
le retint d’entreprendre au lendemain de la mort
de
Kafka sa biographie objective. Mais par une sorte de compensation tou
33
Kafka sa biographie objective. Mais par une sorte
de
compensation tout inconsciente, c’est au désir de prolonger le mervei
34
de compensation tout inconsciente, c’est au désir
de
prolonger le merveilleux dialogue interrompu que l’auteur du Royaume
35
yaume enchanté attribue aujourd’hui l’inspiration
de
ce roman. Sachons-lui gré d’accorder par là même, à un public plus ét
36
rd’hui l’inspiration de ce roman. Sachons-lui gré
d’
accorder par là même, à un public plus étendu, l’avance nécessaire, le
37
couvrir un génie tellement « étranger »… Le récit
de
Max Brod est librement imaginé. Toutefois le personnage de Garta, ses
38
od est librement imaginé. Toutefois le personnage
de
Garta, ses propos, sa vision du monde, ses expériences et préoccupati
39
es lectures qu’il fait à son ami, la brève idylle
de
Weimar… tout cela compose une description exacte de la jeunesse de Ka
40
Weimar… tout cela compose une description exacte
de
la jeunesse de Kafka. Quelques faits et deux ou trois dates suffiront
41
ela compose une description exacte de la jeunesse
de
Kafka. Quelques faits et deux ou trois dates suffiront désormais à si
42
is dates suffiront désormais à situer ce fragment
de
biographie. Franz Kafka naquit à Prague en 1883. Il passa dans cette
43
. Il passa dans cette ville la plus grande partie
de
sa vie. Docteur en droit, il travailla d’abord au service d’une compa
44
assa dans cette ville la plus grande partie de sa
vie
. Docteur en droit, il travailla d’abord au service d’une compagnie d’
45
Docteur en droit, il travailla d’abord au service
d’
une compagnie d’assurances générales, puis d’une compagnie d’assurance
46
, il travailla d’abord au service d’une compagnie
d’
assurances générales, puis d’une compagnie d’assurances ouvrières. Le
47
vice d’une compagnie d’assurances générales, puis
d’
une compagnie d’assurances ouvrières. Le travail manuel l’attirait ; i
48
gnie d’assurances générales, puis d’une compagnie
d’
assurances ouvrières. Le travail manuel l’attirait ; il s’essaya dans
49
l manuel l’attirait ; il s’essaya dans un atelier
de
menuiserie, puis dans une entreprise de jardinage. Lorsque enfin il v
50
n atelier de menuiserie, puis dans une entreprise
de
jardinage. Lorsque enfin il voulut émigrer à Berlin pour s’y vouer to
51
ont il mourut à Vienne en 1924. Il n’avait publié
de
son vivant qu’un petit nombre de récits. Mais on trouva dans ses papi
52
l n’avait publié de son vivant qu’un petit nombre
de
récits. Mais on trouva dans ses papiers les manuscrits presque comple
53
dans ses papiers les manuscrits presque complets
de
trois romans : Le Procès, Le Château, et Amérique. Le regard qu’il y
54
mérique. Le regard qu’il y porte sur le monde est
d’
une précision proprement angoissante. Il considère notre vie quotidien
55
t masquent à peine une foncière absurdité. L’état
d’
extrême lucidité que suscite en nous cette vision ressemble à s’y mépr
56
que tant de poètes s’efforçaient à la même époque
de
délirer méthodiquement, et de brouiller tous les plans du réel à seul
57
nt à la même époque de délirer méthodiquement, et
de
brouiller tous les plans du réel à seule fin de s’en évader — durant
58
t de brouiller tous les plans du réel à seule fin
de
s’en évader — durant le temps de leur ivresse tout au moins — Kafka n
59
réel à seule fin de s’en évader — durant le temps
de
leur ivresse tout au moins — Kafka nous ramène sans cesse, avec une s
60
ns — Kafka nous ramène sans cesse, avec une sorte
d’
humour inflexible, à la conscience la plus sobre de notre humaine cond
61
’humour inflexible, à la conscience la plus sobre
de
notre humaine condition. On dirait qu’il incite ses héros à pratiquer
62
rait qu’il incite ses héros à pratiquer contre la
vie
bourgeoise une espèce de « grève perlée » : c’est à force de conscien
63
s à pratiquer contre la vie bourgeoise une espèce
de
« grève perlée » : c’est à force de conscience, de naturel, d’exactit
64
e « grève perlée » : c’est à force de conscience,
de
naturel, d’exactitude dans l’exercice de leurs tâches banales et de l
65
rlée » : c’est à force de conscience, de naturel,
d’
exactitude dans l’exercice de leurs tâches banales et de leurs relatio
66
science, de naturel, d’exactitude dans l’exercice
de
leurs tâches banales et de leurs relations sociales, qu’ils en découv
67
titude dans l’exercice de leurs tâches banales et
de
leurs relations sociales, qu’ils en découvrent et en dénoncent l’impo
68
t en dénoncent l’impossibilité foncière. À serrer
de
si près le réel, on le convainc rapidement de monstruosité et de scan
69
rer de si près le réel, on le convainc rapidement
de
monstruosité et de scandale métaphysique. Et dès lors tout devient ét
70
éel, on le convainc rapidement de monstruosité et
de
scandale métaphysique. Et dès lors tout devient étrangement signifian
71
fait divers s’agrandit peu à peu aux proportions
d’
une parabole de l’existence. Ou bien c’est le contraire : partant d’un
72
agrandit peu à peu aux proportions d’une parabole
de
l’existence. Ou bien c’est le contraire : partant d’un fait inexplica
73
l’existence. Ou bien c’est le contraire : partant
d’
un fait inexplicable et monstrueux23 survenu dans la vie de son héros,
74
fait inexplicable et monstrueux23 survenu dans la
vie
de son héros, Kafka nous amène à penser que le détail de l’existence
75
inexplicable et monstrueux23 survenu dans la vie
de
son héros, Kafka nous amène à penser que le détail de l’existence ban
76
on héros, Kafka nous amène à penser que le détail
de
l’existence banale, et le sentiment d’étrangeté qui parfois l’accompa
77
le détail de l’existence banale, et le sentiment
d’
étrangeté qui parfois l’accompagne en sourdine s’expliquent de la mani
78
qui parfois l’accompagne en sourdine s’expliquent
de
la manière la plus logique sitôt qu’on les rapporte à un fait initial
79
u’on les rapporte à un fait initial mystérieux et
d’
apparence extravagante. Derrière cette psychologie de l’angoisse quoti
80
pparence extravagante. Derrière cette psychologie
de
l’angoisse quotidienne, l’on pressent chez Kafka des intentions moral
81
orales, une philosophie, et la recherche au moins
d’
une théologie. Tout cela, qui n’est pas exprimé mais voilé et seulemen
82
donne à l’œuvre une grandeur poétique, un pouvoir
d’
inquiéter presque morbide au jugement de certains, mais aussi, pour qu
83
n pouvoir d’inquiéter presque morbide au jugement
de
certains, mais aussi, pour qui sait comprendre, salutaire… Les lectur
84
lectures favorites et les préoccupations sociales
de
« Garta », telles que nous les décrit Max Brod, aideront à deviner la
85
à deviner la nature assez rare du dessein secret
de
Kafka. Sa passion de l’absolu moral et religieux, sa psychologie de l
86
assez rare du dessein secret de Kafka. Sa passion
de
l’absolu moral et religieux, sa psychologie de l’angoisse dérivent sa
87
on de l’absolu moral et religieux, sa psychologie
de
l’angoisse dérivent sans doute de Kierkegaard, qu’il fut l’un des pre
88
sa psychologie de l’angoisse dérivent sans doute
de
Kierkegaard, qu’il fut l’un des premiers à découvrir au xxe siècle.
89
écouvrir au xxe siècle. D’autre part, sa volonté
de
sobriété, d’utilité, d’éducation des forces spirituelles par l’activi
90
xe siècle. D’autre part, sa volonté de sobriété,
d’
utilité, d’éducation des forces spirituelles par l’activité pratique e
91
D’autre part, sa volonté de sobriété, d’utilité,
d’
éducation des forces spirituelles par l’activité pratique et sociale,
92
et sociale, volonté qui se manifeste tout au long
de
son existence, et qui devait l’amener entre autres, à son projet de p
93
et qui devait l’amener entre autres, à son projet
de
participation au jeune mouvement sioniste, se rattache non moins cert
94
us suggestif que cette rencontre en un seul homme
de
deux influences aussi contradictoires et à tant d’égards exclusives…
95
e deux influences aussi contradictoires et à tant
d’
égards exclusives… Il y aurait fort à dire là-dessus… Mais en voilà sa
96
ir au lecteur l’arrière-plan et les prolongements
de
l’aventure du « vieux Pragois », héros non tout à fait imaginaire, lu
97
à fait imaginaire, lui aussi, du Royaume enchanté
de
l’amour. 22. Le Procès, roman traduit de l’allemand par A. Vialatt
98
hanté de l’amour. 22. Le Procès, roman traduit
de
l’allemand par A. Vialatte. Deux autres récits de Kafka ont été publi
99
de l’allemand par A. Vialatte. Deux autres récits
de
Kafka ont été publiés par la Nouvelle Revue française : La Métamorp
100
errier. 23. Par exemple : la métamorphose subite
d’
un jeune homme en une bête innommable et même indescriptible (dans La
101
pèse sur le héros du Procès. d. Rougemont Denis
de
, Brod Max, « [Préface] Max Brod, Le Royaume enchanté de l’amour », d
102
od Max, « [Préface] Max Brod, Le Royaume enchanté
de
l’amour », dans Le Royaume enchanté de l’amour, Paris, Édition « Je
103
enchanté de l’amour », dans Le Royaume enchanté
de
l’amour, Paris, Édition « Je sers », 1936, p. 9-12.
104
erkegaard (janvier 1936)c « Toute mon activité
d’
auteur — nous dit Kierkegaard — se rapporte à ce seul problème : comme
105
le devenir. Et le problème, alors, devient celui
de
l’acte, c’est-à-dire de la création d’une possibilité nouvelle, sans
106
ème, alors, devient celui de l’acte, c’est-à-dire
de
la création d’une possibilité nouvelle, sans précédent. Y a-t-il des
107
ient celui de l’acte, c’est-à-dire de la création
d’
une possibilité nouvelle, sans précédent. Y a-t-il des actes ? L’homme
108
lle, sans précédent. Y a-t-il des actes ? L’homme
d’
aujourd’hui ne le croit pas. Il croit aux lois, et il se veut détermin
109
is dans cette mesure même, il se peut qu’il cesse
d’
être humain. Car l’homme n’a d’existence proprement humaine que lorsqu
110
e peut qu’il cesse d’être humain. Car l’homme n’a
d’
existence proprement humaine que lorsqu’il participe à la transformati
111
aucun chemin. Comment marcher, s’il n’existe pas
de
chemin ? disent-ils dans leur suffisance — car on appelle ainsi leur
112
prouver que l’acte est impossible et que le tout
de
l’homme est soumis au calcul, tout cet effort des sciences et des soc
113
le chemin ». Je suis le chemin, la vérité et la
vie
, dit le Christ. 1. La vérité est le chemin Christ est la Vérité
114
qu’être la vérité est la seule explication vraie
de
la vérité… Être la vérité, c’est connaître la vérité, et le Christ n’
115
été la vérité ; et nul homme ne connaît davantage
de
vérité qu’il n’en incarne.3 Voici donc le mystère : s’il n’y a pas
116
ncarne.3 Voici donc le mystère : s’il n’y a pas
de
chemin, nous ne pouvons marcher, mais si nous ne marchons pas, il n’y
117
rcher, mais si nous ne marchons pas, il n’y a pas
de
chemin. La foi au Christ nous permet seule de franchir ce cercle ench
118
pas de chemin. La foi au Christ nous permet seule
de
franchir ce cercle enchanté où nous maintient l’argument du démon — l
119
Christ est la condition nécessaire et suffisante
de
tout acte véritable, de toute marche, de toute création, de toute vic
120
nécessaire et suffisante de tout acte véritable,
de
toute marche, de toute création, de toute victoire sur la Nécessité.
121
ffisante de tout acte véritable, de toute marche,
de
toute création, de toute victoire sur la Nécessité. « Je suis le chem
122
te véritable, de toute marche, de toute création,
de
toute victoire sur la Nécessité. « Je suis le chemin ». Mais un chemi
123
n’est qu’un point de vue ; ou bien encore le lieu
d’
un pur possible, et sur ces lieux règne le désespoir. Il nous faut don
124
c’est-à-dire agir dans le Christ. La possibilité
de
l’acte est identique à sa nécessité. Il n’y a donc aucun acte possibl
125
. Mais croire au Christ, c’est croire au Paradoxe
de
l’incarnation, c’est croire que Dieu a revêtu la forme de ce monde, c
126
arnation, c’est croire que Dieu a revêtu la forme
de
ce monde, c’est croire donc que cette forme peut être transformée. —
127
l’absurde » ; mais cela seul donne un sens à nos
vies
. Alors les règles, les morales et les lois qui nous disaient d’agir d
128
règles, les morales et les lois qui nous disaient
d’
agir dans le même temps qu’elles nous privaient de tout pouvoir, s’éva
129
d’agir dans le même temps qu’elles nous privaient
de
tout pouvoir, s’évanouissent et meurent aux pages des livres. L’actio
130
uissent et meurent aux pages des livres. L’action
de
l’homme devient aussi la vérité ; et la norme de toutes les normes. A
131
de l’homme devient aussi la vérité ; et la norme
de
toutes les normes. Au premier pas que nous faisons dans notre nuit, v
132
nous allons connaître maintenant que seul l’acte
de
foi est création, transformation, nouveauté pure dans le monde, vocat
133
monde, vocation et personne éternelle, prophétie
de
l’éternité qui vient à nous. 2. Il n’est d’action que prophétique
134
ie de l’éternité qui vient à nous. 2. Il n’est
d’
action que prophétique Qu’est-ce que prophétiser sinon dire la Paro
135
Sachez qu’à l’origine, — lit-on dans un dialogue
de
Kassner6 — toutes les créatures, le Soleil, la Terre, la Lune, les pl
136
t et prophétisaient, pareils aux prophètes. C’est
de
ce commencement que chaque chose tire sa force et son temps ; toute c
137
in possède son commencement ». Mais l’homme déchu
de
son origine éternelle a perdu la vision de sa fin. Le voici prisonnie
138
déchu de son origine éternelle a perdu la vision
de
sa fin. Le voici prisonnier des formes et des nombres, esclave des lo
139
nnier des formes et des nombres, esclave des lois
d’
un monde sur lequel il devrait régner. Seule peut l’en délivrer la Par
140
pel dans les ténèbres. Certains reçoivent l’ordre
de
parler, et c’est là leur action, leur prophétie et leur salut. Cepend
141
ommes les frappent sur la bouche. Kierkegaard fut
de
ces croyants, dont la vocation prophétique pareille à celle des homme
142
vocation prophétique pareille à celle des hommes
de
Dieu qui se lèvent sous l’Ancienne Alliance, se confond avec la parol
143
Parole dite est leur chemin, leur vérité et leur
vie
dans ce monde ; ils meurent de l’avoir dite, et n’ont pas d’autre tâc
144
ur vérité et leur vie dans ce monde ; ils meurent
de
l’avoir dite, et n’ont pas d’autre tâche7. Le chemin est imprévisible
145
monde ; ils meurent de l’avoir dite, et n’ont pas
d’
autre tâche7. Le chemin est imprévisible ; le nôtre, disons-nous, n’es
146
évisible ; le nôtre, disons-nous, n’est pas celui
de
ces prophètes. Cependant la question demeure : comment agir, et comme
147
Ce que nous connaissons, c’est pourtant son point
de
départ. Le chemin commence à tout homme qui se met en devoir d’obéir
148
chemin commence à tout homme qui se met en devoir
d’
obéir à l’ordre qu’il reçoit de Dieu, — n’importe où et n’importe qui,
149
i se met en devoir d’obéir à l’ordre qu’il reçoit
de
Dieu, — n’importe où et n’importe qui, à n’importe quel ordre reçu, e
150
? Tout simplement : prends n’importe quelle règle
d’
action chrétienne, — ose la mettre en pratique. L’action que tu introd
151
troduiras ainsi dans la réalité portera la marque
de
l’absolu : c’est la marque de tout ce qui est véritablement chrétien
152
é portera la marque de l’absolu : c’est la marque
de
tout ce qui est véritablement chrétien (Journal). Vends ton bien et l
153
ux pauvres, par exemple, ou si tu ne possèdes pas
de
bien, cesse d’en désirer la possession, et vis comme un chrétien : au
154
exemple, ou si tu ne possèdes pas de bien, cesse
d’
en désirer la possession, et vis comme un chrétien : au jour le jour,
155
, sans assurances et sans préparation, à la grâce
de
Dieu, dans la confiance et l’inquiétude, — on pourrait dire, dans une
156
l’inquiétude, — on pourrait dire, dans une sorte
d’
humour — dans l’aventure de celui que rien ne protège et la prudence d
157
t dire, dans une sorte d’humour — dans l’aventure
de
celui que rien ne protège et la prudence de celui qui écoute, dans le
158
nture de celui que rien ne protège et la prudence
de
celui qui écoute, dans le tourment et dans la joie d’une découverte q
159
elui qui écoute, dans le tourment et dans la joie
d’
une découverte quotidienne du chemin, — ton chemin, sur lequel tu es s
160
sur lequel tu es seul, parce qu’il est la parole
de
ta vie, sa mesure et sa vocation, son risque à chaque instant visible
161
equel tu es seul, parce qu’il est la parole de ta
vie
, sa mesure et sa vocation, son risque à chaque instant visible, et sa
162
Tant que nous considérons le Christ avec des yeux
de
moralistes, comme une personnalité morale de premier plan qu’il ne re
163
yeux de moralistes, comme une personnalité morale
de
premier plan qu’il ne resterait plus qu’à imiter, l’acte demeure un p
164
imiter, l’acte demeure un pur possible, un modèle
d’
acte, une abstraction, c’est-à-dire quelque chose que nous pouvons ima
165
ant nous transformer, et c’est bien la définition
de
« l’inactuel ». Se conformer à ce pieux idéal, non seulement ce n’est
166
r, non seulement c’est limiter par avance le rôle
de
la foi, c’est-à-dire refuser la foi, mais c’est peut-être simplement
167
n’y est pas engagé. Parce que c’est un blasphème
de
l’homme pieux, du moraliste, que de prétendre imiter le modèle que se
168
un blasphème de l’homme pieux, du moraliste, que
de
prétendre imiter le modèle que ses yeux voient et que sa chair perçoi
169
) au lieu d’écouter l’ordre, au lieu de croire et
de
faire un pas dans la nuit, sur ce « chemin » qui est le Christ présen
170
s par la grâce. L’imitation suivra comme un fruit
de
la reconnaissance… Tout commence par la joie d’être aimé — et ensuite
171
t de la reconnaissance… Tout commence par la joie
d’
être aimé — et ensuite vient l’effort de plaire, constamment exalté pa
172
r la joie d’être aimé — et ensuite vient l’effort
de
plaire, constamment exalté par la certitude que l’on est aimé mainten
173
ien du Christ, du « chemin », en dehors de l’acte
de
foi qui, supprimant toute distance historique, nous rend contemporain
174
oute distance historique, nous rend contemporains
de
Son incarnation. Ainsi l’acte de foi détruit le temps où il a lieu ma
175
nd contemporains de Son incarnation. Ainsi l’acte
de
foi détruit le temps où il a lieu mais comme la plénitude détruit le
176
détruit le relatif. Il est ce contact impensable
de
l’éternité avec notre durée, et l’on n’en peut n’en dire sinon qu’il
177
Dieu peut tout à tout instant. C’est là la santé
de
la foi »10. Si nous vivions dans l’obéissance et dans la foi, il n’y
178
’y aurait ni passé ni futur, mais le Jour éternel
de
la présence à Dieu et à soi-même régnerait sur le monde et l’unité du
179
a foi, l’histoire s’arrêterait comme l’Aspiration
d’
un homme saisi par la beauté, et le temps immobile s’abîmerait dans l’
180
avons refusé l’éternel et nous lui préférons nos
vies
: c’est pourquoi nous vivons dans l’Histoire, et dans l’absence, ou d
181
s qui viennent ; c’est pourquoi nous n’avons plus
d’
être que par la foi, « substance des choses espérées », et c’est pourq
182
i nous, n’est que promesse et vigilante prophétie
de
l’invisible. De Séir, une voix crie au prophète11 : « Sentinelle, que
183
e promesse et vigilante prophétie de l’invisible.
De
Séir, une voix crie au prophète11 : « Sentinelle, que dis-tu de la nu
184
oix crie au prophète11 : « Sentinelle, que dis-tu
de
la nuit ? Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? — La sentinelle a répon
185
e, que dis-tu de la nuit ? Sentinelle, que dis-tu
de
la nuit ? — La sentinelle a répondu : Le matin vient, et la nuit auss
186
e est durée, et c’est la forme du péché, du refus
de
l’instant éternel12, — le temps, la succession et le désir. C’est le
187
temps, la succession et le désir. C’est le retard
de
l’acte et le retrait de Dieu, c’est le doute qui s’interpose entre le
188
le désir. C’est le retard de l’acte et le retrait
de
Dieu, c’est le doute qui s’interpose entre le savoir et le faire, et
189
entre le savoir et le faire, et c’est la lâcheté
de
l’homme qui se repose sur ses œuvres et qui les juge : son alliance a
190
s et qui les juge : son alliance avec le serpent.
De
quelles étranges et secrètes façons le temps est lié au péché, le péc
191
au péché, le pécheur seul le sait, dans l’instant
de
la foi, où par grâce il peut rompre ce lien. « Si vous voulez interro
192
st : « Convertissez-vous ! » À la lumière jaillie
de
l’acte de la foi, le mystère du temps se dévoile ; mais un temps nouv
193
vertissez-vous ! » À la lumière jaillie de l’acte
de
la foi, le mystère du temps se dévoile ; mais un temps nouveau prend
194
pardonné vit dans le temps comme à contre-courant
de
sa durée, vit d’acte en acte. Et son temps n’est plus son péché, mais
195
le temps comme à contre-courant de sa durée, vit
d’
acte en acte. Et son temps n’est plus son péché, mais on pourrait dire
196
monde, mais il est ce qui la transforme. Vertige
de
la « vie chrétienne », cette histoire de Dieu dans le temps, cette hi
197
mais il est ce qui la transforme. Vertige de la «
vie
chrétienne », cette histoire de Dieu dans le temps, cette histoire de
198
Vertige de la « vie chrétienne », cette histoire
de
Dieu dans le temps, cette histoire de l’éternité ! « Il suffit d’un c
199
te histoire de Dieu dans le temps, cette histoire
de
l’éternité ! « Il suffit d’un courage purement humain pour renoncer l
200
temps, cette histoire de l’éternité ! « Il suffit
d’
un courage purement humain pour renoncer le temps afin de gagner l’éte
201
gner l’éternité : car je la gagne et ne puis plus
de
toute éternité la renoncer ; et c’est le paradoxe ; mais il faut un c
202
en vertu de l’absurde 13. Et ce courage est celui
de
la foi. Par la foi Abraham ne perdit point Isaac ; c’est par la foi d
203
la foi d’abord qu’il le reçut »14. 5. Le temps
de
l’acte est renaissance, initiation Les deux moments réels d’une vi
204
renaissance, initiation Les deux moments réels
d’
une vie d’homme, s’il est vrai que Dieu Seul est réel, ce sont la nais
205
sance, initiation Les deux moments réels d’une
vie
d’homme, s’il est vrai que Dieu Seul est réel, ce sont la naissance e
206
e, initiation Les deux moments réels d’une vie
d’
homme, s’il est vrai que Dieu Seul est réel, ce sont la naissance et l
207
naissance et la mort, parce qu’ils sont des actes
de
Dieu. Entre la naissance et la mort — ou plutôt puisque l’acte est à
208
t — ou plutôt puisque l’acte est à contre-courant
de
la durée : entre la mort et la naissance — toute la réalité de l’homm
209
entre la mort et la naissance — toute la réalité
de
l’homme est dans son acte. Tout acte est Passage et tension, — passag
210
acte. Tout acte est Passage et tension, — passage
de
la mort à la vie, tension entre ce qui résiste et ce qui crée, victoi
211
est Passage et tension, — passage de la mort à la
vie
, tension entre ce qui résiste et ce qui crée, victoire de la Parole s
212
ion entre ce qui résiste et ce qui crée, victoire
de
la Parole sur la chair, autorité de la personne sur l’anarchie et sur
213
rée, victoire de la Parole sur la chair, autorité
de
la personne sur l’anarchie et sur la loi individuelle. C’est ici qu’o
214
isqu’il est dans le même instant et la mort et la
vie
des êtres qu’il promet à l’existence ; mais détruisant le temps, il l
215
acte absolu serait création absolue, mais un acte
de
l’homme n’est jamais qu’une rédemption. Distinction de théologien, et
216
homme n’est jamais qu’une rédemption. Distinction
de
théologien, et qui veut prévenir l’orgueil. Mais la vision de celui q
217
n, et qui veut prévenir l’orgueil. Mais la vision
de
celui qui agit n’est point un jugement des résultats, — des créatures
218
onséquence, il est toujours initiation. La vision
de
celui qui agit est tout entière absorbée par l’instant, par le passag
219
ut entière absorbée par l’instant, par le passage
de
ce qui meurt à ce qui nait, — par le réel. « Celui qui doit agir, s’i
220
r le réel. « Celui qui doit agir, s’il veut juger
de
soi selon le succès qu’il remporte, n’arrivera jamais à rien entrepre
221
uccès pouvait réjouir le monde entier, il ne sert
de
rien au héros ; car le héros n’a connu son succès que lorsque tout ét
222
fut héros, mais par son entreprise »15. Le temps
de
l’acte vient s’inscrire sur les traits du visage héroïque. Dans cette
223
e. Dans cette chair qui doit vieillir, la tension
de
la mort et de la vie a mis des marques victorieuses. Qu’est-ce que la
224
chair qui doit vieillir, la tension de la mort et
de
la vie a mis des marques victorieuses. Qu’est-ce que la personne ? C’
225
qui doit vieillir, la tension de la mort et de la
vie
a mis des marques victorieuses. Qu’est-ce que la personne ? C’est la
226
sion à la parole dont elle procède, et si la face
d’
un homme est belle, c’est parce qu’elle est un acte et un destin, une
227
ce qu’elle est un acte et un destin, une initiale
de
l’histoire, une effigie de la Parole créatrice. 6. Le contraire de
228
n destin, une initiale de l’histoire, une effigie
de
la Parole créatrice. 6. Le contraire de l’acte, c’est le désespoir
229
ffigie de la Parole créatrice. 6. Le contraire
de
l’acte, c’est le désespoir Nous savons tous cela, comme nous savon
230
roire. À vrai dire, nous avons toutes les raisons
d’
en douter, s’il est vrai que le doute est révolte, et qu’il faut pour
231
, et qu’il faut pour se l’avouer la joie qui naît
de
l’acte de la foi. Lorsque Kierkegaard écrivit son traité de la Maladi
232
faut pour se l’avouer la joie qui naît de l’acte
de
la foi. Lorsque Kierkegaard écrivit son traité de la Maladie mortelle
233
de la foi. Lorsque Kierkegaard écrivit son traité
de
la Maladie mortelle 16, il venait justement de dépasser cette illusio
234
té de la Maladie mortelle 16, il venait justement
de
dépasser cette illusion du désespoir, qui consiste à s’imaginer que l
235
ui consiste à s’imaginer que l’acte est puissance
de
l’homme : d’où l’impossibilité de l’oser. Celui que la foi vint saisi
236
s’imaginer que l’acte est puissance de l’homme :
d’
où l’impossibilité de l’oser. Celui que la foi vint saisir sait mainte
237
e est puissance de l’homme : d’où l’impossibilité
de
l’oser. Celui que la foi vint saisir sait maintenant que l’acte est l
238
te est le contraire du désespoir. Mais il le sait
d’
une tout autre façon que le désespéré ne l’imagine. Parce que le rappo
239
création irréversible. Et cela tient à la nature
de
l’acte, — mieux encore : à son origine. Cela tient à l’absolu de la P
240
eux encore : à son origine. Cela tient à l’absolu
de
la Personne qui l’initie. Le désespéré, le douteur, ou simplement l’h
241
spéré, le douteur, ou simplement l’homme dépourvu
de
foi, l’homme détendu, vague et fiévreux qui peuple nos cités, l’homme
242
! — s’imagine que l’acte viendra comme un sursaut
de
joie, comme une révolte, comme une affirmation désespérée de son orgu
243
mme une révolte, comme une affirmation désespérée
de
son orgueil, comme la preuve enfin de son moi, — mais il sait bien qu
244
désespérée de son orgueil, comme la preuve enfin
de
son moi, — mais il sait bien qu’il n’en a pas, ou que son moi est dés
245
t pas une vision dans un visage, mais une manière
de
loucher vers « les autres », une chaîne qui le lie à la coutume du bo
246
», une chaîne qui le lie à la coutume du bourg ou
de
la classe. Comment cet homme pourrait-il faire un acte ? Car l’acte e
247
liens, dans sa croyance à la réalité des liens et
de
la masse, à la réalité des autres dans l’ensemble. Comment cet homme
248
’acte soit puissance et jouissance, il y a ce moi
de
désir qui veut que l’acte — l’instant ! — soit durée… Mais l’absolu q
249
— soit durée… Mais l’absolu qui vient jucher nos
vies
nous meut parce qu’il est un ordre, une Parole reçue d’ailleurs, une
250
n ordre, une Parole reçue d’ailleurs, une rupture
de
tout drame humain que nous pussions prévoir, désirer et décrire ; une
251
décrire ; une rupture et une vision. La présence
de
l’absolu dans la sobriété parfaite et insensible de l’instant, c’est
252
l’absolu dans la sobriété parfaite et insensible
de
l’instant, c’est l’obéissance à la Parole de Dieu, — la prophétie dan
253
ible de l’instant, c’est l’obéissance à la Parole
de
Dieu, — la prophétie dans l’immédiat. Que s’est-il donc passé ? Me vo
254
s ne voyons aucun visage ailleurs que dans l’acte
d’
aimer. 7. Toute vocation est sans précédent Car elle est prophét
255
Car elle est prophétie justement ! — et c’est
de
la seule prophétie que relèvent la réalité et le sérieux, le risque e
256
réalité et le sérieux, le risque et la splendeur
d’
une vie d’homme. L’homme se distingue du singe en ce qu’il prophétise,
257
té et le sérieux, le risque et la splendeur d’une
vie
d’homme. L’homme se distingue du singe en ce qu’il prophétise, unique
258
t le sérieux, le risque et la splendeur d’une vie
d’
homme. L’homme se distingue du singe en ce qu’il prophétise, uniquemen
259
t bien remarquable : Kierkegaard a très peu parlé
de
vocation18. C’est qu’il parle sa vocation et ne s’en distingue jamais
260
pendant il est hors de doute qu’il eut conscience
de
cet aspect particulier de son destin qui qualifie précisément la voca
261
te qu’il eut conscience de cet aspect particulier
de
son destin qui qualifie précisément la vocation : l’invraisemblable.
262
able. Ses plus amers reproches au « christianisme
de
la chrétienté », à cette « inconcevable illusion des sens », ne s’adr
263
s pas justement à la « vraisemblance » doctrinale
d’
une religion mise à la portée de « la masse », alors que la foi vérita
264
ance » doctrinale d’une religion mise à la portée
de
« la masse », alors que la foi véritable est celle du solitaire que p
265
lus forte raison l’audace chrétienne, est au-delà
de
toute vraisemblance, là où précisément l’on renonce à la vraisemblanc
266
que l’acte est initiateur ; parce que la dignité
de
l’homme est de marcher dans l’invisible et de prophétiser « en vertu
267
initiateur ; parce que la dignité de l’homme est
de
marcher dans l’invisible et de prophétiser « en vertu de l’absurde ».
268
ité de l’homme est de marcher dans l’invisible et
de
prophétiser « en vertu de l’absurde ». L’homme ne peut être déterminé
269
qui marche dans la nouveauté ne prend mesure que
de
ce qu’il transforme. Sa connaissance est acte et vision prophétique.
270
st acte et vision prophétique. La mesure du temps
de
sa vie réside dans la seule vocation qu’il incarne. Sur le chemin qui
271
e et vision prophétique. La mesure du temps de sa
vie
réside dans la seule vocation qu’il incarne. Sur le chemin qui commen
272
r et l’heure, mais il connaît l’instant, s’il vit
de
Parole. À cause de l’instant éternel, « le héros meurt toujours avant
273
avant qu’il ne meure »21. C’est le secret dernier
de
l’acte, et le sceau de l’amour chrétien. 3. Apprentissage du chri
274
1. C’est le secret dernier de l’acte, et le sceau
de
l’amour chrétien. 3. Apprentissage du christianisme. 4. Dans ce
275
rie récemment « découverte » par les psychologues
de
ce qui « se fait se faisant » est une antilogie chrétienne au premier
276
Chez les hindous, elle n’est encore qu’une forme
de
l’agitation humaine. Pour le chrétien seul elle signifie une transfor
277
our l’hindou, cette catégorie suppose la primauté
d’
un Esprit sans contenu ; pour le chrétien, la primauté d’une personne.
278
prit sans contenu ; pour le chrétien, la primauté
d’
une personne. 5. « Ta Parole est une lampe à mes pieds, une lumière s
279
. Die Chimäre, trad. française dans les Éléments
de
la grandeur humaine (NRF). 7. « Le prophète se lève et tombe avec sa
280
tombe avec sa mission » (Karl Barth). Il n’a pas
de
biographie. Rien ne serait plus ridicule que de tenter de faire la ps
281
s de biographie. Rien ne serait plus ridicule que
de
tenter de faire la psychologie d’un prophète, ou bien alors elle se r
282
aphie. Rien ne serait plus ridicule que de tenter
de
faire la psychologie d’un prophète, ou bien alors elle se réduirait à
283
us ridicule que de tenter de faire la psychologie
d’
un prophète, ou bien alors elle se réduirait à la grammaire et à la sy
284
irait à la grammaire et à la syntaxe particulière
de
son message. 8. Journal. « L’imitation suivra », en allemand, « Die
285
retrouvons cette définition du temps comme refus
de
l’instant et de l’obéissance immédiate à la Parole. La ressemblance e
286
e définition du temps comme refus de l’instant et
de
l’obéissance immédiate à la Parole. La ressemblance est seulement for
287
ré par la lâcheté du pécheur, tandis que le temps
de
Schopenhauer est « l’idéalité » du sujet connaissant, — une chimère s
288
itualiste, une nostalgie. C’est pourquoi le temps
de
Kierkegaard peut connaître une rédemption par l’acte, quand celui de
289
connaître une rédemption par l’acte, quand celui
de
Schopenhauer s’évanouit en pure absence. 13. K. entend : en vertu de
290
ce paradoxe impensable, l’Incarnation historique
de
Dieu. Pas de réponse rationnelle au « Cur Deux Homo ? » de saint Anse
291
impensable, l’Incarnation historique de Dieu. Pas
de
réponse rationnelle au « Cur Deux Homo ? » de saint Anselme. 14. Cr
292
Pas de réponse rationnelle au « Cur Deux Homo ? »
de
saint Anselme. 14. Crainte et tremblement. 15. Actes de l’amour.
293
nselme. 14. Crainte et tremblement. 15. Actes
de
l’amour. 16. Traduction française sous le titre de Traité du désespo
294
l’amour. 16. Traduction française sous le titre
de
Traité du désespoir. C’est une laïcisation ! Kierkegaard se rapportai
295
C’est une laïcisation ! Kierkegaard se rapportait
de
la façon la plus précise à Jean XI. 4. 17. Richtet selbst. 18. Ib
296
dans le Journal des années 1846 à 1848, on trouve
de
nombreuses notations de ce genre : « Grande sera ma responsabilité si
297
es 1846 à 1848, on trouve de nombreuses notations
de
ce genre : « Grande sera ma responsabilité si je rejette une mission
298
sera ma responsabilité si je rejette une mission
de
cette sorte » — c’est-à-dire s’il rejette sa mission d’écrivain relig
299
te sorte » — c’est-à-dire s’il rejette sa mission
d’
écrivain religieux pour se faire pasteur de campagne, par exemple. C’e
300
ission d’écrivain religieux pour se faire pasteur
de
campagne, par exemple. C’est, dit-il, que sa consigne est de « tenir
301
, par exemple. C’est, dit-il, que sa consigne est
de
« tenir bon en souffrant ». Le presbytère de campagne serait une solu
302
est de « tenir bon en souffrant ». Le presbytère
de
campagne serait une solution commode, surtout en regard des souffranc
303
le sujet était : La rencontre la plus importante
de
votre vie ? M. Clément Vautel qui personnifie de nos jours le Bourgeo
304
était : La rencontre la plus importante de votre
vie
? M. Clément Vautel qui personnifie de nos jours le Bourgeois, répond
305
de votre vie ? M. Clément Vautel qui personnifie
de
nos jours le Bourgeois, répondit avec une pertinence géniale : « Je n
306
21. Crainte et tremblement. c. Rougemont Denis
de
, « Forme et transformation, ou l’acte selon Kierkegaard », Hermès, Br
307
e est plus malade que n’était le latin à l’époque
de
la Renaissance24. Le latin de Bembo et de Sadolet était encore une rh
308
le latin à l’époque de la Renaissance24. Le latin
de
Bembo et de Sadolet était encore une rhétorique des lieux communs. Fo
309
’époque de la Renaissance24. Le latin de Bembo et
de
Sadolet était encore une rhétorique des lieux communs. Forme vide, fo
310
, forme idolâtrée, c’est-à-dire pure rhétorique —
d’
où son déclin — mais forme encore et convention admise par tous les cl
311
uropéens. On ne saurait en dire autant du langage
de
nos bons écrivains. Car non seulement il est mal entendu par la grand
312
asse des lecteurs ordinaires, disons des lecteurs
de
journaux, mais encore il s’est divisé en une foule de dialectes ésoté
313
ournaux, mais encore il s’est divisé en une foule
de
dialectes ésotériques. Non seulement l’écrivain moderne use d’une lan
314
ésotériques. Non seulement l’écrivain moderne use
d’
une langue dont le lecteur moyen trouve parfaitement normal de déclare
315
dont le lecteur moyen trouve parfaitement normal
de
déclarer que « c’est du latin » pour ses oreilles, mais encore il exi
316
» pour ses oreilles, mais encore il existe autant
de
ces latins-là que de chapelles littéraires, que d’écoles philosophiqu
317
mais encore il existe autant de ces latins-là que
de
chapelles littéraires, que d’écoles philosophiques, que de théories p
318
e ces latins-là que de chapelles littéraires, que
d’
écoles philosophiques, que de théories politiques. Ainsi les mots n’on
319
les littéraires, que d’écoles philosophiques, que
de
théories politiques. Ainsi les mots n’ont plus le même sens pour les
320
part des débats qui nous occupent, qu’il s’agisse
de
politique, de religion ou de littérature, nous offrent l’image d’un j
321
s qui nous occupent, qu’il s’agisse de politique,
de
religion ou de littérature, nous offrent l’image d’un jeu dont les di
322
pent, qu’il s’agisse de politique, de religion ou
de
littérature, nous offrent l’image d’un jeu dont les différents parten
323
religion ou de littérature, nous offrent l’image
d’
un jeu dont les différents partenaires changent la règle à leur fantai
324
s trichent ou font défaut. N’est-ce pas la partie
de
croquet dans Alice au pays des merveilles ? Les boules étaient des hé
325
on, celui-ci tordait son long cou et la regardait
d’
un air d’ahurissement profond. Quand elle l’avait remis en position, c
326
-ci tordait son long cou et la regardait d’un air
d’
ahurissement profond. Quand elle l’avait remis en position, c’était le
327
un peu plus loin. Tandis que la Reine, au comble
de
la fureur, parcourait le terrain en hurlant au hasard son cri de guer
328
arcourait le terrain en hurlant au hasard son cri
de
guerre : « Qu’on lui coupe la tête ! » — Ainsi nos mots se déforment
329
hacun joue sa partie comme il le peut, sans souci
de
la règle commune, et la terreur domine cette anarchie, distribuant de
330
ine cette anarchie, distribuant des condamnations
d’
autant plus excessives d’ailleurs que personne ne se soucie de les met
331
s excessives d’ailleurs que personne ne se soucie
de
les mettre à exécution25. « Vous n’avez pas idée, conclut Alice, comb
332
z pas idée, conclut Alice, combien c’est affolant
de
jouer avec des choses vivantes. » ⁂ Prenons cinq mots parmi les plus
333
les plus fréquents dans le langage et les écrits
de
notre temps : esprit, révolution, liberté, ordre, patrie. Voilà les i
334
oyens ou hommes d’État. Les uns tiennent le parti
de
l’esprit et les autres celui de l’ordre, les uns le parti de la révol
335
tiennent le parti de l’esprit et les autres celui
de
l’ordre, les uns le parti de la révolution, les autres celui de la pa
336
et les autres celui de l’ordre, les uns le parti
de
la révolution, les autres celui de la patrie… Les uns voudraient la l
337
s uns le parti de la révolution, les autres celui
de
la patrie… Les uns voudraient la liberté dans l’ordre, ou la révoluti
338
tion, l’ordre à la liberté, ou encore les patries
de
l’ordre à la patrie de la révolution… Toutes ces combinaisons et ces
339
rté, ou encore les patries de l’ordre à la patrie
de
la révolution… Toutes ces combinaisons et ces permutations seraient n
340
t définir utilement le parti, si seulement chacun
de
ces mots avait le même sens pour tout le monde. Ou, parmi plusieurs s
341
luxe des délicats, tantôt les facultés créatrices
de
l’homme, ou encore une sagesse asiatique, ou une mentalité de classe
342
ou encore une sagesse asiatique, ou une mentalité
de
classe ou simplement toute la culture et ses produits. Une simple équ
343
rie bourgeoise ; pour l’autre, présence effective
de
la pensée et de la foi à nos misères, activité concrète et créatrice,
344
pour l’autre, présence effective de la pensée et
de
la foi à nos misères, activité concrète et créatrice, et garantie con
345
re bout du jeu et j’aurais dû croquer le hérisson
de
la Reine s’il ne s’était mis à courir juste au moment où j’allais jou
346
le dictionnaire, il nous faut ajouter une dizaine
de
sens parfois contradictoires, créés par la crise actuelle et très mal
347
volution signifiera selon les cas : émeute, prise
de
pouvoir légal, désordre et anarchie, établissement d’une dictature mi
348
ouvoir légal, désordre et anarchie, établissement
d’
une dictature militaire, plan quinquennal, conversion personnelle, app
349
quinquennal, conversion personnelle, application
d’
une série de mesures économiques, transmutation de toutes les valeurs
350
, conversion personnelle, application d’une série
de
mesures économiques, transmutation de toutes les valeurs morales, et
351
’une série de mesures économiques, transmutation
de
toutes les valeurs morales, etc. Et tous ces sens se chevauchent pour
352
ellectuels anarchistes ou libéraux, par la presse
d’
opposition, par Staline qui fait taire cette presse au nom de la Révol
353
de la Révolution, par Hitler dénonçant le Diktat
de
Versailles, par l’Italie partant à la conquête de l’Éthiopie, etc. L’
354
de Versailles, par l’Italie partant à la conquête
de
l’Éthiopie, etc. L’ordre sera tantôt le statu quo, si absurde soit-il
355
ale et arbitraire, plus rarement la revendication
d’
un équilibre vrai, d’une hiérarchie naturelle et féconde. Et quant au
356
us rarement la revendication d’un équilibre vrai,
d’
une hiérarchie naturelle et féconde. Et quant au mot patrie, on le voi
357
voit confondu, dans les discours et les articles
de
journaux, avec état, nation, mystique raciale, peuple et coutumes, ou
358
euple et coutumes, ou terre natale, clocher, etc.
D’
où l’embrouillamini de la politique et des partis, et la confusion meu
359
terre natale, clocher, etc. D’où l’embrouillamini
de
la politique et des partis, et la confusion meurtrière de termes dang
360
litique et des partis, et la confusion meurtrière
de
termes dangereusement chargés de passion et de préjugés, tels que pat
361
usion meurtrière de termes dangereusement chargés
de
passion et de préjugés, tels que patriotisme, nationalisme, impériali
362
re de termes dangereusement chargés de passion et
de
préjugés, tels que patriotisme, nationalisme, impérialisme… ⁂ Tout co
363
créer et aggraver cette crise du sens des mots et
de
la sémantique vivante. D’une part la somme des échanges écrits ou ver
364
ions formidables. D’autre part, le public capable
de
goûter une œuvre rigoureuse ou novatrice, et qui pourrait servir de n
365
e rigoureuse ou novatrice, et qui pourrait servir
de
norme ou de repère, a tout au plus triplé, et c’est sans doute encore
366
ou novatrice, et qui pourrait servir de norme ou
de
repère, a tout au plus triplé, et c’est sans doute encore trop dire.
367
s doute encore trop dire. Racine avait un millier
d’
auditeurs ; Valéry, Claudel, Gide, Péguy n’ont guère eu davantage de l
368
ry, Claudel, Gide, Péguy n’ont guère eu davantage
de
lecteurs durant la période de leur vie ou paraissaient leurs œuvres c
369
guère eu davantage de lecteurs durant la période
de
leur vie ou paraissaient leurs œuvres capitales. Et je doute qu’un Me
370
u davantage de lecteurs durant la période de leur
vie
ou paraissaient leurs œuvres capitales. Et je doute qu’un Meyerson so
371
sérieusement compris et discuté par beaucoup plus
de
personnes que Descartes n’en convainquit de son vivant. Cependant les
372
plus de personnes que Descartes n’en convainquit
de
son vivant. Cependant les journaux du soir à cinq-cent-mille exemplai
373
e exemplaires et la radio atteignent des millions
d’
auditeurs. Dans cette disproportion impressionnante entre l’aire de la
374
cette disproportion impressionnante entre l’aire
de
la vraie culture créatrice et régulatrice et l’aire des sous-produits
375
ulatrice et l’aire des sous-produits standardisés
de
la culture de consommation, on aperçoit la raison immédiate de la cri
376
aire des sous-produits standardisés de la culture
de
consommation, on aperçoit la raison immédiate de la crise actuelle du
377
de consommation, on aperçoit la raison immédiate
de
la crise actuelle du langage. La presse, la radio, l’éloquence politi
378
te accession démocratique des grandes masses à la
vie
de l’esprit me paraît tout à fait improbable dans l’état actuel du ré
379
ccession démocratique des grandes masses à la vie
de
l’esprit me paraît tout à fait improbable dans l’état actuel du régim
380
ficit que représente pour la culture, la création
de
ces grandes zones d’échanges incontrôlés. Ces échanges en effet about
381
pour la culture, la création de ces grandes zones
d’
échanges incontrôlés. Ces échanges en effet aboutissent rapidement à d
382
est vague, impropre, sans saveur et sans pouvoir
d’
évocation active du vrai. Il habitue des millions de lecteurs au rendu
383
évocation active du vrai. Il habitue des millions
de
lecteurs au rendu approximatif des faits, des choses, ou des idées. I
384
choses, ou des idées. Il flatte ainsi la paresse
de
l’esprit, décourage le sens critique, décontenance les expressions le
385
i les mots perdent leur force et leur délicatesse
d’
appel. Et les bons écrivains, qui n’ont pas d’autres armes, se voient
386
s, qui n’ont pas d’autres armes, se voient privés
de
tous moyens d’agir. Leurs coups ne portent plus, ne marquent pas dans
387
s d’autres armes, se voient privés de tous moyens
d’
agir. Leurs coups ne portent plus, ne marquent pas dans ce magma incon
388
ire dès lors n’est pour eux que tromper un besoin
d’
expression qui n’a plus de mission réelle. C’est un jeu formel et préc
389
x que tromper un besoin d’expression qui n’a plus
de
mission réelle. C’est un jeu formel et précis, dont ils sont seuls à
390
quis » et par suite inapte à traduire une volonté
d’
action bientôt jugée vulgaire. ⁂ La civilisation occidentale aurait-el
391
fins dernières à quoi elle tend ? Quand le peuple
d’
Israël oublie sa vocation et se détourne de l’Éternel son Dieu, il per
392
peuple d’Israël oublie sa vocation et se détourne
de
l’Éternel son Dieu, il perd aussi le sens des noms et bientôt sa lang
393
ux ! » s’écrie le prophète Osée. Quand les clercs
de
la Cour de Rome cessent d’être les dociles instruments de la vocation
394
rie le prophète Osée. Quand les clercs de la Cour
de
Rome cessent d’être les dociles instruments de la vocation catholique
395
Osée. Quand les clercs de la Cour de Rome cessent
d’
être les dociles instruments de la vocation catholique, pour devenir d
396
ur de Rome cessent d’être les dociles instruments
de
la vocation catholique, pour devenir de raffinés rhéteurs, ils perden
397
struments de la vocation catholique, pour devenir
de
raffinés rhéteurs, ils perdent leur autorité et suscitent contre eux
398
s vienne à faiblir et que la mesure commune cesse
d’
être effectivement perçue et observée, l’on assiste à la même dégradat
399
’on assiste à la même dégradation des instruments
de
la culture : — d’une part les écrivains se mettent à raffiner l’expre
400
rivains se mettent à raffiner l’expression propre
de
chaque chose séparée, au détriment de l’expression générale, d’autre
401
nérale, d’autre part, la grande masse des usagers
de
la langue cesse d’exercer aucun contrôle sur son parler, qu’elle ne s
402
t, la grande masse des usagers de la langue cesse
d’
exercer aucun contrôle sur son parler, qu’elle ne soumet plus à un but
403
s du peuple, et que la langue vulgaire s’encombre
d’
équivoques, de confusions et de malentendus parfois tragiques : l’oubl
404
t que la langue vulgaire s’encombre d’équivoques,
de
confusions et de malentendus parfois tragiques : l’oubli des fins der
405
ulgaire s’encombre d’équivoques, de confusions et
de
malentendus parfois tragiques : l’oubli des fins dernières entraîne n
406
s fins dernières entraîne nécessairement la ruine
de
la communauté, par le seul fait qu’il ruine le langage. Cette absenc
407
seul fait qu’il ruine le langage. Cette absence
d’
un principe communautaire vivant et puissant dans nos vies, c’est le d
408
rincipe communautaire vivant et puissant dans nos
vies
, c’est le drame de la civilisation, de la culture, de la cité moderne
409
vivant et puissant dans nos vies, c’est le drame
de
la civilisation, de la culture, de la cité modernes. Tous les hommes
410
dans nos vies, c’est le drame de la civilisation,
de
la culture, de la cité modernes. Tous les hommes de ce temps, s’ils o
411
c’est le drame de la civilisation, de la culture,
de
la cité modernes. Tous les hommes de ce temps, s’ils ont quelque cons
412
la culture, de la cité modernes. Tous les hommes
de
ce temps, s’ils ont quelque conscience, souffrent obscurément de leur
413
ils ont quelque conscience, souffrent obscurément
de
leur séparation. Ils sont ensemble et ils sont seuls. Ils sont pressé
414
omme fait à un homme, et qui engage quelque chose
de
son être, c’est l’amitié humaine qui se détruit. ⁂ Telle est l’inquié
415
lle, elle est d’abord cette inquiétude du cœur et
de
l’esprit qui naît de la mort des amitiés. Plus angoissante encore, el
416
cette inquiétude du cœur et de l’esprit qui naît
de
la mort des amitiés. Plus angoissante encore, elle règne innommée et
417
crifié, là où elle n’a pas même laissé les traces
d’
une coutume ancestrale : dans les villes. Mais ce que l’homme ne fait
418
u’un s’en est aperçu. Quelqu’un a formé le projet
de
tromper cette faim et cette soif. Au païen ignorant du vrai Dieu, les
419
donnent des idoles faites à l’image des terreurs
de
l’homme. Dans le culte de ces images, le peuple croit trouver son uni
420
à l’image des terreurs de l’homme. Dans le culte
de
ces images, le peuple croit trouver son unité, et il y retrouve en ef
421
ité, et il y retrouve en effet le symbole agrandi
d’
un désespoir qu’il sent vivre dans tous les cœurs. L’homme d’aujourd’h
422
oir qu’il sent vivre dans tous les cœurs. L’homme
d’
aujourd’hui méprise les religions. Il sait ce qu’il faut penser des pr
423
ette génération sans but. On nous en donnera donc
de
nouveaux fabriqués à notre mesure, — et quelle misérable mesure ! « S
424
le et mécanique qui plie l’individu à des calculs
de
masses, à des disciplines extérieures, à des ambitions inhumaines. No
425
ts d’ordre. L’on peut penser que c’est une espèce
de
progrès sur l’âge des clichés bourgeois. Mais si les mots d’ordre son
426
esse matérielle ? Que vaut alors cette communauté
de
réflexes et d’obsession ? N’est-elle pas une somme de nos défaites in
427
? Que vaut alors cette communauté de réflexes et
d’
obsession ? N’est-elle pas une somme de nos défaites intimes, de nos d
428
éflexes et d’obsession ? N’est-elle pas une somme
de
nos défaites intimes, de nos dénis d’humanité, — le contraire absolu
429
N’est-elle pas une somme de nos défaites intimes,
de
nos dénis d’humanité, — le contraire absolu de la culture, si la cult
430
s une somme de nos défaites intimes, de nos dénis
d’
humanité, — le contraire absolu de la culture, si la culture est juste
431
s, de nos dénis d’humanité, — le contraire absolu
de
la culture, si la culture est justement la part active que prend l’ho
432
création dans la nature, dans l’histoire, dans la
vie
de l’esprit ? 24. Extrait d’un ouvrage intitulé Penser avec les m
433
tion dans la nature, dans l’histoire, dans la vie
de
l’esprit ? 24. Extrait d’un ouvrage intitulé Penser avec les main
434
istoire, dans la vie de l’esprit ? 24. Extrait
d’
un ouvrage intitulé Penser avec les mains , à paraître chez Albin Mic
435
hez Albin Michel. 25. Les injures et les marques
de
mépris hautain dont se gratinent les poètes, les essayistes et les po
436
nes, avec une fureur sans exemple dans l’histoire
de
la culture, trahissent en somme l’impuissance pratique de notre langu
437
lture, trahissent en somme l’impuissance pratique
de
notre langue. Si les mots « portaient » réellement, les écrivains ser
438
a Terreur qui règne en permanence dans les revues
d’
avant-garde est le signe d’une rupture de contact, d’un impuissant dép
439
anence dans les revues d’avant-garde est le signe
d’
une rupture de contact, d’un impuissant dépit, d’un profond pessimisme
440
s revues d’avant-garde est le signe d’une rupture
de
contact, d’un impuissant dépit, d’un profond pessimisme de la pensée
441
vant-garde est le signe d’une rupture de contact,
d’
un impuissant dépit, d’un profond pessimisme de la pensée qui désespèr
442
d’une rupture de contact, d’un impuissant dépit,
d’
un profond pessimisme de la pensée qui désespère d’atteindre et de mou
443
t, d’un impuissant dépit, d’un profond pessimisme
de
la pensée qui désespère d’atteindre et de mouvoir effectivement les h
444
’un profond pessimisme de la pensée qui désespère
d’
atteindre et de mouvoir effectivement les hommes. Cas de Nietzsche, de
445
simisme de la pensée qui désespère d’atteindre et
de
mouvoir effectivement les hommes. Cas de Nietzsche, des surréalistes,
446
indre et de mouvoir effectivement les hommes. Cas
de
Nietzsche, des surréalistes, etc. Ce sont des êtres isolés, qui crien
447
rement à ce qui se passe normalement dans les cas
d’
homonymie ou de polysémie. Ainsi l’on ne risque pas de confondre le vo
448
se passe normalement dans les cas d’homonymie ou
de
polysémie. Ainsi l’on ne risque pas de confondre le vol à la tire et
449
monymie ou de polysémie. Ainsi l’on ne risque pas
de
confondre le vol à la tire et le vol plané dans la conversation coura
450
ts politiques ou électoraux abondent en confusion
de
cette espèce et s’en nourrissent. L’opération fameuse qui consiste à
451
nner les casseroles et les haricots est à la base
de
l’éloquence démagogique. e. Rougemont Denis de, « Décadence des lie
452
de l’éloquence démagogique. e. Rougemont Denis
de
, « Décadence des lieux communs », Cahiers du Sud, Marseille, décembre
453
Changer la
vie
ou changer l’homme ? (1937)u Variations du communisme Opposez
454
nisme Opposez les dogmes chrétiens aux axiomes
de
Marx et d’Engels, les communistes vous répondront, non sans apparence
455
posez les dogmes chrétiens aux axiomes de Marx et
d’
Engels, les communistes vous répondront, non sans apparence d’à-propos
456
s communistes vous répondront, non sans apparence
d’
à-propos, que l’opération les laisse indifférents : ils sont sur le pl
457
on les laisse indifférents : ils sont sur le plan
de
l’histoire, non des vérités éternelles. Placez-vous donc sur ce plan
458
aucun doute les plus honnêtes), que la dictature
de
Staline se rapproche des régimes fascistes. Essayez d’en conclure que
459
aline se rapproche des régimes fascistes. Essayez
d’
en conclure que le communisme c’est cela, s’il se confond, comme on no
460
rejeté sur le plan doctrinal. Informez-vous alors
de
cette fameuse dialectique : vous apprendrez qu’elle fut inventée par
461
z qu’elle fut inventée par Hegel, qui eut le tort
de
la fonder sur l’Esprit, ce qui était proprement la poser sur la tête
462
it proprement la poser sur la tête : que le génie
de
Marx l’a remise sur ses pieds en la fondant sur la matière économique
463
ir au niveau du réel ; que son but primitif était
de
détruire l’État au profit de l’homme concret, non sans avoir d’abord
464
n but primitif était de détruire l’État au profit
de
l’homme concret, non sans avoir d’abord renforcé cet État jusqu’à l’e
465
enfin cette dictature disparaîtra nécessairement,
d’
elle-même, avec les derniers opposants. Vous pensiez être dans l’histo
466
ous demeurez sceptique : Staline, après vingt ans
de
pouvoir des Soviets, annonce une constitution qui renforce encore l’é
467
renforce encore l’étatisme, et ne parle même plus
de
sa suppression future. Au contraire, il fait fusiller ceux qui en par
468
n parlent. On vous répond que c’est une nécessité
de
la tactique, dûment prévue d’ailleurs par les dialecticiens. Alors, p
469
’obéissance aveugle à Staline, dépositaire unique
de
la doctrine. Quitter le plan des vérités éternelles pour entrer dans
470
n des vérités éternelles pour entrer dans le plan
de
l’histoire, cela signifiait donc, précisément, renoncer à la vérité,
471
r à la vérité, et ne croire plus qu’à la tactique
d’
un dictateur, lequel changera la vérité tous les six mois. Mais alors
472
changera la vérité tous les six mois. Mais alors
de
quoi donc parle-t-on lorsqu’on parle de communisme ? Où le prendre ?
473
ais alors de quoi donc parle-t-on lorsqu’on parle
de
communisme ? Où le prendre ? En quoi peut résider l’identité d’une do
474
? Où le prendre ? En quoi peut résider l’identité
d’
une doctrine qui prétend justifier théoriquement, à quelques années d’
475
rétend justifier théoriquement, à quelques années
d’
intervalle, la démocratie des Soviets, puis la dictature de Staline ;
476
lle, la démocratie des Soviets, puis la dictature
de
Staline ; le pacifisme à tout prix des débuts et l’impérialisme actue
477
e contre l’État, et en même temps, le capitalisme
d’
État de Lénine ; l’expropriation des patrons en 1918, puis la restaura
478
riation des patrons en 1918, puis la restauration
de
la propriété privée en 1933 ; la suppression de l’héritage puis son r
479
n de la propriété privée en 1933 ; la suppression
de
l’héritage puis son rétablissement ; l’antimilitarisme et la création
480
t ; l’antimilitarisme et la création enthousiaste
d’
une armée abondamment pourvue de maréchaux ; l’égalité sociale absolue
481
tion enthousiaste d’une armée abondamment pourvue
de
maréchaux ; l’égalité sociale absolue puis la course aux salaires et
482
s la course aux salaires et aux grades ; la ruine
de
la famille puis sa réfection systématique ; la critique acerbe de la
483
is sa réfection systématique ; la critique acerbe
de
la SDN puis l’entrée dans cet organisme ? Tout cela peut s’expliquer,
484
gentes, et je n’ai pas à porter, ici, un jugement
d’
allure politique. Mais ce qui est grave, c’est de voir tant d’intellec
485
d’allure politique. Mais ce qui est grave, c’est
de
voir tant d’intellectuels défendre ces manœuvres au nom de la doctrin
486
itique. Mais ce qui est grave, c’est de voir tant
d’
intellectuels défendre ces manœuvres au nom de la doctrine, et les jus
487
airement, un simple opportunisme ? Que sert alors
de
discuter, de confronter ? « Rien ne sera juste à cette balance » (Pas
488
simple opportunisme ? Que sert alors de discuter,
de
confronter ? « Rien ne sera juste à cette balance » (Pascal). Je m’en
489
uste à cette balance » (Pascal). Je m’en voudrais
d’
exploiter l’équivoque. Mais il fallait au moins rappeler son existence
490
dixièmes des adversaires du marxisme — et combien
de
marxistes eux-mêmes !) Si maintenant j’essaie de saisir l’identité fo
491
de marxistes eux-mêmes !) Si maintenant j’essaie
de
saisir l’identité foncière et la continuité de l’attitude communiste,
492
ie de saisir l’identité foncière et la continuité
de
l’attitude communiste, au travers des contradictions violentes de ses
493
mmuniste, au travers des contradictions violentes
de
ses témoignages successifs, je trouve tout de même, en fin de compte,
494
ompte, une grande volonté invariable : la volonté
de
changer le monde. Or une telle volonté ne saurait prendre son élan qu
495
ndre son élan que dans le sentiment insupportable
d’
un défaut inhérent au monde. Connaître qu’il existe un mal universel,
496
plus tortueux, mettons les détours dialectiques,
de
l’action du parti communiste41. La « cause » justifie les moyens… Mai
497
te croit que la société présente n’a pas le droit
de
déterminer le tout de l’homme, et ne le peut pas. Car elle est divisé
498
é présente n’a pas le droit de déterminer le tout
de
l’homme, et ne le peut pas. Car elle est divisée contre elle-même, et
499
s. Car elle est divisée contre elle-même, et fait
de
l’homme qui s’abandonne à elle un être antinomique, « divisé », et co
500
être antinomique, « divisé », et comme « aliéné »
de
ce qu’il y a de plus humain en lui. À la découverte de « cette aliéna
501
qu’il y a de plus humain en lui. À la découverte
de
« cette aliénation de soi », qui selon Marx serait le fait de toutes
502
ain en lui. À la découverte de « cette aliénation
de
soi », qui selon Marx serait le fait de toutes les sociétés passées,
503
liénation de soi », qui selon Marx serait le fait
de
toutes les sociétés passées, y compris le communisme primitif, corres
504
t, dans le diagnostic chrétien, la reconnaissance
d’
une corruption fondamentale, qui est le péché originel. Il s’ensuit qu
505
de et se « regagner totalement »43 qu’à la faveur
d’
une économie44 radicalement renouvelée. Une réaction semblable — toujo
506
nc le chrétien et le marxiste contre toute espèce
de
statisme, contre toute spéculation idéaliste, détachée et inactuelle,
507
et contre toute activité qui ne concourrait pas,
d’
une façon ou d’une autre, à transformer, à changer quelque chose, — à
508
e activité qui ne concourrait pas, d’une façon ou
d’
une autre, à transformer, à changer quelque chose, — à lutter efficace
509
ntre le mal universel. Cette volonté fondamentale
de
transformation, je la trouve formulée et résumée, de part et d’autre,
510
transformation, je la trouve formulée et résumée,
de
part et d’autre, par deux propositions parfaitement claires qui, tout
511
ion, je la trouve formulée et résumée, de part et
d’
autre, par deux propositions parfaitement claires qui, tout en affirma
512
qui, tout en affirmant avec vigueur la nécessité
d’
un « changement », et d’un changement pratique, concret, visible, dive
513
avec vigueur la nécessité d’un « changement », et
d’
un changement pratique, concret, visible, divergent cependant, d’une m
514
pratique, concret, visible, divergent cependant,
d’
une manière significative, quant aux voies et moyens qu’elles préconis
515
voies et moyens qu’elles préconisent. La 2e thèse
de
Marx sur Feuerbach affirme : Les philosophes n’ont fait jusqu’ici qu
516
er diversement le monde ; or il s’agit maintenant
de
le transformer. Et l’apôtre Paul écrit dans sa Lettre aux Romains (1
517
ent, mais soyez transformés par le renouvellement
de
votre sens, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, c
518
s, afin que vous discerniez quelle est la volonté
de
Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait. Dans les deux cas, il s’a
519
l s’agit du même mot : transformer ; et il s’agit
de
transformer en tant que l’on est proprement humain (c’est-à-dire en t
520
on fait la révolution, pour Marx). Il s’agit donc
d’
action. Il s’agit d’attester soit la foi, par une réalisation des volo
521
n, pour Marx). Il s’agit donc d’action. Il s’agit
d’
attester soit la foi, par une réalisation des volontés de Dieu, contra
522
ter soit la foi, par une réalisation des volontés
de
Dieu, contrariant celles du siècle, — soit la pensée, par une action4
523
re que révolutionnaire. Et cependant l’opposition
de
Marx et de l’apôtre éclate en ceci : que Paul veut transformer l’homm
524
lutionnaire. Et cependant l’opposition de Marx et
de
l’apôtre éclate en ceci : que Paul veut transformer l’homme d’abord —
525
d’abord, — et l’homme par lui. C’est sur le fait
de
cette opposition centrale qu’il importe d’être bien au clair, si l’on
526
e fait de cette opposition centrale qu’il importe
d’
être bien au clair, si l’on veut comprendre pourquoi la pratique et le
527
les dérivent d’ailleurs obscurément, mais coupées
de
leurs liens éternels, abandonnées aux seules lois du Temps. De la
528
ternels, abandonnées aux seules lois du Temps.
De
la polémique antispiritualiste à la doctrine marxiste On ne répéte
529
répétera jamais assez que la doctrine originelle
de
Marx est avant tout la mise en forme d’une polémique. Elle est, très
530
riginelle de Marx est avant tout la mise en forme
d’
une polémique. Elle est, très consciemment, conditionnée par la situat
531
très consciemment, conditionnée par la situation
de
l’Europe occidentale vers le milieu du xixe siècle, et par la volont
532
vers le milieu du xixe siècle, et par la volonté
de
la changer. En particulier, elle n’est « matérialiste », au sens vulg
533
sens vulgaire, que dans la mesure où la mentalité
de
l’époque peut être qualifiée — et se qualifie elle-même — de spiritua
534
peut être qualifiée — et se qualifie elle-même —
de
spiritualiste, au sens le plus contestable du terme. Quelle était, du
535
ituation qui se présentait à Marx ? C’était celle
de
la Restauration. Professeurs et bourgeois libéraux, grands patrons du
536
issant en Angleterre et en Allemagne, théologiens
de
l’école hégélienne, ou adversaires du christianisme, tous, dans un co
537
fait que le constater. Elle n’empêchait nullement
de
faire des affaires. Ni d’opprimer les ouvriers. Ni d’appeler justice,
538
e n’empêchait nullement de faire des affaires. Ni
d’
opprimer les ouvriers. Ni d’appeler justice, au besoin, ce qui était u
539
aire des affaires. Ni d’opprimer les ouvriers. Ni
d’
appeler justice, au besoin, ce qui était utile aux maîtres. La religio
540
s son temps à dénoncer l’erreur qui est à la base
d’
une pareille imposture : il la sait trop profondément enracinée dans l
541
est la seule arme dont il disposerait sur le plan
de
l’« esprit », car il est incroyant. D’ailleurs, ce n’est pas l’« espr
542
ain. Il lui faudra donc recourir à un autre ordre
d’
arguments : ceux que l’on dit « matérialistes ». Ce seront d’une part
543
d’autre part la « science » infaillible des lois
de
l’évolution économique, qu’il formule. Je résume et je simplifie ce p
544
étendent réformer « l’intérieur » se gardent bien
de
toucher à l’extérieur. Marx dira donc, contre eux, qu’il faut d’abord
545
songe spiritualiste, opposons l’argument frappant
d’
un matérialisme polémique : nous l’appellerons matérialisme dialectiqu
546
ref qu’il n’est en somme qu’une tactique. Faisons
de
nécessité vertu. Proposons-nous de changer les choses et leurs rappor
547
tique. Faisons de nécessité vertu. Proposons-nous
de
changer les choses et leurs rapports, de changer « le monde », c’est-
548
ons-nous de changer les choses et leurs rapports,
de
changer « le monde », c’est-à-dire les rapports économiques et sociau
549
angerons l’homme. D’ailleurs, peut-être suffit-il
de
changer le cadre matériel pour que le contenu se transforme ? N’a-t-o
550
à son jeu polémique. Ce ne fut guère qu’à la fin
de
sa carrière que son ami Engels en découvrit le danger. « Marx et moi
551
t-il en 1890 — nous sommes peut-être responsables
de
ce que parfois nos disciples ont insisté plus qu’il ne convenait sur
552
sur les facteurs économiques. Nous étions forcés
d’
insister sur leur caractère fondamental, par opposition à nos adversai
553
nous n’eûmes pas toujours le temps ni l’occasion
de
rendre justice aux autres facteurs. » De la doctrine marxiste à la
554
asion de rendre justice aux autres facteurs. »
De
la doctrine marxiste à la tactique stalinienne En effet, de ce « m
555
e marxiste à la tactique stalinienne En effet,
de
ce « mensonge » opportuniste qu’était le matérialisme polémique, prom
556
mique, promu par un glissement inévitable au rang
de
doctrine du parti, devait sortir la « vérité » tactique du matérialis
557
ire, celui que la presse bourgeoise a si beau jeu
d’
attaquer aujourd’hui — encore qu’elle le pratique elle-même sans vergo
558
sans vergogne, tout en le niant pour les besoins
de
sa cause. Ce matérialisme vulgaire, que Marx avait tout d’abord comba
559
rès lui, un mensonge absolu exactement symétrique
de
celui des idéalistes : la croyance que si l’on change l’ordre des cho
560
e erreur non moins grave que celle des défenseurs
de
l’esprit pur : l’erreur qui porte l’homme à croire que la cause de to
561
l’erreur qui porte l’homme à croire que la cause
de
tous ses malheurs est dans les choses, et non dans lui. (Il n’en fut
562
mes — dont on a fait des résumés — qu’il a raison
de
croire cela. Bien plus, Marx vient lui démontrer que ceux qui prétend
563
, car l’argent distribué aux masses ne manque pas
de
créer du bonheur. Pour réussir, il faut une discipline. Pour la maint
564
, aux scrupuleux, libre au camarade Gide lui-même
de
s’indigner : il faut ce qu’il faut. L’étatisme dictatorial contredit
565
aut. L’étatisme dictatorial contredit la doctrine
de
Marx ? Qu’importe, puisque le but final est la richesse, mère du bonh
566
ulu le matérialisme vulgaire. Mais les nécessités
de
la polémique d’une part, — et sa définition de l’homme concret, purem
567
és de la polémique d’une part, — et sa définition
de
l’homme concret, purement social, d’autre part, l’ont amené à mettre
568
ienne devant le « monde » On parle avec raison
de
« doctrine » marxiste, d’« idéologie », de « tactique » communistes.
569
On parle avec raison de « doctrine » marxiste,
d’
« idéologie », de « tactique » communistes. Mais ce serait introduire
570
raison de « doctrine » marxiste, d’« idéologie »,
de
« tactique » communistes. Mais ce serait introduire une confusion irr
571
serait introduire une confusion irrémédiable que
de
parler dans le même sens d’une « doctrine » du christianisme. Le chré
572
sion irrémédiable que de parler dans le même sens
d’
une « doctrine » du christianisme. Le chrétien, et surtout le protesta
573
s dogmes théologiques puissent figurer la théorie
d’
une pratique49. Le christianisme n’est pas un programme ; ni, comme le
574
; ni une tactique, cela va de soi. Parlons plutôt
d’
une attitude. Et d’une attitude totale. (Je dirais bien totalitaire, s
575
cela va de soi. Parlons plutôt d’une attitude. Et
d’
une attitude totale. (Je dirais bien totalitaire, si le mot n’avait ét
576
eillement perverti par les caricatures séculières
de
la révolution chrétienne.) La vie et la pensée chrétiennes, en effet,
577
tures séculières de la révolution chrétienne.) La
vie
et la pensée chrétiennes, en effet, se réfèrent à chaque instant à ce
578
èrent à chaque instant à ce qui détermine le tout
de
l’homme : son origine, sa fin, et sa mission présente. Le chrétien sa
579
t de Dieu, le Créateur ; qu’il va vers le Royaume
de
Dieu, le Réconciliateur ; et qu’il a pour mission actuelle d’obéir à
580
Réconciliateur ; et qu’il a pour mission actuelle
d’
obéir à une Parole qui est Jésus-Christ, le Médiateur. Mais cette Paro
581
l méconnaît, ne sont que les reflets énigmatiques
de
cet événement primordial — ses succédanés temporels, en dérive vers l
582
s qu’à attendre, et à subir en gémissant les lois
d’
un monde qu’il condamne ! Car alors, où serait son refus ? Et quelle p
583
serait son refus ? Et quelle preuve aurions-nous
de
sa transformation ? Une mauvaise humeur résignée ? Une simple réticen
584
leur aveuglement quant au devoir, et au pouvoir,
de
l’homme transformé par la foi. L’homme nouveau, selon l’Évangile, est
585
veau, selon l’Évangile, est un homme qui a changé
de
sens. Il est orienté autrement, comme l’indique le mot conversion. Ob
586
se, il reconnaît du même coup l’origine et le but
de
sa vie : il connaît dès lors son péché, tout ce qui l’écartait de sa
587
reconnaît du même coup l’origine et le but de sa
vie
: il connaît dès lors son péché, tout ce qui l’écartait de sa voie. M
588
onnaît dès lors son péché, tout ce qui l’écartait
de
sa voie. Mais il se connaît du même coup responsable à l’endroit du m
589
faute. Ainsi : conscience du péché, connaissance
de
la fin et de l’origine, obligation d’agir pour racheter le mal commis
590
: conscience du péché, connaissance de la fin et
de
l’origine, obligation d’agir pour racheter le mal commis, sont trois
591
onnaissance de la fin et de l’origine, obligation
d’
agir pour racheter le mal commis, sont trois moments indivisibles de l
592
er le mal commis, sont trois moments indivisibles
de
la « transformation » dont parle Paul. L’un n’est pas concevable, sér
593
sement, sans l’autre. « Toute droite connaissance
de
Dieu naît de l’obéissance », écrit Calvin. Et que serait une obéissan
594
l’autre. « Toute droite connaissance de Dieu naît
de
l’obéissance », écrit Calvin. Et que serait une obéissance qui ne se
595
as ? La transformation personnelle, au sens total
de
l’Évangile, ne peut donc se traduire, si elle s’est faite, que par un
596
t pas converti — mais encore toute transformation
de
la forme actuelle des choses, qui ne serait pas l’effet d’une convers
597
me actuelle des choses, qui ne serait pas l’effet
d’
une conversion des hommes, ne doit être aux yeux du chrétien, qu’une r
598
’Évangile est formel : « Que servirait à un homme
de
gagner le monde, s’il perdait son âme ? » Son âme, c’est-à-dire la co
599
t son âme ? » Son âme, c’est-à-dire la conscience
de
son origine et de sa fin, du sens même de son action, de sa pensée, d
600
âme, c’est-à-dire la conscience de son origine et
de
sa fin, du sens même de son action, de sa pensée, de sa vie corporell
601
science de son origine et de sa fin, du sens même
de
son action, de sa pensée, de sa vie corporelle ! Précisons, car nous
602
origine et de sa fin, du sens même de son action,
de
sa pensée, de sa vie corporelle ! Précisons, car nous ne parlons pas
603
sa fin, du sens même de son action, de sa pensée,
de
sa vie corporelle ! Précisons, car nous ne parlons pas de vérités « p
604
, du sens même de son action, de sa pensée, de sa
vie
corporelle ! Précisons, car nous ne parlons pas de vérités « purement
605
e corporelle ! Précisons, car nous ne parlons pas
de
vérités « purement théologiques » comme le dirait un incroyant. Que s
606
servirait à l’homme, tel que le voit le chrétien,
de
sauver sa vie matérielle et morale, d’échapper à la guerre, à la misè
607
’homme, tel que le voit le chrétien, de sauver sa
vie
matérielle et morale, d’échapper à la guerre, à la misère, à l’oppres
608
chrétien, de sauver sa vie matérielle et morale,
d’
échapper à la guerre, à la misère, à l’oppression, s’il ignore ou refu
609
les guerres se déchaîner, et les chômeurs mourir
de
faim ? Ce serait prouver qu’on n’est pas converti. J’agirai donc, tou
610
stes Telle étant donc la conception chrétienne
de
l’homme, seul responsable du mal qui est dans le monde, on comprendra
611
i apparaisse nécessairement borné. Je me servirai
d’
une image. L’enfant qui rate son coup, ou qui se heurte contre un meub
612
es à s’entendre et à vivre heureux ? « Changer la
vie
», criait l’enfant Rimbaud ! Et les intellectuels de gauche reprennen
613
», criait l’enfant Rimbaud ! Et les intellectuels
de
gauche reprennent aujourd’hui cette devise, pour l’opposer au « spiri
614
leur ôte toute liberté, et bientôt leur ôtera la
vie
! Ne faut-il pas « aller au plus pressé », sauver d’abord sa peau, re
615
ti chrétien » eût triomphé, rien ne l’eût empêché
de
subir le sort fatal des révoltes politiques : il eût revêtu les forme
616
temps plus paisibles l’évangélisation — sa raison
d’
être — il se fût consacré aux tâches plus urgentes : donner du pain et
617
nouvelle, absolument nouvelle, venant d’ailleurs,
d’
au-delà de ce monde, de leur transformation en Christ, venu au monde.
618
absolument nouvelle, venant d’ailleurs, d’au-delà
de
ce monde, de leur transformation en Christ, venu au monde. Il n’annon
619
uvelle, venant d’ailleurs, d’au-delà de ce monde,
de
leur transformation en Christ, venu au monde. Il n’annonçait pas un f
620
ement salutaire, au nom d’une Personne vivante et
de
son amour éternel. Il annonçait l’homme changé. Trop beau tout cela !
621
ne foi que ma raison refuse, et qu’elle m’ordonne
d’
ignorer. Je ne vois pas les effets d’une telle foi dans l’histoire de
622
le m’ordonne d’ignorer. Je ne vois pas les effets
d’
une telle foi dans l’histoire de notre Occident52. Si je n’ai pas votr
623
is pas les effets d’une telle foi dans l’histoire
de
notre Occident52. Si je n’ai pas votre foi, je ne les vois pas. Je vo
624
êchant la résignation. C’est vraiment trop facile
de
se mettre en règle avec sa mauvaise conscience, en prétextant que l’i
625
nt que l’intérieur importe seul, et que le « pain
de
vie » suffit à nourrir l’homme ! Peut-être suffit-il à vous nourrir,
626
que l’intérieur importe seul, et que le « pain de
vie
» suffit à nourrir l’homme ! Peut-être suffit-il à vous nourrir, pers
627
ovoqué parmi les « exploités » un tel soulèvement
d’
espérances, de telles vagues d’adhésions enthousiastes, si aveuglement
628
es « exploités » un tel soulèvement d’espérances,
de
telles vagues d’adhésions enthousiastes, si aveuglement enthousiastes
629
un tel soulèvement d’espérances, de telles vagues
d’
adhésions enthousiastes, si aveuglement enthousiastes, c’est qu’il s’e
630
xistence, tout le malheur dont en vérité le péché
de
chacun est responsable. L’observation est juste ; elle est insuffisan
631
’est sa volonté proclamée, concrète et immédiate,
de
changer tout ; et non pas seulement l’« esprit » ou l’« intérieur ».
632
aine n’a plus été prêchée au monde avec une force
d’
attaque assez gênante et bouleversante. C’est que l’« esprit » qui dev
633
s conformismes, ou du moins n’a pas su, par excès
de
prudence, empêcher que les foules le considèrent comme tel. Les chrét
634
chrétiens sont bien plus responsables des succès
de
Marx auprès des foules, que le marxisme n’est responsable du déclin d
635
conscience plus fidèle, partant plus douloureuse
de
ce fait, je crois qu’ils éviteraient d’attaquer le marxisme dans les
636
uloureuse de ce fait, je crois qu’ils éviteraient
d’
attaquer le marxisme dans les mêmes termes que la réaction. Mais ceci
637
ntenu, il reste qu’en doctrine, et indépendamment
de
toutes nos fautes, l’objection marxiste ne vaut rien, alors que l’obj
638
enne est imparable. Quand un marxiste me reproche
de
me contenter d’un changement tout spirituel, et qui n’affecte en rien
639
le. Quand un marxiste me reproche de me contenter
d’
un changement tout spirituel, et qui n’affecte en rien le cours des ch
640
sse à mon hypocrisie, à ma lâcheté, à mon absence
de
foi, mais non pas du tout à la foi. Car la foi, dit Luther, est ‟une
641
changent. Ce que tu me reproches, c’est, en fait,
de
n’être pas assez chrétien ! Tu m’incites donc à le devenir davantage,
642
eligion. Ton athéisme devient prédication ! Drôle
d’
aventure, pour un dialecticien ! Si tu dis que le chrétien est celui q
643
ntiel du marxisme, je le répète, c’est sa volonté
de
changer le monde, le monde d’abord, et non pas l’homme d’abord, et le
644
l’excès du matérialisme, non point par la malice
de
Staline, mais par l’effet des conditions physiques et spirituelles de
645
l’effet des conditions physiques et spirituelles
de
l’homme en ce qu’elles ont d’irréductibles à toute détermination soci
646
ues et spirituelles de l’homme en ce qu’elles ont
d’
irréductibles à toute détermination sociale ou historique imaginable,
647
ir53. Le problème des fins dernières : Royaume
de
Dieu ou paradis terrestre ? Nous arrivons maintenant, toute équivo
648
le problème se posait avec urgence, aux environs
de
1933, de réunir dans un même enthousiasme, « les deux Karl », c’est-à
649
ème se posait avec urgence, aux environs de 1933,
de
réunir dans un même enthousiasme, « les deux Karl », c’est-à-dire Bar
650
ue proprement théologique se révèle seule capable
de
marquer les limites existant en fait, et les distinctions décisives.
651
ique du communisme n’est justiciable, en soi, que
d’
une critique politique, économique, historique, etc.55 Et je ne vois p
652
nique. Mais ce qui tombe directement sous le coup
de
la seule critique théologique, ce sont les buts derniers du communism
653
es postulats qu’il suppose. Qu’on me permette ici
d’
être un peu schématique pour plus de clarté. Il me paraît que l’opposi
654
permette ici d’être un peu schématique pour plus
de
clarté. Il me paraît que l’opposition finale entre la croyance marxis
655
prépare un paradis terrestre, le paradis temporel
de
l’homme ; le christianisme prépare un Royaume éternel, qui sera celui
656
anisme prépare un Royaume éternel, qui sera celui
de
Dieu, non de la Terre. Tous deux sont eschatologiques, en ce sens qu’
657
e un Royaume éternel, qui sera celui de Dieu, non
de
la Terre. Tous deux sont eschatologiques, en ce sens qu’ils rapporten
658
à un terme futur et total, accessible au travers
d’
une longue tribulation, d’une longue passion temporelle. Et c’est la «
659
, accessible au travers d’une longue tribulation,
d’
une longue passion temporelle. Et c’est la « foi », substance des chos
660
, substance des choses espérées, qui permet seule
de
supporter les maux que l’on endure au nom du but dernier. (Le chrétie
661
te sur son bûcher, le komsomol accepte un salaire
de
famine s’il faut cela pour sauver l’URSS.) Mais l’eschaton chrétien e
662
ver l’URSS.) Mais l’eschaton chrétien est au-delà
de
ce temps, est éternel, et par là même peut être immédiatement présent
663
xister hic et nunc. Comment l’opposition radicale
de
ces deux fins, la temporelle et l’éternelle, va-t-elle maintenant se
664
nt se manifester dans notre siècle ? Le phénomène
de
la « conversion » le fait bien voir. Un homme qui se convertit au chr
665
au-dedans de lui. Cet homme n’est plus le maître
de
sa vie. Il est l’agent d’une vocation venue d’ailleurs, mais pour lui
666
dans de lui. Cet homme n’est plus le maître de sa
vie
. Il est l’agent d’une vocation venue d’ailleurs, mais pour lui seul e
667
me n’est plus le maître de sa vie. Il est l’agent
d’
une vocation venue d’ailleurs, mais pour lui seul et ici-bas, et qui a
668
elle porte témoignage en faveur du fait accompli
d’
une révolution humaine. Le chrétien converti commence donc par la fin
669
ossède déjà l’essentiel, que Marx voyait au terme
de
l’histoire : la personne. Et alors, il attaque le monde ! Mais un hom
670
est pas accompli, l’histoire n’ayant jamais connu
de
réalisation de communisme. Ainsi, des deux, c’est le marxiste qui est
671
i, l’histoire n’ayant jamais connu de réalisation
de
communisme. Ainsi, des deux, c’est le marxiste qui est l’utopiste ; e
672
ée, me montre dès maintenant un peu de la réalité
de
mes espérances. » Mais l’espérance finale du communisme, c’est la lib
673
pérance finale du communisme, c’est la libération
de
l’homme. Et moi je lui montre un homme libéré, tandis qu’il ne peut m
674
me montrer que quelques conditions préliminaires
d’
une libération toujours future. Je marquerai encore une autre différen
675
ar là même, il se voit contraint à chaque instant
de
transformer autour de lui ce qui s’oppose à son bien souverain. S’il
676
rain. S’il est chrétien, il sait qu’il est membre
d’
un corps qui porte toutes les marques du péché. Il est alors en face d
677
hé. Il est alors en face du monde, et au nom même
de
sa foi, dans la posture d’un révolutionnaire permanent. Non seulement
678
monde, et au nom même de sa foi, dans la posture
d’
un révolutionnaire permanent. Non seulement il se voit contraint de ve
679
ire permanent. Non seulement il se voit contraint
de
venir en aide à son prochain, mais encore rien ne peut le satisfaire
680
prochain, mais encore rien ne peut le satisfaire
de
ce qu’il obtient, par cet effort, s’il compare ce mieux-être relatif
681
reçu en Christ. Il possède en lui-même la mesure
d’
une perpétuelle transformation, nécessaire dans tous les domaines où s
682
ices présentes, du fait qu’il croit que l’intérêt
de
l’homme est seul en jeu — et de l’homme tel qu’il le conçoit, être so
683
oit que l’intérêt de l’homme est seul en jeu — et
de
l’homme tel qu’il le conçoit, être social — se verra fatalement neutr
684
t entre les intérêts sociaux présents et le désir
d’
aller au-delà, d’aller jusqu’à l’accomplissement final. Car cet accomp
685
êts sociaux présents et le désir d’aller au-delà,
d’
aller jusqu’à l’accomplissement final. Car cet accomplissement, ou plé
686
déviations dites « réformistes » ou « étatistes »
de
la révolution matérialiste. Pour qu’une telle pesanteur ne gagne pas
687
et en 1917), il faudrait que l’homme soit délivré
de
son péché, « changé », sorti du plan, précisément, où le marxisme le
688
écisément, où le marxisme le maintient. Moyens
d’
action du chrétien et du marxiste Préparer le royaume de l’homme, o
689
du chrétien et du marxiste Préparer le royaume
de
l’homme, ou témoigner par des actes visibles en faveur du retour d’un
690
oigner par des actes visibles en faveur du retour
d’
un Royaume déjà réalisé en Christ, cela suppose identiquement une volo
691
en Christ, cela suppose identiquement une volonté
de
changer tout ce qui peut l’être ; mais aussi, cela suppose certains m
692
l’être ; mais aussi, cela suppose certains moyens
d’
action qui ne sauraient être les mêmes dans les deux cas, si la fin se
693
seule justifie les moyens58. La fin, ou le télos
de
l’action du chrétien, c’est le royaume de justice et d’amour. Tout ac
694
e télos de l’action du chrétien, c’est le royaume
de
justice et d’amour. Tout acte qui contredirait, dans le présent, la l
695
ction du chrétien, c’est le royaume de justice et
d’
amour. Tout acte qui contredirait, dans le présent, la loi d’amour et
696
ut acte qui contredirait, dans le présent, la loi
d’
amour et de justice, même s’il était commis au nom des intérêts de l’É
697
contredirait, dans le présent, la loi d’amour et
de
justice, même s’il était commis au nom des intérêts de l’Église chrét
698
stice, même s’il était commis au nom des intérêts
de
l’Église chrétienne, détruirait en fait cette Église en tant qu’elle
699
fait cette Église en tant qu’elle vit dans chacun
de
ses membres, et non pas dans un ciel abstrait. Car le gage de l’actio
700
es, et non pas dans un ciel abstrait. Car le gage
de
l’action chrétienne n’est pas futur, mais éternel et donc présent. Si
701
éternel et donc présent. Si, pour sauver le futur
de
l’Église, je désobéis dans le présent, je perds tout du même coup, pr
702
st et je m’oppose à son retour. Il n’est donc pas
d’
« opportunisme » chrétien qui tienne, et tous les moyens du chrétien d
703
est le cas du marxiste. N’ayant pas derrière lui
de
modèle accompli, ni en lui de Présence souveraine, il se sent libre d
704
nt pas derrière lui de modèle accompli, ni en lui
de
Présence souveraine, il se sent libre d’appliquer les moyens qu’il ju
705
i en lui de Présence souveraine, il se sent libre
d’
appliquer les moyens qu’il juge adéquats aux intérêts momentanés de so
706
oyens qu’il juge adéquats aux intérêts momentanés
de
son Parti et de sa classe. Ainsi Staline peut justifier en bonne doct
707
adéquats aux intérêts momentanés de son Parti et
de
sa classe. Ainsi Staline peut justifier en bonne doctrine « dialectiq
708
ialectique » ses négations actuelles du but final
de
Marx. Il légitime son étatisme totalitaire en arguant que c’est le se
709
me totalitaire en arguant que c’est le seul moyen
d’
accéder à un stade économique plus favorable au développement du socia
710
la vraie volonté du marxisme, plutôt qu’un reste
d’
humanisme libéral. Le fait est que la grosse majorité des communistes
711
la grosse majorité des communistes suit Staline.
D’
où il résulte à l’évidence que pour la grosse majorité des communistes
712
’oppression, l’hypocrisie suprême nommée « raison
d’
État », et jusqu’à la guerre s’il le faut, sont des moyens parfaitemen
713
te » personnelle et actuelle, puisqu’il n’y a pas
de
salut présent ni éternel, puisque le salut n’est pas pour eux de tout
714
t ni éternel, puisque le salut n’est pas pour eux
de
toute façon, mais pour les descendants de leurs descendants ? C’est a
715
our eux de toute façon, mais pour les descendants
de
leurs descendants ? C’est ainsi qu’on a vu Zinoviev, par « fidélité »
716
Imaginez maintenant qu’un vrai chrétien juge bon
de
s’inscrire au parti communiste ou de militer en sa faveur : l’alterna
717
ien juge bon de s’inscrire au parti communiste ou
de
militer en sa faveur : l’alternative où il se place est sans issue. C
718
ans issue. Car ou bien il accepte les disciplines
d’
action que lui impose son parti, et qui comportent la haine et le mens
719
ais alors pour sauver le monde, il perd sa raison
d’
être personnelle, et renie justement cette foi qu’il croyait mieux ser
720
ieux servir dans le communisme ; ou bien il tâche
de
n’agir qu’en chrétien ; mais alors il devient un opposant, un « trotz
721
a fin dernière du chrétien est présente en chacun
de
ses actes, ou bien n’est pas ; tandis que la fin dernière du marxiste
722
’on voit qu’en dépit du langage, la transcendance
de
la foi chrétienne se manifeste ici et maintenant et engage le tout de
723
se manifeste ici et maintenant et engage le tout
de
l’homme ; tandis que l’immanence de la croyance marxiste renvoie sans
724
ngage le tout de l’homme ; tandis que l’immanence
de
la croyance marxiste renvoie sans cesse le fait humain total dans un
725
indéfini, et n’engage que certaines dispositions
de
l’être, celles-là précisément que l’avenir socialiste, la société san
726
le chrétien sait que le bien naît du parfait.
D’
une conséquence politique de la foi Je m’adresserai maintenant aux
727
n naît du parfait. D’une conséquence politique
de
la foi Je m’adresserai maintenant aux chrétiens déclarés. J’en voi
728
vois beaucoup qui estiment que la transformation
de
l’homme importe seule, puisqu’elle est, en effet, l’essentiel, et le
729
puisqu’elle est, en effet, l’essentiel, et le but
de
tout autre changement. J’en vois beaucoup qui jugent que l’action per
730
vois beaucoup qui jugent que l’action personnelle
de
charité et de sacrifice, pour le mieux-être du prochain, suffit à com
731
qui jugent que l’action personnelle de charité et
de
sacrifice, pour le mieux-être du prochain, suffit à compléter, si je
732
des risques financiers, et même parfois l’abandon
de
tous biens et d’intérêts humains très chers. Mais je demande à ces ch
733
ciers, et même parfois l’abandon de tous biens et
d’
intérêts humains très chers. Mais je demande à ces chrétiens « changés
734
isme le plus « activiste ». Pourquoi refusent-ils
de
s’occuper de politique ? Comment se fait-il qu’un grand nombre d’entr
735
« activiste ». Pourquoi refusent-ils de s’occuper
de
politique ? Comment se fait-il qu’un grand nombre d’entre eux s’en dé
736
nt : « On ne peut pas tout faire ! Quand beaucoup
d’
hommes seront changés, beaucoup de problèmes se poseront autrement… »
737
ations toutes théoriques : elle doit nous avertir
de
corriger sans trêve la déviation spiritualiste qui menace notre vie c
738
trêve la déviation spiritualiste qui menace notre
vie
chrétienne, et qui est la cause certaine des succès du marxisme. Tant
739
ue leur foi doit se manifester sur tous les plans
de
l’activité humaine, y compris le plan politique, ils ne répondront pa
740
olitique chrétienne, déduite une fois pour toutes
de
la théologie. Mais je crois que le christianisme, aussitôt qu’il se m
741
intime, à la création d’autres formes. Il importe
de
savoir lesquelles, et de les préparer consciemment. Sinon nous laisse
742
utres formes. Il importe de savoir lesquelles, et
de
les préparer consciemment. Sinon nous laisserons le champ libre à tou
743
ntes. Il se pose là, me semble-t-il, une question
de
solidarité, qui est une forme de la charité. Parfois aussi le devoir
744
il, une question de solidarité, qui est une forme
de
la charité. Parfois aussi le devoir chrétien peut apparaître plus his
745
fasciste ou soviétique : c’est la « mise au pas »
de
nos vies et de tous les aspects de nos vies, tant spirituels que maté
746
e ou soviétique : c’est la « mise au pas » de nos
vies
et de tous les aspects de nos vies, tant spirituels que matériels, au
747
iétique : c’est la « mise au pas » de nos vies et
de
tous les aspects de nos vies, tant spirituels que matériels, au servi
748
mise au pas » de nos vies et de tous les aspects
de
nos vies, tant spirituels que matériels, au service de l’État déifié.
749
u pas » de nos vies et de tous les aspects de nos
vies
, tant spirituels que matériels, au service de l’État déifié. Cette si
750
s vies, tant spirituels que matériels, au service
de
l’État déifié. Cette situation n’est pas sans rappeler celle de l’Emp
751
ié. Cette situation n’est pas sans rappeler celle
de
l’Empire romain au premier âge du christianisme, telle que nous l’évo
752
p bien organisées). On parle, à tort ou à raison,
d’
États chrétiens, ou de nations, de forces, de civilisation chrétiennes
753
parle, à tort ou à raison, d’États chrétiens, ou
de
nations, de forces, de civilisation chrétiennes. Tout cela se trouve
754
rt ou à raison, d’États chrétiens, ou de nations,
de
forces, de civilisation chrétiennes. Tout cela se trouve mis au défi
755
son, d’États chrétiens, ou de nations, de forces,
de
civilisation chrétiennes. Tout cela se trouve mis au défi par l’exige
756
xigence totalitaire, comme le prouve le spectacle
de
l’Allemagne. L’État nouveau veut qu’on l’adore, sinon déjà dans des f
757
sent aux commandements du Décalogue, et au devoir
d’
amour chrétien. Le conflit est inévitable. Suffira-t-il dès lors de se
758
Le conflit est inévitable. Suffira-t-il dès lors
de
se laisser persécuter ? N’avons-nous rien à faire qu’à subir le marty
759
Ou qu’à revêtir vis-à-vis de l’État une attitude
d’
objecteurs de conscience ? N’avons-nous rien que nous-mêmes à sauver,
760
tir vis-à-vis de l’État une attitude d’objecteurs
de
conscience ? N’avons-nous rien que nous-mêmes à sauver, alors que nos
761
précise : un calviniste, doit être ici en mesure
de
répondre. De toutes les églises chrétiennes, l’église calviniste est
762
calviniste, doit être ici en mesure de répondre.
De
toutes les églises chrétiennes, l’église calviniste est en effet la p
763
elle qu’en passant les dragonnades et les guerres
de
religion qui les précèdent : on sait assez que ce fut la lutte d’une
764
les précèdent : on sait assez que ce fut la lutte
d’
une royauté déjà « totalitaire » contre des groupes, loyalistes il est
765
certaine mise au pas. Il serait peut-être abusif
de
déduire d’une situation déterminée par la persécution brutale, que le
766
ise au pas. Il serait peut-être abusif de déduire
d’
une situation déterminée par la persécution brutale, que les églises c
767
Mais si nous remontons plus haut, jusqu’au règne
de
François Ier, c’est-à-dire jusqu’à une époque où la passion totalitai
768
nsciemment fédérative61. Or il ne s’agit plus ici
de
contingences historiques. C’est le fond même de la doctrine calvinist
769
i de contingences historiques. C’est le fond même
de
la doctrine calviniste qui s’exprime par cette structure. L’importanc
770
ure. L’importance attachée par Calvin à la notion
de
vocation personnelle suffit à expliquer ce processus. À une éthique c
771
spond nécessairement une organisation fédéraliste
de
l’Église, et même de l’État. Calvin n’a pas fondé, comme le répètent
772
une organisation fédéraliste de l’Église, et même
de
l’État. Calvin n’a pas fondé, comme le répètent tous les manuels, une
773
, une société théocratique, mais bien une société
de
type fédératif, respectant les diversités, voulues par Dieu, dans l’u
774
par Dieu, dans l’unité spirituelle. Et les suites
de
cette création sont encore visibles aujourd’hui : nulle part l’esprit
775
nulle part l’esprit totalitaire n’a trouvé moins
de
complicité et plus de résistance déclarée que dans les pays calvinist
776
otalitaire n’a trouvé moins de complicité et plus
de
résistance déclarée que dans les pays calvinistes, où la notion de l’
777
larée que dans les pays calvinistes, où la notion
de
l’autonomie des groupes reste vivace (Angleterre, Écosse, Suisse, Hol
778
gne, la lutte des églises contre l’emprise morale
de
l’État fut menée, on le sait, par Karl Barth : c’est-à-dire par un ca
779
viniste… Je ne voudrais pas restreindre la portée
de
ce fait en l’opposant, comme il serait facile, à l’esprit unitaire et
780
l’esprit unitaire et impérial qui anime l’Église
de
Rome. Le grand souci d’œcuménisme, que nous voyons gagner toutes les
781
périal qui anime l’Église de Rome. Le grand souci
d’
œcuménisme, que nous voyons gagner toutes les églises, est une promess
782
s, est une promesse à laquelle nous devons croire
de
toute la force de notre foi. Aussi ne veux-je tirer de mon exemple qu
783
e à laquelle nous devons croire de toute la force
de
notre foi. Aussi ne veux-je tirer de mon exemple qu’une conclusion qu
784
ute la force de notre foi. Aussi ne veux-je tirer
de
mon exemple qu’une conclusion que je crois valable pour tout chrétien
785
ue église qu’il appartienne. Nous avons tous reçu
de
Dieu un appel strictement personnel, un « charisme » dont nous sommes
786
les. Nous ne pouvons donc pas approuver une forme
d’
État qui, par définition, contredit toute diversité, toute autonomie s
787
mie spirituelle au sein de la communauté. Il y va
de
notre tout, personnel, mais aussi de la valeur de la communauté pour
788
uté. Il y va de notre tout, personnel, mais aussi
de
la valeur de la communauté pour tous les hommes qui la composent. Ne
789
de notre tout, personnel, mais aussi de la valeur
de
la communauté pour tous les hommes qui la composent. Ne fût-ce que po
790
Elle entraîne beaucoup de braves gens au service
d’
une cause présentée comme une valeur de pères de famille. C’est en vér
791
au service d’une cause présentée comme une valeur
de
pères de famille. C’est en vérité la croisade du matérialisme hypocri
792
e d’une cause présentée comme une valeur de pères
de
famille. C’est en vérité la croisade du matérialisme hypocrite contre
793
mes contre leur frère, le stalinisme : une guerre
de
religions qui ne sont pas les nôtres. Je prends ici parti contre une
794
uniste. On nous donne à choisir entre deux sortes
de
matérialisme. Mais le communisme, au moins, voulait changer le monde…
795
anger le monde… Contre les arguments démagogiques
de
nos croisés, je répète, après Berdiaev, après Gide : la « vérité » du
796
après Gide : la « vérité » du communisme résulte
de
la trahison du christianisme par la chrétienté. Toutes les aspiration
797
ns valables et généreuses du marxisme sont autant
d’
essais de sauvetage de vérités chrétiennes égarées, déformées, ou « mi
798
es et généreuses du marxisme sont autant d’essais
de
sauvetage de vérités chrétiennes égarées, déformées, ou « mises sous
799
ses du marxisme sont autant d’essais de sauvetage
de
vérités chrétiennes égarées, déformées, ou « mises sous le boisseau p
800
boisseau par les chrétiens ». Cela est vrai même
de
l’aspiration totalitaire, qui est monstrueuse dans ses formes actuell
801
ais qui traduit encore, obscurément, l’aspiration
d’
un Occident jadis chrétien, vers une économie sauvée : le Royaume où D
802
ses chrétiennes ont à souffrir demain par le fait
d’
un État tyrannique, il faut qu’elles sachent qu’elles en sont responsa
803
i nos libertés civiques sont brimées, par le fait
d’
une doctrine et d’un État « matérialistes », il faut savoir que nous e
804
iques sont brimées, par le fait d’une doctrine et
d’
un État « matérialistes », il faut savoir que nous en sommes les respo
805
e. Tout le mal vient de notre esprit. C’est à lui
de
faire pénitence, car c’était lui qui devait témoigner de sa primauté
806
e pénitence, car c’était lui qui devait témoigner
de
sa primauté salutaire. Mais il faut aussi repartir. La tragédie de Ma
807
lutaire. Mais il faut aussi repartir. La tragédie
de
Marx et du marxisme, c’est de n’avoir pas su, ou pas pu opposer au me
808
partir. La tragédie de Marx et du marxisme, c’est
de
n’avoir pas su, ou pas pu opposer au mensonge spiritualiste, la vérit
809
ns pas à nous dresser contre la « vérité » déviée
de
Marx, contre une vérité orpheline, coupée des liens vivants qui l’att
810
! », disait l’Apôtre. Malheur à moi si je refuse
de
réaliser l’Évangile dans tous les domaines de la vie. La seule lutte
811
use de réaliser l’Évangile dans tous les domaines
de
la vie. La seule lutte efficace contre le matérialisme, c’est la lutt
812
réaliser l’Évangile dans tous les domaines de la
vie
. La seule lutte efficace contre le matérialisme, c’est la lutte qu’il
813
ui supprimera la réalité présente. Les conditions
de
ce mouvement sont données par cette situation » (Marx, Deutsche Ideol
814
» (Rom., 12, 5). D’autre part, Marx n’a pas cessé
de
critiquer l’« individu isolé et abstrait » (Thèses sur Feuerbach). 4
815
ait » (Thèses sur Feuerbach). 43. Marx, Critique
de
la philosophie hégélienne du droit. 44. Au sens le plus large du ter
816
t désigner aussi bien la « société sans classes »
de
Marx, que le « Royaume de Dieu » chrétien. 45. « Dans la pratique, l
817
société sans classes » de Marx, que le « Royaume
de
Dieu » chrétien. 45. « Dans la pratique, l’homme doit prouver la vér
818
Dans la pratique, l’homme doit prouver la vérité
de
sa pensée, c’est-à-dire sa réalité et sa puissance concrète. Réalité
819
réalité et sa puissance concrète. Réalité ou non
de
la pensée humaine isolée du domaine pratique, c’est querelle de pure
820
umaine isolée du domaine pratique, c’est querelle
de
pure scolastique » (Marx, 2e thèse sur Feuerbach). De même pour le ch
821
s dit autre chose, contrairement aux affirmations
de
polémistes ignorants, ou qui jouent sur les deux sens du mot œuvres (
822
et action concrète). 46. Je parle, bien entendu,
de
la religion telle que Marx la voyait, telle qu’elle lui apparaissait
823
que a vu le grand réveil piétiste. 47. « L’armée
de
la critique ne peut évidemment remplacer la critique des armes » (Mar
824
remplacer la critique des armes » (Marx, Critique
de
le philosophie hégélienne). Il faut en user, certes, mais elle ne suf
825
e ne serait pas « dialectique ». « La coïncidence
de
la modification des circonstances et de la modification de l’activité
826
ïncidence de la modification des circonstances et
de
la modification de l’activité humaine, ou transformation personnelle,
827
ification des circonstances et de la modification
de
l’activité humaine, ou transformation personnelle, ne peut être ratio
828
me ! Mais combien oubliée par le communiste moyen
de
nos jours ! 49. Selon Karl Barth, par exemple, la dogmatique n’est q
829
ise s’adresse à elle-même, et qui a pour fonction
de
corriger sans cesse, de rectifier le message annoncé par la prédicati
830
e, et qui a pour fonction de corriger sans cesse,
de
rectifier le message annoncé par la prédication et par les sacrements
831
prédication et par les sacrements. C’est un acte
d’
obéissance, et c’est aussi un acte d’humilité ; car toute parole humai
832
’est un acte d’obéissance, et c’est aussi un acte
d’
humilité ; car toute parole humaine sur Dieu est nécessairement inadéq
833
t ainsi qu’une mesure critique que l’Église prend
de
son message sous le rapport de sa fidélité à son fondement, à son con
834
un programme théorique qu’il s’agirait maintenant
d’
appliquer. En bref, la doctrine chrétienne, si l’on veut établir un pa
835
s doute dangereux — ce serait la Personne vivante
de
Jésus-Christ, et non pas la théologie, simple autocritique de l’Églis
836
ist, et non pas la théologie, simple autocritique
de
l’Église et du message que l’on prêche dans l’Église. 50. « S’attend
837
c les mêmes inconvénients. Certes il y a des lois
de
l’histoire en ce sens qu’on retrouve les mêmes mécanismes partout où
838
Mühlestein, rétorquait : « Toutes les révolutions
de
l’histoire de l’Occident, sont sorties de la religion chrétienne. Tou
839
torquait : « Toutes les révolutions de l’histoire
de
l’Occident, sont sorties de la religion chrétienne. Toute autre cause
840
lutions de l’histoire de l’Occident, sont sorties
de
la religion chrétienne. Toute autre cause est secondaire. » Et Henri
841
t Henri de Man : « Je crois qu’il n’y a jamais eu
de
tentative révolutionnaire qui n’ait été d’origine chrétienne. S’il n’
842
ais eu de tentative révolutionnaire qui n’ait été
d’
origine chrétienne. S’il n’y a pas de socialisme en Asie, cela tient à
843
ui n’ait été d’origine chrétienne. S’il n’y a pas
de
socialisme en Asie, cela tient à l’absence du christianisme. » Je not
844
christianisme. » Je note ici, à l’appui des dires
de
de Man, que le mouvement syndicaliste au Japon a été fondé par un chr
845
ions physiques et spirituelles en ce qu’elles ont
de
permanent », car alors, le marxiste me ferait observer que des facteu
846
ferait observer que des facteurs très essentiels
de
l’être même peuvent varier selon les milieux et la nature des institu
847
tutions. (Ainsi le besoin prétendu « primordial »
de
propriété, peut très bien être anéanti chez l’homme par un régime com
848
me communiste.) Que reste-t-il dans l’être humain
d’
absolument irréductible à toute transformation sociale ? La mort physi
849
é. Mais aussi : la qualité, la fonction créatrice
de
l’esprit. En somme, tout l’essentiel ! — Je dis que toute doctrine qu
850
Je dis que toute doctrine qui ne tient pas compte
d’
une de ces conditions conduit nécessairement soit à l’idéalisme, soit
851
que toute doctrine qui ne tient pas compte d’une
de
ces conditions conduit nécessairement soit à l’idéalisme, soit à son
852
Le stalinisme totalitaire résulte nécessairement
d’
une conception de l’homme purement social, qui néglige la fonction spi
853
talitaire résulte nécessairement d’une conception
de
l’homme purement social, qui néglige la fonction spirituelle (créatri
854
arisation du christianisme résulte nécessairement
de
l’Évangile ! 54. Déclaration d’un étudiant chinois au congrès mondia
855
e nécessairement de l’Évangile ! 54. Déclaration
d’
un étudiant chinois au congrès mondial de la Fédération des étudiants
856
laration d’un étudiant chinois au congrès mondial
de
la Fédération des étudiants chrétiens. (Cf. Student World, automne 19
857
erner Sombart, un de Man, et en France, le groupe
de
l’Ordre nouveau. (Cf. en particulier la Révolution nécessaire, par Ar
858
n nécessaire, par Aron et Dandieu, et sa critique
de
la notion d’échange chez Marx.) 56. « Les pharisiens lui ayant deman
859
par Aron et Dandieu, et sa critique de la notion
d’
échange chez Marx.) 56. « Les pharisiens lui ayant demandé quand vien
860
iens lui ayant demandé quand viendrait le Royaume
de
Dieu, Jésus leur répondit : Le Royaume de Dieu ne vient pas de manièr
861
Royaume de Dieu, Jésus leur répondit : Le Royaume
de
Dieu ne vient pas de manière à frapper les regards et l’on ne dira pa
862
i, ou bien : il est là ! Car voici que le Royaume
de
Dieu est au-dedans de vous ! » (Luc, 17, 20-25.) 57. Je parle ici, l
863
7, 20-25.) 57. Je parle ici, l’on m’entend bien,
de
ce que doit être un chrétien conséquent. Il est trop clair que nous r
864
isons viennent de ceci : que nous n’acceptons pas
de
tout soumettre aux volontés de Dieu. Nous réservons certaines activit
865
us n’acceptons pas de tout soumettre aux volontés
de
Dieu. Nous réservons certaines activités, celles-là précisément dont
866
, et ceux des autres ! Exemple typique : l’auteur
d’
un des cantiques les plus pieux du recueil anglais, sir John Browning,
867
sous la menace des canons, à s’ouvrir au commerce
de
l’opium. Un tel fait donne raison en apparence à la critique marxiste
868
en soi contraires à la justice, — ou à l’essence
de
la fin souhaitée. 59. Je ne cède pas ici à l’imagerie polémique des
869
istes représentent chez nous, en général, l’élite
de
leur classe. Je ne les traite pas de menteurs, d’hypocrites, etc. Mai
870
ral, l’élite de leur classe. Je ne les traite pas
de
menteurs, d’hypocrites, etc. Mais je dis qu’en tant qu’ils approuvent
871
de leur classe. Je ne les traite pas de menteurs,
d’
hypocrites, etc. Mais je dis qu’en tant qu’ils approuvent la politique
872
je dis qu’en tant qu’ils approuvent la politique
de
Staline et ses moyens, connus de tous, ils approuvent le mensonge (af
873
ent la politique de Staline et ses moyens, connus
de
tous, ils approuvent le mensonge (affaire Zinoviev), l’hypocrisie (en
874
déportation des paysans, des écrivains), la haine
de
classe (prêchée par Marx) et la guerre (pour peu qu’elle soit censée
875
r ici un jugement quelconque sur les groupes dits
d’
Oxford. Je ne les cite qu’au seul titre d’exemple topique. 61. Le réd
876
es dits d’Oxford. Je ne les cite qu’au seul titre
d’
exemple topique. 61. Le rédacteur de cette « discipline » paraît avoi
877
u seul titre d’exemple topique. 61. Le rédacteur
de
cette « discipline » paraît avoir été le pasteur Antoine de Chandieu,
878
oine de Chandieu, mais l’intervention personnelle
de
Calvin dans l’élaboration du document ne fait pas de doute. « C’est,
879
Calvin dans l’élaboration du document ne fait pas
de
doute. « C’est, dit F. de Schickler, une constitution très serrée en
880
ratique, fédérative et parlementaire. » À la base
de
tout, il y a l’église locale, ou paroisse. Ces églises se fédèrent pa
881
e. Ces églises se fédèrent par région. L’instance
d’
appel est « la cour suprême du synode national ». (John Viénot, Histoi
882
rême du synode national ». (John Viénot, Histoire
de
la Réforme française, I, p. 271.) 62. C’est-à-dire : fondée sur la n
883
p. 271.) 62. C’est-à-dire : fondée sur la notion
de
vocation. 63. L’URSS est le seul État totalement totalitaire, disait
884
isait récemment Victor Serge, écrivain communiste
d’
opposition, au retour de sa déportation en Sibérie. u. Rougemont Den
885
erge, écrivain communiste d’opposition, au retour
de
sa déportation en Sibérie. u. Rougemont Denis de, « Changer la vie
886
e sa déportation en Sibérie. u. Rougemont Denis
de
, « Changer la vie ou changer l’homme ? », Le Communisme et les chréti
887
en Sibérie. u. Rougemont Denis de, « Changer la
vie
ou changer l’homme ? », Le Communisme et les chrétiens, Paris, Plon,
888
Vocation et destin
d’
Israël (1937)v Sens de « l’histoire » d’Israël Un prophète, a
889
Vocation et destin d’Israël (1937)v Sens
de
« l’histoire » d’Israël Un prophète, a écrit Karl Barth, est un ho
890
stin d’Israël (1937)v Sens de « l’histoire »
d’
Israël Un prophète, a écrit Karl Barth, est un homme sans biographi
891
e avec sa mission. » Nous ne savons rien du reste
de
sa vie, et n’avons nul besoin d’en rien connaître pour reconnaître la
892
sa mission. » Nous ne savons rien du reste de sa
vie
, et n’avons nul besoin d’en rien connaître pour reconnaître la portée
893
ns rien du reste de sa vie, et n’avons nul besoin
d’
en rien connaître pour reconnaître la portée de son message puisque c’
894
in d’en rien connaître pour reconnaître la portée
de
son message puisque c’est le message de Dieu. Jérémie n’eût été qu’un
895
la portée de son message puisque c’est le message
de
Dieu. Jérémie n’eût été qu’un berger bègue si l’Éternel n’avait parlé
896
ternel n’avait parlé par lui. Voici qui est digne
de
remarque : le seul détail précis que rapporte la Bible à son sujet, c
897
cette difficulté à s’exprimer. Non seulement rien
d’
historiquement notable ne le prédestinait à jouer le rôle d’un grand p
898
uement notable ne le prédestinait à jouer le rôle
d’
un grand prophète, — les psychologues s’y épuiseront — mais encore il
899
raît le plus décisif, à vues humaines, s’agissant
d’
un homme appelé au ministère de la Parole. Ce qui est vrai du prophète
900
maines, s’agissant d’un homme appelé au ministère
de
la Parole. Ce qui est vrai du prophète l’est aussi de son peuple, — p
901
a Parole. Ce qui est vrai du prophète l’est aussi
de
son peuple, — peuple entre tous prophétique. Ce qui est vrai de la bi
902
— peuple entre tous prophétique. Ce qui est vrai
de
la biographie d’un homme que l’Éternel choisit n’est pas moins vrai d
903
ous prophétique. Ce qui est vrai de la biographie
d’
un homme que l’Éternel choisit n’est pas moins vrai de l’histoire prof
904
homme que l’Éternel choisit n’est pas moins vrai
de
l’histoire profane des Juifs, porteurs eux aussi d’une mission que ri
905
l’histoire profane des Juifs, porteurs eux aussi
d’
une mission que rien en eux ne semblait préparer. On peut le dire sans
906
peut le dire sans paradoxe : Israël n’eût pas eu
d’
histoire sans la promesse que Dieu fit à Abraham. Cette tribu « se lèv
907
ou matérialiste-dialectique, se donne pour tâche
de
reconstituer l’évolution immanente d’un peuple, telle qu’on peut vrai
908
pour tâche de reconstituer l’évolution immanente
d’
un peuple, telle qu’on peut vraisemblablement la styliser et la chiffr
909
ïvement positiviste. Que nous apprend une science
de
cet ordre sur le destin auquel étaient promises les infimes tribus no
910
nation juive ? Une similitude facile nous permet
de
l’imaginer : l’histoire n’a pas la plus petite raison de supposer que
911
aginer : l’histoire n’a pas la plus petite raison
de
supposer que le peuple d’Israël, s’il n’avait pas été « élu », eût év
912
s la plus petite raison de supposer que le peuple
d’
Israël, s’il n’avait pas été « élu », eût évolué d’une autre sorte que
913
’Israël, s’il n’avait pas été « élu », eût évolué
d’
une autre sorte que tant de tribus d’Arabie qui nous offrent encore au
914
, eût évolué d’une autre sorte que tant de tribus
d’
Arabie qui nous offrent encore aujourd’hui, avec une persistance bien
915
bien remarquable tous les traits caractéristiques
de
la coutume pastorale des temps d’Abraham. Nous ne possédons pas un re
916
aractéristiques de la coutume pastorale des temps
d’
Abraham. Nous ne possédons pas un renseignement d’ordre profane, qui n
917
d’Abraham. Nous ne possédons pas un renseignement
d’
ordre profane, qui nous explique pourquoi cette tribu-là échappa au de
918
te à construire et à conquérir… Ainsi les annales
d’
Israël sont celles d’une puissance imprévue et humainement imprévisibl
919
conquérir… Ainsi les annales d’Israël sont celles
d’
une puissance imprévue et humainement imprévisible, qui ne fut jamais
920
ns médiocres des Hébreux. Ce que nous connaissons
de
leur « histoire » — mais le mot prend ici un sens nouveau — c’est la
921
d ici un sens nouveau — c’est la suite des gestes
de
Dieu dont ils ne furent que les instruments. Mais les instruments ind
922
révoltes constantes, leurs faux pas, leurs accès
d’
incroyance. Et toute leur grandeur est à Dieu, c’est-à-dire à la vocat
923
vocation qui les arrache, malgré eux, à ce destin
de
très piètre envergure. Foi et idolâtrie La considération du con
924
raiment grandiose à cette opposition fondamentale
d’
une vocation et d’un destin, hors de laquelle on ne peut rien comprend
925
à cette opposition fondamentale d’une vocation et
d’
un destin, hors de laquelle on ne peut rien comprendre de ce qui touch
926
stin, hors de laquelle on ne peut rien comprendre
de
ce qui touche à la nation des Juifs. Destin nomade, vocation messiani
927
i seule l’élève, l’assemble et donne un sens à la
vie
de chacun. Ce peuple errait sans « fin » dans le désert, sans but jus
928
ule l’élève, l’assemble et donne un sens à la vie
de
chacun. Ce peuple errait sans « fin » dans le désert, sans but jusqu’
929
l vient de Dieu, il va vers Dieu, et c’est la loi
de
Dieu qui l’y conduit. C’est pourquoi son télos (sa fin dernière), est
930
e en son essence, comme Dieu, et comme Dieu objet
de
la foi seule. De la foi, et non de la vue ! Catégories absolument nou
931
comme Dieu, et comme Dieu objet de la foi seule.
De
la foi, et non de la vue ! Catégories absolument nouvelles, et qui jo
932
mme Dieu objet de la foi seule. De la foi, et non
de
la vue ! Catégories absolument nouvelles, et qui joueront un rôle dét
933
t qui joueront un rôle déterminant dans l’éthique
de
l’Occident, même sous les noms paganisés d’idéalisme et de réalisme a
934
hique de l’Occident, même sous les noms paganisés
d’
idéalisme et de réalisme au sens courant. Mais le conflit de la foi et
935
dent, même sous les noms paganisés d’idéalisme et
de
réalisme au sens courant. Mais le conflit de la foi et de la vue n’es
936
e et de réalisme au sens courant. Mais le conflit
de
la foi et de la vue n’est en somme qu’un autre aspect du conflit de l
937
sme au sens courant. Mais le conflit de la foi et
de
la vue n’est en somme qu’un autre aspect du conflit de la vocation et
938
vue n’est en somme qu’un autre aspect du conflit
de
la vocation et du destin. Il fait comprendre l’esprit de révolte qui
939
ocation et du destin. Il fait comprendre l’esprit
de
révolte qui tourmenta sans fin les douze tribus. Car un but invisible
940
diats » qui se voient par trop négligés au profit
d’
on ne sait quel futur. Et une angoisse contre laquelle il est fatal qu
941
que l’on cherche à se protéger par quelque chose
de
visible et de tangible. Ainsi les Hébreux se rebellent, ils fuient da
942
che à se protéger par quelque chose de visible et
de
tangible. Ainsi les Hébreux se rebellent, ils fuient dans le culte de
943
ulte des faux dieux, rassurants parce que « faits
de
main d’homme »… Mais sans relâche, des prophètes reviennent pour rail
944
faux dieux, rassurants parce que « faits de main
d’
homme »… Mais sans relâche, des prophètes reviennent pour railler dure
945
Et c’est son bâton qui lui parle ! Car l’esprit
de
prostitution égare Et ils se prostituent loin de leur Dieu ! (Osée,
946
t loin de leur Dieu ! (Osée, 4, 12) Cet « esprit
de
prostitution », cette idolâtrie qui renaît dès qu’Israël cesse de cro
947
», cette idolâtrie qui renaît dès qu’Israël cesse
de
croire à ce que ses yeux ne peuvent voir, et qui pourtant fait toute
948
ême que cette révolte, et ce destin, et ce besoin
de
voir, sont symbolisés au concret par les statues des idoles étrangère
949
— car c’est le voisin qu’on imite lorsqu’on doute
de
sa vocation — de même cette vocation et la foi qu’elle implique ont u
950
ique ont un symbole, unique et univoque : l’Arche
de
l’Alliance présente au sein du peuple, aussi nommée arche du témoigna
951
du témoignage, parce qu’elle atteste les volontés
de
Dieu, les conditions de son alliance. La mesure Dans l’Arche so
952
elle atteste les volontés de Dieu, les conditions
de
son alliance. La mesure Dans l’Arche sont les Tables de la Loi.
953
nce. La mesure Dans l’Arche sont les Tables
de
la Loi. La Loi est la « mesure » sacrée : c’est elle qui rappelle à l
954
, tout est « mesuré » et jugé dans la perspective
de
la fin assignée à toute la nation : l’Éternel Dieu et son service. Ai
955
on : l’Éternel Dieu et son service. Ainsi l’Arche
de
l’Alliance nous apparaît comme l’exemple à peu près idéal de ce que l
956
ce nous apparaît comme l’exemple à peu près idéal
de
ce que l’on peut nommer (d’un terme d’ailleurs emprunté à l’antiquité
957
mple à peu près idéal de ce que l’on peut nommer (
d’
un terme d’ailleurs emprunté à l’antiquité hellénique) la mesure d’une
958
eurs emprunté à l’antiquité hellénique) la mesure
d’
une civilisation, le canon d’une culture et d’un ordre social, le prin
959
ellénique) la mesure d’une civilisation, le canon
d’
une culture et d’un ordre social, le principe initial et final régulat
960
ure d’une civilisation, le canon d’une culture et
d’
un ordre social, le principe initial et final régulateur et en même te
961
al et final régulateur et en même temps animateur
de
toutes les œuvres d’une nation, tant matérielles que politiques et sp
962
r et en même temps animateur de toutes les œuvres
d’
une nation, tant matérielles que politiques et spirituelles65. L’histo
963
s offre certes d’autres exemples assez grandioses
de
communes mesures rigoureuses. (Inde ancienne, Grèce de Périclès, Rome
964
Mais la mesure des tribus hébraïques se distingue
de
toutes les autres en ce qu’elle est une vocation adressée par un Dieu
965
l, transcendant. Elle n’est pas le produit normal
d’
une évolution historique fécondée et cristallisée par l’intervention d
966
rique fécondée et cristallisée par l’intervention
d’
un grand chef. Elle est donc plus « totalitaire » que toute mesure hum
967
t concevable, puisqu’elle ne tire pas son origine
de
circonstances ou de personnes nécessairement imparfaites ou partielle
968
’elle ne tire pas son origine de circonstances ou
de
personnes nécessairement imparfaites ou partielles. Elle ne laisse au
969
laisse aucune contingence, ni aucune possibilité
de
retrait ou de dépassement. Aucun refuge « loin de la face de l’Éterne
970
contingence, ni aucune possibilité de retrait ou
de
dépassement. Aucun refuge « loin de la face de l’Éternel ». Parce qu’
971
ou de dépassement. Aucun refuge « loin de la face
de
l’Éternel ». Parce qu’elle est la loi de Dieu, et que ce Dieu est l’É
972
la face de l’Éternel ». Parce qu’elle est la loi
de
Dieu, et que ce Dieu est l’Éternel, la Loi est la conscience finale d
973
ale du peuple hébreu. Et parce qu’elle est la loi
de
Dieu — qui définit la vérité —, elle porte en elle la règle permanent
974
vérité —, elle porte en elle la règle permanente
de
toute action et de toute pensée. Vraie mesure donc, et parfaitement c
975
te en elle la règle permanente de toute action et
de
toute pensée. Vraie mesure donc, et parfaitement commune. On porte l’
976
vant des armées, dans la guerre, comme le symbole
de
l’unité du peuple, mais son usage est interdit pendant les guerres ci
977
oncent leur idolâtrie66. Remarquons que la notion
d’
idolâtrie déborde ici singulièrement le culte des images d’où elle tir
978
ie déborde ici singulièrement le culte des images
d’
où elle tire son nom. Elle embrasse tout ce qui n’est pas foi, mais vu
979
ui n’est pas foi, mais vue, tout ce qui est refus
d’
obéissance, et imagination d’un autre bien. Idole tout ce qui détourne
980
out ce qui est refus d’obéissance, et imagination
d’
un autre bien. Idole tout ce qui détourne de la seule vocation. Idole
981
ation d’un autre bien. Idole tout ce qui détourne
de
la seule vocation. Idole toute action ou pensée, si belle ou si fécon
982
des idolâtries, c’est celle qui prend pour objet
de
son culte la mesure même, la Loi en soi, abstraite des fins pour lesq
983
qui consiste à soumettre l’homme à la « lettre »
d’
une législation divine, mais dont l’homme s’est emparé, et dont il fai
984
les plus grands rigoristes, les savants docteurs
de
la Loi, ceux que le peuple honorait à peu près comme on le fit plus t
985
raît plus propre à confirmer cette interprétation
de
la Loi, comme mesure du peuple hébreu, qu’un texte que je trouve dans
986
s, mais il a veillé à ce qu’elles fussent connues
de
tous. Cette connaissance produit parmi nous une admirable conformité
987
rable conformité, parce que rien n’est si capable
de
la faire naître et de l’entretenir, que d’avoir les mêmes sentiments
988
e que rien n’est si capable de la faire naître et
de
l’entretenir, que d’avoir les mêmes sentiments de la grandeur de Dieu
989
apable de la faire naître et de l’entretenir, que
d’
avoir les mêmes sentiments de la grandeur de Dieu, et d’être élevés da
990
de l’entretenir, que d’avoir les mêmes sentiments
de
la grandeur de Dieu, et d’être élevés dans une même manière de vivre,
991
, que d’avoir les mêmes sentiments de la grandeur
de
Dieu, et d’être élevés dans une même manière de vivre, et dans les mê
992
r les mêmes sentiments de la grandeur de Dieu, et
d’
être élevés dans une même manière de vivre, et dans les mêmes coutumes
993
r de Dieu, et d’être élevés dans une même manière
de
vivre, et dans les mêmes coutumes ; car on n’entend point parmi nous
994
r on n’entend point parmi nous parler diversement
de
Dieu, comme il arrive parmi les autres peuples, non seulement entre l
995
en sont persuadés comme nous : on peut apprendre
de
leur bouche les règles de la conduite de notre vie, et que toutes nos
996
ous : on peut apprendre de leur bouche les règles
de
la conduite de notre vie, et que toutes nos actions doivent avoir pou
997
pprendre de leur bouche les règles de la conduite
de
notre vie, et que toutes nos actions doivent avoir pour objet de plai
998
de leur bouche les règles de la conduite de notre
vie
, et que toutes nos actions doivent avoir pour objet de plaire à Dieu.
999
t que toutes nos actions doivent avoir pour objet
de
plaire à Dieu. Une culture pauvre, mais fidèle Un homme du xxe
1000
le ne peut, me semble-t-il, qu’éprouver une sorte
d’
effroi au spectacle d’un ordre social, spirituel et matériel, aussi fa
1001
t-il, qu’éprouver une sorte d’effroi au spectacle
d’
un ordre social, spirituel et matériel, aussi fanatiquement lié et sus
1002
é créatrice dans laquelle il met son orgueil. Que
de
richesses perdues, songe-t-il, que d’inventions négligées, méprisées
1003
rgueil. Que de richesses perdues, songe-t-il, que
d’
inventions négligées, méprisées ! Nous adorons la Vie et le Progrès, l
1004
inventions négligées, méprisées ! Nous adorons la
Vie
et le Progrès, le foisonnement et la diversité, et toute mesure ne se
1005
toute mesure ne serait à nos yeux qu’une occasion
de
dépassement… Oui, la Richesse est notre dernier dieu, et c’est peut-ê
1006
notre dernier dieu, et c’est peut-être le secret
de
l’expansion, mais aussi de l’anarchie finale de notre culture moderne
1007
st peut-être le secret de l’expansion, mais aussi
de
l’anarchie finale de notre culture moderne. Culture dont les éléments
1008
t de l’expansion, mais aussi de l’anarchie finale
de
notre culture moderne. Culture dont les éléments progressivement désu
1009
les éléments progressivement désunis, puis coupés
de
toute base commune, en viennent à ne plus même pouvoir communiquer, n
1010
lité, se forgeant une langue singulière au mépris
de
tout « sens » commun, et convoquant enfin, à grands frais d’invention
1011
ens » commun, et convoquant enfin, à grands frais
d’
inventions, la vieille malédiction de la tour de Babel, qui est la dis
1012
grands frais d’inventions, la vieille malédiction
de
la tour de Babel, qui est la dispersion du genre humain. Le dilemme q
1013
s d’inventions, la vieille malédiction de la tour
de
Babel, qui est la dispersion du genre humain. Le dilemme qui se trouv
1014
lemme qui se trouve posé à toute civilisation, et
d’
une manière très urgente à la nôtre, est assez clairement défini par l
1015
ent défini par la comparaison que l’on peut faire
de
notre richesse anarchique, et rendue presque vaine par ses excès, ave
1016
sque vaine par ses excès, avec la pauvreté pleine
de
sens et de grandeur qu’imposait la Loi d’Israël. Ce que l’on perd et
1017
par ses excès, avec la pauvreté pleine de sens et
de
grandeur qu’imposait la Loi d’Israël. Ce que l’on perd et ce que l’on
1018
pleine de sens et de grandeur qu’imposait la Loi
d’
Israël. Ce que l’on perd et ce que l’on gagne à sacrifier à une « mesu
1019
’exemple juif nous permettra mieux que tout autre
de
juger. Que devient en effet la culture, dans un monde où n’est toléré
1020
’avenir religieux du monde. Dès qu’il était tenté
de
s’oublier dans les voies vulgaires des autres peuples, une sorte de g
1021
les voies vulgaires des autres peuples, une sorte
de
génie sombre lui montrait l’envers de toute chose, et avec des accent
1022
, une sorte de génie sombre lui montrait l’envers
de
toute chose, et avec des accents d’amère ironie, proclamait que la ju
1023
rait l’envers de toute chose, et avec des accents
d’
amère ironie, proclamait que la justice à l’ancienne manière ne devait
1024
jamais être sacrifiée.68 Ainsi toute tentative
de
culture profane se voit assimilée à une révolte d’orgueil contre Dieu
1025
e culture profane se voit assimilée à une révolte
d’
orgueil contre Dieu. La culture d’Israël sera pauvre à raison même de
1026
e à une révolte d’orgueil contre Dieu. La culture
d’
Israël sera pauvre à raison même de sa pureté. Sa pauvreté sera la con
1027
eu. La culture d’Israël sera pauvre à raison même
de
sa pureté. Sa pauvreté sera la condition de sa grandeur. Car ce qui e
1028
même de sa pureté. Sa pauvreté sera la condition
de
sa grandeur. Car ce qui est grand, c’est ce qui comble la mesure, et
1029
st pourquoi sa pauvreté même garantit la fidélité
de
la culture du peuple hébreu. C’est une ascèse : il s’agit de détruire
1030
re du peuple hébreu. C’est une ascèse : il s’agit
de
détruire en germe tout ce qui comblerait trop tôt, ou trop humainemen
1031
humainement, la grande attente messianique. Point
d’
abstractions : c’est que le culte qu’il faut rendre au Dieu vivant est
1032
vérité ». Or abstraire, c’est d’abord s’abstraire
de
l’immédiat. Et c’est aussi, dans une certaine mesure, douter… Ainsi d
1033
dès l’origine à cette vocation supérieure ; dénué
de
termes abstraits, impropre à toute métaphysique69 il contraint les au
1034
e69 il contraint les auteurs sacrés à l’invention
de
métaphores qui enrobent les notions les plus hautes dans un vêtement
1035
s un vêtement quotidien ; on dirait : un vêtement
de
travail. Cette « pauvreté » philosophique — mais quand un peuple a de
1036
is quand un peuple a des prophètes, a-t-il besoin
de
philosophes ? — est ainsi l’aspect négatif d’une splendeur poétique i
1037
oin de philosophes ? — est ainsi l’aspect négatif
d’
une splendeur poétique inégalée. (La poésie de l’Occident chrétien ser
1038
tif d’une splendeur poétique inégalée. (La poésie
de
l’Occident chrétien sera grande dans la mesure où elle sera biblique
1039
ands discours prophétiques, parmi tous les chants
de
la terre, ont réellement rythmé l’action et vérifié l’étymologie grec
1040
t rythmé l’action et vérifié l’étymologie grecque
de
poésie, qui est agir. Point d’arts figuratifs ou imaginatifs. La loi
1041
étymologie grecque de poésie, qui est agir. Point
d’
arts figuratifs ou imaginatifs. La loi les interdit par le deuxième et
1042
t le troisième commandement. « Tu ne te feras pas
d’
image taillée, ni de représentation des choses qui sont en haut dans l
1043
ndement. « Tu ne te feras pas d’image taillée, ni
de
représentation des choses qui sont en haut dans les cieux, en bas sur
1044
us bas que la terre. » Cela condamne toute espèce
d’
art plastique. « Tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face » — cela
1045
et la fabulation, où les Aryens puisent leur art
de
tromper et de se satisfaire d’illusions. Point de science purement te
1046
ion, où les Aryens puisent leur art de tromper et
de
se satisfaire d’illusions. Point de science purement technique : la s
1047
s puisent leur art de tromper et de se satisfaire
d’
illusions. Point de science purement technique : la sagesse de Salomon
1048
de tromper et de se satisfaire d’illusions. Point
de
science purement technique : la sagesse de Salomon n’est pas une conn
1049
Point de science purement technique : la sagesse
de
Salomon n’est pas une connaissance des « causes » mais bien des « sig
1050
ment commercial71 et industriel. » Que reste-t-il
de
ce que nous nommons culture ? Philosophie, beaux-arts, fictions écrit
1051
é à la seule chose nécessaire : l’accomplissement
d’
une vocation spirituelle. Et les moyens de cet accomplissement sont le
1052
ssement d’une vocation spirituelle. Et les moyens
de
cet accomplissement sont les moyens les plus élémentaires que les hom
1053
s moyens les plus élémentaires que les hommes ont
de
commercer : l’écriture, la parole et l’action, — la tradition, la pro
1054
la guerre… Mais cet extrême dénuement, ce résidu
d’
exclusions fanatiques, se trouve sauver et garantir la possession de c
1055
iques, se trouve sauver et garantir la possession
de
ce que notre Occident lui-même a défini comme le bien souverain : l’h
1056
n : l’harmonie dans le dynamisme, le Sens général
de
la vie. Si l’on admet que la destination de toute culture, c’est de c
1057
harmonie dans le dynamisme, le Sens général de la
vie
. Si l’on admet que la destination de toute culture, c’est de concentr
1058
néral de la vie. Si l’on admet que la destination
de
toute culture, c’est de concentrer les puissances de la nature et de
1059
admet que la destination de toute culture, c’est
de
concentrer les puissances de la nature et de la société dans les, mai
1060
toute culture, c’est de concentrer les puissances
de
la nature et de la société dans les, mains de l’homme responsable, et
1061
’est de concentrer les puissances de la nature et
de
la société dans les, mains de l’homme responsable, et dont l’esprit c
1062
ces de la nature et de la société dans les, mains
de
l’homme responsable, et dont l’esprit connaît un but auquel il dédie
1063
u, fut aussi la plus convenable aux fins suprêmes
de
l’esprit. Toutefois, non tant à cause de sa pauvreté même, qu’à cause
1064
cause de sa pauvreté même, qu’à cause de l’absolu
de
sa mesure, et de la promesse qu’elle portait. ⁂ Revenons encore à Jos
1065
eté même, qu’à cause de l’absolu de sa mesure, et
de
la promesse qu’elle portait. ⁂ Revenons encore à Josèphe : Quant à c
1066
ce que l’on nous reproche comme un grand défaut,
de
ne nous point étudier à inventer des choses nouvelles, soit dans les
1067
e les autres peuples méritent beaucoup de louange
d’
y apporter de continuels changements, nous attribuons au contraire à v
1068
peuples méritent beaucoup de louange d’y apporter
de
continuels changements, nous attribuons au contraire à vertu et prude
1069
nous attribuons au contraire à vertu et prudence,
de
demeurer constamment dans l’observation des lois et des coutumes de n
1070
mment dans l’observation des lois et des coutumes
de
nos ancêtres, parce que c’est une preuve qu’elles ont été parfaitemen
1071
s qui n’ont pas cet avantage que l’on soit obligé
de
changer, lorsque l’expérience fait connaître le besoin d’en corriger
1072
er, lorsque l’expérience fait connaître le besoin
d’
en corriger les défauts. Ainsi, comme nous ne doutons point que ce ne
1073
it Dieu qui nous a donné ces lois par l’entremise
de
Moïse, pourrions-nous, sans impiété, ne nous pas efforcer de les obse
1074
ourrions-nous, sans impiété, ne nous pas efforcer
de
les observer très religieusement ? Et quelle conduite peut être plus
1075
plus sainte, que celle dont ce souverain Monarque
de
l’univers est l’auteur… Quelle forme de gouvernement peut donc être p
1076
Monarque de l’univers est l’auteur… Quelle forme
de
gouvernement peut donc être plus parfaite que la nôtre, et quels plus
1077
e toutes choses ne sont pas mieux réglées le jour
d’
une fête solennelle, qu’elles le sont toujours parmi nous ? Chute
1078
qu’elles le sont toujours parmi nous ? Chute
d’
Israël Tout était suspendu à la Loi, qui était elle-même suspendue
1079
née. Et les juifs l’ont méconnue prenant prétexte
de
la Loi, cette « ombre des biens à venir. » (Héb. 10, 1), pour repouss
1080
rist, qui était « l’esprit » et la réalité finale
de
la Loi. Dès lors, la Loi est « accomplie » comme le dit Jésus-Christ
1081
comme le dit Jésus-Christ lui-même, et elle l’est
d’
une double manière : parce qu’elle a abouti — le Messie est venu — et
1082
eur des messies qui ne viendront pas… Héritage
d’
Israël Le christianisme par sa nature même, brisait avec le nation
1083
isme exclusif du judaïsme et assumait une mission
de
portée universelle. Il revendiquait toutefois en même temps l’héritag
1084
l revendiquait toutefois en même temps l’héritage
d’
Israël, et l’attraction qu’il exerçait venait non des principes généra
1085
qu’il exerçait venait non des principes généraux
de
la pensée hellénistique, mais de la pure tradition hébraïque, représe
1086
incipes généraux de la pensée hellénistique, mais
de
la pure tradition hébraïque, représentée par la Loi et les Prophètes.
1087
d Israël, l’héritière du Royaume promis au Peuple
de
Dieu. Aussi conserva-t-elle à l’égard du monde des gentils cette atti
1088
’égard du monde des gentils cette attitude voulue
de
séparatisme spirituel, cet esprit d’irréconciliable opposition dont s
1089
itude voulue de séparatisme spirituel, cet esprit
d’
irréconciliable opposition dont s’était nourrie toute la tradition jud
1090
la tradition judaïque. C’est précisément ce sens
de
la continuité historique et de la solidarité sociale qui distingua l’
1091
récisément ce sens de la continuité historique et
de
la solidarité sociale qui distingua l’église chrétienne des religions
1092
ligions à mystères et des autres cultes orientaux
de
cette époque, et qui fit d’elle dès son apparition la seule rivale vé
1093
tres cultes orientaux de cette époque, et qui fit
d’
elle dès son apparition la seule rivale véritable et la seule remplaça
1094
rivale véritable et la seule remplaçante possible
de
la religion officielle de l’Empire73. Ces quelques lignes de Dawson
1095
le remplaçante possible de la religion officielle
de
l’Empire73. Ces quelques lignes de Dawson me paraissent définir en r
1096
on officielle de l’Empire73. Ces quelques lignes
de
Dawson me paraissent définir en raccourci le double héritage que l’Ég
1097
age que l’Église et l’Europe ont repris des mains
d’
Israël : héritage divin de l’« élection collective », d’une part, — ca
1098
pe ont repris des mains d’Israël : héritage divin
de
l’« élection collective », d’une part, — car la postérité d’Abraham,
1099
tion collective », d’une part, — car la postérité
d’
Abraham, après le Christ, c’est l’ensemble de tous les croyants, genti
1100
rité d’Abraham, après le Christ, c’est l’ensemble
de
tous les croyants, gentils ou Juifs convertis, donc l’Église — hérita
1101
s, donc l’Église — héritage humain, d’autre part,
de
cette notion de la mesure « totalitaire » qui devait assurer la grand
1102
— héritage humain, d’autre part, de cette notion
de
la mesure « totalitaire » qui devait assurer la grandeur de l’Église
1103
re « totalitaire » qui devait assurer la grandeur
de
l’Église — mais dont les déviations et perversions ravagent l’Europe
1104
depuis le xviie siècle, et menacent aujourd’hui
de
la détruire74. Il ne saurait être question de retracer ici dans son e
1105
hui de la détruire74. Il ne saurait être question
de
retracer ici dans son ensemble l’évolution des éléments culturels et
1106
urels et civilisateurs qui survécurent à la chute
d’
Israël, au moins aussi fondamentaux pour l’Occident que la raison des
1107
et l’ordre des Romains. Il m’appartient seulement
de
préciser en quelques traits le sens que prend l’héritage d’Israël pou
1108
r en quelques traits le sens que prend l’héritage
d’
Israël pour la foi chrétienne protestante. On sait le rôle joué dans l
1109
out cela vit encore dans les églises évangéliques
de
nos jours ? Dès les bancs de « l’école du dimanche », tout jeune prot
1110
églises évangéliques de nos jours ? Dès les bancs
de
« l’école du dimanche », tout jeune protestant est nourri aux sources
1111
u par ses frères, Jonas dans sa baleine, l’ânesse
de
Balaam, David et Jonathan, Absalon pris par les cheveux, le jeune Sam
1112
en Testament était la vraie Antiquité des peuples
de
l’Europe protestante. Mais il y a bien davantage que cet arrière-plan
1113
ge que cet arrière-plan poétique, et ces exemples
d’
une morale parfois scandaleusement antibourgeoise ! Le thème de la voc
1114
parfois scandaleusement antibourgeoise ! Le thème
de
la vocation et le thème du peuple élu sont de ceux qui émeuvent le pl
1115
ème de la vocation et le thème du peuple élu sont
de
ceux qui émeuvent le plus profondément la « sensibilité spirituelle »
1116
plus profondément la « sensibilité spirituelle »
d’
un réformé. Le « peuple élu » Le simple fait que le calvinisme a
1117
s et celui du « petit troupeau » longtemps chassé
de
son pays ; ni les ressemblances entre les formes d’activité et d’atti
1118
son pays ; ni les ressemblances entre les formes
d’
activité et d’attitude sociale adoptées par les deux « nations »76. Ce
1119
les ressemblances entre les formes d’activité et
d’
attitude sociale adoptées par les deux « nations »76. Ce qui est déter
1120
in spirituel, dans un monde incrédule et rebelle,
de
ceux que Dieu s’est « choisis » pour témoins, en tant que collectivit
1121
tu de cette « élection » dont ils ont l’assurance
d’
être l’objet, par une grâce périlleuse, et dans la foi, les calviniste
1122
fin du xvie siècle, se considèrent comme chargés
d’
une mission au sein d’un monde pécheur que Dieu n’abandonne pas. De mê
1123
heur que Dieu n’abandonne pas. De même que la loi
de
Moïse maintenait le peuple juif, malgré le péché, dans une économie p
1124
tique77 des calvinistes les amène à la conception
d’
une intendance des biens terrestres, dont ils auraient à assumer l’off
1125
res, dont ils auraient à assumer l’office : usant
de
ces richesses « comme n’en usant pas », au nom et par la charge du Se
1126
ue c’était là l’origine du capitalisme moderne et
de
ses principales valeurs éthiques. Mais Sombart lui répond que le capi
1127
que le capitalisme est plus ancien, et qu’il est
d’
origine judaïque78. Ce n’est pas ici le lieu de prendre parti entre ce
1128
st d’origine judaïque78. Ce n’est pas ici le lieu
de
prendre parti entre ces deux explications d’un phénomène économique q
1129
lieu de prendre parti entre ces deux explications
d’
un phénomène économique que par ailleurs personne — non pas même Marx,
1130
tache le capitalisme à des attitudes religieuses,
d’
où serait partie l’impulsion, attitudes analogues en ceci tout au moin
1131
ut au moins qu’elles mettent l’accent sur le fait
de
l’élection. Il est curieux de noter que le parallélisme se poursuit m
1132
’accent sur le fait de l’élection. Il est curieux
de
noter que le parallélisme se poursuit même, — et peut-être surtout —
1133
saient ». Le spiritualisme transcendant des Juifs
d’
Orient au contact des coutumes occidentales, se mue peu à peu en son c
1134
reprochent aux Juifs allemands capitalistes, avec
d’
autant plus d’amertume que cette attitude provocante fut souvent prise
1135
Juifs allemands capitalistes, avec d’autant plus
d’
amertume que cette attitude provocante fut souvent prise à l’étranger
1136
ante fut souvent prise à l’étranger pour un trait
de
caractère germanique. Mais c’est aussi l’intellectualisme stérilisant
1137
st aussi l’intellectualisme stérilisant, l’esprit
d’
abstraction inhumaine et chimérique, au surplus troublé de sentimental
1138
ction inhumaine et chimérique, au surplus troublé
de
sentimentalisme, que l’on dénonce à droite chez les auteurs d’origine
1139
lisme, que l’on dénonce à droite chez les auteurs
d’
origine juive, mais qui ont cessé de croire à la mission de leur peupl
1140
z les auteurs d’origine juive, mais qui ont cessé
de
croire à la mission de leur peuple, et qui exercent désormais à vide
1141
juive, mais qui ont cessé de croire à la mission
de
leur peuple, et qui exercent désormais à vide les facultés psychologi
1142
tement développées dans leur race par des siècles
d’
attente de l’invisible. De même, l’ascétisme vigoureux, le pessimisme
1143
eloppées dans leur race par des siècles d’attente
de
l’invisible. De même, l’ascétisme vigoureux, le pessimisme actif des
1144
formé dans le Nouveau Monde d’une part en volonté
de
puissance abstraite (les fondateurs des trusts au siècle dernier), d’
1145
litarisme platement moralisant ; l’une et l’autre
de
ces déviations traduisant une totale perte de conscience des fins rel
1146
tre de ces déviations traduisant une totale perte
de
conscience des fins religieuses de l’éthique puritaine, et transforma
1147
e totale perte de conscience des fins religieuses
de
l’éthique puritaine, et transformant en tyrannie absurde ce qui était
1148
nie absurde ce qui était à l’origine une attitude
d’
obéissance à la foi, et de renoncement à soi-même. Corruptio optimi pe
1149
l’origine une attitude d’obéissance à la foi, et
de
renoncement à soi-même. Corruptio optimi pessima… La vocation coll
1150
amènent au problème central que pose à la pensée
d’
un protestant, et particulièrement d’un calviniste, l’exemple d’Israël
1151
à la pensée d’un protestant, et particulièrement
d’
un calviniste, l’exemple d’Israël et de sa chute. Toute la théologie é
1152
t, et particulièrement d’un calviniste, l’exemple
d’
Israël et de sa chute. Toute la théologie éthique de Calvin est centré
1153
ulièrement d’un calviniste, l’exemple d’Israël et
de
sa chute. Toute la théologie éthique de Calvin est centrée sur la voc
1154
Israël et de sa chute. Toute la théologie éthique
de
Calvin est centrée sur la vocation : vocation du « petit troupeau » o
1155
r la vocation : vocation du « petit troupeau » ou
de
l’Église ; vocation personnelle de chaque membre de l’Église. Or, Isr
1156
troupeau » ou de l’Église ; vocation personnelle
de
chaque membre de l’Église. Or, Israël qui était le peuple élu, a trah
1157
l’Église ; vocation personnelle de chaque membre
de
l’Église. Or, Israël qui était le peuple élu, a trahi sa mission et s
1158
sion en est le châtiment. Serait-il donc possible
de
perdre sa vocation ? Et que devient celui qui la trahit, soit qu’il r
1159
ordres, soit qu’il la prenne pour idole, refusant
d’
en reconnaître la vraie fin lorsqu’elle lui apparaît incarnée ? Est-il
1160
e vocation est-elle donc « amissible » ? Le refus
de
l’homme serait-il donc capable de modifier un arrêt éternel, alors qu
1161
le » ? Le refus de l’homme serait-il donc capable
de
modifier un arrêt éternel, alors que Dieu prédestine tout homme dès a
1162
Ce problème n’est pas gratuit : il touche au cœur
de
la foi réformée. Or c’est lui justement que traite saint Paul au chap
1163
ui justement que traite saint Paul au chapitre XI
de
l’Épître aux Romains. Et sans doute ce texte illumine aussi profondém
1164
rofondément qu’il est possible le mystère dernier
d’
Israël. « Je demande maintenant : Dieu a-t-il rejeté son peuple ? Non
1165
ple ? Non certes, car je suis moi-même israélite,
de
la postérité d’Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n’a point rejet
1166
, car je suis moi-même israélite, de la postérité
d’
Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n’a point rejeté son peuple qu’
1167
is moi-même israélite, de la postérité d’Abraham,
de
la tribu de Benjamin. Dieu n’a point rejeté son peuple qu’il a connu
1168
israélite, de la postérité d’Abraham, de la tribu
de
Benjamin. Dieu n’a point rejeté son peuple qu’il a connu d’avance » (
1169
n. Dieu n’a point rejeté son peuple qu’il a connu
d’
avance » (c’est-à-dire prédestiné) (Rom., II, 1-2). Cependant, « Israë
1170
Ainsi, « c’est par suite de la faute des enfants
d’
Israël que le salut est parvenu aux païens, afin d’exciter leur propre
1171
s ont perdu le bénéfice national, comme exclusif,
de
la Révélation. Mais c’est ici que saint Paul indique le mystérieux re
1172
e veux pas, frères, que vous ignoriez ce mystère,
de
peur que vous ne présumiez trop de votre sagesse : c’est qu’une parti
1173
ez ce mystère, de peur que vous ne présumiez trop
de
votre sagesse : c’est qu’une partie d’Israël est tombée dans l’endurc
1174
umiez trop de votre sagesse : c’est qu’une partie
d’
Israël est tombée dans l’endurcissement jusqu’à ce que la totalité des
1175
ra sauvé » (v. 25-26) … « Car les dons et l’appel
de
Dieu sont irrévocables » (v. 29). Hoc est verbum praeclarum ! Voilà
1176
rdue, même si celui qui en est l’objet s’y oppose
de
toutes ses forces ! Car sa révolte même se trouve servir les desseins
1177
volte même se trouve servir les desseins éternels
de
Dieu. Elle étend à l’humanité entière le bénéfice de la Promesse qu’i
1178
Dieu. Elle étend à l’humanité entière le bénéfice
de
la Promesse qu’il a reçue, cependant que son destin final demeure ent
1179
al demeure entre les mains du plus secret conseil
de
Dieu. « Quant à moi, écrit Calvin, j’étends ce nom d’Israël à tout le
1180
ieu. « Quant à moi, écrit Calvin, j’étends ce nom
d’
Israël à tout le peuple de Dieu, en ce sens, après que les gentils ser
1181
Calvin, j’étends ce nom d’Israël à tout le peuple
de
Dieu, en ce sens, après que les gentils seront entrés dedans (l’Églis
1182
dans (l’Église), lors les Juifs aussi se retirant
de
leur révoltement, se rangeront à l’obéissance de la foi… toutefois qu
1183
de leur révoltement, se rangeront à l’obéissance
de
la foi… toutefois que les Juifs tiendront le premier lieu, comme étan
1184
lieu, comme étant les enfants aînés en la maison
de
Dieu. » (Commentaires, sur Rom. II, 26.) Le sort du monde, et l’on po
1185
rt du monde, et l’on pourrait même dire : la date
de
son salut final, dépend ainsi de la conversion des Juifs. Et ceci nou
1186
e dire : la date de son salut final, dépend ainsi
de
la conversion des Juifs. Et ceci nous révèle la plus profonde raison
1187
s « ambivalents », comme dirait Freud, qu’ont eus
de
tout temps les chrétiens à l’égard du peuple d’Israël. Tout dépend de
1188
s de tout temps les chrétiens à l’égard du peuple
d’
Israël. Tout dépend de lui, et il refuse ! D’où la haine sourde, et en
1189
rétiens à l’égard du peuple d’Israël. Tout dépend
de
lui, et il refuse ! D’où la haine sourde, et en même temps le respect
1190
uple d’Israël. Tout dépend de lui, et il refuse !
D’
où la haine sourde, et en même temps le respect religieux qu’on lui po
1191
qu’on lui porte. Peut-être n’est-il pas excessif
de
voir dans cette passion contradictoire le secret des soudaines explos
1192
contradictoire le secret des soudaines explosions
de
rancune qui apparurent périodiquement au Moyen Âge. Je ne sais si cet
1193
s, éternellement lié au sien en vertu d’un décret
de
Dieu, mais encore qu’elle se doit de juger Israël autrement que ne fa
1194
d’un décret de Dieu, mais encore qu’elle se doit
de
juger Israël autrement que ne fait « le monde ». Ce n’est pas au nom
1195
ons à prendre position, mais au nom des promesses
de
la foi, et dans une perspective missionnaire qui réduit à leurs juste
1196
ncevoir nos polémiques. Et son issue ne dépend ni
de
nous seuls, ni d’eux seuls. On dit : les Juifs sont ceci, les Juifs s
1197
ques. Et son issue ne dépend ni de nous seuls, ni
d’
eux seuls. On dit : les Juifs sont ceci, les Juifs sont cela, ils se s
1198
nt ceci, les Juifs sont cela, ils se sont emparés
de
nos richesses, etc. Mais de quels biens se préoccupe le croyant ? Leu
1199
, ils se sont emparés de nos richesses, etc. Mais
de
quels biens se préoccupe le croyant ? Leur faute a fait la richesse d
1200
tifié à l’origine que par la vocation spirituelle
de
ce peuple. Il n’est pas du tout biologique. Il ne le devient qu’acces
1201
soirement, à mesure que l’on prend les « signes »
de
la vocation pour des réalités valables en elles-mêmes. Mais sans dout
1202
ils n’en épousaient point qui aient été captives,
de
peur qu’elles n’aient eu quelque commerce avec des étrangers. Peut-il
1203
des pièces si authentiques, prouver leur descente
de
père en fils depuis deux-mille ans ? Que si quelqu’un manque d’observ
1204
s depuis deux-mille ans ? Que si quelqu’un manque
d’
observer cet ordre, on le sépare de l’autel, sans qu’il lui soit plus
1205
elqu’un manque d’observer cet ordre, on le sépare
de
l’autel, sans qu’il lui soit plus permis de faire aucune des fonction
1206
épare de l’autel, sans qu’il lui soit plus permis
de
faire aucune des fonctions sacerdotales. » — Il est curieux de noter
1207
ne des fonctions sacerdotales. » — Il est curieux
de
noter que les lois racistes hitlériennes privent de tous droits civiq
1208
noter que les lois racistes hitlériennes privent
de
tous droits civiques les personnes qui ne peuvent prouver par les reg
1209
ui ne peuvent prouver par les registres la pureté
de
leurs origines : c’est que l’exercice des droits civiques est bien un
1210
l’exercice des droits civiques est bien une sorte
de
« sacerdoce » national. On voit ainsi que l’eugénisme n’est pas le se
1211
oit ainsi que l’eugénisme n’est pas le seul motif
de
la législation raciste. 65. Sur l’importance capitale de cette notio
1212
gislation raciste. 65. Sur l’importance capitale
de
cette notion de commune mesure pour toute culture ou civilisation, j’
1213
e. 65. Sur l’importance capitale de cette notion
de
commune mesure pour toute culture ou civilisation, j’ai donné de plus
1214
er avec les mains , où l’on trouvera un raccourci
de
la présente étude. Du point de vue de l’histoire du peuple juif, ce r
1215
n raccourci de la présente étude. Du point de vue
de
l’histoire du peuple juif, ce raccourci souffre, entre autres, d’une
1216
peuple juif, ce raccourci souffre, entre autres,
d’
une très grave lacune en ce qu’il paraît conclure sur l’abandon final
1217
e en ce qu’il paraît conclure sur l’abandon final
d’
Israël à son destin, après la mort de Jésus-Christ. Je suis heureux de
1218
bandon final d’Israël à son destin, après la mort
de
Jésus-Christ. Je suis heureux de pouvoir donner ci-après un développe
1219
n, après la mort de Jésus-Christ. Je suis heureux
de
pouvoir donner ci-après un développement qui n’avait pas sa place dan
1220
hétisme, c’est-à-dire l’élément le plus finaliste
de
la religion d’Israël qui aurait donné au peuple l’expression légale d
1221
à-dire l’élément le plus finaliste de la religion
d’
Israël qui aurait donné au peuple l’expression légale de sa commune me
1222
ël qui aurait donné au peuple l’expression légale
de
sa commune mesure : le Décalogue. Ainsi la fin crée ses moyens. Cette
1223
le Moïse — aurait bel et bien donné les rudiments
de
la Loi au peuple juif dès la sortie d’Égypte. Les prophètes seraient
1224
rudiments de la Loi au peuple juif dès la sortie
d’
Égypte. Les prophètes seraient alors ceux qui rappellent le peuple au
1225
xcès du légalisme. 67. Livre II, chap. VI, trad.
d’
Arnaud d’Andilly. 68. Renan, Histoire du peuple d’Israël, t. II, p.
1226
Arnaud d’Andilly. 68. Renan, Histoire du peuple
d’
Israël, t. II, p. 265. 69. « L’embarras de l’hébreu pour expliquer le
1227
peuple d’Israël, t. II, p. 265. 69. « L’embarras
de
l’hébreu pour expliquer les notions philosophiques les plus simples,
1228
ns philosophiques les plus simples, dans le Livre
de
Job, dans l’Ecclésiaste, est quelque chose de surprenant. L’image phy
1229
vre de Job, dans l’Ecclésiaste, est quelque chose
de
surprenant. L’image physique qui, dans les langues sémitiques, est en
1230
, dans les langues sémitiques, est encore à fleur
de
sol, obscurcit la déduction abstraite… » (Renan, op. cit., I, p. 49).
1231
Où Renan voit un obscurcissement, je vois le gage
d’
une vive actualité, ou efficacité, du langage des clercs, identique à
1232
s semblent infirmer en partie ce dernier jugement
de
Renan. Mais il reste valable pour la période primitive. 72. Abraham
1233
u « le jour du Seigneur ». Saint Paul et l’auteur
de
l’Épître aux Hébreux (chap. II) insistent fortement sur cette unicité
1234
(chap. II) insistent fortement sur cette unicité
de
la Révélation. C’est un grand lieu commun de la théologie réformée qu
1235
cité de la Révélation. C’est un grand lieu commun
de
la théologie réformée que de voir dans l’Ancien Testament l’histoire
1236
un grand lieu commun de la théologie réformée que
de
voir dans l’Ancien Testament l’histoire du Christ avant qu’il vienne,
1237
Prophètes après le Christ. Ainsi la Bible n’a pas
d’
autre sens que de désigner l’Incarnation qui est son centre, au-delà d
1238
e Christ. Ainsi la Bible n’a pas d’autre sens que
de
désigner l’Incarnation qui est son centre, au-delà d’elle-même. Tolle
1239
ésigner l’Incarnation qui est son centre, au-delà
d’
elle-même. Tolle Christum e scripturis, quid amplius invenies in illis
1240
turis, quid amplius invenies in illis ? (Luther :
De
servo arbitrio.) 73. Christopher Dawson, Les Origines de l’Europe et
1241
arbitrio.) 73. Christopher Dawson, Les Origines
de
l’Europe et de la civilisation européenne, trad. française, chez Ried
1242
. Christopher Dawson, Les Origines de l’Europe et
de
la civilisation européenne, trad. française, chez Rieder, 1934, p. 43
1243
eder, 1934, p. 43. 74. Sitôt que la mesure cesse
d’
être transcendante, devient humaine, contingente et partielle, et n’ét
1244
eut encore totalitaire, on a l’État-nation-Police
de
type fasciste ou stalinien. Bien entendu, il serait absurde de rendre
1245
ste ou stalinien. Bien entendu, il serait absurde
de
rendre Israël responsable de ce qui n’est que « profanations » de la
1246
u, il serait absurde de rendre Israël responsable
de
ce qui n’est que « profanations » de la notion de mesure totalitaire.
1247
responsable de ce qui n’est que « profanations »
de
la notion de mesure totalitaire. 75. Cf. Ramuz. 76. Par exemple : c
1248
de ce qui n’est que « profanations » de la notion
de
mesure totalitaire. 75. Cf. Ramuz. 76. Par exemple : cohésion spiri
1249
sion spirituelle et matérielle des divers membres
de
ces nations éparses ou persécutées, esprit à la fois traditionaliste
1250
te et hardiment novateur, génie financier, niveau
de
culture élevé, etc. 77. Charisme signifie don particulier, vocation
1251
ter le phénomène capitaliste à l’« accumulation »
de
richesses des couvents anglais au Moyen Âge, et aux banques de l’Ital
1252
des couvents anglais au Moyen Âge, et aux banques
de
l’Italie du Nord. Les responsabilités se partageraient donc équitable
1253
trois religions ! 79. Calvin, toujours soucieux
de
ne pas spéculer arbitrairement sur les textes, note en effet cette re
1254
riction : « Et aussi ne faut-il pas entendre ceci
de
toute vocation, mais de celle par laquelle Dieu a adopté en son allia
1255
faut-il pas entendre ceci de toute vocation, mais
de
celle par laquelle Dieu a adopté en son alliance la postérité d’Abrah
1256
quelle Dieu a adopté en son alliance la postérité
d’
Abraham : vu que le propos était nommément et spécialement d’icelle vo
1257
vu que le propos était nommément et spécialement
d’
icelle vocation. » (Commentaires, sur Rom. II, 29). v. Rougemont Den
1258
mentaires, sur Rom. II, 29). v. Rougemont Denis
de
, « Vocation et destin d’Israël », Les Juifs, Paris, Plon, 1937, p. 14
1259
9). v. Rougemont Denis de, « Vocation et destin
d’
Israël », Les Juifs, Paris, Plon, 1937, p. 143-165.
1260
ance serait exagérer, mais dans le sens contraire
de
celui qu’on imagine. Car on fait pis que de l’ignorer et même que de
1261
raire de celui qu’on imagine. Car on fait pis que
de
l’ignorer et même que de le méconnaître : on prétend, sans l’avoir ja
1262
ine. Car on fait pis que de l’ignorer et même que
de
le méconnaître : on prétend, sans l’avoir jamais lu, savoir qui il fu
1263
fut, qui il est. Certains ont parcouru les Propos
de
table, présentés au public français comme un ouvrage capital : ils s’
1264
rançais comme un ouvrage capital : ils s’étonnent
d’
y trouver si peu de substance théologique et tant de plaisanteries par
1265
ique et tant de plaisanteries parfois grossières,
de
platitudes, de contradictions. Est-ce avec cela que s’est faite la Ré
1266
plaisanteries parfois grossières, de platitudes,
de
contradictions. Est-ce avec cela que s’est faite la Réforme ? D’autre
1267
utenir que Luther fut un démagogue, un exploiteur
de
l’éternel ressentiment de la race allemande contre la civilisation ro
1268
émagogue, un exploiteur de l’éternel ressentiment
de
la race allemande contre la civilisation romaine. On a poussé la bouf
1269
oussé la bouffonnerie jusqu’à cet excès grandiose
d’
assimiler Luther et M. Hitler, par goût de la rime sans doute. Pour l’
1270
andiose d’assimiler Luther et M. Hitler, par goût
de
la rime sans doute. Pour l’opinion moyenne sur Luther, je crois que l
1271
se marier. » J’extrais cette déclaration du livre
d’
un critique littéraire connu, dont les revues n’hésitèrent pas lorsqu’
1272
e information théologique… Ceci dit, il est juste
d’
insister sur la grande valeur des travaux de quelques spécialistes fra
1273
juste d’insister sur la grande valeur des travaux
de
quelques spécialistes français qui, au niveau de la haute culture, on
1274
e la haute culture, ont largement sauvé l’honneur
de
leur pays. Je pense aux ouvrages publiés par MM. Henri Strohl, J. Vig
1275
Gilson, pour ne rien dire — mais cela va de soi —
de
l’activité des professeurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire de
1276
is cela va de soi — de l’activité des professeurs
de
dogmatique luthérienne ou d’histoire de l’Église dans les trois facul
1277
vité des professeurs de dogmatique luthérienne ou
d’
histoire de l’Église dans les trois facultés françaises de théologie p
1278
ofesseurs de dogmatique luthérienne ou d’histoire
de
l’Église dans les trois facultés françaises de théologie protestante.
1279
re de l’Église dans les trois facultés françaises
de
théologie protestante. Il n’en reste pas moins que l’ignorance ou la
1280
illies par des biographes amateurs, et à l’action
de
la polémique catholique (Denifle, Maritain, Grisar), mettent le publi
1281
tain, Grisar), mettent le public français en état
d’
infériorité assez grave, ne fût-ce que sur le plan de la culture génér
1282
nfériorité assez grave, ne fût-ce que sur le plan
de
la culture générale. Car ignorer ou méconnaître Luther, c’est ignorer
1283
méconnaître un des deux ou trois moments décisifs
de
la tradition fondamentale de l’Occident, c’est s’interdire de rien co
1284
ois moments décisifs de la tradition fondamentale
de
l’Occident, c’est s’interdire de rien comprendre à la grande discussi
1285
ion fondamentale de l’Occident, c’est s’interdire
de
rien comprendre à la grande discussion millénaire, à la grande tensio
1286
u libre arbitre, opposant Érasme à Luther, permet
de
définir symboliquement les pôles : pensée « pure » et pensée « engagé
1287
le plan théologique, ou mieux : dans la totalité
de
l’être, revient à celle d’un christianisme qui se met au service de l
1288
eux : dans la totalité de l’être, revient à celle
d’
un christianisme qui se met au service de l’humain (j’entends bien de
1289
à celle d’un christianisme qui se met au service
de
l’humain (j’entends bien de l’humain purifié, « divinisé » par les ef
1290
qui se met au service de l’humain (j’entends bien
de
l’humain purifié, « divinisé » par les efforts de la religion s’ajout
1291
de l’humain purifié, « divinisé » par les efforts
de
la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et d’un christianisme ab
1292
par les efforts de la religion s’ajoutant à ceux
de
la raison), et d’un christianisme absolu, qu’on déclare volontiers «
1293
e la religion s’ajoutant à ceux de la raison), et
d’
un christianisme absolu, qu’on déclare volontiers « inhumain » parce q
1294
arce qu’il attribue tout à Dieu. Importance du
De
servo arbitrio C’est sans doute dans cette perspective que le lec
1295
occidental par excellence, mais au centre, aussi,
de
la Réforme, et de l’effort dogmatique de Luther30. On croit d’abord à
1296
ellence, mais au centre, aussi, de la Réforme, et
de
l’effort dogmatique de Luther30. On croit d’abord à un pamphlet, enco
1297
, aussi, de la Réforme, et de l’effort dogmatique
de
Luther30. On croit d’abord à un pamphlet, encore que son volume matér
1298
sonnifiée), n’est en fait que le support apparent
d’
une réflexion de plus vaste envergure, d’un témoignage qui transcende
1299
apparent d’une réflexion de plus vaste envergure,
d’
un témoignage qui transcende toute dispute. Entraîné par sa fougue hab
1300
e il le dit aux premières pages) par les procédés
de
l’humaniste et du sceptique que se vantait d’être Érasme, Luther en v
1301
dés de l’humaniste et du sceptique que se vantait
d’
être Érasme, Luther en vient, de proche en proche, à ressaisir et repo
1302
ue que se vantait d’être Érasme, Luther en vient,
de
proche en proche, à ressaisir et reposer avec puissance toutes les af
1303
c puissance toutes les affirmations fondamentales
de
la Réforme : justification par la foi, qui est don gratuit et œuvre d
1304
fication par la foi, qui est don gratuit et œuvre
de
Dieu seul ; opposition de cette justice de Dieu à la justice des homm
1305
st don gratuit et œuvre de Dieu seul ; opposition
de
cette justice de Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; op
1306
œuvre de Dieu seul ; opposition de cette justice
de
Dieu à la justice des hommes et de leurs œuvres ; opposition de la gr
1307
cette justice de Dieu à la justice des hommes et
de
leurs œuvres ; opposition de la grâce à la nature, selon les termes d
1308
ustice des hommes et de leurs œuvres ; opposition
de
la grâce à la nature, selon les termes de l’Apôtre ; opposition de la
1309
osition de la grâce à la nature, selon les termes
de
l’Apôtre ; opposition de la Parole vivante à la tradition codifiée ;
1310
nature, selon les termes de l’Apôtre ; opposition
de
la Parole vivante à la tradition codifiée ; sens de la décision total
1311
la Parole vivante à la tradition codifiée ; sens
de
la décision totale entre un oui et un non absolus, et refus de tout m
1312
n totale entre un oui et un non absolus, et refus
de
tout moyen terme ou médiation plus ou moins rationnelle entre les règ
1313
nnelle entre les règnes en guerre ouverte du Dieu
de
la foi et du Prince de ce monde ; nécessité du témoignage, et du témo
1314
en guerre ouverte du Dieu de la foi et du Prince
de
ce monde ; nécessité du témoignage, et du témoignage fidèle, certifié
1315
la Bible, et constituant la véritable « action »
de
l’homme entre les mains de Dieu. Tels sont les thèmes qu’illustre cet
1316
a véritable « action » de l’homme entre les mains
de
Dieu. Tels sont les thèmes qu’illustre cet ouvrage. S’ils n’y sont pa
1317
étuelle question que nous posent toutes les pages
de
la Bible. Ils renvoient tous à une réalité dont ils ne sont que les r
1318
e crois, si tu as reçu la foi, il n’est plus rien
de
« difficile » dans les assertions de Luther, ni dans sa négation joye
1319
st plus rien de « difficile » dans les assertions
de
Luther, ni dans sa négation joyeuse du libre arbitre. Ses coups viole
1320
ler. Folie pour les sages Mais il s’en faut
de
presque tout que les grandes thèses pauliniennes de la Réforme soient
1321
presque tout que les grandes thèses pauliniennes
de
la Réforme soient acceptées (ou simplement connues !) par nos contemp
1322
r nos contemporains, même chrétiens. Il s’en faut
de
beaucoup, de presque tout, que les arguments d’un Érasme nous apparai
1323
orains, même chrétiens. Il s’en faut de beaucoup,
de
presque tout, que les arguments d’un Érasme nous apparaissent comme a
1324
t de beaucoup, de presque tout, que les arguments
d’
un Érasme nous apparaissent comme autant de sophismes. Non seulement t
1325
uments d’un Érasme nous apparaissent comme autant
de
sophismes. Non seulement tous les humanistes — des marxistes aux vieu
1326
pole : tout catholique se doit, en bonne logique,
de
les faire siens, puisqu’il croit au mérite des œuvres ; et tous les p
1327
e Calvin et Luther ont fait leur temps — que dire
de
Paul, bien plus ancien — tous ceux qui tiennent la prédestination pou
1328
aux hommes que Dieu agrée » par « Paix aux hommes
de
bonne volonté », tous ceux-là sont, en fait, avec Érasme et son armée
1329
s ceux-là sont, en fait, avec Érasme et son armée
de
grands docteurs de tous les siècles, pour soutenir le libre arbitre r
1330
fait, avec Érasme et son armée de grands docteurs
de
tous les siècles, pour soutenir le libre arbitre religieux, c’est-à-d
1331
igieux, c’est-à-dire le pouvoir qu’aurait l’homme
de
contribuer à son salut par ses efforts et ses œuvres morales. Que tro
1332
eront-ils, dès lors, dans ce Traité ? Une verdeur
de
polémique qui peut flatter en nous le goût du pittoresque ; l’élan gé
1333
u pittoresque ; l’élan génial, la violence loyale
d’
une certitude pesante, vraiment « grave », d’une dialectique sobre et
1334
yale d’une certitude pesante, vraiment « grave »,
d’
une dialectique sobre et têtue, qui va droit au point décisif, envisag
1335
in conférer à son choix la force et la simplicité
d’
une constatation évidente. D’un point de vue purement esthétique, ces
1336
rce et la simplicité d’une constatation évidente.
D’
un point de vue purement esthétique, ces qualités sont assez rares, et
1337
même attiré et subjugué par le style, par le ton
de
l’ouvrage. (Nous ne savons que trop bien, nous modernes, séparer le f
1338
ons que trop bien, nous modernes, séparer le fond
de
la forme, admirer l’une quand nous condamnons l’autre, et vice versa.
1339
ette maîtrise, qu’on attendait d’ailleurs du chef
d’
un grand mouvement (comme dirait le jargon d’aujourd’hui), tout est fa
1340
chef d’un grand mouvement (comme dirait le jargon
d’
aujourd’hui), tout est fait, dans notre Traité, pour heurter de front
1341
), tout est fait, dans notre Traité, pour heurter
de
front le lecteur incroyant, ou celui qui ne partage pas la foi de Pau
1342
eur incroyant, ou celui qui ne partage pas la foi
de
Paul et des Apôtres. D’abord, le langage scolastique, qui n’est pas p
1343
proprement luthérien, mais que Luther est obligé
d’
utiliser pour débrouiller et supprimer les faux problèmes où la Diatri
1344
efus total, ou mieux, cette négligence tranquille
de
toute espèce de considération psychologique. (Un tel homme est bien t
1345
ieux, cette négligence tranquille de toute espèce
de
considération psychologique. (Un tel homme est bien trop vivant pour
1346
ue. (Un tel homme est bien trop vivant pour faire
de
la psychologie ; trop engagé dans le réel pour prendre au sérieux ses
1347
conscience du spectateur.) Ce qui ne manquera pas
de
faire crier au dogmatisme. Tout se passe ici « à l’intérieur » du chr
1348
se passe ici « à l’intérieur » du christianisme,
de
l’Église. L’humanisme laïque, autonome, est simplement nié, comme une
1349
e et doit suffire en droit, à réfuter l’objection
d’
un moderne, l’objection parfaitement anachronique, mais que je sais in
1350
isse écarter cette objection par un simple rappel
de
l’ordre dans lequel le Traité fut pensé. Je tenterai donc d’esquisser
1351
dans lequel le Traité fut pensé. Je tenterai donc
d’
esquisser, tout au moins, le dialogue d’une « conscience moderne », do
1352
erai donc d’esquisser, tout au moins, le dialogue
d’
une « conscience moderne », douée d’exigence spirituelle, avec un part
1353
, le dialogue d’une « conscience moderne », douée
d’
exigence spirituelle, avec un partisan du « serf arbitre » luthérien.
1354
alogue se déroule même à l’intérieur de la pensée
d’
un homme qui veut croire…) Dialogue Car Dieu peut tout à tout in
1355
Dieu peut tout à tout instant. C’est là la santé
de
la foi. Kierkegaard Une conscience moderne. — Selon Luther, nous n
1356
ce, mais l’omniscience et la prescience éternelle
de
Dieu, qui ne peut faillir à sa promesse, et auquel nul obstacle ne s’
1357
Que devient alors notre effort ? Il ne sert plus
de
rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si, d’avance, le
1358
us de rien. Nous n’en ferons plus ! Nous refusons
de
jouer si, d’avance, le vainqueur a été désigné par un arbitre qui ne
1359
ous n’en ferons plus ! Nous refusons de jouer si,
d’
avance, le vainqueur a été désigné par un arbitre qui ne tient pas com
1360
té désigné par un arbitre qui ne tient pas compte
de
nos exploits ! Un luthérien. — Mais connais-tu seulement les vraies
1361
vraies règles du jeu ? Qui t’a fait croire que ta
vie
était une partie à jouer entre toi et le monde, par exemple ; ou enco
1362
Sort, cette idole païenne ? C. M. — J’ai besoin
de
le croire pour agir. L. — Mais qu’est-ce qu’agir ? Est-ce vraiment t
1363
nt toi qui agis ? Ou n’es-tu pas toi-même agi par
de
puissantes forces sociales, historiques et économiques ? Toute ta sci
1364
Certes, mais ma dignité consiste à lutter contre
de
telles forces, une fois que je les ai reconnues ; à m’affirmer dans m
1365
omie par un acte qui crée ma liberté, par un acte
de
révolte, s’il le faut ! L. — Tu crois donc détenir un tel pouvoir ?
1366
nc détenir un tel pouvoir ? C. M. — Il me suffit
de
vouloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse de travail… Pour
1367
uloir l’affirmer. L. — Soit, c’est une hypothèse
de
travail… Pour moi, je crois que Dieu connaît la fin, la somme, la val
1368
Dieu connaît la fin, la somme, la valeur absolue
de
nos actions passées, présentes, futures ; car elles sont dans le temp
1369
ce Dieu, qui prétend voir plus loin que le terme
de
mes actions, ce qui, avouons-le, les ridiculise complètement et les r
1370
Et prévues par un Dieu éternel, qui alors se joue
de
moi indignement ! Il faudra donc choisir : Dieu ou moi. Je dirai : mo
1371
es que si Dieu prévoit tout, tu es alors dispensé
d’
agir, et que ce n’est plus la peine de faire aucun effort. C’est peut-
1372
rs dispensé d’agir, et que ce n’est plus la peine
de
faire aucun effort. C’est peut-être mal raisonner. Si ton effort auss
1373
ieu n’est pas ! »32 qui t’assurerait que cet acte
de
révolte échappe à l’éternelle prévision ? Qui t’assurerait qu’en pron
1374
ne prononcerais pas sur toi-même l’arrêt éternel
de
Dieu te rejetant vers le néant, en sorte que Dieu, vraiment, n’existe
1375
supprimer en fait. Mais c’est peut-être se priver
de
son secours, ou encore la transformer en une menace obscure… Il y a u
1376
ps ? C. M. — Mais mon temps est vivant, et plein
de
nouveauté, de création ! Ton éternité immobile, c’est l’image même de
1377
Mais mon temps est vivant, et plein de nouveauté,
de
création ! Ton éternité immobile, c’est l’image même de la mort. L.
1378
ation ! Ton éternité immobile, c’est l’image même
de
la mort. L. — Que savons-nous de l’éternité ? Les philosophes et la
1379
st l’image même de la mort. L. — Que savons-nous
de
l’éternité ? Les philosophes et la raison ne peuvent l’imaginer que m
1380
que morte. Mais la Bible nous dit qu’elle est la
Vie
, et que notre vie n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l
1381
a Bible nous dit qu’elle est la Vie, et que notre
vie
n’est qu’une mort à ses yeux. Qui nous prouve que l’éternité est quel
1382
Qui nous prouve que l’éternité est quelque chose
d’
immobile, de statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pas au contraire la
1383
ouve que l’éternité est quelque chose d’immobile,
de
statique ? Qui nous dit qu’elle n’est pas au contraire la source de t
1384
nous dit qu’elle n’est pas au contraire la source
de
tout acte et de toute création, une invention totale et perpétuelle,
1385
n’est pas au contraire la source de tout acte et
de
toute création, une invention totale et perpétuelle, une actualité pe
1386
elle le touche dans l’instant (dans un « atome »
de
temps, comme l’écrit Paul) ?33 Qui t’assure que notre raison tout att
1387
otre temps où elle s’est constituée, soit capable
de
concevoir ce paradoxe ou ce scandale d’une éternité seule actuelle ?
1388
t capable de concevoir ce paradoxe ou ce scandale
d’
une éternité seule actuelle ? C’est un mystère plus profond que notre
1389
ctuelle ? C’est un mystère plus profond que notre
vie
, et la raison n’est qu’un faible élément de notre vie. C’est un mystè
1390
otre vie, et la raison n’est qu’un faible élément
de
notre vie. C’est un mystère que le croyant pressent et vit au seul mo
1391
et la raison n’est qu’un faible élément de notre
vie
. C’est un mystère que le croyant pressent et vit au seul moment de la
1392
ère que le croyant pressent et vit au seul moment
de
la prière. « Demandez et l’on vous donnera », dit le même Dieu qui no
1393
nt aux yeux de l’homme, sans que rien soit changé
de
ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car
1394
sans que rien soit changé de ce qu’a décidé Dieu,
de
ce qu’il décide ou de ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pa
1395
ngé de ce qu’a décidé Dieu, de ce qu’il décide ou
de
ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas de « temps », il n’e
1396
ce qu’il décidera ? Car l’Éternel ne connaît pas
de
« temps », il n’est pas lié comme nous à une succession. Mais au cont
1397
traire, nos divers temps et successions procèdent
de
l’Éternel et lui sont liés : nous venons de lui, nous retournons à lu
1398
range illusion nous ferait croire qu’une décision
de
l’Éternel est une décision dans le passé ! Quand c’est elle seule qui
1399
cas, tu n’as rien prouvé. L. — On ne prouve rien
de
ce qui est essentiel ; on l’accepte ou on le refuse, en vertu d’une d
1400
pure. Discuter ne peut nous conduire qu’au seuil
de
cette décision. Et nous n’aurons pas dialogué en vain, si nous avons
1401
rnel qui commande — ou c’est moi. Il n’y a pas là
de
difficultés intellectuelles. Il n’y a que la résistance acharnée du «
1402
est Christ lui-même, — il me paraît que l’opinion
de
Luther n’est pas sujette à de sérieuses objections. Et la démonstrati
1403
araît que l’opinion de Luther n’est pas sujette à
de
sérieuses objections. Et la démonstration purement biblique qu’on en
1404
es, suffit à établir, pour le chrétien, la vérité
d’
un paradoxe que Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même de l
1405
Luther n’a pas inventé, mais qui est au cœur même
de
l’Évangile. L’apôtre Paul l’a formulé avant toute « tradition ecclési
1406
araît qu’à celui qui ose aller jusqu’aux extrêmes
de
la connaissance de soi-même et de la connaissance de la foi. Luther i
1407
i ose aller jusqu’aux extrêmes de la connaissance
de
soi-même et de la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « ex
1408
qu’aux extrêmes de la connaissance de soi-même et
de
la connaissance de la foi. Luther insiste sur cet « extrémisme » évan
1409
la connaissance de soi-même et de la connaissance
de
la foi. Luther insiste sur cet « extrémisme » évangélique, que les so
1410
p portés à corriger et à « humaniser », au risque
d’
« évacuer la Croix ». Tant qu’on n’a pas envisagé la doctrine de la pu
1411
Croix ». Tant qu’on n’a pas envisagé la doctrine
de
la pure grâce jusque dans son sérieux dernier, on peut soutenir que l
1412
à l’inverse, il faut oser descendre jusqu’au fond
de
la connaissance du péché pour voir qu’il n’y a de liberté possible qu
1413
de la connaissance du péché pour voir qu’il n’y a
de
liberté possible que dans la grâce que Dieu nous fait. Toute l’argume
1414
a grâce que Dieu nous fait. Toute l’argumentation
de
Luther vise le moment de la décision, et néglige les moyens termes où
1415
t. Toute l’argumentation de Luther vise le moment
de
la décision, et néglige les moyens termes où voulait se complaire Éra
1416
aire Érasme. Le problème du salut est un problème
de
vie ou de mort. Or il est seul en cause pour le théologien. Et tout e
1417
e Érasme. Le problème du salut est un problème de
vie
ou de mort. Or il est seul en cause pour le théologien. Et tout est c
1418
e. Le problème du salut est un problème de vie ou
de
mort. Or il est seul en cause pour le théologien. Et tout est clair l
1419
mpris que Luther ne nie pas du tout notre faculté
de
vouloir, mais nie seulement qu’elle puisse suffire à nous obtenir le
1420
ncore catholique ; son humanisme mesuré l’empêche
de
voir le vrai tragique du débat. Mais le plus grand des adversaires du
1421
a poussé comme Luther, jusqu’aux extrêmes limites
de
l’homme, jusqu’aux questions dernières que peut envisager notre pensé
1422
la fatalité inéluctable. C’est dans cette volonté
de
reconnaître notre totale irresponsabilité, qu’il croit trouver et reg
1423
u’il croit trouver et regagner la dignité suprême
de
l’homme sans Dieu. Être libre, c’est vouloir l’éternité de son destin
1424
e sans Dieu. Être libre, c’est vouloir l’éternité
de
son destin. (Pour le chrétien, c’est accepter en acte l’éternelle pré
1425
oblème, dès qu’on en vient à une épreuve radicale
de
la vie. Au « tu dois » des chrétiens, qui est prononcé par Dieu, Niet
1426
, dès qu’on en vient à une épreuve radicale de la
vie
. Au « tu dois » des chrétiens, qui est prononcé par Dieu, Nietzsche o
1427
rononcé par Dieu, Nietzsche oppose le « je veux »
de
l’homme divinisé. Puis, à l’existence de Dieu, il oppose sa propre ex
1428
e veux » de l’homme divinisé. Puis, à l’existence
de
Dieu, il oppose sa propre existence35. Mais la difficulté fondamental
1429
a difficulté fondamentale que posent les rapports
de
notre volonté et de l’éternité souveraine, demeure entière. La différ
1430
ntale que posent les rapports de notre volonté et
de
l’éternité souveraine, demeure entière. La différence, c’est que Niet
1431
. La différence, c’est que Nietzsche nous propose
d’
adorer un Destin muet, tandis que nous adorons une Providence dont la
1432
30. À la proposition qu’on lui faisait, en 1587,
d’
éditer ses œuvres complètes, le réformateur répondit : « Je ne reconna
1433
le réformateur répondit : « Je ne reconnais aucun
de
mes livres pour adéquat, si ce n’est peut-être le de servo arbitrio e
1434
mes livres pour adéquat, si ce n’est peut-être le
de
servo arbitrio et le Catéchisme. » 31. Luther avertit à chaque fois
1435
85 et suiv. en particulier. o. Rougemont Denis
de
, Luther Martin, « [Préface] Martin Luther, Traité du serf arbitre »,
1436
ans Traité du serf arbitre, trad. Rougemont Denis
de
, Paris, Éditions « Je sers », 1937, p. 15-27.
1437
L’Acte comme point
de
départ (1936-1937)a b Nous partons de l’impression qu’il existe, e
1438
me point de départ (1936-1937)a b Nous partons
de
l’impression qu’il existe, entre certains systèmes qu’on a coutume d’
1439
l existe, entre certains systèmes qu’on a coutume
d’
opposer très nettement les uns aux autres, un commun dénominateur d’er
1440
tement les uns aux autres, un commun dénominateur
d’
erreur, que nous ne pourrions définir qu’en sortant du plan sur lequel
1441
nalisme et dans le pragmatisme, etc., un ensemble
de
suppositions communes qui nous paraissent renfermer la véritable rais
1442
qui nous paraissent renfermer la véritable raison
de
rejeter l’un et l’autre système, sans plus nous attacher à combattre
1443
an sur lequel ils s’opposent. Cette impossibilité
de
prendre parti entre deux erreurs qui nous semblent organiquement liée
1444
ption proprement révolutionnaire (ou « changement
de
plan »), qui seule nous restitue l’unité de vision, la plénitude de v
1445
ement de plan »), qui seule nous restitue l’unité
de
vision, la plénitude de volonté et en quelque sorte la bonne conscien
1446
ule nous restitue l’unité de vision, la plénitude
de
volonté et en quelque sorte la bonne conscience nécessaire à toute œu
1447
onstructive. Les quelques pages qui suivent n’ont
d’
autre but que d’en indiquer le principe de permanente actualité. C’est
1448
quelques pages qui suivent n’ont d’autre but que
d’
en indiquer le principe de permanente actualité. C’est précisément ce
1449
t n’ont d’autre but que d’en indiquer le principe
de
permanente actualité. C’est précisément ce sentiment de bonne conscie
1450
manente actualité. C’est précisément ce sentiment
de
bonne conscience que nous ne pouvons plus éprouver en présence de la
1451
rouver en présence de la plupart des philosophies
de
naguère et d’aujourd’hui, telles qu’elles se présentent à nous. Avant
1452
ence de la plupart des philosophies de naguère et
d’
aujourd’hui, telles qu’elles se présentent à nous. Avant même d’en pén
1453
telles qu’elles se présentent à nous. Avant même
d’
en pénétrer le détail et d’en critiquer la structure propre, nous nous
1454
ent à nous. Avant même d’en pénétrer le détail et
d’
en critiquer la structure propre, nous nous sentons repoussés par quel
1455
t. Nos analyses ne nous donnent en elles-mêmes et
d’
une façon précise rien de suffisant pour justifier ce mouvement de ref
1456
onnent en elles-mêmes et d’une façon précise rien
de
suffisant pour justifier ce mouvement de refus global. Mais nous sent
1457
ise rien de suffisant pour justifier ce mouvement
de
refus global. Mais nous sentons qu’elles entraînent en nous un état d
1458
nous sentons qu’elles entraînent en nous un état
de
division intérieure. Elles opèrent dans un monde dépourvu de correspo
1459
intérieure. Elles opèrent dans un monde dépourvu
de
correspondances avec notre situation concrète. Ce n’est pas leur abst
1460
se se donner des lois qui ne tiennent plus compte
de
la crise du monde, et de celle de l’esprit dans ce monde. L’esprit s’
1461
ne tiennent plus compte de la crise du monde, et
de
celle de l’esprit dans ce monde. L’esprit s’est dégagé des coordonnée
1462
ent plus compte de la crise du monde, et de celle
de
l’esprit dans ce monde. L’esprit s’est dégagé des coordonnées du mome
1463
son exercice n’engage plus à rien, concrètement.
D’
où ce sentiment, quand nous voulons penser telle idéologie, de nous tr
1464
iment, quand nous voulons penser telle idéologie,
de
nous trouver diminués dans notre énergie totale. La pensée n’est plus
1465
re énergie totale. La pensée n’est plus le moteur
de
l’action ; au contraire, elle tourne à ses dépens. On peut continuer
1466
é n’en ronfle que mieux, d’ailleurs, et fait plus
de
bruit qu’en « prise ». Il arrive même qu’il tourne si vite que toute
1467
ive même qu’il tourne si vite que toute tentative
d’
embrayage serait immédiatement fatale à la machine, et ferait voler en
1468
éclats les engrenages. La merveilleuse subtilité
d’
une certaine pensée critique, aujourd’hui, ne donne-t-elle pas exactem
1469
par un seul mot, qui exprime à la fois son manque
de
coordonnées, d’une part, et, d’autre part, le sentiment de division e
1470
nnées, d’une part, et, d’autre part, le sentiment
de
division et de diminution qu’elle favorise en nous : ce mot serait ce
1471
rt, et, d’autre part, le sentiment de division et
de
diminution qu’elle favorise en nous : ce mot serait celui d’inactuali
1472
on qu’elle favorise en nous : ce mot serait celui
d’
inactualité, entendu, non pas au sens temporel, mais au sens de ruptur
1473
, entendu, non pas au sens temporel, mais au sens
de
rupture entre la pensée et l’acte. ⁂ Que la pensée moderne repose sur
1474
e. ⁂ Que la pensée moderne repose sur un postulat
d’
inactualité, il suffit, pour s’en convaincre, de se demander un instan
1475
t d’inactualité, il suffit, pour s’en convaincre,
de
se demander un instant ce qui arriverait dans le cas contraire. Si no
1476
ser passer, laisser faire », suppose le débrayage
de
la pensée, sinon nous vivrions dans la plus effroyable anarchie matér
1477
st réel, il se peut qu’il provienne, précisément,
d’
actualisations partielles des philosophies que nous repoussons ? Nous
1478
se renouvelle, c’est qu’il y a dans le monde plus
d’
actualité que nos philosophies n’en peuvent concevoir. Et s’il y a du
1479
le désordre n’est pas total, c’est la raison même
de
ce désordre : c’est la rupture entre la pensée et l’acte, rupture qui
1480
’autre part, la freine et la prive pour le moment
de
virulence. Cet état d’équilibre entre le microbe et la maladie ne peu
1481
et la prive pour le moment de virulence. Cet état
d’
équilibre entre le microbe et la maladie ne peut mener qu’à une consom
1482
lisation, c’est-à-dire par l’effort et la volonté
de
confondre l’opération propre de la pensée avec l’acte qui la certifie
1483
ort et la volonté de confondre l’opération propre
de
la pensée avec l’acte qui la certifie1. À vrai dire, cet effort et ce
1484
purement critique, ou idéaliste, ou relativiste,
de
l’activité du philosophe. ⁂ Mais cette réalité salutaire, cet acte, c
1485
alement — comment pourrions-nous faire comprendre
de
quoi il s’agit ? Nous allons être obligés ici d’avoir recours à une m
1486
de quoi il s’agit ? Nous allons être obligés ici
d’
avoir recours à une méthode rigoureusement indirecte, et en quelque so
1487
négative. Car, en vérité, il n’y a pas pour nous
de
problème de l’acte mais il y a problème de ce qui s’oppose à l’acte.
1488
ar, en vérité, il n’y a pas pour nous de problème
de
l’acte mais il y a problème de ce qui s’oppose à l’acte. (En d’autres
1489
r nous de problème de l’acte mais il y a problème
de
ce qui s’oppose à l’acte. (En d’autres termes, il n’y a pas de problè
1490
ppose à l’acte. (En d’autres termes, il n’y a pas
de
problème de la personne, mais bien des « choses », de l’impersonnel.)
1491
te. (En d’autres termes, il n’y a pas de problème
de
la personne, mais bien des « choses », de l’impersonnel.) L’acte, éta
1492
roblème de la personne, mais bien des « choses »,
de
l’impersonnel.) L’acte, étant immédiat au sujet, ne peut pas, sans ce
1493
étant immédiat au sujet, ne peut pas, sans cesser
d’
être acte, être posé en face de l’acteur. On ne peut pas photographier
1494
raphier un acte, et donner ensuite la description
de
la photo comme la description d’un acte. On pourrait dire tout au plu
1495
e la description de la photo comme la description
d’
un acte. On pourrait dire tout au plus (métaphoriquement) que l’acte r
1496
) que l’acte révélé par le cliché, c’est l’éclair
de
magnésium dont la photo constitue l’un des effets. Quant à la scène r
1497
uel en soi, et problématique. Qu’on nous permette
de
reprendre ici une distinction importante introduite par M. Gabriel Ma
1498
ortante introduite par M. Gabriel Marcel à la fin
de
son article intitulé : Existence et objectivité. M. Marcel distingue
1499
Marcel distingue « entre les données susceptibles
de
fournir la matière d’un problème, données qui sont par là même object
1500
re les données susceptibles de fournir la matière
d’
un problème, données qui sont par là même objectives, et celles sur le
1501
l que nous l’entendons, est évidemment une donnée
de
ce deuxième type, la donnée par excellence. En réalité, toute définit
1502
réalité, toute définition s’appuie sur une donnée
de
ce type, sur un de ces « a priori de fait », comme dirait Heidegger.
1503
nition s’appuie sur une donnée de ce type, sur un
de
ces « a priori de fait », comme dirait Heidegger. Toute tentative de
1504
r une donnée de ce type, sur un de ces « a priori
de
fait », comme dirait Heidegger. Toute tentative de définition de l’ac
1505
e fait », comme dirait Heidegger. Toute tentative
de
définition de l’acte lui-même supposerait un arrêt, un retour sur l’a
1506
e dirait Heidegger. Toute tentative de définition
de
l’acte lui-même supposerait un arrêt, un retour sur l’acte, c’est-à-d
1507
’est, en réalité, qu’une réflexion sur les effets
de
l’acte. Si, au moment de sauter, l’athlète essaie de définir le saut,
1508
l’acte. Si, au moment de sauter, l’athlète essaie
de
définir le saut, il ne sautera pas. Tous ceux qui ont pratiqué un min
1509
autera pas. Tous ceux qui ont pratiqué un minimum
de
culture physique connaissent ce genre d’échec. C’est la conscience dé
1510
minimum de culture physique connaissent ce genre
d’
échec. C’est la conscience défaillante qui refuse l’obstacle. Il ne re
1511
nous amène à constater que : 1° Si on ne part pas
de
l’acte, on ne part pas du tout. 2° Si on ne part pas tout de suite,
1512
des mots traduit ici le jeu des faits. Impossible
de
parler de l’acte dans un langage arrêté ou détendu. Tout discours sur
1513
raduit ici le jeu des faits. Impossible de parler
de
l’acte dans un langage arrêté ou détendu. Tout discours sur l’acte co
1514
nouveauté » déconcertante qui révèle la proximité
de
la réalité créante. Force nous est de reconnaître qu’un tel discours,
1515
a proximité de la réalité créante. Force nous est
de
reconnaître qu’un tel discours, dans l’état de notre philosophie, par
1516
st de reconnaître qu’un tel discours, dans l’état
de
notre philosophie, paraîtra peu philosophique. Personne, mieux que Ki
1517
, n’a su montrer cette complicité essentielle, et
d’
apparence scandaleuse, entre l’expression et l’existence. Bornons-nous
1518
l’expression et l’existence. Bornons-nous à citer
de
lui une phrase bien typique par sa forme même, et qui, par ailleurs,
1519
de, d’autre part, n’est pas épuisée par l’analyse
de
ses effets. L’acte est à la fois créateur, et transcendant à sa créat
1520
e que dans ce rapport nouveau on ne trouvera rien
d’
autre que la matière d’une problématique nouvelle, un donné, ou plutôt
1521
ouveau on ne trouvera rien d’autre que la matière
d’
une problématique nouvelle, un donné, ou plutôt un « abandonné » livré
1522
, et s’offrant à son tour à l’éclair bouleversant
d’
un nouvel acte. Il n’y a eu d’acte que dans le présent, dans l’instant
1523
éclair bouleversant d’un nouvel acte. Il n’y a eu
d’
acte que dans le présent, dans l’instant créateur, dans ce contact ent
1524
ui, elles, se manifestent dans une certaine durée
de
vibration. Le sentiment qui accompagne l’acte, c’est le sentiment d’i
1525
ntiment qui accompagne l’acte, c’est le sentiment
d’
indivision intérieure, d’indivision entre le vouloir et le pouvoir. On
1526
acte, c’est le sentiment d’indivision intérieure,
d’
indivision entre le vouloir et le pouvoir. On pourrait presque dire qu
1527
. On pourrait presque dire que c’est la sensation
de
l’unité, ou, plus exactement, de son accomplissement. C’est l’euphori
1528
est la sensation de l’unité, ou, plus exactement,
de
son accomplissement. C’est l’euphorie de celui qui éprouve simultaném
1529
ctement, de son accomplissement. C’est l’euphorie
de
celui qui éprouve simultanément la résistance d’un objet et la victoi
1530
de celui qui éprouve simultanément la résistance
d’
un objet et la victoire sur cette résistance. Moment mystérieux entre
1531
ance. Moment mystérieux entre tous, où le maximum
de
risque s’identifie au maximum de sécurité, dans la conscience de celu
1532
s, où le maximum de risque s’identifie au maximum
de
sécurité, dans la conscience de celui qui agit. Nous appellerions vol
1533
ntifie au maximum de sécurité, dans la conscience
de
celui qui agit. Nous appellerions volontiers cet instant le saint des
1534
erions volontiers cet instant le saint des saints
de
la réalité humaine, le lieu de la pureté, si la « pureté du cœur », c
1535
e saint des saints de la réalité humaine, le lieu
de
la pureté, si la « pureté du cœur », comme le veut Kierkegaard, c’est
1536
e vivant et le confondant un instant avec l’objet
de
son désir. On comprendra peut-être mieux maintenant le reproche d’ina
1537
comprendra peut-être mieux maintenant le reproche
d’
inactualité essentielle que nous adressions dès le début à certains sy
1538
rcice se trouve être lié à une division préalable
de
notre être, par exemple à une objectivation du corps — de mon corps —
1539
être, par exemple à une objectivation du corps —
de
mon corps — ou à une objectivation du devenir historique, ou encore à
1540
du devenir historique, ou encore à une autonomie
de
la raison critique. Division qui a pour effet, généralement, de volat
1541
ritique. Division qui a pour effet, généralement,
de
volatiliser les points d’application de notre volonté, de relativiser
1542
ur effet, généralement, de volatiliser les points
d’
application de notre volonté, de relativiser tout effort créateur, enf
1543
ralement, de volatiliser les points d’application
de
notre volonté, de relativiser tout effort créateur, enfin de « dés-or
1544
iliser les points d’application de notre volonté,
de
relativiser tout effort créateur, enfin de « dés-orienter » l’activit
1545
lonté, de relativiser tout effort créateur, enfin
de
« dés-orienter » l’activité spécifique de la pensée. L’acte, étant es
1546
, enfin de « dés-orienter » l’activité spécifique
de
la pensée. L’acte, étant essentiellement l’affirmation simultanée de
1547
e, étant essentiellement l’affirmation simultanée
de
l’un et du divers, affirmation absurde en langage rationnel, tout sys
1548
la disqualifier. À moins qu’il n’en parte, comme
de
la réalité centrale, impensable et qui permet de penser. Nous voudrio
1549
de la réalité centrale, impensable et qui permet
de
penser. Nous voudrions dégager ici, à titre d’exemple, quelques-unes
1550
et de penser. Nous voudrions dégager ici, à titre
d’
exemple, quelques-unes des conséquences (méthodologiques) de notre pos
1551
quelques-unes des conséquences (méthodologiques)
de
notre position. ⁂ Nous ne pouvons faire comprendre la véritable valeu
1552
s ne pouvons faire comprendre la véritable valeur
d’
une philosophie de l’acte qu’en montrant comment ses caractères princi
1553
comprendre la véritable valeur d’une philosophie
de
l’acte qu’en montrant comment ses caractères principaux, tels que nou
1554
r assez dit pour pouvoir affirmer qu’il n’y a pas
de
transition entre l’acte et ses effets. C’est l’acte lui-même qui se t
1555
transitif et novateur, sans qu’il y ait pour cela
de
« médiation ». On pourrait dire, paradoxalement : il n’y a de transit
1556
on ». On pourrait dire, paradoxalement : il n’y a
de
transition que par l’acte, mais l’acte est le contraire d’une transit
1557
tion que par l’acte, mais l’acte est le contraire
d’
une transition. Avant de passer à l’examen de ses effets, rappelons en
1558
aire d’une transition. Avant de passer à l’examen
de
ses effets, rappelons encore deux caractéristiques de l’acte, impliqu
1559
es effets, rappelons encore deux caractéristiques
de
l’acte, impliquées d’ailleurs dans ce qui précède, et que nous allons
1560
s allons utiliser. La première, c’est la violence
de
l’acte. Quand on descend au fond de la notion de force, on est obligé
1561
t la violence de l’acte. Quand on descend au fond
de
la notion de force, on est obligé de faire appel à l’idée de choc, de
1562
de l’acte. Quand on descend au fond de la notion
de
force, on est obligé de faire appel à l’idée de choc, de rupture, en
1563
cend au fond de la notion de force, on est obligé
de
faire appel à l’idée de choc, de rupture, en un mot de violence (voir
1564
n de force, on est obligé de faire appel à l’idée
de
choc, de rupture, en un mot de violence (voir à cet égard Sorel). Il
1565
e, on est obligé de faire appel à l’idée de choc,
de
rupture, en un mot de violence (voir à cet égard Sorel). Il n’y a pas
1566
ire appel à l’idée de choc, de rupture, en un mot
de
violence (voir à cet égard Sorel). Il n’y a pas d’évolution créatrice
1567
e violence (voir à cet égard Sorel). Il n’y a pas
d’
évolution créatrice sans révolution. L’acte sera donc agonique. D’autr
1568
pression du Dr Minkowski. L’acte est l’éclatement
d’
une tension orientée ; il est donc aussi intention. Il n’est pas seule
1569
èbres. Son caractère dichotomique n’est pas isolé
de
son caractère agonique. Ce n’est pas à dire que la lumière et les tén
1570
qu’il ne serait pas acte. L’acte n’a qu’un point
d’
application, le chaos, la discorde, le non-être, ou ce qui tend à y re
1571
rer du premier d’entre eux, qui est l’affirmation
de
la personnalité. Nous définissons la personne comme l’individu qui se
1572
r. Mais en s’affirmant, c’est-à-dire en changeant
de
plan, en allant de l’angoisse à la création, de l’impasse du désordre
1573
ant, c’est-à-dire en changeant de plan, en allant
de
l’angoisse à la création, de l’impasse du désordre à l’ordre nouveau,
1574
t de plan, en allant de l’angoisse à la création,
de
l’impasse du désordre à l’ordre nouveau, la personnalité accentue enc
1575
isque de plus en plus. C’est pourquoi les époques
de
conciliation sont des époques de décadence. Le salut n’est jamais dan
1576
quoi les époques de conciliation sont des époques
de
décadence. Le salut n’est jamais dans le repli, dans le refus du conf
1577
li, dans le refus du conflit concret. L’invention
de
l’homme « intérieur » suppose et permet celle du « robot » d’affaires
1578
intérieur » suppose et permet celle du « robot »
d’
affaires. L’autisme est un fléchissement de la personnalité. D’une man
1579
obot » d’affaires. L’autisme est un fléchissement
de
la personnalité. D’une manière générale, l’acte personnel revêtira do
1580
’autisme est un fléchissement de la personnalité.
D’
une manière générale, l’acte personnel revêtira donc deux aspects, sym
1581
revêtira donc deux aspects, symbolisant les pôles
de
cette tension qui constitue le ressort de l’activité elle-même. D’un
1582
s pôles de cette tension qui constitue le ressort
de
l’activité elle-même. D’un côté, il y aura une joie créatrice, une co
1583
qui constitue le ressort de l’activité elle-même.
D’
un côté, il y aura une joie créatrice, une conscience de libération qu
1584
ôté, il y aura une joie créatrice, une conscience
de
libération qui est la jouissance spécifiquement humaine. De l’autre c
1585
ion qui est la jouissance spécifiquement humaine.
De
l’autre côté, on trouvera une économie de force ou de pensée suscepti
1586
umaine. De l’autre côté, on trouvera une économie
de
force ou de pensée susceptible de se traduire en formules et en mécan
1587
’autre côté, on trouvera une économie de force ou
de
pensée susceptible de se traduire en formules et en mécanismes tout f
1588
ra une économie de force ou de pensée susceptible
de
se traduire en formules et en mécanismes tout faits. D’un côté, un ch
1589
traduire en formules et en mécanismes tout faits.
D’
un côté, un champ plus libre conquis pour l’esprit, de l’autre une pre
1590
côté, un champ plus libre conquis pour l’esprit,
de
l’autre une pression accrue sur l’inerte. Risque par conséquent accru
1591
par conséquent accru aussi, puisque la tentation
de
l’inertie augmentera en raison même de la plus grande docilité de l’i
1592
tentation de l’inertie augmentera en raison même
de
la plus grande docilité de l’inerte. Il est plus difficile d’échapper
1593
mentera en raison même de la plus grande docilité
de
l’inerte. Il est plus difficile d’échapper au prestige du positivisme
1594
rande docilité de l’inerte. Il est plus difficile
d’
échapper au prestige du positivisme et du néo-pragmatisme qu’à celui d
1595
celui du moulin à prières. Il est plus difficile
de
maintenir sur le qui-vive un empire qu’une cité étroite. En effet, à
1596
qu’une cité étroite. En effet, à l’intérieur même
de
l’empire, s’établit un danger qu’ignorent les pays de marche. Le sent
1597
’empire, s’établit un danger qu’ignorent les pays
de
marche. Le sentiment de la sécurité, de l’ennui, du vide, traduit un
1598
nger qu’ignorent les pays de marche. Le sentiment
de
la sécurité, de l’ennui, du vide, traduit un fléchissement de la tens
1599
les pays de marche. Le sentiment de la sécurité,
de
l’ennui, du vide, traduit un fléchissement de la tension. L’adoration
1600
té, de l’ennui, du vide, traduit un fléchissement
de
la tension. L’adoration de l’abstrait, c’est-à-dire de la formule, l’
1601
aduit un fléchissement de la tension. L’adoration
de
l’abstrait, c’est-à-dire de la formule, l’invention de l’acte gratuit
1602
tension. L’adoration de l’abstrait, c’est-à-dire
de
la formule, l’invention de l’acte gratuit, c’est-à-dire de l’acte san
1603
abstrait, c’est-à-dire de la formule, l’invention
de
l’acte gratuit, c’est-à-dire de l’acte sans point d’appui et sans ori
1604
mule, l’invention de l’acte gratuit, c’est-à-dire
de
l’acte sans point d’appui et sans orientation, autrement dit de l’act
1605
l’acte gratuit, c’est-à-dire de l’acte sans point
d’
appui et sans orientation, autrement dit de l’acte impossible, sont de
1606
point d’appui et sans orientation, autrement dit
de
l’acte impossible, sont des exemples de ce fléchissement. La tentatio
1607
ement dit de l’acte impossible, sont des exemples
de
ce fléchissement. La tentation de l’acte gratuit n’est qu’une forme m
1608
nt des exemples de ce fléchissement. La tentation
de
l’acte gratuit n’est qu’une forme moderne de la tentation de l’inerte
1609
tion de l’acte gratuit n’est qu’une forme moderne
de
la tentation de l’inerte. C’est un vertige de la personnalité consécu
1610
ratuit n’est qu’une forme moderne de la tentation
de
l’inerte. C’est un vertige de la personnalité consécutif au relâcheme
1611
rne de la tentation de l’inerte. C’est un vertige
de
la personnalité consécutif au relâchement de la tension et à la perte
1612
tige de la personnalité consécutif au relâchement
de
la tension et à la perte du sentiment du risque véritable. À côté de
1613
ntiment du risque véritable. À côté de la réalité
de
la personne, une autre réalité immédiate à l’acte, c’est évidemment l
1614
mmédiate des mises en ordre, la raison est tentée
de
confondre cet ordre même, qui n’est qu’un effet, avec le dynamisme qu
1615
e dynamisme qui en est cause. Ce dynamisme propre
de
la pensée créatrice, c’est cela que nous appelons sa faculté dichotom
1616
qu’activité, elle peut se définir par l’invention
de
l’abstrait, c’est-à-dire de l’homogénéité mathématique. Elle apparaît
1617
finir par l’invention de l’abstrait, c’est-à-dire
de
l’homogénéité mathématique. Elle apparaît ainsi comme un va-et-vient
1618
n va-et-vient du « donné » à l’abstrait. (Conflit
de
l’identité et de la réalité, voir Meyerson). Il n’y a de paradoxe épi
1619
« donné » à l’abstrait. (Conflit de l’identité et
de
la réalité, voir Meyerson). Il n’y a de paradoxe épistémologique que
1620
entité et de la réalité, voir Meyerson). Il n’y a
de
paradoxe épistémologique que pour qui refuse d’aborder le problème de
1621
a de paradoxe épistémologique que pour qui refuse
d’
aborder le problème de la connaissance à partir de l’acte. Mais, au co
1622
logique que pour qui refuse d’aborder le problème
de
la connaissance à partir de l’acte. Mais, au contraire, la science, c
1623
, considérée maintenant comme monument ou système
de
règles, ne saurait être qu’un aspect provisoirement favorable du chao
1624
es hommes, la science se traduit par une économie
d’
énergie et de pensée, d’où cette zone où l’homme marche sur de l’art h
1625
science se traduit par une économie d’énergie et
de
pensée, d’où cette zone où l’homme marche sur de l’art humain en tout
1626
traduit par une économie d’énergie et de pensée,
d’
où cette zone où l’homme marche sur de l’art humain en toute sécurité
1627
de pensée, d’où cette zone où l’homme marche sur
de
l’art humain en toute sécurité et en plein automatisme (exemple : les
1628
progrès scientifique accroît sans cesse ce risque
d’
automatisme, rançon de la conquête2. À tous les étages et dans tous le
1629
ccroît sans cesse ce risque d’automatisme, rançon
de
la conquête2. À tous les étages et dans tous les domaines de l’effort
1630
ête2. À tous les étages et dans tous les domaines
de
l’effort de pensée nous retrouvons ce risque, né du caractère ordonna
1631
les étages et dans tous les domaines de l’effort
de
pensée nous retrouvons ce risque, né du caractère ordonnateur de l’ac
1632
retrouvons ce risque, né du caractère ordonnateur
de
l’activité humaine. Ainsi dans l’organisation du travail. La machine
1633
l où l’œuvre garde un caractère plus ou moins net
de
totalité. En d’autres termes, la machine sépare le travail qualifié,
1634
non qualifié, où l’homme ne joue plus qu’un rôle
d’
exécuteur. Remarquons que la machine n’est que le prolongement d’un sc
1635
marquons que la machine n’est que le prolongement
d’
un schéma mathématique, et qu’elle est elle-même prolongée par la rati
1636
ionalisation. Nous avons là un exemple saisissant
de
la progression par dichotomie. Progression réelle, créant un double r
1637
ce serait en quelque sorte renoncer au sens même
de
l’activité humaine ; mais, d’autre part, la domination de la machine
1638
ivité humaine ; mais, d’autre part, la domination
de
la machine serait le résultat fatal du renoncement à la valeur éthiqu
1639
résultat fatal du renoncement à la valeur éthique
de
la science en tant qu’acte (tentation à laquelle nous condamne à céde
1640
périmentalisme positiviste). Un troisième exemple
de
tension et d’acte nous est fourni par l’homme considéré du point de v
1641
positiviste). Un troisième exemple de tension et
d’
acte nous est fourni par l’homme considéré du point de vue social. D’u
1642
rni par l’homme considéré du point de vue social.
D’
un côté, nous trouvons l’attachement de l’homme à la terre, à la famil
1643
ue social. D’un côté, nous trouvons l’attachement
de
l’homme à la terre, à la famille, à la race, à l’ambiance sociale. L’
1644
ort. Remarquons que cet attachement est la marque
de
l’humanité. Mais, d’autre part, l’homme n’existe personnellement qu’a
1645
qu’autant qu’il s’affirme en acte. Quand on parle
de
solidarité humaine, de valeur humaine, c’est à une société de personn
1646
me en acte. Quand on parle de solidarité humaine,
de
valeur humaine, c’est à une société de personnes que l’on pense. L’ho
1647
é humaine, de valeur humaine, c’est à une société
de
personnes que l’on pense. L’homme n’atteint l’universel qu’à travers
1648
. Originalité éclatante, inoubliable, paradoxale,
de
la société humaine, qui lui permet de se dépasser elle-même. L’homme
1649
paradoxale, de la société humaine, qui lui permet
de
se dépasser elle-même. L’homme concret, l’homme vivant, l’homme en ac
1650
l’homme vivant, l’homme en acte est l’affirmation
d’
une tension permanente entre ces deux pôles de l’amour : l’attachement
1651
ion d’une tension permanente entre ces deux pôles
de
l’amour : l’attachement à la diversité concrète, et l’actualisation d
1652
ement à la diversité concrète, et l’actualisation
de
l’universel par la charité personnaliste. ⁂ Pour éviter un malentendu
1653
nons à souligner encore en terminant le caractère
d’
instantanéité de l’acte créateur. Nous affirmons ainsi ce qui nous par
1654
encore en terminant le caractère d’instantanéité
de
l’acte créateur. Nous affirmons ainsi ce qui nous paraît spécifique d
1655
ous affirmons ainsi ce qui nous paraît spécifique
de
l’effort et de la pensée humaine. La pensée créatrice est donc l’acte
1656
insi ce qui nous paraît spécifique de l’effort et
de
la pensée humaine. La pensée créatrice est donc l’acte le plus pur et
1657
e nous n’allons pas être amenés à nier la réalité
de
toute médiation ? Assurément l’évidence de l’acte, non seulement prim
1658
éalité de toute médiation ? Assurément l’évidence
de
l’acte, non seulement prime tout pour nous, mais constitue, comme nou
1659
mais constitue, comme nous l’avons dit, le point
de
départ nécessaire, la supra-rationalité la plus favorable à l’édifica
1660
pra-rationalité la plus favorable à l’édification
de
toute construction humaine, même et surtout rationnelle. Mais si nous
1661
Ce n’est que dans certains domaines très étroits
de
la pensée que ces résistances sont assez nettement brisées pour confé
1662
ttement brisées pour conférer à la création issue
de
l’acte comme une forme d’éternité. Partout ailleurs, les résistances
1663
rer à la création issue de l’acte comme une forme
d’
éternité. Partout ailleurs, les résistances sont étroitement mêlées à
1664
nt étroitement mêlées à toutes les manifestations
d’
activité. La médiation ne se manifeste pour nous que sous forme de rés
1665
s résistances plus ou moins favorables au ressort
de
l’activité, comme certains climats ou certains pays se prêtent mieux
1666
jamais que des résistances. Entre les deux pôles
de
la tension, il n’y a ni identité, ni égalité, justement parce que l’u
1667
’un d’entre eux attache l’homme aux autres formes
de
la vie, tandis que le second affirme la transcendance de l’acte. Étan
1668
entre eux attache l’homme aux autres formes de la
vie
, tandis que le second affirme la transcendance de l’acte. Étant orien
1669
ie, tandis que le second affirme la transcendance
de
l’acte. Étant orientée vers l’acte, la tension humaine ne saurait don
1670
édiat, ou, pour reprendre l’expression vigoureuse
de
Kierkegaard, comme « un attentat métaphysique contre l’éthique ». Il
1671
». Il faut, certes, que l’homme trouve des points
d’
appui et garde une participation avec ce qui n’est pas personnel. Mais
1672
irmation du personnalisme. Dans les divers ordres
de
l’activité humaine, l’acte instantané ne fera briller son éclair que
1673
t ici en tant que résistance à l’effort une sorte
de
réalité indépendante, ne donnent que rarement l’occasion d’une victoi
1674
indépendante, ne donnent que rarement l’occasion
d’
une victoire évidente ; mais dans tous les domaines de l’activité huma
1675
e victoire évidente ; mais dans tous les domaines
de
l’activité humaine la pensée dichotomique maintiendra cette volonté :
1676
libérer la personnalité, dégager l’instantanéité
de
l’acte. 1. Ce qui ne signifie pas du tout que la pensée doive être
1677
action — bien au contraire ! — mais que le risque
de
penser est actuel (D. R.). 2. Je retrouve dans les papiers posthume
1678
R.). 2. Je retrouve dans les papiers posthumes
d’
Arnaud Dandieu quelques lignes qui me paraissent propres à éclairer ce
1679
logique du logique, où est-il donc ? Le point est
d’
importance car il nous éclairera un peu sur la nature intime de l’acte
1680
car il nous éclairera un peu sur la nature intime
de
l’acte créateur, dans la mesure où elle est saisissable. En effet, de
1681
dans la mesure où elle est saisissable. En effet,
de
tous les seuils irrationnels que l’homme puisse passer, c’est sans do
1682
c’est sans doute le seul qui ne lui coûte pas la
vie
. Or, ce seuil, comme le montre clairement M. Lévy-Bruhl, notamment da
1683
que fois qu’il pense, encore que peut-être l’acte
de
penser, au sens plein et cartésien du mot, soit infiniment plus diffi
1684
à répondre à cette question, il est indispensable
de
marquer très fortement l’influence qu’exerce ce seuil sur toute la vi
1685
ement l’influence qu’exerce ce seuil sur toute la
vie
humaine et, probablement, sur la vie en général. Cela est d’autant pl
1686
sur toute la vie humaine et, probablement, sur la
vie
en général. Cela est d’autant plus nécessaire que de même que la scie
1687
et, probablement, sur la vie en général. Cela est
d’
autant plus nécessaire que de même que la science a longtemps refusé d
1688
ire que de même que la science a longtemps refusé
de
faire entrer dans ses constructions le principe de Carnot, et qu’elle
1689
e faire entrer dans ses constructions le principe
de
Carnot, et qu’elle n’a accepté l’irréversibilité qu’il recèle, que po
1690
pour en tourner l’irrationalité foncière à l’aide
d’
une loi statistique, de même la méthode sociologique qui a conduit à l
1691
éthode sociologique qui a conduit à la découverte
de
la véritable nature de la mentalité prélogique, hésite à faire la par
1692
a conduit à la découverte de la véritable nature
de
la mentalité prélogique, hésite à faire la part de l’orientation huma
1693
e la mentalité prélogique, hésite à faire la part
de
l’orientation humaine qui s’exprime par une affirmation croissante de
1694
aine qui s’exprime par une affirmation croissante
de
la discontinuité explosive sous forme d’individualisation ou de créat
1695
oissante de la discontinuité explosive sous forme
d’
individualisation ou de création intellectuelle. Notre science n’est à
1696
nuité explosive sous forme d’individualisation ou
de
création intellectuelle. Notre science n’est à l’aise que dans le con
1697
le. Paradoxe que M. Meyerson a décrit sous le nom
de
paradoxe épistémologique. » (Arnaud Dandieu). a. Rougemont Denis d
1698
ogique. » (Arnaud Dandieu). a. Rougemont Denis
de
, « L’Acte comme point de départ », Recherches philosophiques, Paris,
1699
). a. Rougemont Denis de, « L’Acte comme point
de
départ », Recherches philosophiques, Paris, 1936–1973, p. 55-64. b.
1700
iques, Paris, 1936–1973, p. 55-64. b. Texte daté
de
1933 et co-rédigé avec Arnaud Dandieu.
1701
Formons des Clubs
de
presse (30 janvier 1937)f g Les raisons Chacun sait et éprouv
1702
es ou des partisanneries politiques qui est celui
de
la presse française, rend à peu près impossibles une documentation ob
1703
n objective et une information sincère. Le procès
de
la presse n’est plus à faire. Sa réforme pose tant de problèmes et en
1704
re. Sa réforme pose tant de problèmes et entraîne
de
telles incidences (les dangers d’une information d’État : Tass ou DNB
1705
mes et entraîne de telles incidences (les dangers
d’
une information d’État : Tass ou DNB sont aussi graves que celles d’un
1706
telles incidences (les dangers d’une information
d’
État : Tass ou DNB sont aussi graves que celles d’un monopole privé) q
1707
d’État : Tass ou DNB sont aussi graves que celles
d’
un monopole privé) qu’il est à craindre qu’elle ne puisse s’accomplir
1708
solément. Seul le redressement radical et général
d’
un régime économique où règne aujourd’hui l’argent, libérera l’informa
1709
ui des journaux. Le but L’objet des « Clubs
de
presse », en même temps que de préparer et d’accélérer cette réforme
1710
’objet des « Clubs de presse », en même temps que
de
préparer et d’accélérer cette réforme nécessaire, est de fournir dès
1711
ubs de presse », en même temps que de préparer et
d’
accélérer cette réforme nécessaire, est de fournir dès à présent à tou
1712
arer et d’accélérer cette réforme nécessaire, est
de
fournir dès à présent à tous ceux qui en éprouvent le pressant besoin
1713
rouvent le pressant besoin, les premiers éléments
d’
une information honnête, et cela en échappant résolument aux condition
1714
x conditions et aux méthodes aujourd’hui faussées
de
la grande presse imprimée. Le principe Ce sont les mêmes procéd
1715
ité, centralisation, etc.) qui ont fait le succès
de
la presse moderne, qui font aujourd’hui son servage. « L’imprimé » qu
1716
a trente ans, synonyme dans l’opinion populaire,
de
vérité, est devenu pour le public, synonyme de mensonge. Il s’agit en
1717
e, de vérité, est devenu pour le public, synonyme
de
mensonge. Il s’agit en attendant que la question puisse être attaquée
1718
t que la question puisse être attaquée et résolue
de
front — de tourner la difficulté en remontant à la source, en renouve
1719
estion puisse être attaquée et résolue de front —
de
tourner la difficulté en remontant à la source, en renouvelant le mod
1720
culté en remontant à la source, en renouvelant le
mode
primitif de l’information, l’information directe, personnelle et oral
1721
tant à la source, en renouvelant le mode primitif
de
l’information, l’information directe, personnelle et orale. Déjà aujo
1722
à aujourd’hui, devant la carence ou la subversion
de
l’information officielle, chercher à obtenir, par des contacts person
1723
nements aux sources mêmes, des nouvelles exemptes
de
déformations ou de tendances. Il s’agit, en contrôlant, en systématis
1724
mêmes, des nouvelles exemptes de déformations ou
de
tendances. Il s’agit, en contrôlant, en systématisant cette presse pa
1725
ant cette presse parlée qui se crée spontanément,
d’
établir dans toute la France, un vaste réseau entre les hommes de bonn
1726
toute la France, un vaste réseau entre les hommes
de
bonne volonté. Les organismes On constitue, dans le plus grand
1727
On constitue, dans le plus grand nombre possible
de
localités un « Club de presse ». Les adhérents se réunissent une fois
1728
plus grand nombre possible de localités un « Club
de
presse ». Les adhérents se réunissent une fois par semaine, pour rece
1729
r semaine, pour recevoir et apporter les éléments
de
cette nouvelle forme d’informations. Le travail est centralisé par un
1730
et apporter les éléments de cette nouvelle forme
d’
informations. Le travail est centralisé par un « Comité central des in
1731
qui, après recoupements et vérifications, permet
d’
élaborer une matière définitive. Il convient de préciser que le bullet
1732
et d’élaborer une matière définitive. Il convient
de
préciser que le bulletin n’est pas distribué. Il est adressé personne
1733
nt et confidentiellement au président responsable
de
chaque club qui le communique à ses adhérents. Ceux-ci ne sont pas de
1734
e communique à ses adhérents. Ceux-ci ne sont pas
de
simples lecteurs passifs, mais des membres actifs, qui participent à
1735
s. Il faut encore ajouter que le « Comité central
d’
informations » qui rédige le bulletin, n’a pas seulement à sa disposit
1736
les renseignements que lui fournissent les clubs
de
base. Composé lui-même de journalistes, d’économistes, de financiers,
1737
i fournissent les clubs de base. Composé lui-même
de
journalistes, d’économistes, de financiers, de militants, il utilise
1738
clubs de base. Composé lui-même de journalistes,
d’
économistes, de financiers, de militants, il utilise toutes les Inform
1739
Composé lui-même de journalistes, d’économistes,
de
financiers, de militants, il utilise toutes les Informations directes
1740
me de journalistes, d’économistes, de financiers,
de
militants, il utilise toutes les Informations directes dans les agenc
1741
ndicats, les milieux financiers… Par la diversité
de
sa composition professionnelle, par l’étendue de ses ramifications, i
1742
de sa composition professionnelle, par l’étendue
de
ses ramifications, il vise à ne délaisser aucune source, à tenir comp
1743
vise à ne délaisser aucune source, à tenir compte
de
tous les points de vue. Le programme Le bulletin se divise en t
1744
ni appréciations, sur chacun des faits importants
de
la semaine. Cette première partie doit donner aux membres des clubs,
1745
rtie doit donner aux membres des clubs, une suite
de
« matières premières » offrant toute garantie ; 2° une partie critiqu
1746
arantie ; 2° une partie critique. C’est une sorte
de
revue de presse commentée. On y relèvera les contradictions et les dé
1747
2° une partie critique. C’est une sorte de revue
de
presse commentée. On y relèvera les contradictions et les déformation
1748
y relèvera les contradictions et les déformations
de
la grande presse ou de la presse d’opinion, en donnant chaque fois le
1749
ctions et les déformations de la grande presse ou
de
la presse d’opinion, en donnant chaque fois les raisons politiques ou
1750
déformations de la grande presse ou de la presse
d’
opinion, en donnant chaque fois les raisons politiques ou financières
1751
chaque fois les raisons politiques ou financières
de
telle campagne et aussi de tel silence. Cette partie a pour but de do
1752
itiques ou financières de telle campagne et aussi
de
tel silence. Cette partie a pour but de donner aux adhérents, des moy
1753
et aussi de tel silence. Cette partie a pour but
de
donner aux adhérents, des moyens de comprendre et de redresser la doc
1754
ie a pour but de donner aux adhérents, des moyens
de
comprendre et de redresser la documentation que continuera à leur fou
1755
donner aux adhérents, des moyens de comprendre et
de
redresser la documentation que continuera à leur fournir la presse. E
1756
r fournir la presse. Elle pourrait être une sorte
d’
école permanente des lecteurs de journaux ; 3° une partie documentaire
1757
it être une sorte d’école permanente des lecteurs
de
journaux ; 3° une partie documentaire sur la presse. Tout en cherchan
1758
. Tout en cherchant à remédier à l’action néfaste
de
la presse imprimée en se plaçant hors de son domaine, les « Clubs » n
1759
« Clubs » n’oublient pas que la réforme organique
de
la presse est le but final. Dans cette partie, on réunira petit à pet
1760
entation précise sur la structure et le mécanisme
de
la presse. Soit en signalant toutes les modifications dans la command
1761
professionnels, législatifs, que pose la réforme
de
la presse. Dès à présent, de tels documents facilitent aux adhérents
1762
que pose la réforme de la presse. Dès à présent,
de
tels documents facilitent aux adhérents l’objet de la partie numéro 2
1763
e tels documents facilitent aux adhérents l’objet
de
la partie numéro 2 du bulletin : savoir lire avec le minimum de duper
1764
uméro 2 du bulletin : savoir lire avec le minimum
de
duperie, une presse truquée. L’esprit Il est évident que la por
1765
quée. L’esprit Il est évident que la portée
d’
une telle entreprise dépend de la valeur professionnelle et morale et
1766
ident que la portée d’une telle entreprise dépend
de
la valeur professionnelle et morale et de l’honnêteté intellectuelle
1767
dépend de la valeur professionnelle et morale et
de
l’honnêteté intellectuelle de ses réalisateurs. Le côté confidentiel
1768
nnelle et morale et de l’honnêteté intellectuelle
de
ses réalisateurs. Le côté confidentiel et privé de la méthode rend la
1769
e ses réalisateurs. Le côté confidentiel et privé
de
la méthode rend la question particulièrement importante. L’expérience
1770
xpérience seule permettra aux adhérents des clubs
de
vérifier le sérieux et l’indépendance du bulletin. Toutefois les adhé
1771
ie dans les groupements qui ont pris l’initiative
de
la création et du fonctionnement des clubs de presse. Les « Clubs de
1772
ive de la création et du fonctionnement des clubs
de
presse. Les « Clubs de presse » sont fondés et dirigés par Denis de R
1773
u fonctionnement des clubs de presse. Les « Clubs
de
presse » sont fondés et dirigés par Denis de Rougemont et R.-Philippe
1774
igés par Denis de Rougemont et R.-Philippe Millet
de
L’Ordre nouveau , L.-Émile Gallëy et Jean Maze de la Flèche, Jacques
1775
entreprise qui ne veut être qu’une œuvre stricte
d’
information, à l’exclusivité de tout commentaire et de tout jugement.
1776
’une œuvre stricte d’information, à l’exclusivité
de
tout commentaire et de tout jugement. Mais ils s’engagent, dans les «
1777
formation, à l’exclusivité de tout commentaire et
de
tout jugement. Mais ils s’engagent, dans les « clubs de presse », à d
1778
t jugement. Mais ils s’engagent, dans les « clubs
de
presse », à défendre les principes qui leur sont communs : primauté d
1779
re les principes qui leur sont communs : primauté
de
la personne humaine, respect de la vérité et lutte contre la tyrannie
1780
ommuns : primauté de la personne humaine, respect
de
la vérité et lutte contre la tyrannie de l’argent. Louis E. Galey, Ja
1781
respect de la vérité et lutte contre la tyrannie
de
l’argent. Louis E. Galey, Jacques Madaule, Jean Maze, R.-Philippe Mil
1782
unier, Denis de Rougemont. f. Rougemont Denis
de
, « Formons des clubs de presse », La Flèche, Paris, 30 janvier 1937,
1783
t. f. Rougemont Denis de, « Formons des clubs
de
presse », La Flèche, Paris, 30 janvier 1937, p. 2. g. Précédé de la
1784
Flèche, Paris, 30 janvier 1937, p. 2. g. Précédé
de
la notice suivante : « Nous présentons ci-dessous à tous nos camarade
1785
ntons ci-dessous à tous nos camarades et lecteurs
de
La Flèche le manifeste des clubs de presse en formation. À l’heure où
1786
s et lecteurs de La Flèche le manifeste des clubs
de
presse en formation. À l’heure où la grande presse française se const
1787
haque jour davantage en trusts, il ne suffit plus
de
dénoncer ses mensonges et ses trahisons. Il faut passer à l’action. S
1788
r un terrain parfaitement précis et limité, celui
de
l’information, nous avons pensé que nous devions collaborer avec des
1789
ons. Ce sera certainement par ailleurs l’occasion
d’
un échange de vues qui ne peut être que fructueux pour tous. Nous fais
1790
certainement par ailleurs l’occasion d’un échange
de
vues qui ne peut être que fructueux pour tous. Nous faisons un appel
1791
si éloignée, si peu importante soit-elle, le club
de
presse dont ils seront les instigateurs devienne rapidement un organi
1792
l’heure où Havas règne, à l’heure où la diffusion
de
la pensée par le papier, le film et la radio n’a jamais été si grande
1793
dio n’a jamais été si grande, nous sommes obligés
de
revenir à une forme antique de transmission : l’information orale. C’
1794
ous sommes obligés de revenir à une forme antique
de
transmission : l’information orale. C’est la seule possible aujourd’h
1795
dière, en mettant dans le coin la mention : clubs
de
presse.) »
1796
a liberté ? (5 mars 1937)h Tout le monde parle
de
la culture et de la défense de la culture. C’est qu’on ne sait plus c
1797
rs 1937)h Tout le monde parle de la culture et
de
la défense de la culture. C’est qu’on ne sait plus ce que signifie cu
1798
lement dans les élites, mais se manifeste dans la
vie
publique, et dans les couches profondes de la nation. Je dis que la c
1799
ns la vie publique, et dans les couches profondes
de
la nation. Je dis que la crise de la culture est dans la rue. Je dis
1800
uches profondes de la nation. Je dis que la crise
de
la culture est dans la rue. Je dis que la culture fait le trottoir. E
1801
toir. Et que c’est la politique qui s’est chargée
de
réglementer à sa manière la prostitution des mots-clés, des lieux com
1802
e la Rocque défend ce qu’il appelle « la primauté
de
l’esprit ». Il fait placarder des affiches « Pour la défense de la li
1803
Couturier publie un manifeste intitulé Au service
de
l’esprit, où il est question à chaque page de défendre la liberté. Da
1804
ice de l’esprit, où il est question à chaque page
de
défendre la liberté. Dans l’état présent du langage, de la culture, e
1805
endre la liberté. Dans l’état présent du langage,
de
la culture, et de la politique, on peut être à peu près certain que c
1806
Dans l’état présent du langage, de la culture, et
de
la politique, on peut être à peu près certain que ces deux messieurs
1807
deux messieurs défendent en réalité le contraire
de
l’esprit et de la liberté, c’est-à-dire qu’ils défendent l’un et l’au
1808
défendent en réalité le contraire de l’esprit et
de
la liberté, c’est-à-dire qu’ils défendent l’un et l’autre un régime d
1809
à-dire qu’ils défendent l’un et l’autre un régime
d’
étatisme oppressif et de dictature de l’économique. Le résultat de ces
1810
l’un et l’autre un régime d’étatisme oppressif et
de
dictature de l’économique. Le résultat de ces pratiques ne se fera pa
1811
re un régime d’étatisme oppressif et de dictature
de
l’économique. Le résultat de ces pratiques ne se fera pas attendre, e
1812
ssif et de dictature de l’économique. Le résultat
de
ces pratiques ne se fera pas attendre, et l’on en voit déjà les premi
1813
et l’on en voit déjà les premiers signes : parlez
de
la liberté, posez-vous en défenseur de cet idéal permanent de la Révo
1814
s : parlez de la liberté, posez-vous en défenseur
de
cet idéal permanent de la Révolution humaine, vous passerez bientôt p
1815
é, posez-vous en défenseur de cet idéal permanent
de
la Révolution humaine, vous passerez bientôt pour fasciste. On dit qu
1816
tôt pour fasciste. On dit que les mots n’ont plus
de
sens. Ce serait trop beau, ce serait trop facile, ce serait enfin la
1817
veut dans la bouche des politiciens. Ils prennent
de
préférence un sens contraire à celui de l’usage courant. (Staline dit
1818
prennent de préférence un sens contraire à celui
de
l’usage courant. (Staline dit : « Je ne suis pas un dictateur » ; Mus
1819
s pas un dictateur » ; Mussolini fait la conquête
de
l’Éthiopie au nom de ce qu’il appelle sa liberté, etc.) Mais ils pren
1820
erté, etc.) Mais ils prennent aussi toutes sortes
de
sens intermédiaires dans la bouche de nos députés et journalistes, qu
1821
utes sortes de sens intermédiaires dans la bouche
de
nos députés et journalistes, qui flétrissent (à droite) ou approuvent
1822
he) les lois sociales parce qu’ils les qualifient
de
socialistes, et qui approuveraient (à droite), ou flétriraient (à gau
1823
nt (à gauche) les mêmes lois si on les qualifiait
de
fascistes. Alors qu’elles sont, en fait, l’un et l’autre. La politiqu
1824
que ce qu’elle dit. On se demande pourquoi, dans
de
telles conditions, l’on s’obstinerait encore à écrire, à parler, si p
1825
t encore à écrire, à parler, si par hasard on est
de
bonne foi et si de plus on a des choses précises à exprimer. Je répon
1826
ut d’abord. Écrivons pour montrer qu’il n’est pas
de
problème politique plus urgent que celui des mots ; et qu’il n’est pa
1827
us urgent que celui des mots ; et qu’il n’est pas
de
problème culturel qui ne dépende de la politique. Cela revient à écri
1828
’il n’est pas de problème culturel qui ne dépende
de
la politique. Cela revient à écrire, si l’on me comprend, pour éduque
1829
uer la méfiance du lecteur. h. Rougemont Denis
de
, « À qui la liberté ? », À nous la liberté, Paris, 5 mars 1937, p. 10
1830
affirmant que le roman est le plus « contagieux »
de
nos genres littéraires, j’entends celui qui exerce l’influence la plu
1831
ent suicidés après Werther ; ou qui entreprennent
de
gagner un million au sortir d’une lecture de Balzac ; aux boursiers d
1832
qui entreprennent de gagner un million au sortir
d’
une lecture de Balzac ; aux boursiers dont Stendhal enfièvre l’ambitio
1833
nent de gagner un million au sortir d’une lecture
de
Balzac ; aux boursiers dont Stendhal enfièvre l’ambition ; aux jeunes
1834
me, voire désirable, que cette contagion pratique
de
l’art, tant qu’il s’agit véritablement d’art, tant qu’il s’agit, pour
1835
ratique de l’art, tant qu’il s’agit véritablement
d’
art, tant qu’il s’agit, pour un auteur, d’influencer le public par des
1836
blement d’art, tant qu’il s’agit, pour un auteur,
d’
influencer le public par des moyens choisis, et de lui transmettre une
1837
d’influencer le public par des moyens choisis, et
de
lui transmettre une certaine vision du monde plus profonde, plus rich
1838
e, plus riche et plus vraie, que la vision banale
de
la vie quotidienne. Il est très bon que le romancier et ses romans ag
1839
très bon que le romancier et ses romans agissent,
de
cette manière intime et souterraine, tant qu’ils ont quelque chose à
1840
ils ont quelque chose à dire. Mais nos romanciers
d’
après-guerre, qu’ont-ils à dire ? Dans quel sens entendent-ils agir su
1841
? Dans quel sens entendent-ils agir sur les mœurs
de
leurs contemporains ? Ils prétendent faire de pures et simples descri
1842
urs de leurs contemporains ? Ils prétendent faire
de
pures et simples descriptions de la Vie (avec majuscule). Ils ne redo
1843
prétendent faire de pures et simples descriptions
de
la Vie (avec majuscule). Ils ne redoutent rien tant que l’œuvre à thè
1844
dent faire de pures et simples descriptions de la
Vie
(avec majuscule). Ils ne redoutent rien tant que l’œuvre à thèse. Ils
1845
t rien tant que l’œuvre à thèse. Ils se défendent
de
toutes leurs forces d’avoir une métaphysique, une idéologie déterminé
1846
à thèse. Ils se défendent de toutes leurs forces
d’
avoir une métaphysique, une idéologie déterminée, des intentions moral
1847
termes, ils influencent au hasard, gratuitement,
d’
une manière anarchique — tout en prétendant ne pas vouloir influencer,
1848
ux qui, par crainte de s’imposer ou par ignorance
de
ce qu’il faudrait imposer, se contentent d’un opportunisme à la petit
1849
rance de ce qu’il faudrait imposer, se contentent
d’
un opportunisme à la petite semaine, et ménagent les opinions plutôt q
1850
et ménagent les opinions plutôt que les intérêts
de
leurs électeurs. Cet opportunisme à courte vue caractérise très bien
1851
bien le romancier bourgeois. Refuser toute espèce
de
thèse, cela signifie simplement ménager et flatter le lecteur, la con
1852
cience bourgeoise du lecteur, ou plus précisément
de
la lectrice, car en France, paraît-il, ce sont les femmes qui lisent
1853
es à flatter, à force de ne vouloir rien affirmer
de
trop volontaire, de trop positif, de trop réellement révolutionnaire
1854
e de ne vouloir rien affirmer de trop volontaire,
de
trop positif, de trop réellement révolutionnaire et constructif, le «
1855
ien affirmer de trop volontaire, de trop positif,
de
trop réellement révolutionnaire et constructif, le « romancier à succ
1856
nnaire et constructif, le « romancier à succès »,
de
nos jours, est devenu un simple reflet de la conscience bourgeoise mo
1857
ccès », de nos jours, est devenu un simple reflet
de
la conscience bourgeoise moyenne. Il ne fait que traduire les humeurs
1858
tionnaire cohérent. Il n’a qu’une crainte : celle
de
passer pour autre chose qu’un « pur artiste », celle de passer pour u
1859
ser pour autre chose qu’un « pur artiste », celle
de
passer pour un auteur à thèse, pour un propagandiste. Cette crainte —
1860
ui ne fut jamais celle des grands artistes — fait
de
notre romancier, tout simplement, le propagandiste des goûts de sa cl
1861
cier, tout simplement, le propagandiste des goûts
de
sa classe. Rien n’est plus dangereusement tendancieux qu’un écrivain
1862
e uniquement au profit des classes possédantes et
de
leurs coutumes. Il n’est que de voir l’importance démesurée que nos r
1863
es possédantes et de leurs coutumes. Il n’est que
de
voir l’importance démesurée que nos romanciers attachent à la descrip
1864
tion des vêtements, des ameublements, des marques
d’
autos, et même de cigarettes (Paul Reboux) de leurs personnages ! Le r
1865
s, des ameublements, des marques d’autos, et même
de
cigarettes (Paul Reboux) de leurs personnages ! Le romancier bourgeoi
1866
ques d’autos, et même de cigarettes (Paul Reboux)
de
leurs personnages ! Le romancier bourgeois qui s’imaginait, naïvement
1867
mné lui-même, en fait, à ne plus être que l’agent
de
publicité — plus ou moins bénévole — des fournisseurs d’une certaine
1868
icité — plus ou moins bénévole — des fournisseurs
d’
une certaine classe. Ce romancier, et la culture qu’il représente, on
1869
roman, et du roman fait à l’usage des bourgeois,
de
leurs loisirs improductifs. Une telle crise ne peut être résolue par
1870
telle crise ne peut être résolue par des mesures
de
propagande, ni par des lois plus ou moins astucieuses. C’est toutes l
1871
plus ou moins astucieuses. C’est toutes les bases
de
la culture actuelle qui sont en crise. Faites-nous des œuvres qui aff
1872
mans qui riment à quelque chose, il n’y aura plus
de
crise du livre. i. Rougemont Denis de, « Romanciers publicitaires
1873
ura plus de crise du livre. i. Rougemont Denis
de
, « Romanciers publicitaires ou la contagion romanesque », À nous la l
1874
On a très vivement critiqué le dernier chapitre
de
l’Histoire de la littérature française de Thibaudetk : celui qui est
1875
vement critiqué le dernier chapitre de l’Histoire
de
la littérature française de Thibaudetk : celui qui est consacré à l’a
1876
hapitre de l’Histoire de la littérature française
de
Thibaudetk : celui qui est consacré à l’après-guerre. II est vrai que
1877
raitées cavalièrement (Maurois-Mauriac : « manque
de
substance, d’épaisseur, de variété… », « accrochés aux petites histoi
1878
èrement (Maurois-Mauriac : « manque de substance,
d’
épaisseur, de variété… », « accrochés aux petites histoires de leur mi
1879
ois-Mauriac : « manque de substance, d’épaisseur,
de
variété… », « accrochés aux petites histoires de leur milieu… »). On
1880
de variété… », « accrochés aux petites histoires
de
leur milieu… »). On a dit : le chapitre est bâclé. Je me demande si l
1881
it vu et constaté aussi nettement qu’à la lecture
de
ce bilan désinvolte. Au lendemain de la guerre, la production écrite
1882
à la lecture de ce bilan désinvolte. Au lendemain
de
la guerre, la production écrite des hommes qui revenaient du front —
1883
et la prospérité des nouveaux riches, une avidité
de
sensations, une libération érotique, des mécènes américains… Ce fut l
1884
ion, la Permission perpétuelle — jusqu’à la crise
de
1930. Il nous en reste une génération de gloires rapides et sans ampl
1885
la crise de 1930. Il nous en reste une génération
de
gloires rapides et sans ampleur, des « noms » qu’un seul livre imposa
1886
; pratiquement, la franchise n’est pas possible.)
De
ces années, et de celles de la crise qui les suit, on ne retiendra gu
1887
franchise n’est pas possible.) De ces années, et
de
celles de la crise qui les suit, on ne retiendra guère que les bizarr
1888
n’est pas possible.) De ces années, et de celles
de
la crise qui les suit, on ne retiendra guère que les bizarreries les
1889
stes composeront très probablement une anthologie
de
« mineurs » qui prendra le charme d’un style, et très vite, une patin
1890
e anthologie de « mineurs » qui prendra le charme
d’
un style, et très vite, une patine rassurante. Quant au roman contempo
1891
ux que Thibaudet, son premier historien, ne tente
d’
en sauver que les plus gros morceaux — au poids — les « romans-cycles
1892
on qu’adoptent naturellement les écrivains lassés
de
l’improvisation et du bâclé. Au lieu de chercher la densité, en profo
1893
densité, en profondeur, ils trouvent plus commode
de
donner en surface une impression de masse construite. Au lieu d’appro
1894
plus commode de donner en surface une impression
de
masse construite. Au lieu d’approfondir un personnage jusqu’au type,
1895
s multiplient les personnages. Au lieu de marquer
d’
une empreinte durable un moment donné de l’histoire sociale, ils s’éta
1896
e marquer d’une empreinte durable un moment donné
de
l’histoire sociale, ils s’étalent dans la durée et vagabondent à trav
1897
s qu’ils s’attardent presque tous aux générations
d’
avant-guerre : le temps de leur jeunesse, remarque Thibaudet. Et il at
1898
ue tous aux générations d’avant-guerre : le temps
de
leur jeunesse, remarque Thibaudet. Et il attribue ce phénomène de « r
1899
, remarque Thibaudet. Et il attribue ce phénomène
de
« refoulement de la durée vers l’amont » à l’incertitude du lendemain
1900
det. Et il attribue ce phénomène de « refoulement
de
la durée vers l’amont » à l’incertitude du lendemain (et du présent),
1901
demain (et du présent), à la nécessité croissante
de
vivre sur ses réserves, enfin à une crise et à une carence de la créa
1902
ses réserves, enfin à une crise et à une carence
de
la création. Malgré ces difficultés, conclut-il, on ne saurait guère
1903
il, on ne saurait guère douter que le super-cycle
de
ces sept romans-cycles (Martin du Gard, Duhamel, Francis, Lacretelle,
1904
Lacretelle, Chardonne, Romains, Béhaine), le Tour
de
France des romanciers cyclistes, ne reste un trait capital de l’histo
1905
s romanciers cyclistes, ne reste un trait capital
de
l’histoire du roman, du paysage, du roman, pour cette tranche de sièc
1906
u roman, du paysage, du roman, pour cette tranche
de
siècle que meublera la génération de 1914. Il est caractéristique qu
1907
ette tranche de siècle que meublera la génération
de
1914. Il est caractéristique que le livre de Thibaudet se termine su
1908
ion de 1914. Il est caractéristique que le livre
de
Thibaudet se termine sur une note pessimiste, et sur l’expression de
1909
mine sur une note pessimiste, et sur l’expression
de
« dégradation de la littérature, au sens où les physiciens s’intéress
1910
pessimiste, et sur l’expression de « dégradation
de
la littérature, au sens où les physiciens s’intéressent à la dégradat
1911
où les physiciens s’intéressent à la dégradation
de
l’énergie ». Mais cette dégradation littéraire, après tout, ne fait q
1912
ittéraire, après tout, ne fait que traduire celle
de
la société. Tous ces romans-cycles sont, en effet, des procès-verbaux
1913
romans-cycles sont, en effet, des procès-verbaux
de
dissolution du monde bourgeois : de Proust à Lacretelle, les salons s
1914
rocès-verbaux de dissolution du monde bourgeois :
de
Proust à Lacretelle, les salons se défont, les classes se mêlent, les
1915
nes leur identité. Comment imaginer la naissance,
d’
une grande œuvre romanesque dans un pareil état social ? Tous les chef
1916
-d’œuvre du genre, au xixe siècle, étaient issus
d’
une société solidement établie, où les types étaient fixes et stables,
1917
r outre aux conventions. Mais quand il n’y a plus
de
convention ? Lorsque tout est brouillé, lorsque tout est permis ? Que
1918
écroule — et cela ne peut pas donner les éléments
d’
un art, si l’art est une construction. Il semble bien que la littératu
1919
éjà vers d’autres formes. Les gros romans sociaux
de
huit-cents pages que nous assènent les Céline, Aragon ou Plisnier son
1920
es pamphlets que des romans, des essais illustrés
d’
exemples : du coup, ils retrouvent un public. Il semble, d’autre part,
1921
e, d’autre part, que les documentaires entremêlés
de
réflexions et de jugements personnels, comme par exemple les derniers
1922
que les documentaires entremêlés de réflexions et
de
jugements personnels, comme par exemple les derniers livres d’Henri P
1923
personnels, comme par exemple les derniers livres
d’
Henri Petit et de Marius Richard soient promis à des succès moins tapa
1924
par exemple les derniers livres d’Henri Petit et
de
Marius Richard soient promis à des succès moins tapageurs, mais plus
1925
plus profonds. Nous avons à refaire un inventaire
de
l’homme, préparation modeste et nécessaire à une littérature vraiment
1926
ure vraiment personnaliste. j. Rougemont Denis
de
, « Vers une littérature personnaliste », À nous la liberté, Paris, 20
1927
20 mars 1937, p. 10. k. Rougemont a rendu compte
de
cet ouvrage dans Esprit de mars 1937.
1928
gemont a rendu compte de cet ouvrage dans Esprit
de
mars 1937.
1929
re des prudences. C’est la conclusion que je tire
d’
un article de M. Vandérem (dans Candide) où la critique des critiques
1930
ces. C’est la conclusion que je tire d’un article
de
M. Vandérem (dans Candide) où la critique des critiques actuels que j
1931
les contingences. Si j’étais plus avancé dans la
vie
— écrit-il —, je me rendrais compte de tous les aléas que représenter
1932
é dans la vie — écrit-il —, je me rendrais compte
de
tous les aléas que représenteraient pour la critique un chambardement
1933
eprésenteraient pour la critique un chambardement
de
ce genre. Ce serait toute une série de notions à acquérir, d’opinions
1934
mbardement de ce genre. Ce serait toute une série
de
notions à acquérir, d’opinions à se former, de classements à établir,
1935
Ce serait toute une série de notions à acquérir,
d’
opinions à se former, de classements à établir, bref une réinstallatio
1936
ie de notions à acquérir, d’opinions à se former,
de
classements à établir, bref une réinstallation complète demandant des
1937
savoureux argument. Dans sa chronique littéraire
de
Marianne, il reprochait tout récemment à l’un de nos bons écrivains,
1938
de Marianne, il reprochait tout récemment à l’un
de
nos bons écrivains, M. Arnoux, de n’avoir pas su s’imposer « avec ass
1939
écemment à l’un de nos bons écrivains, M. Arnoux,
de
n’avoir pas su s’imposer « avec assez de force au public ». Car, préc
1940
Arnoux, de n’avoir pas su s’imposer « avec assez
de
force au public ». Car, précisait-il, « on sait que la force, en ces
1941
chance et la tactique, il me semble que le talent
de
M. Amoux est supérieur à sa tactique ». Faut-il être jeune, tout de m
1942
l être jeune, tout de même, et peu avancé dans la
vie
, pour s’ébahir, comme je le fais, d’une… « constatation » de cet ordr
1943
ncé dans la vie, pour s’ébahir, comme je le fais,
d’
une… « constatation » de cet ordre ! Comprenez-vous ce qu’elle suppose
1944
ébahir, comme je le fais, d’une… « constatation »
de
cet ordre ! Comprenez-vous ce qu’elle suppose, ce qu’elle avoue serei
1945
? Dans quelle illusion ai-je vécu ? Ce n’est rien
d’
écrire, de faire une œuvre, de croire qu’on a quelque chose à dire ; l
1946
lle illusion ai-je vécu ? Ce n’est rien d’écrire,
de
faire une œuvre, de croire qu’on a quelque chose à dire ; le but de l
1947
écu ? Ce n’est rien d’écrire, de faire une œuvre,
de
croire qu’on a quelque chose à dire ; le but de l’écrivain, c’est de
1948
, de croire qu’on a quelque chose à dire ; le but
de
l’écrivain, c’est de s’imposer avec force au Public. Et cela demande
1949
uelque chose à dire ; le but de l’écrivain, c’est
de
s’imposer avec force au Public. Et cela demande de la tactique ! Je l
1950
e s’imposer avec force au Public. Et cela demande
de
la tactique ! Je le vois bien. Je supplie donc qu’on m’explique la ta
1951
treint. Je suis comme un enfant devant le mystère
de
« la vie… ». Profitant de mon innocence, que j’espère d’ailleurs prov
1952
Je suis comme un enfant devant le mystère de « la
vie
… ». Profitant de mon innocence, que j’espère d’ailleurs provisoire, —
1953
nfant devant le mystère de « la vie… ». Profitant
de
mon innocence, que j’espère d’ailleurs provisoire, — je vieillirai —
1954
ême des années ou des siècles, mais quelque chose
de
beaucoup plus dangereux et difficile que l’avancement dans la vie : q
1955
s dangereux et difficile que l’avancement dans la
vie
: quelque chose que nous autres appelons, dans ce journal, une révolu
1956
tactique » du succès commercial, c’est le moment
de
fourrer les pieds dans le plat et d’éclabousser les convives. Nous fe
1957
st le moment de fourrer les pieds dans le plat et
d’
éclabousser les convives. Nous ferons notre pain nous-mêmes. l. Rou
1958
rons notre pain nous-mêmes. l. Rougemont Denis
de
, « C’est jeune », À nous la liberté, Paris, 10 avril 1937, p. 10.
1959
Journal
d’
un intellectuel en chômage (fragments) (15 avril 1937)m J’étais chô
1960
abri quelque part, une maison vide, une occasion
de
solitude désirée en secret dès longtemps. Je voudrais bien n’avoir pa
1961
pas l’air trop romantique : mes dernières années
de
Paris m’avaient appris que cette ville, au moins pour la jeunesse san
1962
res disent : « Allons-nous-en », et restent faute
d’
imagination. Et pourtant il suffit de bien peu pour partir : la France
1963
estent faute d’imagination. Et pourtant il suffit
de
bien peu pour partir : la France a des milliers de maisons vides. Dit
1964
e bien peu pour partir : la France a des milliers
de
maisons vides. Dites autour de vous que vous en cherchez une, et vous
1965
voulu répondre. Peut-être mon récit n’a-t-il pas
d’
autre but que de décrire un précédent, d’affirmer que cela peut se fai
1966
Peut-être mon récit n’a-t-il pas d’autre but que
de
décrire un précédent, d’affirmer que cela peut se faire, que cela s’e
1967
t-il pas d’autre but que de décrire un précédent,
d’
affirmer que cela peut se faire, que cela s’est fait, qu’il y a là un
1968
plus ce que j’attendais, ni ce que j’ai pu rêver
de
ce pays. Il est très pauvre, sec et lumineux. Toutes les nuances du g
1969
s, herbes, pierres, oliviers, et quelques touches
de
vert humide au fond des vallons, de vert sombre sur les premières pen
1970
lques touches de vert humide au fond des vallons,
de
vert sombre sur les premières pentes des Cévennes, où commencent les
1971
ncent les châtaigneraies. Au sud, on voit un coin
de
plaine entre des collines longues, aux olivettes étagées, quelques cy
1972
cyprès en silhouette sur les crêtes, et des toits
de
ce rose émouvant des tuiles romaines sous un ciel doux. Au nord, derr
1973
n : une ancienne magnanerie, très haute, aux murs
de
gros moellons rougeâtres et gris non revêtus. Il y a trois pièces au
1974
y a trois pièces au premier étage, où l’on entre
de
plain-pied par-derrière. Au-dessous, c’est une grande remise. Au seco
1975
second quatre petites chambres. Le tout encombré
de
fauteuils, de chaises de velours, tables rondes et ovaloïdes, guérido
1976
petites chambres. Le tout encombré de fauteuils,
de
chaises de velours, tables rondes et ovaloïdes, guéridons à photos, m
1977
ambres. Le tout encombré de fauteuils, de chaises
de
velours, tables rondes et ovaloïdes, guéridons à photos, meubles à mu
1978
as, rideaux à franges, tabourets brodés et objets
d’
art. Aux murs, plusieurs douzaines d’aquarelles, sous-bois et marines.
1979
és et objets d’art. Aux murs, plusieurs douzaines
d’
aquarelles, sous-bois et marines. Quelques tapis sur du carreau rouge.
1980
s fenêtres donnent au midi dans le branchage bleu
d’
un tilleul. Au bord de la terrasse, une fontaine abondante coule dans
1981
où l’on accède par quelques marches et un balcon
de
pierre. L’on descend par d’étroits escaliers aux quatre autres terras
1982
marches et un balcon de pierre. L’on descend par
d’
étroits escaliers aux quatre autres terrasses du jardin, étagées sur l
1983
terrasses du jardin, étagées sur le versant nord
d’
un vallon qui vient mourir à notre hauteur sur la droite, tandis que l
1984
que le versant sud, avec ses restanques touffues
d’
oliviers, ferme l’horizon immédiat. Au sud-est, nous avons une échappé
1985
t. Au sud-est, nous avons une échappée sur la fin
de
la vallée, la rivière et la plaine. La petite ville reste invisible,
1986
uche. À peine s’il nous en vient quelques rumeurs
de
gare, un coup de trompe d’auto, des cris de coq. L’odeur du raisin fo
1987
l nous en vient quelques rumeurs de gare, un coup
de
trompe d’auto, des cris de coq. L’odeur du raisin foulé monte de la c
1988
vient quelques rumeurs de gare, un coup de trompe
d’
auto, des cris de coq. L’odeur du raisin foulé monte de la cour, et re
1989
meurs de gare, un coup de trompe d’auto, des cris
de
coq. L’odeur du raisin foulé monte de la cour, et remplit l’ombre ble
1990
o, des cris de coq. L’odeur du raisin foulé monte
de
la cour, et remplit l’ombre bleue sous le tilleul immense et les laur
1991
nd vase jaune brille au bord du bassin. Le reflet
de
l’eau tremble au plafond et sur les murs verdâtres de la chambre où j
1992
’eau tremble au plafond et sur les murs verdâtres
de
la chambre où j’écris. Et voilà mon petit exercice de rentrée terminé
1993
a chambre où j’écris. Et voilà mon petit exercice
de
rentrée terminé : « Décrivez la maison de vos vacances… » Ajoutons qu
1994
xercice de rentrée terminé : « Décrivez la maison
de
vos vacances… » Ajoutons que le jardinier s’appelle Simard, sa femme
1995
Et qu’il va falloir modifier cette maison pleine
de
guéridons et d’aquarelles, de telle sorte qu’on puisse y travailler.
1996
loir modifier cette maison pleine de guéridons et
d’
aquarelles, de telle sorte qu’on puisse y travailler. Nous faisons l’i
1997
cette maison pleine de guéridons et d’aquarelles,
de
telle sorte qu’on puisse y travailler. Nous faisons l’inventaire minu
1998
r. Nous faisons l’inventaire minutieux et le plan
d’
arrangement actuel de chacune des pièces du premier, avant de les vide
1999
entaire minutieux et le plan d’arrangement actuel
de
chacune des pièces du premier, avant de les vider et de transporter l
2000
cune des pièces du premier, avant de les vider et
de
transporter leur contenu à l’étage supérieur. 23 septembre 1934 Maint
2001
23 septembre 1934 Maintenant les murs sont nus :
d’
un joli vert bleu très clair. Le carreau rouge a été débarrassé du tap
2002
sur des tréteaux. Il ne reste qu’un grand canapé
de
velours ponceau et des chaises de paille trouvées dans un coin de la
2003
un grand canapé de velours ponceau et des chaises
de
paille trouvées dans un coin de la remise, où les chaises brodées, le
2004
au et des chaises de paille trouvées dans un coin
de
la remise, où les chaises brodées, les guéridons et le dessus de chem
2005
ù les chaises brodées, les guéridons et le dessus
de
cheminée — vingt-deux pièces dûment recensées — ont été les remplacer
2006
emplacer. Seul vestige des splendeurs bourgeoises
de
ce salon : un lustre formé d’une écaille de tortue polie, agrémenté d
2007
endeurs bourgeoises de ce salon : un lustre formé
d’
une écaille de tortue polie, agrémenté de porte-bougies inutiles et de
2008
oises de ce salon : un lustre formé d’une écaille
de
tortue polie, agrémenté de porte-bougies inutiles et de pendeloques d
2009
re formé d’une écaille de tortue polie, agrémenté
de
porte-bougies inutiles et de pendeloques de verre taillé. Fascinant,
2010
tue polie, agrémenté de porte-bougies inutiles et
de
pendeloques de verre taillé. Fascinant, ce lustre. Nous sommes éreint
2011
menté de porte-bougies inutiles et de pendeloques
de
verre taillé. Fascinant, ce lustre. Nous sommes éreintés et couverts
2012
nant, ce lustre. Nous sommes éreintés et couverts
de
poussière. Mais on va pouvoir respirer. 25 septembre 1934 La traducti
2013
pouvoir respirer. 25 septembre 1934 La traduction
d’
un considérable ouvrage allemand nous permettra de passer trois mois o
2014
d’un considérable ouvrage allemand nous permettra
de
passer trois mois ou quatre sans trop de soucis matériels. La vie par
2015
ermettra de passer trois mois ou quatre sans trop
de
soucis matériels. La vie paraît assez peu chère. Mais bien trop chère
2016
mois ou quatre sans trop de soucis matériels. La
vie
paraît assez peu chère. Mais bien trop chère encore pour les gens du
2017
l’autre. Il y a 400 chômeurs pour une population
de
2300 habitants. Ceux qui travaillent encore gagnent à peine de quoi s
2018
aignes, des olives, des radis et quelques légumes
de
leurs cultures, qu’ils n’ont pas pu vendre au marché. Cependant, ils
2019
, cela se sent à la manière dont ils nous parlent
de
quelques familles des environs qui n’ont pas la ressource d’un jardin
2020
familles des environs qui n’ont pas la ressource
d’
un jardin, ou qui ne « savent pas y faire ». (Légère nuance de supério
2021
ou qui ne « savent pas y faire ». (Légère nuance
de
supériorité sociale chez Simard). Nos hôtes nous avaient signalé la f
2022
imard). Nos hôtes nous avaient signalé la famille
d’
un mineur retraité, dont la femme fait des journées. Considérant que r
2023
ait notable à partir des Cévennes. Mais bavarde !
De
gré ou de force, c’est certain, nous saurons tout sur les gens de la
2024
e à partir des Cévennes. Mais bavarde ! De gré ou
de
force, c’est certain, nous saurons tout sur les gens de la ville… 5 o
2025
ce, c’est certain, nous saurons tout sur les gens
de
la ville… 5 octobre 1934 Petite cité tassée à la base d’une paroi de
2026
ille… 5 octobre 1934 Petite cité tassée à la base
d’
une paroi de rocher et le long d’une rivière rapide qui débouche d’une
2027
bre 1934 Petite cité tassée à la base d’une paroi
de
rocher et le long d’une rivière rapide qui débouche d’une gorge étroi
2028
tassée à la base d’une paroi de rocher et le long
d’
une rivière rapide qui débouche d’une gorge étroite, cité couleur de r
2029
cher et le long d’une rivière rapide qui débouche
d’
une gorge étroite, cité couleur de rocher, de rivière et de vieilles t
2030
de qui débouche d’une gorge étroite, cité couleur
de
rocher, de rivière et de vieilles tuiles romaines, A… qui de loin par
2031
uche d’une gorge étroite, cité couleur de rocher,
de
rivière et de vieilles tuiles romaines, A… qui de loin paraît en ruin
2032
ge étroite, cité couleur de rocher, de rivière et
de
vieilles tuiles romaines, A… qui de loin paraît en ruine, prouve sa v
2033
de rivière et de vieilles tuiles romaines, A… qui
de
loin paraît en ruine, prouve sa vie par ses odeurs et la saleté de se
2034
maines, A… qui de loin paraît en ruine, prouve sa
vie
par ses odeurs et la saleté de ses ruelles. Un ruisseau coule au mili
2035
ruine, prouve sa vie par ses odeurs et la saleté
de
ses ruelles. Un ruisseau coule au milieu du pavé, charriant des ordur
2036
les passages étroits. Sur les seuils, des groupes
de
femmes en noir jacassent pendant des heures. Des enfants en sarraus n
2037
uent au football dans le ruisseau avec un torchon
de
papier d’emballage. Pas un de ces petits visages qui ne soit beau et
2038
otball dans le ruisseau avec un torchon de papier
d’
emballage. Pas un de ces petits visages qui ne soit beau et fin mais i
2039
eau avec un torchon de papier d’emballage. Pas un
de
ces petits visages qui ne soit beau et fin mais incroyablement crasse
2040
la gare, il y a bien un parc municipal, le jardin
d’
un couvent désaffecté, mais je n’y vois jamais que des vieillards en p
2041
ds en pantoufles. Devant le parc, un mail couvert
d’
une épaisse couche de poussière : là, de nouveau, des bandes de joueur
2042
ant le parc, un mail couvert d’une épaisse couche
de
poussière : là, de nouveau, des bandes de joueurs de balle, dans un n
2043
couche de poussière : là, de nouveau, des bandes
de
joueurs de balle, dans un nuage… Cela tend à confirmer un soupçon qui
2044
poussière : là, de nouveau, des bandes de joueurs
de
balle, dans un nuage… Cela tend à confirmer un soupçon qui m’est venu
2045
soupçon qui m’est venu en maintes autres régions
de
la France : les provinciaux ignorent obstinément, peut-être même haïs
2046
ulation des faubourgs des grandes villes. Le goût
de
« la vie saine » et du grand air, vous ne le trouverez que dans la «
2047
des faubourgs des grandes villes. Le goût de « la
vie
saine » et du grand air, vous ne le trouverez que dans la « banlieue
2048
us ne le trouverez que dans la « banlieue rouge »
de
Paris, d’ailleurs importé d’URSS, et récemment. On me dit qu’ici troi
2049
a « banlieue rouge » de Paris, d’ailleurs importé
d’
URSS, et récemment. On me dit qu’ici trois maisons seulement, sur 200,
2050
la grande place, juste à côté de la pissotière et
de
l’arrêt des autocars. Pittoresque, on peut le dire… 8 octobre 1934 D
2051
on peut le dire… 8 octobre 1934 Du rôle pratique
de
la raison. Je vois la misère qui règne dans tous ces foyers, et qui l
2052
ts sales abandonnés par leurs parents aux hasards
de
la rue, qui valent bien ceux de la famille, mais aussi aux hasards de
2053
rents aux hasards de la rue, qui valent bien ceux
de
la famille, mais aussi aux hasards de l’éducation primaire, bienfaisa
2054
t bien ceux de la famille, mais aussi aux hasards
de
l’éducation primaire, bienfaisante en principe il est vrai, mais tris
2055
ois tous les espoirs et toutes les « assurances »
de
cette population balayée périodiquement par la faillite des entrepris
2056
reprises où elle travaille, ou par quelque décret
d’
État. Je vois le chômage s’étendre et s’installer, comme se sont insta
2057
rant la feuille locale, qu’il naît encore pas mal
d’
enfants dans ces foyers que tout menace. Faisons la part des « acciden
2058
dences ». Il reste encore une marge assez notable
d’
imprévoyance naïve, d’acceptation des risques, de confiance obscurémen
2059
ore une marge assez notable d’imprévoyance naïve,
d’
acceptation des risques, de confiance obscurément accordée à l’instinc
2060
d’imprévoyance naïve, d’acceptation des risques,
de
confiance obscurément accordée à l’instinct ou à « la Vie », ou à la
2061
iance obscurément accordée à l’instinct ou à « la
Vie
», ou à la solidarité de l’espèce humaine, malgré tout. Pourtant c’es
2062
à l’instinct ou à « la Vie », ou à la solidarité
de
l’espèce humaine, malgré tout. Pourtant c’est bien ici le peuple « ra
2063
raisonnable » qu’on donne en exemple aux barbares
de
l’Europe centrale. Le peuple qui sait calculer, faire son budget, bou
2064
i sait calculer, faire son budget, bourrer le bas
de
laine et nourrir la bouteille aux pièces de dix sous. Une chose est c
2065
e bas de laine et nourrir la bouteille aux pièces
de
dix sous. Une chose est claire : faire des enfants, dans les conditio
2066
Or tout ce que l’État nous apprend, par le moyen
de
l’école primaire entre autres, ridiculise et ruine ce genre d’espoirs
2067
imaire entre autres, ridiculise et ruine ce genre
d’
espoirs. Qui voudrait condamner l’usage pratique de la raison ? Simple
2068
’espoirs. Qui voudrait condamner l’usage pratique
de
la raison ? Simplement je constate qu’en fait, et dans ce pays tel qu
2069
fortunés, ou ascètes. Ceux qui n’ont plus besoin
de
calculer, ceux-là calculent. Et les autres acceptent leurs risques, c
2070
s acceptent leurs risques, c’est-à-dire acceptent
de
vivre, malgré l’État laïque qui leur conseille plutôt l’épargne. 15 o
2071
a terminé les vendanges, et la récolte des figues
d’
été. (Les figues d’hiver apparaissent déjà, plus petites et toujours v
2072
nges, et la récolte des figues d’été. (Les figues
d’
hiver apparaissent déjà, plus petites et toujours vertes ; on ne les m
2073
les mange pas). Simard nous a indiqué une ferme,
de
l’autre côté de la colline du sud, où nous pourrons acheter une provi
2074
Simard nous a indiqué une ferme, de l’autre côté
de
la colline du sud, où nous pourrons acheter une provision d’« œillade
2075
ne du sud, où nous pourrons acheter une provision
d’
« œillades ». C’est leur gros raisin bleu. Nous y sommes allés hier au
2076
violacée entre des monticules pointus tout frisés
d’
oliviers, un paysage de primitifs italiens. Le mas au flanc de la coll
2077
icules pointus tout frisés d’oliviers, un paysage
de
primitifs italiens. Le mas au flanc de la colline, déjà dans l’ombre,
2078
un paysage de primitifs italiens. Le mas au flanc
de
la colline, déjà dans l’ombre, paraissait désert. Nous nous sommes as
2079
. Nous nous sommes assis sur la terrasse, au pied
d’
un grand micocoulier. Bientôt un chien furieux surgit de la maison, su
2080
rand micocoulier. Bientôt un chien furieux surgit
de
la maison, suivi d’une grande femme en noir. C’est la propriétaire, M
2081
entôt un chien furieux surgit de la maison, suivi
d’
une grande femme en noir. C’est la propriétaire, Madame Turc. Elle nou
2082
qu’à la nuit tombée. Nous sommes dans une cuisine
de
ferme mais la fermière nous reçoit comme une « dame », ou plutôt un p
2083
ou plutôt un peu mieux, avec une politesse pleine
de
réserve et d’attentions. On parle du domaine. Les deux femmes le diri
2084
eu mieux, avec une politesse pleine de réserve et
d’
attentions. On parle du domaine. Les deux femmes le dirigent seules de
2085
Les deux femmes le dirigent seules depuis la mort
de
M. Turc. Elles ont un peu de peine avec les ouvriers. Il paraît qu’on
2086
eine avec les ouvriers. Il paraît qu’on en trouve
de
moins en moins. — « Mais, lui dis-je, et les chômeurs ? On m’a dit qu
2087
A ? » La mère, vivement : « Jamais je n’ai engagé
de
chômeurs, Monsieur, c’est un principe. Nous ne voulons que des ouvrie
2088
ômeur moi-même, Madame… » Elle sourit à son tour,
de
l’air de dire : Oh, vous, ce n’est pas la même chose. Elle a sans dou
2089
-même, Madame… » Elle sourit à son tour, de l’air
de
dire : Oh, vous, ce n’est pas la même chose. Elle a sans doute entend
2090
s la même chose. Elle a sans doute entendu parler
de
nous. Rien à faire : je suis un « monsieur ». La fille rentre : une f
2091
un peu masculine. Elle nous conduit à la chambre
de
conserve des raisins. Pendant qu’elle fait la pesée : « C’est pour qu
2092
que vous écrivez des articles ? J’en ai lu signés
de
ce nom-là. Et elle me cite une revue protestante et une revue littéra
2093
lles je collabore, en effet. — Vous avez le temps
de
lire beaucoup ? — Oh, on le prend. Comme nous ne voyons jamais person
2094
Je résume mes renseignements : famille paysanne,
de
tout temps. Vie laborieuse, peu ou point de gains depuis des années.
2095
renseignements : famille paysanne, de tout temps.
Vie
laborieuse, peu ou point de gains depuis des années. Pas de relations
2096
anne, de tout temps. Vie laborieuse, peu ou point
de
gains depuis des années. Pas de relations. Leur niveau de culture, fo
2097
use, peu ou point de gains depuis des années. Pas
de
relations. Leur niveau de culture, fort au-dessus de la moyenne, ne m
2098
depuis des années. Pas de relations. Leur niveau
de
culture, fort au-dessus de la moyenne, ne m’étonne guère, s’agissant
2099
relations. Leur niveau de culture, fort au-dessus
de
la moyenne, ne m’étonne guère, s’agissant de protestantes. Ce ne sont
2100
ssus de la moyenne, ne m’étonne guère, s’agissant
de
protestantes. Ce ne sont pas des bourgeoises, certes, et pourtant ell
2101
en sont encore à estimer que chômeur est synonyme
de
vagabond dangereux. Elles font partie des « travailleurs » et pourtan
2102
iétaires. Je vois en elles un type très classique
de
Françaises : leur politesse mesurée, leur raison, leur énergie sérieu
2103
, leur raison, leur énergie sérieuse, cette façon
de
ne pas se plaindre de son sort… Pourtant, il y en a peu de cette espè
2104
ergie sérieuse, cette façon de ne pas se plaindre
de
son sort… Pourtant, il y en a peu de cette espèce, semble-t-il. On n’
2105
nt pas du tout se considérer comme un type social
d’
exception. Combien y a-t-il de classes entre la bourgeoisie des villes
2106
omme un type social d’exception. Combien y a-t-il
de
classes entre la bourgeoisie des villes et le prolétariat ? L’opposit
2107
crets, dès que je sors des très grandes villes et
de
leur caricature de société. — Simard, le jardinier, est à demi métaye
2108
ors des très grandes villes et de leur caricature
de
société. — Simard, le jardinier, est à demi métayer. Est-ce un prolét
2109
exé qu’on le lui dise. Il s’estime fort au-dessus
d’
un mineur retraité, par exemple. Les instituteurs d’A… ? Ils sont du p
2110
un mineur retraité, par exemple. Les instituteurs
d’
A… ? Ils sont du peuple. Oui, mais bourgeois par leur profession. Et l
2111
on. Et les Calixte ? Prolétaires sans doute, mais
d’
une tout autre espèce, on dirait même d’une autre race que les métayer
2112
ute, mais d’une tout autre espèce, on dirait même
d’
une autre race que les métayers catholiques de la montagne qu’on voit
2113
ême d’une autre race que les métayers catholiques
de
la montagne qu’on voit venir à A… pour le marché. Et très conscients
2114
oit venir à A… pour le marché. Et très conscients
d’
une supériorité qu’ils ne peuvent attribuer au rang social ni au salai
2115
omiques. On ne comprend rien à la réalité sociale
de
ce canton si l’on fait abstraction de tout cela dont le marxisme, jus
2116
ité sociale de ce canton si l’on fait abstraction
de
tout cela dont le marxisme, justement, se doit de ne pas tenir compte
2117
de tout cela dont le marxisme, justement, se doit
de
ne pas tenir compte. Un communiste traitera les dames Turc de « koula
2118
nir compte. Un communiste traitera les dames Turc
de
« koulaks » et tout sera dit. Le marxisme part de statistiques et de
2119
de « koulaks » et tout sera dit. Le marxisme part
de
statistiques et de relations numériques (salaires, plus-value, profit
2120
out sera dit. Le marxisme part de statistiques et
de
relations numériques (salaires, plus-value, profits). Il s’estime don
2121
s). Il s’estime donc scientifique. Il ne part pas
de
ce que les hommes veulent être, ni de la conscience globale qu’ils on
2122
ne part pas de ce que les hommes veulent être, ni
de
la conscience globale qu’ils ont de leur état (et c’est pourtant le p
2123
lent être, ni de la conscience globale qu’ils ont
de
leur état (et c’est pourtant le principal, pratiquement et moralement
2124
pinions politiques). Le marxisme traite tout cela
de
nuances vaines, d’illusions, voire de « mystification ». Il part de c
2125
. Le marxisme traite tout cela de nuances vaines,
d’
illusions, voire de « mystification ». Il part de ce que les hommes so
2126
e tout cela de nuances vaines, d’illusions, voire
de
« mystification ». Il part de ce que les hommes sont malgré eux, du p
2127
d’illusions, voire de « mystification ». Il part
de
ce que les hommes sont malgré eux, du point de vue abstrait et inhuma
2128
malgré eux, du point de vue abstrait et inhumain
de
la Statistique. Et il prétend fonder là-dessus non seulement des mesu
2129
une morale, un art et une métaphysique ! Problème
de
la politique actuelle : sera-t-elle l’affaire du meilleur statisticie
2130
e ? 2 novembre 1934 Minuit. J’ai terminé la tâche
de
la journée. Ma femme dort, dans la chambre dont je vois la porte entr
2131
fume, il fait presque froid. Dans ce silence vide
de
la nuit campagnarde, me voici seul encore éveillé, les yeux bien ouve
2132
lé, les yeux bien ouverts, l’esprit clair. Clarté
d’
un minuit solitaire, veillée trop lucide peut-être, puisque le monde n
2133
lucide peut-être, puisque le monde n’y porte plus
d’
ombres. Je me souviens de ces nuits de Paris, pleines d’appels fugitif
2134
le monde n’y porte plus d’ombres. Je me souviens
de
ces nuits de Paris, pleines d’appels fugitifs, assourdis ; de ces vei
2135
porte plus d’ombres. Je me souviens de ces nuits
de
Paris, pleines d’appels fugitifs, assourdis ; de ces veillées fiévreu
2136
es. Je me souviens de ces nuits de Paris, pleines
d’
appels fugitifs, assourdis ; de ces veillées fiévreuses, assiégées. Es
2137
de Paris, pleines d’appels fugitifs, assourdis ;
de
ces veillées fiévreuses, assiégées. Est-ce que je les regrette ? Est-
2138
. Est-ce que je les regrette ? Est-ce que l’heure
de
la nuit où l’on ne dort pas n’est pas toujours l’heure des mauvaises
2139
pourrait nous écrire une histoire des inventions
de
l’insomnie ? Ne serait-ce pas tout simplement l’histoire de la naissa
2140
nie ? Ne serait-ce pas tout simplement l’histoire
de
la naissance de nos démons ? La nuit ne pose pas de questions immédia
2141
ce pas tout simplement l’histoire de la naissance
de
nos démons ? La nuit ne pose pas de questions immédiates. C’est pourq
2142
la naissance de nos démons ? La nuit ne pose pas
de
questions immédiates. C’est pourquoi, dans cette heure suspendue, il
2143
dans cette heure suspendue, il vaut mieux cesser
de
penser. Que penserais-je, ici, d’humain, d’actif ? Ici où je suis san
2144
ut mieux cesser de penser. Que penserais-je, ici,
d’
humain, d’actif ? Ici où je suis sans prochain, à cette heure ou mes f
2145
esser de penser. Que penserais-je, ici, d’humain,
d’
actif ? Ici où je suis sans prochain, à cette heure ou mes frères (?)
2146
uit est faite pour dormir », me disait un gardien
de
l’ordre qui m’avait surpris sur les quais de la Seine, au plus profon
2147
dien de l’ordre qui m’avait surpris sur les quais
de
la Seine, au plus profond d’une contemplation des eaux nocturnes. Ma
2148
urpris sur les quais de la Seine, au plus profond
d’
une contemplation des eaux nocturnes. Ma police personnelle m’envoie a
2149
le arrière-pensée rode ici ? La mauvaise habitude
de
penser « librement » ? Le goût des chimères précises ? 10 novembre 19
2150
eau est rouge, mais la porte donne au nord-ouest,
d’
où vient le vent le plus glacial, depuis des siècles, et en tout cas d
2151
n tout cas depuis longtemps avant la construction
de
cette maison… On n’y avait pas pensé ? Je passe au fond, dans une cha
2152
rtait sa main du lit, cela fumait. « Vous avez eu
de
la fièvre ! » Elle ne sait pas. Elle ne veut pas de médecin. Sa fille
2153
la fièvre ! » Elle ne sait pas. Elle ne veut pas
de
médecin. Sa fille dit : « Elle ne voulait même plus toucher à la vian
2154
pas goût. Alors j’ai pensé lui faire du bouillon
de
poulet, ça lui a fait de l’avantage. Voyez ! Ce n’est pas vrai que la
2155
sé lui faire du bouillon de poulet, ça lui a fait
de
l’avantage. Voyez ! Ce n’est pas vrai que la viande est si bonne pour
2156
nde est si bonne pour les malades. » Elle accepte
de
venir faire une lessive à la maison pour remplacer sa mère. Nous manq
2157
à la maison pour remplacer sa mère. Nous manquons
de
corde pour étendre le linge ; elle imagine de le mettre à sécher sur
2158
ons de corde pour étendre le linge ; elle imagine
de
le mettre à sécher sur des buissons de ronce. Tous les mouchoirs sont
2159
le imagine de le mettre à sécher sur des buissons
de
ronce. Tous les mouchoirs sont plus ou moins déchirés quand on va les
2160
il a fait un vent cette nuit ! » 11 novembre 1934
D’
une manière générale, ils ne sont pas conscients de porter la responsa
2161
’une manière générale, ils ne sont pas conscients
de
porter la responsabilité des accidents qui leur arrivent. Cela peut a
2162
que les gens du peuple sont spécialement adroits
de
leurs mains, débrouillards et pleins de ressources mystérieuses. Mais
2163
t adroits de leurs mains, débrouillards et pleins
de
ressources mystérieuses. Mais ils seraient moins dignes aussi. Leur d
2164
ils seraient moins dignes aussi. Leur dignité est
de
subir sans se tourmenter. Ils ne se mettront jamais dans des états pa
2165
lixte, qui casse tout ce que l’on veut, a coutume
de
dire en constatant le mal : « Voyez-vous ! je croyais la tenir cette
2166
yez-vous ! je croyais la tenir cette assiette ! »
De
telle manière qu’on entend bien que c’est ainsi de tout, et qu’on aur
2167
e telle manière qu’on entend bien que c’est ainsi
de
tout, et qu’on aurait grand tort de croire que rien au monde dépend d
2168
e c’est ainsi de tout, et qu’on aurait grand tort
de
croire que rien au monde dépend de nous. Ceci vaut pour les femmes, q
2169
ait grand tort de croire que rien au monde dépend
de
nous. Ceci vaut pour les femmes, qui sont la part la plus civilisée d
2170
ur les femmes, qui sont la part la plus civilisée
de
la population. Ce sont elles qui gagnent ce qu’il faut, elles qui tra
2171
nt souvent réactionnaires et se mêlent peu à ceux
de
la place. Enfin ceux qui sont occupés par l’imprimerie du journal loc
2172
tes les conférences, prennent la parole au Cercle
d’
hommes, citent des livres sur la politique. 12 novembre 1934 J’ai rele
2173
es chiffres dans un ouvrage sur A…, dû à la plume
d’
un de ses pasteurs à la retraite. En 1570, le mûrier, importé de Chine
2174
iffres dans un ouvrage sur A…, dû à la plume d’un
de
ses pasteurs à la retraite. En 1570, le mûrier, importé de Chine, fai
2175
steurs à la retraite. En 1570, le mûrier, importé
de
Chine, fait son apparition dans le Midi. État du pays en 1820 : douze
2176
du pays en 1820 : douze filatures, deux fabriques
de
chapeaux, 5000 habitants, un commerce important de produits soyeux ma
2177
e chapeaux, 5000 habitants, un commerce important
de
produits soyeux manufacturés. Lors de la dédicace du nouveau temple,
2178
mple, en 1822, quinze mille protestants accourent
de
toute la contrée pour suivre des cérémonies dont leurs descendants pa
2179
la vallée du Rhône. Fondation des grandes usines
de
la région lyonnaise. Apparition du grand capital. État du pays en 193
2180
du travail cinq jours par semaine à une centaine
d’
ouvrières, dont le salaire moyen est de 7 francs par jour. Faillite de
2181
e centaine d’ouvrières, dont le salaire moyen est
de
7 francs par jour. Faillite de la dernière bonnetterie, ces derniers
2182
salaire moyen est de 7 francs par jour. Faillite
de
la dernière bonnetterie, ces derniers jours. Le tiers des maisons est
2183
t son apparition sur le marché lyonnais. Faillite
de
plusieurs des grosses entreprises de soie artificielle. Le cycle norm
2184
is. Faillite de plusieurs des grosses entreprises
de
soie artificielle. Le cycle normal du progrès capitaliste est clos. L
2185
st clos. Lyon a drainé toute la richesse indigène
de
ce département. Et cette richesse à son tour va reprendre le chemin d
2186
cette richesse à son tour va reprendre le chemin
de
l’Orient, d’où vint autrefois le mûrier. Question : Que reste-t-il po
2187
se à son tour va reprendre le chemin de l’Orient,
d’
où vint autrefois le mûrier. Question : Que reste-t-il pour entreprend
2188
vient s’excuser : « Qui sait, Madame, j’aimerais
d’
aller à Alès, quelle jour ça vous préférerait ? » (En prononçant tous
2189
ciété présente. Et c’est encore une fois le drame
de
la culture. Qu’on ne croie pas que j’exagère. Je ne tire de ce fait,
2190
ure. Qu’on ne croie pas que j’exagère. Je ne tire
de
ce fait, à vrai dire minuscule, qu’une évidence. Les mots que nous di
2191
t exemple que je viens de citer, c’est une espèce
de
calembour qui ne joue que sur des sons. Mais il est clair que le sens
2192
les lieux communs sur quoi repose, tacitement, la
vie
sociale, sont aujourd’hui vidés de leur signification à la fois symbo
2193
acitement, la vie sociale, sont aujourd’hui vidés
de
leur signification à la fois symbolique et précise. Ils n’éveillent p
2194
it de ce que l’on pourrait déduire, dans le fait,
d’
une discussion raisonnable, c’est-à-dire truquée, avec tel ou tel ouvr
2195
truquée, avec tel ou tel ouvrier. On pensera que
de
tout temps la traduction du langage surveillé des écrivains dans le l
2196
ains dans le langage parlé du peuple fut affectée
de
malentendus de ce genre. Voire. Le peuple ne lisait pas, avant l’écol
2197
ngage parlé du peuple fut affectée de malentendus
de
ce genre. Voire. Le peuple ne lisait pas, avant l’école de Guizot. Le
2198
re. Voire. Le peuple ne lisait pas, avant l’école
de
Guizot. Le « public », c’était la noblesse, et les bourgeois imitant
2199
e vrai peuple les comprenait dans la seule mesure
de
l’utile. L’Église faisait le trait d’union, l’Église gardienne du sen
2200
eule mesure de l’utile. L’Église faisait le trait
d’
union, l’Église gardienne du sens concret des lieux communs. Aujourd’h
2201
t sinon le goût, du moins la pratique quotidienne
de
la lecture. Le public s’étend au hasard. Il ne constitue plus un corp
2202
un peut en être, et juger comme il veut. Le droit
de
se tromper, et de tromper grâce au langage, est un des droits impresc
2203
t juger comme il veut. Le droit de se tromper, et
de
tromper grâce au langage, est un des droits imprescriptibles que se t
2204
avoir décrété la Convention. Bref, il n’est plus
de
mesure commune : ni l’Église, ni la Culture, ni l’École qui prétend l
2205
ni l’École qui prétend les remplacer, n’ont plus
d’
autorité sur l’esprit de la lettre. Aussi bien nous parlons au hasard,
2206
les remplacer, n’ont plus d’autorité sur l’esprit
de
la lettre. Aussi bien nous parlons au hasard, pour ne pas dire dans l
2207
nos efforts vers la rigueur et vers l’adaptation
de
notre style à notre action. On serait même tenté d’estimer que la plu
2208
notre style à notre action. On serait même tenté
d’
estimer que la plus grande rigueur entraîne la moindre efficacité, et
2209
, et l’inverse. Par où l’on voit que le contraire
de
la « vie spirituelle », c’est « le public ». Cette vie spirituelle et
2210
nverse. Par où l’on voit que le contraire de la «
vie
spirituelle », c’est « le public ». Cette vie spirituelle et ce publi
2211
a « vie spirituelle », c’est « le public ». Cette
vie
spirituelle et ce public nous posent des exigences dont il faut admir
2212
lles soient aussi exactement contradictoires. Or,
de
ces deux antagonistes, c’est l’esprit qui sera vaincu. Non point qu’i
2213
n’agit plus. Ce qu’on « entend », c’est l’absence
de
l’esprit, c’est l’appel aux instincts, aux intérêts urgents, presque
2214
ns une salle attenante au temple, pour les hommes
de
sa paroisse. « C’est le seul moyen de les avoir, me dit-il. Comme vou
2215
les hommes de sa paroisse. « C’est le seul moyen
de
les avoir, me dit-il. Comme vous l’aurez remarqué, il n’en vient qu’u
2216
à 50. Et une fois qu’ils sont là, on peut parler
de
tout… J’irai d’autant plus volontiers que, devant parler moi-même, da
2217
is qu’ils sont là, on peut parler de tout… J’irai
d’
autant plus volontiers que, devant parler moi-même, dans quelques jour
2218
t parler moi-même, dans quelques jours, au cercle
d’
hommes de St-J. j’ai besoin de prendre contact. 3 décembre 1934 Soiré
2219
moi-même, dans quelques jours, au cercle d’hommes
de
St-J. j’ai besoin de prendre contact. 3 décembre 1934 Soirée au « Ce
2220
es jours, au cercle d’hommes de St-J. j’ai besoin
de
prendre contact. 3 décembre 1934 Soirée au « Cercle d’hommes ». — Il
2221
ndre contact. 3 décembre 1934 Soirée au « Cercle
d’
hommes ». — Ils étaient en effet une quarantaine hier soir. Je suis en
2222
ine hier soir. Je suis entré comme ils achevaient
de
boire leur tasse de café au fond de la salle, dans un coin arrangé en
2223
is entré comme ils achevaient de boire leur tasse
de
café au fond de la salle, dans un coin arrangé en cabinet de lecture.
2224
ls achevaient de boire leur tasse de café au fond
de
la salle, dans un coin arrangé en cabinet de lecture. Journaux et ill
2225
fond de la salle, dans un coin arrangé en cabinet
de
lecture. Journaux et illustrés, quelques livres sur la table. Puis on
2226
acteurs, le libraire, le quincaillier, un adjoint
de
la mairie, quelques retraités qui « travaillent le mazet » dans nos p
2227
s instituteurs. Le pasteur a lu quelques passages
de
l’Écriture. Après quoi le sujet a été introduit par l’un des institut
2228
ntroduit par l’un des instituteurs. Il s’agissait
de
« l’histoire de notre département ». La discussion n’a vraiment démar
2229
n des instituteurs. Il s’agissait de « l’histoire
de
notre département ». La discussion n’a vraiment démarré que lorsqu’on
2230
vraiment démarré que lorsqu’on s’est mis à parler
d’
autre chose que du sujet, c’est-à-dire d’un peu tout : de l’enseigneme
2231
à parler d’autre chose que du sujet, c’est-à-dire
d’
un peu tout : de l’enseignement, des journaux, des traditions et anecd
2232
chose que du sujet, c’est-à-dire d’un peu tout :
de
l’enseignement, des journaux, des traditions et anecdotes locales. Di
2233
c’étaient surtout des questions, des affirmations
de
partis pris ou des récits entremêlés d’allusions à des célébrités loc
2234
irmations de partis pris ou des récits entremêlés
d’
allusions à des célébrités locales, provoquant chaque fois de gros rir
2235
à des célébrités locales, provoquant chaque fois
de
gros rires. L’homme du peuple — et je pense qu’il en va de même du bo
2236
a de même du bourgeois peu cultivé, et sans doute
de
tout ce qui n’est pas « intellectuel » — ne « discute » pas à proprem
2237
essées. Or cette lenteur et ces répétitions n’ont
d’
autre but que de laisser à l’esprit le temps de se « figurer » ce qui
2238
lenteur et ces répétitions n’ont d’autre but que
de
laisser à l’esprit le temps de se « figurer » ce qui est dit. (C’est
2239
nt d’autre but que de laisser à l’esprit le temps
de
se « figurer » ce qui est dit. (C’est seulement de la langue des écri
2240
e se « figurer » ce qui est dit. (C’est seulement
de
la langue des écrivains français qu’il est exact de dire, avec tous l
2241
la langue des écrivains français qu’il est exact
de
dire, avec tous les manuels, qu’elle est une langue de discussion, pa
2242
re, avec tous les manuels, qu’elle est une langue
de
discussion, parce que toujours elle vise à la formule décisive, et ne
2243
e à la formule décisive, et ne s’accorde le droit
de
dire chaque chose qu’une seule fois, de la façon la plus économique e
2244
le droit de dire chaque chose qu’une seule fois,
de
la façon la plus économique et la plus claire28. Or, cette langue d’é
2245
économique et la plus claire28. Or, cette langue
d’
échanges dialectiques rapides se trouve par là même inefficace sur le
2246
là même inefficace sur le « peuple ». Elle manque
de
durée. Évitant méticuleusement les reprises, les retours, elle s’acco
2247
s, les retours, elle s’accorde très mal au rythme
de
la réflexion spontanée, qui est « péguyste » et non « classique ». Éc
2248
inutilisables dans la mesure où ils veulent être
de
bons écrivains français.) — Que de bonne volonté chez les hommes de c
2249
s veulent être de bons écrivains français.) — Que
de
bonne volonté chez les hommes de ce Cercle ! comme ils s’appliquent à
2250
français.) — Que de bonne volonté chez les hommes
de
ce Cercle ! comme ils s’appliquent à comprendre, comme ils sont vifs
2251
dit une bêtise ou bafouille — et comme on a envie
de
leur expliquer des choses, amicalement ; de partager avec eux ce que
2252
envie de leur expliquer des choses, amicalement ;
de
partager avec eux ce que l’on sait ! Je pense aux auditoires bourgeoi
2253
tir, le facteur ronflait, le front sur un dossier
de
chaise. Il s’est relevé, s’est frotté les yeux, est sorti tout tranqu
2254
es opinions politiques, dans ce cercle ? — Il y a
de
tout. Le quincaillier est royaliste, un des instituteurs est objecteu
2255
est royaliste, un des instituteurs est objecteur
de
conscience, la plupart sont radicaux ou socialistes. Il vient aussi d
2256
x ou socialistes. Il vient aussi des communistes,
de
temps à autre. Il paraît que ça chauffe certains soirs. Mais le paste
2257
dictateur qui se présentera un jour comme l’homme
de
gauche à poigne ? J’ai questionné à ce sujet quelqu’un qui connaît bi
2258
ce sujet quelqu’un qui connaît bien son monde. La
vie
même de cet homme consiste en effet à connaître intimement le plus gr
2259
quelqu’un qui connaît bien son monde. La vie même
de
cet homme consiste en effet à connaître intimement le plus grand nomb
2260
effet à connaître intimement le plus grand nombre
de
familles de N., leurs circonstances matérielles, leurs difficultés mo
2261
aître intimement le plus grand nombre de familles
de
N., leurs circonstances matérielles, leurs difficultés morales, leurs
2262
c’est souvent la même chose — leurs idées sur la
vie
, sur la mort, sur le mariage. Et quand je dis que sa vie consiste à c
2263
r la mort, sur le mariage. Et quand je dis que sa
vie
consiste à connaître ces choses, il faut prendre le mot dans le sens
2264
teur. C’est bien plutôt un conseiller, un donneur
d’
aide morale et parfois matérielle, quelqu’un qui est responsable de co
2265
parfois matérielle, quelqu’un qui est responsable
de
connaître ces gens mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes, quelqu’u
2266
nnaissent eux-mêmes, quelqu’un qui a pour mission
de
leur enseigner le sens dernier des circonstances de leur vie. C’est l
2267
leur enseigner le sens dernier des circonstances
de
leur vie. C’est le pasteur. Sa paroisse comprend les villages de N. e
2268
seigner le sens dernier des circonstances de leur
vie
. C’est le pasteur. Sa paroisse comprend les villages de N. et de V. o
2269
est le pasteur. Sa paroisse comprend les villages
de
N. et de V. où il habite. V., c’est un vieux nid d’aigle, une pierrai
2270
steur. Sa paroisse comprend les villages de N. et
de
V. où il habite. V., c’est un vieux nid d’aigle, une pierraille couro
2271
N. et de V. où il habite. V., c’est un vieux nid
d’
aigle, une pierraille couronnant des hauteurs ventées. Les rues sont é
2272
Les rues sont étroites et caillouteuses, pleines
d’
odeurs dès que le vent cesse de les balayer. Nous sommes installés au
2273
louteuses, pleines d’odeurs dès que le vent cesse
de
les balayer. Nous sommes installés au presbytère sur une galerie d’où
2274
us sommes installés au presbytère sur une galerie
d’
où l’on domine un ample paysage horizontal. La plaine est à nos pieds,
2275
orizon des collines vers Uzès, où quelques ruines
de
castels et quelques cheminées d’usines grattent le bas d’un grand cie
2276
quelques ruines de castels et quelques cheminées
d’
usines grattent le bas d’un grand ciel jaune. On distingue à peine le
2277
ls et quelques cheminées d’usines grattent le bas
d’
un grand ciel jaune. On distingue à peine le village de N. parmi les r
2278
grand ciel jaune. On distingue à peine le village
de
N. parmi les rangées de peupliers : il faut suivre des yeux la route
2279
tingue à peine le village de N. parmi les rangées
de
peupliers : il faut suivre des yeux la route noire pour découvrir enf
2280
vrir enfin l’amas brunâtre des maisons au-dessous
d’
une tache blanche dans un pré, qui est le château. Joie de voir un pay
2281
che blanche dans un pré, qui est le château. Joie
de
voir un pays dans son ensemble, dans son unité naturelle et ancienne.
2282
son unité naturelle et ancienne. Une même patine
de
crépuscule réunit les champs, les arbres, les maisons. Dans ces maiso
2283
c’est que ces communistes. — Voilà. Que vous dire
de
gens que je connais si bien ? C’est difficile de les classer et je n’
2284
de gens que je connais si bien ? C’est difficile
de
les classer et je n’aime pas beaucoup ça… Il y en a de toutes sortes,
2285
s classer et je n’aime pas beaucoup ça… Il y en a
de
toutes sortes, bien sûr, et plus on les voit de près… — Je comprends
2286
a de toutes sortes, bien sûr, et plus on les voit
de
près… — Je comprends qu’il soit difficile de parler en général de ses
2287
voit de près… — Je comprends qu’il soit difficile
de
parler en général de ses paroissiens. Mais s’ils sont communistes, il
2288
mprends qu’il soit difficile de parler en général
de
ses paroissiens. Mais s’ils sont communistes, ils ne doivent tout de
2289
tes, ils ne doivent tout de même pas faire partie
de
votre église, pratiquement ? — C’est-à-dire, oui et non. — Enfin, vie
2290
ue, mais ils ont peur. C’est toujours la question
de
la place à traverser. — ??? — Oui, vous savez que nos temples du Midi
2291
, si on pouvait entrer par-derrière, par la porte
de
la sacristie, on viendrait bien ! Mais on est lâches ! — Et chez eux,
2292
urtout ils y sont entre eux. Je n’ai aucune envie
d’
aller faire l’intrus ou le bon apôtre. Si c’était possible, ce serait
2293
j’organise. Vous avez déjà parlé dans des cercles
d’
hommes. Vous voyez le genre. — Et les communistes y viennent ? — Bien
2294
ient en Dieu, et qu’ils attendent tous les ordres
de
lui. À la fin, un des communistes se lève et résume le débat : « En s
2295
ns, etc. C’est l’élément réveillé et entreprenant
de
la population. — Mais savent-ils ce que c’est, le marxisme ? — Ils es
2296
. J’en connais plusieurs qui lisent des brochures
de
vulgarisation de la doctrine. Ils me posent quelquefois des questions
2297
usieurs qui lisent des brochures de vulgarisation
de
la doctrine. Ils me posent quelquefois des questions. Mais ce n’est p
2298
nent au parti. L’affaire, pour eux, c’est d’abord
de
se grouper afin d’entreprendre quelque chose, de résister aux gros pr
2299
de se grouper afin d’entreprendre quelque chose,
de
résister aux gros propriétaires qui tiennent la région, et de leur im
2300
aux gros propriétaires qui tiennent la région, et
de
leur imposer des mesures de progrès, de bon sens… — Au point de vue d
2301
iennent la région, et de leur imposer des mesures
de
progrès, de bon sens… — Au point de vue des classes, d’où viennent-il
2302
égion, et de leur imposer des mesures de progrès,
de
bon sens… — Au point de vue des classes, d’où viennent-ils ? — Pour l
2303
grès, de bon sens… — Au point de vue des classes,
d’
où viennent-ils ? — Pour la plupart — tous les chefs en tous cas —, ce
2304
a plupart — tous les chefs en tous cas —, ce sont
de
petits propriétaires ou des ouvriers travaillant à leur compte. — En
2305
entendez bien avec eux ? — Ils savent que je suis
de
leur côté, en gros, dans les questions locales où il faut prendre pos
2306
riteraient mieux que ce qu’on leur donne, en fait
de
doctrine. En réalité, ils ne sont pas plus marxistes que moi. Ils veu
2307
s vont au parti communiste parce qu’il n’y a rien
d’
autre et personne d’autre… Ce seraient souvent les meilleures têtes du
2308
uniste parce qu’il n’y a rien d’autre et personne
d’
autre… Ce seraient souvent les meilleures têtes du pays, et on les lai
2309
ns, c’est qu’ils prennent au sérieux l’incroyance
de
leurs contemporains. Au fond, ils en ont peur. Or ils devraient n’avo
2310
ls en ont peur. Or ils devraient n’avoir peur que
de
Dieu, et des vocations bouleversantes qu’il arrive que Dieu nous adre
2311
déprimant que celui du chrétien honteux, honteux
d’
une foi qu’il n’a pas ! Car s’il l’avait, il n’aurait plus de honte à
2312
u’il n’a pas ! Car s’il l’avait, il n’aurait plus
de
honte à la confesser devant les hommes ; et s’il a honte, c’est qu’il
2313
hommes la vérité et le chemin. Point n’est besoin
d’
actions extraordinaires, surhumaines : se rire des dieux du monde est
2314
héroïque, dans notre monde, pour qu’il soit vain
de
chercher mieux. 12 janvier 1935 Ces cochons-là ! — Simard le jardini
2315
e au doigt en travaillant. Ce gros homme, violacé
d’
ordinaire, en est tout pâle. Je vais discuter le coup avec lui pour le
2316
uter le coup avec lui pour le ravigoter. C’est un
de
ces Méridionaux qui ne connaît pas de meilleur remède que la parlotte
2317
r. C’est un de ces Méridionaux qui ne connaît pas
de
meilleur remède que la parlotte. Tout de suite, c’est la question des
2318
n’a guère vendu depuis un mois que pour 50 francs
de
légumes. Or la vente des produits de son jardin est son seul moyen de
2319
ur 50 francs de légumes. Or la vente des produits
de
son jardin est son seul moyen de gagner). Carré sur son tabouret de c
2320
nte des produits de son jardin est son seul moyen
de
gagner). Carré sur son tabouret de cuisine, le doigt en l’air, il pas
2321
son seul moyen de gagner). Carré sur son tabouret
de
cuisine, le doigt en l’air, il passe en revue les compagnies d’assura
2322
doigt en l’air, il passe en revue les compagnies
d’
assurances — et analogues — avec lesquelles il est en compte. Je dis c
2323
ec lesquelles il est en compte. Je dis compagnies
d’
assurances, mais lui les nomme plus couramment « ces cochons-là ». Ces
2324
cochons-là ». Ces cochons-là sont donc au nombre
de
sept ou huit. Il en totalise sept pour son compte, et sa dame fait le
2325
. Il reste par bonheur : les assurances sociales,
vie
, décès, « avec doublage », vieillesse, accidents du travail, incendie
2326
travail, incendie et une histoire très compliquée
de
capitalisation-loterie, qui l’excite particulièrement. Tout cela rend
2327
. Dans certains cas, bien entendu, il s’agit même
d’
y aller de sa poche. Enfin, on obtient tout de même quelque chose, mai
2328
tains cas, bien entendu, il s’agit même d’y aller
de
sa poche. Enfin, on obtient tout de même quelque chose, mais bou Diou
2329
— au ministre du Travail — pour avoir une pension
de
5000 francs pour son beau-frère. « Ce cochon-là » n’a pas répondu, et
2330
que lui Simard, et cette personne lui a conseillé
d’
écrire une nouvelle lettre recommandée « à la charge du destinataire »
2331
ne compétente lui dit : « Ce cochon-là t’a refait
de
299 francs, consulte voir le barème ! » Il a fallu récrire deux fois
2332
» Il a fallu récrire deux fois pour obtenir gain
de
cause. Et tout ça lui a bien coûté 50 francs. Autrement, vous savez c
2333
cause de la mévente croissante, on vit sur le dos
de
l’État, on suit des enterrements, on se brouille avec ses enfants pou
2334
n se brouille avec ses enfants pour des questions
d’
argent, on ne croit plus ni à Dieu ni à diable et à peine à la politiq
2335
me partout. Bon. Alors les catholiques descendent
de
la montagne et viennent prendre la place. « On les appelle ici les il
2336
s plus au temps où j’approuvais certains « Éloges
de
l’ignorance » plus sentimentaux d’ailleurs que machiavéliques. Je sai
2337
avéliques. Je sais que l’ignorance — oui, au sens
de
l’école primaire — est un mal qu’il faudrait guérir. Mais je ne puis
2338
qu’il faudrait guérir. Mais je ne puis m’empêcher
de
penser que ces « illettrés » sont peut-être moins bas que ces « assur
2339
tes ne sait plus bien ce qu’il craint davantage :
de
la vie qui ne rapporte plus, ou de la mort qui rapporte « en doublage
2340
sait plus bien ce qu’il craint davantage : de la
vie
qui ne rapporte plus, ou de la mort qui rapporte « en doublage »… 20
2341
nt davantage : de la vie qui ne rapporte plus, ou
de
la mort qui rapporte « en doublage »… 20 janvier 1935 Superstition.
2342
oublage »… 20 janvier 1935 Superstition. — C’est
de
Casanova que Ligne écrit : « Il ne croit à rien excepté ce qui est le
2343
oins croyable, étant superstitieux sur tout plein
d’
objets. » Malchance affreuse du peuple français : il n’échappe aux jés
2344
idées à majuscules, toucher du bois, la bouteille
de
champagne brisée contre la coque des bateaux neufs, etc. Un geste rés
2345
: c’est celui du coiffeur fameux, premier gagnant
de
la Loterie nationale, s’inclinant sur la tombe du Soldat inconnu. Jus
2346
at inconnu. Juste hommage au collègue, au gagnant
d’
une autre loterie ! Toute la grande presse en a parlé. Personne ne rit
2347
— L’intellectuel l’est toujours. C’est qu’il est
d’
une classe particulière, dispersée comme les Juifs le sont chez les ge
2348
urquoi ne l’ai-je compris vraiment qu’à la faveur
de
ce chômage ? C’est qu’il m’a fallu m’éloigner de cette ambiance bourg
2349
de ce chômage ? C’est qu’il m’a fallu m’éloigner
de
cette ambiance bourgeoise où l’on a convenu de cacher cela — de cache
2350
er de cette ambiance bourgeoise où l’on a convenu
de
cacher cela — de cacher ce fait que l’intellectuel en tant que tel es
2351
nce bourgeoise où l’on a convenu de cacher cela —
de
cacher ce fait que l’intellectuel en tant que tel est un hors-classe,
2352
-classe, un être à part, auquel on ne croit pas. (
D’
où sans doute l’angoisse qui pousse tant d’écrivains à gagner de l’arg
2353
pas. (D’où sans doute l’angoisse qui pousse tant
d’
écrivains à gagner de l’argent, à entrer à l’Académie, voire à jouer u
2354
e l’angoisse qui pousse tant d’écrivains à gagner
de
l’argent, à entrer à l’Académie, voire à jouer un rôle politique : po
2355
éfenseurs du prolétariat. 17 février 1935 Cercle
d’
hommes. — Hier soir le sujet de l’entretien était le problème de l’aut
2356
vrier 1935 Cercle d’hommes. — Hier soir le sujet
de
l’entretien était le problème de l’autorité. La discussion dévia bien
2357
er soir le sujet de l’entretien était le problème
de
l’autorité. La discussion dévia bientôt vers le fascisme. Un beau cha
2358
ion dévia bientôt vers le fascisme. Un beau chaos
de
partis pris, d’erreurs de faits et de formules électorales ! Je deman
2359
t vers le fascisme. Un beau chaos de partis pris,
d’
erreurs de faits et de formules électorales ! Je demandai la parole po
2360
fascisme. Un beau chaos de partis pris, d’erreurs
de
faits et de formules électorales ! Je demandai la parole pour expliqu
2361
beau chaos de partis pris, d’erreurs de faits et
de
formules électorales ! Je demandai la parole pour expliquer, le plus
2362
e pays, et qu’en tout cas il ne peut pas se poser
de
la même façon en France. Je conclus que la seule manière de prévenir
2363
façon en France. Je conclus que la seule manière
de
prévenir utilement un fascisme, ce n’était pas de condamner les Itali
2364
de prévenir utilement un fascisme, ce n’était pas
de
condamner les Italiens et leurs admirateurs français, position négati
2365
sition négative, paresseuse, et donc faible, mais
d’
essayer de résoudre « à la française » le problème de l’autorité, tel
2366
ative, paresseuse, et donc faible, mais d’essayer
de
résoudre « à la française » le problème de l’autorité, tel que le pos
2367
ssayer de résoudre « à la française » le problème
de
l’autorité, tel que le posent cinquante années de démocratie parlemen
2368
de l’autorité, tel que le posent cinquante années
de
démocratie parlementaire, et toute une tradition de libertés. Bref, u
2369
démocratie parlementaire, et toute une tradition
de
libertés. Bref, un petit sermon élémentaire sur le thème « liberté ob
2370
u sortir de la réunion, je surprends cette phrase
d’
un homme, dans la cour, tandis qu’il donne du feu à son copain : Pour
2371
soit pour ou contre, et il se méfie par principe
de
celui qui distingue et nuance. On ne tiendra jamais assez compte de c
2372
ngue et nuance. On ne tiendra jamais assez compte
de
cette opposition fondamentale. Peut-être ferais-je bien, à l’avenir,
2373
quelque chose sur le fascisme ou sur les soviets,
de
mettre en épigraphe à mon article : Je suis contre. Sinon, pour peu q
2374
a fasciste ou communiste. Et pourtant, la mission
de
l’écrivain n’est-elle pas justement d’éduquer le lecteur, j’entends d
2375
la mission de l’écrivain n’est-elle pas justement
d’
éduquer le lecteur, j’entends de l’amener à réfléchir sur les raisons
2376
lle pas justement d’éduquer le lecteur, j’entends
de
l’amener à réfléchir sur les raisons de ses partis pris ? Mars 1935 (
2377
j’entends de l’amener à réfléchir sur les raisons
de
ses partis pris ? Mars 1935 (à Marseille) J’ai parlé à R. de mon proj
2378
is pris ? Mars 1935 (à Marseille) J’ai parlé à R.
de
mon projet de publier sous le titre de Journal d’un intellectuel en
2379
1935 (à Marseille) J’ai parlé à R. de mon projet
de
publier sous le titre de Journal d’un intellectuel en chômage , ces
2380
parlé à R. de mon projet de publier sous le titre
de
Journal d’un intellectuel en chômage , ces pages que je suis en trai
2381
e mon projet de publier sous le titre de Journal
d’
un intellectuel en chômage , ces pages que je suis en train de rédiger
2382
mps perdu. Il est assez sceptique sur le résultat
de
cette entreprise. Pour des raisons que je devine plus sentimentales q
2383
ilà pourquoi l’on trouvera sans doute, indiscret,
de
ma part, ce journal. Un tel jugement ne serait pas très franc, d’aill
2384
térielle. Il est entendu qu’on ne doit pas parler
de
« questions matérielles » dans une société distinguée. Vous me direz
2385
istinguée. Vous me direz qu’on ne parle guère que
de
cela. Oui, mais d’une façon générale, non pas personnelle. Seulement,
2386
direz qu’on ne parle guère que de cela. Oui, mais
d’
une façon générale, non pas personnelle. Seulement, il se trouve que m
2387
nt, il se trouve que mon propos, précisément, est
de
montrer, entre autres, la décadence de ce tabou. Je trouve moins indi
2388
ément, est de montrer, entre autres, la décadence
de
ce tabou. Je trouve moins indiscret de parler en public de ma pauvret
2389
décadence de ce tabou. Je trouve moins indiscret
de
parler en public de ma pauvreté — qui ne me gêne pas moralement — moi
2390
ou. Je trouve moins indiscret de parler en public
de
ma pauvreté — qui ne me gêne pas moralement — moins indiscret de parl
2391
— qui ne me gêne pas moralement — moins indiscret
de
parler d’argent que de parler, comme tant d’autres, de mes amours, en
2392
e gêne pas moralement — moins indiscret de parler
d’
argent que de parler, comme tant d’autres, de mes amours, en donnant t
2393
ralement — moins indiscret de parler d’argent que
de
parler, comme tant d’autres, de mes amours, en donnant toutes les pré
2394
rler d’argent que de parler, comme tant d’autres,
de
mes amours, en donnant toutes les précisions qu’un collégien puisse d
2395
un vrai chômeur, puisque vous avez la possibilité
de
travailler. — Je me suis fait moi-même cette objection. Il est clair
2396
r qu’un intellectuel aura toujours la possibilité
de
travailler, pour autant que son vrai travail est de penser. Mais je l
2397
travailler, pour autant que son vrai travail est
de
penser. Mais je l’appelle chômeur, faute d’autre terme, s’il n’a plus
2398
l est de penser. Mais je l’appelle chômeur, faute
d’
autre terme, s’il n’a plus la possibilité de s’assurer un gagne-pain r
2399
faute d’autre terme, s’il n’a plus la possibilité
de
s’assurer un gagne-pain régulier par son travail, s’il n’a plus d’emp
2400
agne-pain régulier par son travail, s’il n’a plus
d’
emploi, et ne sait plus de quoi sera fait le lendemain. — Admettez que
2401
travail, s’il n’a plus d’emploi, et ne sait plus
de
quoi sera fait le lendemain. — Admettez que cela ne vous empêche pas
2402
endemain. — Admettez que cela ne vous empêche pas
de
vivre assez bien, à votre idée. Vous avez l’air très satisfait de vot
2403
ien, à votre idée. Vous avez l’air très satisfait
de
votre situation. Ce n’est fichtre pas le cas des vrais chômeurs ! — A
2404
à me vêtir ? Vous n’avez qu’à regarder la frange
de
mon pantalon. Ce n’est pas avec ça que je pourrais faire une carrière
2405
s mon journal, c’est qu’on peut être très content
d’
un sort matériel très médiocre. Ce n’est pas nouveau. Et il faut bien
2406
e croire. L’intéressant à mon point de vue, c’est
de
montrer une fois que c’est vrai, et de montrer comment c’est vrai, da
2407
vue, c’est de montrer une fois que c’est vrai, et
de
montrer comment c’est vrai, dans le détail… ⁂ Cette conversation avec
2408
ent, et qui se mêle en particulier à tout échange
d’
idées sur la richesse, la pauvreté ou le chômage. Mélange extraordinai
2409
le chômage. Mélange extraordinairement irritable
de
mauvaise conscience, de désir, de peur, de préjugés, de revendication
2410
raordinairement irritable de mauvaise conscience,
de
désir, de peur, de préjugés, de revendications secrètes, de jalousie,
2411
ement irritable de mauvaise conscience, de désir,
de
peur, de préjugés, de revendications secrètes, de jalousie, de snobis
2412
itable de mauvaise conscience, de désir, de peur,
de
préjugés, de revendications secrètes, de jalousie, de snobisme antibo
2413
vaise conscience, de désir, de peur, de préjugés,
de
revendications secrètes, de jalousie, de snobisme antibourgeois ou pr
2414
de peur, de préjugés, de revendications secrètes,
de
jalousie, de snobisme antibourgeois ou prolétarien, de méfiances poli
2415
réjugés, de revendications secrètes, de jalousie,
de
snobisme antibourgeois ou prolétarien, de méfiances politiques, d’arr
2416
lousie, de snobisme antibourgeois ou prolétarien,
de
méfiances politiques, d’arrière-sentiments religieux, de rancunes, de
2417
ourgeois ou prolétarien, de méfiances politiques,
d’
arrière-sentiments religieux, de rancunes, de souvenirs… On ne peut gu
2418
ances politiques, d’arrière-sentiments religieux,
de
rancunes, de souvenirs… On ne peut guère imaginer d’imbroglio passion
2419
ues, d’arrière-sentiments religieux, de rancunes,
de
souvenirs… On ne peut guère imaginer d’imbroglio passionnel plus idéa
2420
rancunes, de souvenirs… On ne peut guère imaginer
d’
imbroglio passionnel plus idéalement favorable à l’apparition de délir
2421
ssionnel plus idéalement favorable à l’apparition
de
délires subits de la pensée ou des sentiments. Aigreur et nervosité q
2422
lement favorable à l’apparition de délires subits
de
la pensée ou des sentiments. Aigreur et nervosité qui révèlent surtou
2423
ité qui révèlent surtout un refoulement séculaire
de
ces questions. Plusieurs générations de bourgeoisie, et la crise de c
2424
séculaire de ces questions. Plusieurs générations
de
bourgeoisie, et la crise de cette bourgeoisie ont accouché d’un des p
2425
Plusieurs générations de bourgeoisie, et la crise
de
cette bourgeoisie ont accouché d’un des plus beaux complexes que le d
2426
ie, et la crise de cette bourgeoisie ont accouché
d’
un des plus beaux complexes que le diable ait jamais pu concevoir pour
2427
ons outre à nos vieilles pudeurs : c’est le début
de
la cure. Ensuite il faudra essayer de réviser nos préjugés en fonctio
2428
st le début de la cure. Ensuite il faudra essayer
de
réviser nos préjugés en fonction du vrai but de notre vie, de nous re
2429
r de réviser nos préjugés en fonction du vrai but
de
notre vie, de nous refaire une hiérarchie éthique, et de rendre ainsi
2430
ser nos préjugés en fonction du vrai but de notre
vie
, de nous refaire une hiérarchie éthique, et de rendre ainsi à l’argen
2431
os préjugés en fonction du vrai but de notre vie,
de
nous refaire une hiérarchie éthique, et de rendre ainsi à l’argent so
2432
e vie, de nous refaire une hiérarchie éthique, et
de
rendre ainsi à l’argent son rôle mineur de moyen, d’impur et simple m
2433
ue, et de rendre ainsi à l’argent son rôle mineur
de
moyen, d’impur et simple moyen… 31 mars 1935 Place aux vieux ! — Je
2434
rendre ainsi à l’argent son rôle mineur de moyen,
d’
impur et simple moyen… 31 mars 1935 Place aux vieux ! — Je lis dans u
2435
journal socialiste du Midi, sous la rubrique « La
vie
régionale », qui chaque jour m’apporte d’inénarrables sujets de médit
2436
e « La vie régionale », qui chaque jour m’apporte
d’
inénarrables sujets de méditation, le petit communiqué que voici : Bo
2437
, qui chaque jour m’apporte d’inénarrables sujets
de
méditation, le petit communiqué que voici : Bouillargues. — Les « ex
2438
rence au profit des vieux, hommes et femmes, âgés
de
60 ans au mois de juillet 1930 29 . Tous ceux qui ne bénéficient pas
2439
s vieux, hommes et femmes, âgés de 60 ans au mois
de
juillet 1930 29 . Tous ceux qui ne bénéficient pas de la loi des assu
2440
uillet 1930 29 . Tous ceux qui ne bénéficient pas
de
la loi des assurances sociales ont intérêt à assister à la conférence
2441
Ô merveille du pathos révolutionnaire ! ô gloire
de
la phraséologie marxiste ! Ô triomphe des mots d’ordre sur l’inertie
2442
st venu le jour que la Volonté populaire appelait
de
tous ses espoirs ! Mais que dis-je le jour ! C’est l’heure même qui v
2443
même qui va sonner : demain dimanche, sur le coup
de
dix heures, le grand mot qui résume cent années d’efforts, de luttes,
2444
e dix heures, le grand mot qui résume cent années
d’
efforts, de luttes, de sacrifices et d’éloquence, de pensée libre, de
2445
s, le grand mot qui résume cent années d’efforts,
de
luttes, de sacrifices et d’éloquence, de pensée libre, de raison cart
2446
mot qui résume cent années d’efforts, de luttes,
de
sacrifices et d’éloquence, de pensée libre, de raison cartésienne, de
2447
ent années d’efforts, de luttes, de sacrifices et
d’
éloquence, de pensée libre, de raison cartésienne, de soif de Justice
2448
efforts, de luttes, de sacrifices et d’éloquence,
de
pensée libre, de raison cartésienne, de soif de Justice et de passion
2449
s, de sacrifices et d’éloquence, de pensée libre,
de
raison cartésienne, de soif de Justice et de passion libertaire, ce g
2450
loquence, de pensée libre, de raison cartésienne,
de
soif de Justice et de passion libertaire, ce grand mot sera prononcé,
2451
, de pensée libre, de raison cartésienne, de soif
de
Justice et de passion libertaire, ce grand mot sera prononcé, proclam
2452
bre, de raison cartésienne, de soif de Justice et
de
passion libertaire, ce grand mot sera prononcé, proclamé, acclamé par
2453
prononcé, proclamé, acclamé par les travailleurs
de
Bouillargues, prouvant à la face du monde que nos militants héroïques
2454
sent « avancés » osent le proposer comme objectif
de
« lutte ». Où la publication d’un communiqué de ce genre ne soit pas
2455
er comme objectif de « lutte ». Où la publication
d’
un communiqué de ce genre ne soit pas accueillie par une traînée de ri
2456
f de « lutte ». Où la publication d’un communiqué
de
ce genre ne soit pas accueillie par une traînée de rigolade irrépress
2457
e ce genre ne soit pas accueillie par une traînée
de
rigolade irrépressible dans toutes les couches de la population, « la
2458
de rigolade irrépressible dans toutes les couches
de
la population, « laborieuse » ou « réactionnaire ». À la prochaine en
2459
re ». À la prochaine enquête sur l’état politique
de
la France, je me promets de répondre par cette simple déclaration : «
2460
sur l’état politique de la France, je me promets
de
répondre par cette simple déclaration : « La France est un pays combl
2461
vieux !” Quand on en est à cela, dans les partis
d’
extrême gauche, c’est que l’état social est à peu près paradisiaque. »
2462
l est comme ça. Il faut le laisser frapper le sol
de
sa canne et redresser sa casquette pour ponctuer ses raisonnements d’
2463
sser sa casquette pour ponctuer ses raisonnements
d’
alcoolique. Entre un homme maigre, casquette et veste de toile bleue p
2464
olique. Entre un homme maigre, casquette et veste
de
toile bleue proprette, visage nerveux et intelligent. — Vous avez mon
2465
s ai toutes vendues, Monsieur Dumas ! (C’est jour
de
foire). — Allons, tant mieux, fait l’homme. Et si des fois on vous en
2466
, fait l’homme. Et si des fois on vous en demande
de
trop, vous n’avez qu’à donner la mienne, vous savez. Plus on la lit…
2467
e, vous savez. Plus on la lit… Ce généreux apôtre
de
la cause va sortir, lorsque le vieux gâteux l’arrête sur le seuil. «
2468
t. Le vieux le tient par la manche et lui martèle
de
sa canne le bout des souliers : « Tu m’entends ? Nous ôtres, nous all
2469
roit ? Peuchère, c’est notre devoir ! (Il glousse
d’
un air malin). — On sait bien, dit le communiste, que vous avez toujou
2470
mmuniste. C’est un Méridional du type sérieux, un
de
ces hommes qui pourraient sauver sa région de la totale décrépitude o
2471
un de ces hommes qui pourraient sauver sa région
de
la totale décrépitude où l’ont laissée les radicaux et les créatures
2472
de où l’ont laissée les radicaux et les créatures
de
Bouisson, dont mon alcoolique fait partie. Voilà l’aspect local et pe
2473
ue fait partie. Voilà l’aspect local et personnel
de
la question, sur le plan des prochaines élections municipales. Mais i
2474
s sont du même niveau social, sans doute parents,
de
mœurs et de langage pareils. S’ils s’opposent, c’est que l’un est ava
2475
me niveau social, sans doute parents, de mœurs et
de
langage pareils. S’ils s’opposent, c’est que l’un est avare et légère
2476
l’autre énergique et assez sensé. Simple question
de
tempérament. Peut-être aussi le communiste n’est-il pas encore parven
2477
communiste n’est-il pas encore parvenu à « mettre
de
côté » autant qu’il le voudrait. Mais ce n’est pas sûr. Je sais bien
2478
Mais ce n’est pas sûr. Je sais bien une douzaine
de
ses camarades qui comptent parmi les mieux rentés de ce pays. Faut-il
2479
ses camarades qui comptent parmi les mieux rentés
de
ce pays. Faut-il donc penser que les partis expriment tout simplement
2480
qui avais acheté, innocemment, le dernier numéro
de
l’Huma. De la haine et encore de la haine, quelques mensonges grossie
2481
acheté, innocemment, le dernier numéro de l’Huma.
De
la haine et encore de la haine, quelques mensonges grossiers, le truq
2482
e dernier numéro de l’Huma. De la haine et encore
de
la haine, quelques mensonges grossiers, le truquage habituel des titr
2483
ge habituel des titres, une sauce aigre où nagent
de
grandes vérités brutales, toujours bonnes à dire, mais mal dites. J’a
2484
ros et en petits, si c’est le seul moyen pratique
de
faire valoir les droits élémentaires d’une partie de la population. M
2485
pratique de faire valoir les droits élémentaires
d’
une partie de la population. Mais quelle trahison des « petits » repré
2486
faire valoir les droits élémentaires d’une partie
de
la population. Mais quelle trahison des « petits » représente alors c
2487
ces retraités radicaux ou socialistes, ce serait
d’
être le parti de la vérité et du bon sens. Ils auraient avec eux tous
2488
adicaux ou socialistes, ce serait d’être le parti
de
la vérité et du bon sens. Ils auraient avec eux tous les hommes — bou
2489
es révoltes les mieux justifiées, on les étourdit
de
mensonges, on les abreuve d’une prose abstraite, brutale — eux qui le
2490
ées, on les étourdit de mensonges, on les abreuve
d’
une prose abstraite, brutale — eux qui le sont si peu ! — et si possib
2491
ible, plus médiocre que celle des grands journaux
d’
information. On leur impose une mystique confectionnée à l’usage des m
2492
ait affirmer que ce quotidien lamentable, hérissé
de
clichés hargneux, travaille pour le bien de ses lecteurs ? Si l’on pr
2493
rissé de clichés hargneux, travaille pour le bien
de
ses lecteurs ? Si l’on prend au sérieux le sort qui est fait aux ouvr
2494
adhèrent » aux disciplines staliniennes en haine
d’
une société qu’ils sont les seuls à croire encore « chrétienne » — il
2495
ation. Mais les intellectuels, dont le métier est
de
comprendre, dont le métier est de vouloir la vérité, dont la seule di
2496
t le métier est de comprendre, dont le métier est
de
vouloir la vérité, dont la seule dignité est d’avoir foi dans le pouv
2497
t de vouloir la vérité, dont la seule dignité est
d’
avoir foi dans le pouvoir d’une pensée droite, — on se demande par que
2498
la seule dignité est d’avoir foi dans le pouvoir
d’
une pensée droite, — on se demande par quelle rancune vaguement démoni
2499
aussi les « petits » en défendant ces exploiteurs
de
la bassesse et du mensonge en service commandé. L’homme à la veste bl
2500
’aime, ils me dégoûtent. 28 avril 1935 Réflexion
de
« personnaliste ». — Le peuple tel qu’on le voit paraît tout ignorant
2501
Le peuple tel qu’on le voit paraît tout ignorant
de
ses intérêts véritables. Mais c’est qu’il ne peut pas les exprimer tr
2502
ne peut pas les exprimer très aisément. Question
de
langage. Revenez voir ces mêmes hommes que j’ai dit, revenez deux foi
2503
ois, vingt fois, prenez-les sur le fait au détour
d’
une phrase maladroite, rendez-les attentifs au sens de leurs clichés.
2504
e phrase maladroite, rendez-les attentifs au sens
de
leurs clichés. Mieux encore, parlez-leur de leur travail, de celui qu
2505
sens de leurs clichés. Mieux encore, parlez-leur
de
leur travail, de celui qu’ils sont en train de faire tandis que vous
2506
ichés. Mieux encore, parlez-leur de leur travail,
de
celui qu’ils sont en train de faire tandis que vous causez, vous arri
2507
causez, vous arriverez à leur tirer quelque chose
de
sensé, de vécu, de réel, — et qui renversera les conclusions cyniques
2508
us arriverez à leur tirer quelque chose de sensé,
de
vécu, de réel, — et qui renversera les conclusions cyniques des parti
2509
rez à leur tirer quelque chose de sensé, de vécu,
de
réel, — et qui renversera les conclusions cyniques des partisans de l
2510
renversera les conclusions cyniques des partisans
de
la dictature. Ils vous diront d’abord que le fond de leur vie, c’est
2511
la dictature. Ils vous diront d’abord que le fond
de
leur vie, c’est l’ennui. Ils expliqueront presque toujours cet ennui
2512
ture. Ils vous diront d’abord que le fond de leur
vie
, c’est l’ennui. Ils expliqueront presque toujours cet ennui par les c
2513
nomadisme des employés et ouvriers, impossibilité
de
« suivre » un effort bien localisé, de s’attacher à ce qu’on fait ; n
2514
ossibilité de « suivre » un effort bien localisé,
de
s’attacher à ce qu’on fait ; nécessité où l’on se trouve de bâcler so
2515
her à ce qu’on fait ; nécessité où l’on se trouve
de
bâcler son ouvrage, pour gagner de quoi vivre, tentation perpétuelle
2516
l’on se trouve de bâcler son ouvrage, pour gagner
de
quoi vivre, tentation perpétuelle de changer de condition. Ils vous d
2517
pour gagner de quoi vivre, tentation perpétuelle
de
changer de condition. Ils vous diront aussi qu’ils n’ont plus le cœur
2518
r de quoi vivre, tentation perpétuelle de changer
de
condition. Ils vous diront aussi qu’ils n’ont plus le cœur à leur ouv
2519
ils savent que les résultats sont à la merci soit
d’
un trust, soit d’un syndicat d’incapables. Ils vous diront que le mal
2520
s résultats sont à la merci soit d’un trust, soit
d’
un syndicat d’incapables. Ils vous diront que le mal vient de l’État —
2521
nt à la merci soit d’un trust, soit d’un syndicat
d’
incapables. Ils vous diront que le mal vient de l’État — et cela veut
2522
que le mal vient de l’État — et cela veut dire :
de
ceux qui font les lois sans rien savoir des situations locales. Parfo
2523
ils proposeront quelque réforme pratique : faire
de
la place aux jeunes en abaissant la limite d’âge dans les chemins de
2524
ire de la place aux jeunes en abaissant la limite
d’
âge dans les chemins de fer et l’administration ; faire des lois régio
2525
pour la viticulture ; mettre en commun les terres
d’
un petit village ; vendre le vin du pays dans les épiceries du pays, l
2526
riqués dans des « caves centrales » avec des vins
d’
Afrique et des produits chimiques (« que vous avez la gorge brûlante a
2527
ûlante après un verre »). Enfin ils se plaindront
de
ce que, dans leur pays, il n’y a plus de vie, d’initiative, de vrai p
2528
aindront de ce que, dans leur pays, il n’y a plus
de
vie, d’initiative, de vrai plaisir. On n’est plus fier d’en être, on
2529
dront de ce que, dans leur pays, il n’y a plus de
vie
, d’initiative, de vrai plaisir. On n’est plus fier d’en être, on appr
2530
de ce que, dans leur pays, il n’y a plus de vie,
d’
initiative, de vrai plaisir. On n’est plus fier d’en être, on approuve
2531
ns leur pays, il n’y a plus de vie, d’initiative,
de
vrai plaisir. On n’est plus fier d’en être, on approuve la jeunesse q
2532
d’initiative, de vrai plaisir. On n’est plus fier
d’
en être, on approuve la jeunesse qui délaisse la terre pour la ville.
2533
province). Et puis « leur » politique, parlez-moi
de
« leurs combines » — il n’y a rien à y comprendre. Dans une assemblée
2534
ns une assemblée populaire, on ne dira pas un mot
de
tout cela, on s’en tiendra aux clichés du journal. On n’aura pas le t
2535
n’aura pas le temps ni le courage, ni même l’idée
de
pousser plus loin, d’aborder des réalités. Donc, par amour du peuple,
2536
le courage, ni même l’idée de pousser plus loin,
d’
aborder des réalités. Donc, par amour du peuple, n’écoutons plus ses a
2537
ue formulent des individus pris à part, dans leur
vie
concrète. Je constate qu’elles vont toutes dans le sens de ce que pro
2538
te. Je constate qu’elles vont toutes dans le sens
de
ce que proposent les personnalistes : autonomie de la région naturell
2539
e ce que proposent les personnalistes : autonomie
de
la région naturelle, communalisme, syndicats locaux, rajeunissement d
2540
s techniques libératrices, des sports, des moyens
de
circuler et de s’instruire, résistance à l’état tentaculaire. (Quant
2541
bératrices, des sports, des moyens de circuler et
de
s’instruire, résistance à l’état tentaculaire. (Quant à la lutte cont
2542
re le capitalisme, tout le monde en est, ou feint
d’
en être ; c’est bien moins concret qu’il ne semble.) Conclusion : il a
2543
semble.) Conclusion : il appartient à des équipes
d’
hommes nouveaux, jeunes et sortis de toutes les classes, d’exprimer ce
2544
à des équipes d’hommes nouveaux, jeunes et sortis
de
toutes les classes, d’exprimer ce que taisent les journaux, les orate
2545
nouveaux, jeunes et sortis de toutes les classes,
d’
exprimer ce que taisent les journaux, les orateurs et les affiches — e
2546
ge politicien. La dictature est la seule solution
de
ceux qui refusent d’éduquer le peuple. Dictature ou éducation, voilà
2547
tature est la seule solution de ceux qui refusent
d’
éduquer le peuple. Dictature ou éducation, voilà le dilemme du xxe si
2548
es plus humains. C’est peu, dites-vous. Mais rien
d’
autre n’est vrai… 6 mai 1935 La mort et les cérémonies dans le Gard.
2549
mort et les cérémonies dans le Gard. — La maison
de
Simard recèle un effrayant secret qu’on m’avait laissé ignorer : une
2550
enons son existence en même temps que l’imminence
de
sa mort — et voici qui éveillera peut-être des réflexions fécondes da
2551
e. Déjà huit mois que nous sommes ici, et combien
de
fois ne sommes-nous pas entrés dans la grande cuisine qui était, pens
2552
s autres pièces étaient vides ou ne servaient que
de
débarras —, et rien ne pouvait nous faire soupçonner cette présence à
2553
tout. — Mais les Simard ne m’avaient jamais parlé
d’
elle ! — Peuchère ! ils languissaient de l’emballer, la vieille ! » Il
2554
ais parlé d’elle ! — Peuchère ! ils languissaient
de
l’emballer, la vieille ! » Ils n’auront plus à languir bien longtemps
2555
e. Et on l’entend ! Trois fois par jour, le bruit
d’
effroyables discussions nous parvient de la cuisine des Simard. Un bea
2556
le bruit d’effroyables discussions nous parvient
de
la cuisine des Simard. Un beau-frère est arrivé, et on partage. C’est
2557
respect pour la moribonde qu’ils veillent à tour
de
rôle, ils sont venus discuter dans la remise qui est au-dessous de no
2558
est au-dessous de notre chambre, et leurs éclats
de
voix nous ont plusieurs fois réveillés. 18 mai 1935 … Et un beau jour
2559
eillés. 18 mai 1935 … Et un beau jour, plus moyen
d’
échapper à cette humiliante évidence : sans auto, sans argent, sans am
2560
gens », bien sûr. C’est instructif. Mais le désir
de
s’instruire a des limites. Déjà les relations se stabilisent, les « c
2561
habitudes » épuisent leur vertu. C’est le moment
de
lever son camp. Plus tard, peut-être, quand toutes ces maisons vides
2562
des des environs seront habitées par des colonies
de
jeunes gens — si jamais ils en ont assez de se plaindre des villes, o
2563
onies de jeunes gens — si jamais ils en ont assez
de
se plaindre des villes, où ils s’incrustent — la province deviendra v
2564
place les aquarelles, les guéridons et les dessus
de
cheminée. Après-demain, nous partons. Nous fuyons. 27. Monsieur X…
2565
n. 28. La stratégie qu’inaugurèrent les généraux
de
la Révolution, et qui fut celle de Bonaparte, n’est en somme que l’ap
2566
t les généraux de la Révolution, et qui fut celle
de
Bonaparte, n’est en somme que l’application du style français à la ch
2567
rd’hui, où l’article paraît. m. Rougemont Denis
de
, « Journal d’un intellectuel en chômage (fragments) », Mesures, Chât
2568
ticle paraît. m. Rougemont Denis de, « Journal
d’
un intellectuel en chômage (fragments) », Mesures, Châtenay-Malabry /
2569
ine en 1905 déjà ! — doit devenir une littérature
de
Parti. » Et Staline fait écho, trente ans plus tard, à cette déclarat
2570
aration totalitaire ; dans un discours aux cadets
de
l’Académie de l’Armée rouge, il s’écrie : « Chez nous, dans les circo
2571
taire ; dans un discours aux cadets de l’Académie
de
l’Armée rouge, il s’écrie : « Chez nous, dans les circonstances actue
2572
les circonstances actuelles, les cadres décident
de
tout ! » Compris ? Ces deux phrases sont tirées d’un choix de propos
2573
e tout ! » Compris ? Ces deux phrases sont tirées
d’
un choix de propos de Lénine et de Staline Sur la littérature et l’art
2574
Compris ? Ces deux phrases sont tirées d’un choix
de
propos de Lénine et de Staline Sur la littérature et l’art. Disons to
2575
Ces deux phrases sont tirées d’un choix de propos
de
Lénine et de Staline Sur la littérature et l’art. Disons tout de suit
2576
ses sont tirées d’un choix de propos de Lénine et
de
Staline Sur la littérature et l’art. Disons tout de suite que le Père
2577
es peuples n’a fourni pour sa part qu’une dizaine
de
pages (sur 150) relatives surtout au développement d’une culture nati
2578
ages (sur 150) relatives surtout au développement
d’
une culture nationale-socialiste en Russie. Mais cela permet toutefois
2579
-socialiste en Russie. Mais cela permet toutefois
de
comparer sa manière à celle de Lénine. Lénine affiche en littérature
2580
a permet toutefois de comparer sa manière à celle
de
Lénine. Lénine affiche en littérature des goûts tantôt traditionnels
2581
uveau, qui lui demeurait étranger. » Il préférait
de
beaucoup à Maïakovski le « Salut au 17e » : Salut, salut à vous, bra
2582
cœur — vous ne l’aurez jamais ! Dans un article
de
1922, il loue cependant un poème de Maïakovski contre les bureaucrate
2583
ns un article de 1922, il loue cependant un poème
de
Maïakovski contre les bureaucrates. Je n’appartiens pas, dit-il, aux
2584
es. Je n’appartiens pas, dit-il, aux admirateurs
de
son talent poétique, bien que je reconnaisse tout à fait mon incompét
2585
et siéger encore. Je ne sais ce qu’il faut penser
de
la poésie, mais pour ce qui est de la politique, je m’en porte garant
2586
il faut penser de la poésie, mais pour ce qui est
de
la politique, je m’en porte garant, c’est parfaitement vrai. Voilà q
2587
onne toute la mesure (la dernière phrase surtout)
de
Lénine « fondateur de la nouvelle culture ». Au moins, c’est franc, s
2588
la dernière phrase surtout) de Lénine « fondateur
de
la nouvelle culture ». Au moins, c’est franc, sans prétention, et cel
2589
demeure le poète le meilleur, le plus talentueux
de
notre époque soviétique. L’indifférence à sa mémoire et à ses œuvres
2590
quelle était l’intention des éditeurs communistes
de
ce choix. Il en ressort à l’évidence que les « idées » de Lénine sur
2591
oix. Il en ressort à l’évidence que les « idées »
de
Lénine sur la littérature étaient en général saines, banales, un peu
2592
ales, un peu courtes, et que Staline s’est chargé
d’
en extraire ce qu’elles avaient de réactionnaire et d’attardé, ou de b
2593
ne s’est chargé d’en extraire ce qu’elles avaient
de
réactionnaire et d’attardé, ou de brutalement primaire, pour le plani
2594
extraire ce qu’elles avaient de réactionnaire et
d’
attardé, ou de brutalement primaire, pour le planifier à l’échelle de
2595
u’elles avaient de réactionnaire et d’attardé, ou
de
brutalement primaire, pour le planifier à l’échelle de son empire nat
2596
utalement primaire, pour le planifier à l’échelle
de
son empire national-socialiste. À nous de relever la vraie défense de
2597
échelle de son empire national-socialiste. À nous
de
relever la vraie défense de la culture, et d’une culture créatrice, n
2598
ous de relever la vraie défense de la culture, et
d’
une culture créatrice, novatrice, contre ses fossoyeurs totalitaires,
2599
ossoyeurs totalitaires, et contre ce distributeur
de
prix à l’Académie de l’Armée rouge, l’homme des « cadres qui décident
2600
s, et contre ce distributeur de prix à l’Académie
de
l’Armée rouge, l’homme des « cadres qui décident de tout ». n. Rou
2601
l’Armée rouge, l’homme des « cadres qui décident
de
tout ». n. Rougemont Denis de, « Lénine, Staline et la littérature
2602
res qui décident de tout ». n. Rougemont Denis
de
, « Lénine, Staline et la littérature », À nous la liberté, Paris, 17
2603
Chamisso et le Mythe
de
l’Ombre perdue (mai-juin 1937)p L’énigme Vers 1813, un person
2604
, un personnage assez hagard aborde l’imagination
de
Chamisso ; il déclare avoir perdu son ombre. Le second romantisme bat
2605
rôdait depuis longtemps dans les régions obscures
de
la légende populaire. S’il se risque à paraître devant Chamisso, c’es
2606
vant Chamisso, c’est peut-être poussé par l’envie
d’
être enfin deviné, expliqué. Chamisso est français de naissance et d’é
2607
tre enfin deviné, expliqué. Chamisso est français
de
naissance et d’éducation. Une excentricité du sort a fait de lui un p
2608
, expliqué. Chamisso est français de naissance et
d’
éducation. Une excentricité du sort a fait de lui un poète allemand. L
2609
e et d’éducation. Une excentricité du sort a fait
de
lui un poète allemand. Les autres ont toujours cru à cette fable, mai
2610
. Chamisso, lui, s’en étonnera. Tel est le calcul
de
l’homme sans ombre. Surprendre ce Français, c’est passer au soleil :
2611
e souvent qu’un étranger s’initiant aux croyances
d’
un peuple soit le premier saisi par ce frisson d’absurdité que l’on ba
2612
d’un peuple soit le premier saisi par ce frisson
d’
absurdité que l’on baptise inspiration lorsqu’il excite ou crée, chez
2613
xcite ou crée, chez celui qui l’éprouve, le désir
de
s’en délivrer en l’exprimant. Et c’est ainsi que Chamisso introduisit
2614
o introduisit dans la conscience moderne le mythe
de
l’homme qui a perdu son ombre, sous les traits pathétiques et naïfs d
2615
pathétiques et naïfs du célèbre Peter Schlemihl.
De
Chamisso à Hofmannsthal, plusieurs ont repris cette histoire. Le dern
2616
mystère, qui reste entier. Cependant, à voir tant
d’
auteurs s’exercer l’imagination sur un sujet qui défie l’expérience, l
2617
ier. L’on s’étonne qu’aucun non plus n’ait essayé
de
formuler le symbole enfermé dans le mythe. Serait-ce pudeur d’artiste
2618
e symbole enfermé dans le mythe. Serait-ce pudeur
d’
artistes ? Pudeur tout court ? Ou faut-il croire qu’ils ont écrit leur
2619
u’ils ont écrit leurs contes sans jamais se poser
de
questions sur le sens d’un tel accident — dont à vrai dire les suites
2620
tes sans jamais se poser de questions sur le sens
d’
un tel accident — dont à vrai dire les suites sont assez pittoresques
2621
préfère en ignorer la cause ? L’on s’étonne enfin
de
ce lien entre le domaine germanique et l’expression littéraire du myt
2622
e moindre n’est pas Hoffmann… ⁂ L’énigme commença
de
m’inquiéter lors d’un séjour allemand au cours duquel je pus observer
2623
Hoffmann… ⁂ L’énigme commença de m’inquiéter lors
d’
un séjour allemand au cours duquel je pus observer mainte fois l’extra
2624
nnait du Strauss. Je ne connaissais pas le livret
d’
Hofmannsthal, et compris mal l’intrigue de la Femme sans ombre. Je voy
2625
livret d’Hofmannsthal, et compris mal l’intrigue
de
la Femme sans ombre. Je voyais une actrice parcourir la scène en hurl
2626
hurlant : elle tirait après soi un grand morceau
d’
étoffe qui figurait son ombre et l’embarrassait fort. Aux entractes, o
2627
et l’embarrassait fort. Aux entractes, on parlait
de
Freud. La musique m’ennuyait, indéfinie. Plus tard je lus le livre qu
2628
-ce qu’une ombre ? me demandais-je. Quelque chose
d’
assez méprisable. Les Latins la ridiculisent. C’est pour eux l’irréali
2629
ux l’irréalité même. (« Il n’est plus que l’ombre
de
lui-même ! ») Mais je vois bien qu’ils exagèrent : si nous étions de
2630
is je vois bien qu’ils exagèrent : si nous étions
de
purs esprits, nous ne projetterions pas d’ombre. L’ombre est la preuv
2631
étions de purs esprits, nous ne projetterions pas
d’
ombre. L’ombre est la preuve humiliante de la chair — humiliante pour
2632
ons pas d’ombre. L’ombre est la preuve humiliante
de
la chair — humiliante pour ceux, du moins qui, plaçant la Raison dans
2633
ux-là qui déplorent qu’elle se fasse, aux regards
de
la convoitise, « opaque »36. Que pouvais-je tirer de tout cela ? Rien
2634
la convoitise, « opaque »36. Que pouvais-je tirer
de
tout cela ? Rien qu’une évidence assez pauvre : l’ombre est le fait,
2635
ence assez pauvre : l’ombre est le fait, en nous,
de
notre chair. Mais perdre sa chair, c’est mourir, et cet infortuné Sch
2636
infortuné Schlemihl n’était tout de même pas mort
d’
avoir perdu son ombre… Il était même si vivant, et sa présence si gêna
2637
vivant, et sa présence si gênante, que je tentai
de
le contraindre, quoi qu’il arrive, aux suprêmes aveux. Il y avait la
2638
mes aveux. Il y avait la psychanalyse. Mais avant
d’
en venir à cette extrémité, on pouvait essayer d’un pédantisme moins b
2639
d’en venir à cette extrémité, on pouvait essayer
d’
un pédantisme moins barbare. Je rédigeai la note qui suit, en m’appliq
2640
qui suit, en m’appliquant à écarter les conseils
de
pitié que me dictait mon cœur. Signalement de Peter Schlemihl P
2641
de pitié que me dictait mon cœur. Signalement
de
Peter Schlemihl Peter est un naïf : il croit à la fortune. Il croi
2642
assure à l’homme une dignité. C’est un bourgeois
de
la plus dangereuse espèce, le bourgeois pauvre qui envie les bourgeoi
2643
bourgeois pauvre qui envie les bourgeois riches.
D’
où vient le sentiment qu’il a d’être inférieur. Le diable sait cela :
2644
bourgeois riches. D’où vient le sentiment qu’il a
d’
être inférieur. Le diable sait cela : c’est par là qu’il le tient. Pet
2645
er lui donne son ombre contre une bourse magique,
d’
où il pourra tirer un or inépuisable. Désormais riche, mais privé d’om
2646
er un or inépuisable. Désormais riche, mais privé
d’
ombre, il se croit le maître du monde. Point du tout : on se moque de
2647
t le maître du monde. Point du tout : on se moque
de
lui. Comblé, le voici plus qu’avant inadmissible. Le complexe d’infér
2648
le voici plus qu’avant inadmissible. Le complexe
d’
infériorité à peine défait par la fortune subite, se renoue, cette foi
2649
sans remède. Il ne tarde pas à tourner au délire
de
persécution. Tout effraye Peter, et le moleste en mille manières. Les
2650
re, surtout la lumière du jour, et même la clarté
de
la lune. Il recherche la solitude pour y mener des réflexions désespé
2651
te en sanglots à l’idée du plus simple bonheur, —
de
ce bonheur dont tous les autres semblent détenir le secret, jalouseme
2652
innocence ?) Schlemihl est donc le type classique
de
l’homme qui perd le contact social. L’or même ne suffit pas à rétabli
2653
ge surtout pour ce philistin-là. Toutes les ruses
de
Peter échouent devant cet obstacle dernier. Il a beau n’aller que de
2654
evant cet obstacle dernier. Il a beau n’aller que
de
nuit aux rendez-vous avec Mina. Le jour venu de signer le contrat, de
2655
! Oui, je le savais depuis longtemps, il n’a pas
d’
ombre ! » Que reste-t-il à un tel homme ? Le suicide ? Rien n’est plus
2656
ensée. Sa vision du monde serait exactement celle
d’
un philistin sympathique, d’un philistin sans exigences, et qui veut c
2657
rait exactement celle d’un philistin sympathique,
d’
un philistin sans exigences, et qui veut croire à la vertu, — s’il n’y
2658
ut croire à la vertu, — s’il n’y avait, au centre
de
lui-même, cette absence. En tout pareil aux autres, sauf en ce je ne
2659
essentiel, notre philistin méconnu se voit chassé
de
la communauté des siens. Et par sa faute ! c’est là son amertume. Ici
2660
t l’évasion. Il achète — par économie — une paire
de
bottes usagées. Mais voilà bien sa chance, ce sont les bottes de sept
2661
es. Mais voilà bien sa chance, ce sont les bottes
de
sept lieues ! Désormais il échappe à la vie, au voisinage et au dialo
2662
bottes de sept lieues ! Désormais il échappe à la
vie
, au voisinage et au dialogue. Son existence réelle se confond avec to
2663
qu’il imagine. Il peut même retrouver une espèce
d’
activité, purement descriptive il est vrai, solitaire, presque mécaniq
2664
presque mécanique : il dresse un vaste catalogue
de
toutes les plantes de la terre. C’est à cela qu’il s’occupe en Thébaï
2665
l dresse un vaste catalogue de toutes les plantes
de
la terre. C’est à cela qu’il s’occupe en Thébaïde, quand nous perdons
2666
quand nous perdons sa trace. Résumons : complexe
d’
infériorité, délire de persécution, perte du contact social, sentiment
2667
trace. Résumons : complexe d’infériorité, délire
de
persécution, perte du contact social, sentiment de culpabilité, besoi
2668
e persécution, perte du contact social, sentiment
de
culpabilité, besoin d’évasion, activité maniaque (ou universitaire-ér
2669
contact social, sentiment de culpabilité, besoin
d’
évasion, activité maniaque (ou universitaire-érudite)… Nul doute n’est
2670
en. Il savait peut-être autre chose. Tentative
d’
interprétation Je reproche pour ma part à la psychanalyse de flatte
2671
ion Je reproche pour ma part à la psychanalyse
de
flatter notre propension à localiser les symboles. Car, pour la vie s
2672
propension à localiser les symboles. Car, pour la
vie
spirituelle, il n’est pas de lieux séparés, on peut toujours passer d
2673
boles. Car, pour la vie spirituelle, il n’est pas
de
lieux séparés, on peut toujours passer de l’un à l’autre par quelque
2674
est pas de lieux séparés, on peut toujours passer
de
l’un à l’autre par quelque ruse de la métamorphose, qui est la vie mê
2675
oujours passer de l’un à l’autre par quelque ruse
de
la métamorphose, qui est la vie même de la vie. Et pourquoi dire dès
2676
e par quelque ruse de la métamorphose, qui est la
vie
même de la vie. Et pourquoi dire dès lors : ceci est cause de cela ?
2677
lque ruse de la métamorphose, qui est la vie même
de
la vie. Et pourquoi dire dès lors : ceci est cause de cela ? Quand l’
2678
use de la métamorphose, qui est la vie même de la
vie
. Et pourquoi dire dès lors : ceci est cause de cela ? Quand l’inverse
2679
a vie. Et pourquoi dire dès lors : ceci est cause
de
cela ? Quand l’inverse est au moins aussi probable. Et quand rien ne
2680
er des descriptions utiles, et quelques « trucs »
d’
observation. Je retiens donc de Freud cette constatation : « Celui qui
2681
quelques « trucs » d’observation. Je retiens donc
de
Freud cette constatation : « Celui qui, dans un domaine quelconque, e
2682
elui-là peut être considéré comme anormal dans sa
vie
sexuelle »37. Nous venons de voir que Schlemihl est le type même de l
2683
ous venons de voir que Schlemihl est le type même
de
l’inadapté, — celui qui ne peut « trouver sa place au soleil », et qu
2684
au soleil », et qui ne subsiste dans la compagnie
de
ses semblables que par un subterfuge toujours menacé. D’une incompati
2685
semblables que par un subterfuge toujours menacé.
D’
une incompatibilité sociale aussi absolue, nous devrions déduire, semb
2686
ximum. Pour confirmer notre soupçon sur la nature
de
cette aberration, il conviendrait de rappeler ici que Peter parvient
2687
ur la nature de cette aberration, il conviendrait
de
rappeler ici que Peter parvient à la cacher à tous sauf aux deux femm
2688
. Mais n’allons pas conclure trop vite. Les états
d’
âme d’un malade ou d’un fou diffèrent-ils essentiellement des états d’
2689
n’allons pas conclure trop vite. Les états d’âme
d’
un malade ou d’un fou diffèrent-ils essentiellement des états d’âme d’
2690
onclure trop vite. Les états d’âme d’un malade ou
d’
un fou diffèrent-ils essentiellement des états d’âme d’un homme sain ?
2691
d’un fou diffèrent-ils essentiellement des états
d’
âme d’un homme sain ? Ne sont-ils pas plutôt de simples fixations d’ét
2692
fou diffèrent-ils essentiellement des états d’âme
d’
un homme sain ? Ne sont-ils pas plutôt de simples fixations d’états qu
2693
ts d’âme d’un homme sain ? Ne sont-ils pas plutôt
de
simples fixations d’états qui, normalement, ne tarderaient pas à se m
2694
ain ? Ne sont-ils pas plutôt de simples fixations
d’
états qui, normalement, ne tarderaient pas à se muer en leur contraire
2695
muer en leur contraire ? Plus précisément, l’état
de
Peter Schlemihl n’est-il pas comparable à celui d’un esprit et d’un c
2696
e Peter Schlemihl n’est-il pas comparable à celui
d’
un esprit et d’un corps sains après « l’amour » ? Durant quelques mome
2697
hl n’est-il pas comparable à celui d’un esprit et
d’
un corps sains après « l’amour » ? Durant quelques moments, l’homme ép
2698
t quelques moments, l’homme éprouve une sensation
de
vide, de légèreté et en même temps de lourdeur, comme s’il était un p
2699
s moments, l’homme éprouve une sensation de vide,
de
légèreté et en même temps de lourdeur, comme s’il était un peu en arr
2700
e sensation de vide, de légèreté et en même temps
de
lourdeur, comme s’il était un peu en arrière des choses, lent à démêl
2701
démêler le monde où il revient, et qui l’accable
de
présences bizarres, ou douces, mais aussi quelques fois, hostiles. (E
2702
. (Et cela peut être comme une première influence
de
ce qu’on nommera chez un malade, folie de la persécution). Il arrive
2703
fluence de ce qu’on nommera chez un malade, folie
de
la persécution). Il arrive aussi que cet homme se sente trop lucide,
2704
ucide, perçant toutes choses à jour, et lui-même,
d’
où l’impression qu’il a d’être mal défendu contre les regards qu’il re
2705
es à jour, et lui-même, d’où l’impression qu’il a
d’
être mal défendu contre les regards qu’il rencontre, transparent dirai
2706
les réserves qu’on voudra, mais en nous souvenant
de
la question que nous posait l’origine germanique du mythe38. Dès le d
2707
rimer qu’un fait humain élémentaire. J’étais déçu
de
le voir se réduire à quelque chose d’aussi précis, et que mille préju
2708
’étais déçu de le voir se réduire à quelque chose
d’
aussi précis, et que mille préjugés, français surtout, concourent à ri
2709
is surtout, concourent à ridiculiser. Un fragment
de
Paracelse, lu par hasard à cette époque, vint heureusement me donner
2710
cette époque, vint heureusement me donner la clé
d’
une interprétation autrement riche et inquiétante. Je traduis ce fragm
2711
« l’ombre intérieure. » Une lecture plus poussée
de
Paracelse devait bientôt m’apprendre, avec bien d’autres choses curie
2712
tres choses curieuses et profondes, que la portée
de
ce passage était en vérité beaucoup plus vaste que tout ce que permet
2713
té beaucoup plus vaste que tout ce que permettait
d’
imaginer l’obtus physiologisme de ce siècle. La « Liquor vitae », selo
2714
e que permettait d’imaginer l’obtus physiologisme
de
ce siècle. La « Liquor vitae », selon Paracelse, c’est en effet le pr
2715
ae », selon Paracelse, c’est en effet le principe
d’
activité vitale répandu dans tous nos organes. Elle figure le « miroir
2716
st ainsi l’agent microcosmique, la puissance même
de
notre créativité dans tous les ordres. Elle est ce qu’il y a de plus
2717
t entier et dans l’homme. » Je la rapproche alors
de
ce Selbst (ou soi-même) dont parle Chamisso vers la fin de son conte.
2718
bst (ou soi-même) dont parle Chamisso vers la fin
de
son conte. Voilà qui peut situer enfin le vrai problème39. La créativ
2719
ramène tout ce qui est vraiment grave dans notre
vie
; et la fameuse « question sexuelle » ne tire son importance démesuré
2720
eur spirituel. Comme on peut le voir par l’examen
de
la pudeur. Ne serait-ce point pour la raison qu’en beaucoup d’êtres l
2721
Ne serait-ce point pour la raison qu’en beaucoup
d’
êtres la créativité paraît avoir son siège dans le seul sexe, que la p
2722
homme cherche à le dissimuler comme quelque chose
de
sacré, et que les deux fils de Noé couvrirent la nudité de leur père
2723
omme quelque chose de sacré, et que les deux fils
de
Noé couvrirent la nudité de leur père ivre en marchant vers lui à rec
2724
et que les deux fils de Noé couvrirent la nudité
de
leur père ivre en marchant vers lui à reculons ? Mais chez l’homme qu
2725
? Mais chez l’homme qui parvient à la conscience
de
sa mission spirituelle, le centre de la créativité paraît se déplacer
2726
a conscience de sa mission spirituelle, le centre
de
la créativité paraît se déplacer dans le cerveau ou dans le cœur. La
2727
tôt affecte la pensée, les sentiments. On parle «
d’
étalage impudique » lorsqu’un auteur exhibe une excessive sincérité da
2728
e plus profond, le plus sacré, qui est le pouvoir
de
création que l’on possède, c’est naturel ; mais non du tout qu’on en
2729
mble-t-il. En vérité, la mauvaise pudeur provient
de
ce que le corps et l’âme se distinguent de plus en plus, et cessent d
2730
l’âme se distinguent de plus en plus, et cessent
d’
être reflets l’un de l’autre. Alors le corps a honte de sa pensée, et
2731
t de plus en plus, et cessent d’être reflets l’un
de
l’autre. Alors le corps a honte de sa pensée, et celle-ci des désirs
2732
e reflets l’un de l’autre. Alors le corps a honte
de
sa pensée, et celle-ci des désirs de son corps — comme d’un embrassem
2733
orps a honte de sa pensée, et celle-ci des désirs
de
son corps — comme d’un embrassement sans amour, ou d’un amour qui se
2734
nsée, et celle-ci des désirs de son corps — comme
d’
un embrassement sans amour, ou d’un amour qui se refuse à l’étreinte.
2735
on corps — comme d’un embrassement sans amour, ou
d’
un amour qui se refuse à l’étreinte. Et pourquoi la pudeur cesse-t-ell
2736
à l’étreinte. Et pourquoi la pudeur cesse-t-elle
d’
exister — normalement — quand deux êtres s’aiment ? Parce que le sexe
2737
à notre mythe : la transparence, c’est l’absence
d’
ombre, donc de secret. Or le secret « sacré » étant le lieu de la créa
2738
: la transparence, c’est l’absence d’ombre, donc
de
secret. Or le secret « sacré » étant le lieu de la créativité dans la
2739
c de secret. Or le secret « sacré » étant le lieu
de
la créativité dans la personne, celui qui a perdu son ombre, se promè
2740
mbre, se promène parmi les hommes avec l’angoisse
de
voir révélée au grand jour non son secret, mais justement l’absence e
2741
r non son secret, mais justement l’absence en lui
de
son secret, sa transparence : spirituellement, ou de quelque autre so
2742
son secret, sa transparence : spirituellement, ou
de
quelque autre sorte, il n’est plus un homme créateur. À l’inverse, la
2743
e son élan vers le monde. Elle le porte au-devant
de
tout, comme un peu en avant de lui-même, là où il peut dominer sa vie
2744
eu en avant de lui-même, là où il peut dominer sa
vie
et la construire avec tout son instinct à l’image d’une vision de l’e
2745
et la construire avec tout son instinct à l’image
d’
une vision de l’esprit. (L’esprit seul voit) Le corps et l’âme chanten
2746
ire avec tout son instinct à l’image d’une vision
de
l’esprit. (L’esprit seul voit) Le corps et l’âme chantent alors dans
2747
) Le corps et l’âme chantent alors dans l’unisson
de
la chasteté. L’esprit offensif et joyeux, le corps qui se sent « plei
2748
Et l’homme a retrouvé son ombre. Suite et fin
de
la fable Peter Schlemihl nous apparaît maintenant une émouvante et
2749
ntenant une émouvante et très précise description
de
l’individu romantique, dans ce qu’il a de démissionnaire, d’impuissan
2750
ription de l’individu romantique, dans ce qu’il a
de
démissionnaire, d’impuissant à saisir le monde pour le former à son i
2751
du romantique, dans ce qu’il a de démissionnaire,
d’
impuissant à saisir le monde pour le former à son image40, et d’évasif
2752
saisir le monde pour le former à son image40, et
d’
évasif devant sa vocation : le mystère de l’incarnation. Chamisso a do
2753
ge40, et d’évasif devant sa vocation : le mystère
de
l’incarnation. Chamisso a donné à son Peter tous les traits physiques
2754
é à son Peter tous les traits physiques et moraux
de
ce que l’on appellera plus tard le vague à l’âme, — qui est aussi bie
2755
— qui est aussi bien le vague au corps… Le roman
d’
Hoffmannsthal — contre-épreuve — décrit le tourment d’une femme stéril
2756
ffmannsthal — contre-épreuve — décrit le tourment
d’
une femme stérile, l’impératrice qui a perdu son ombre et qui emprunte
2757
trice qui a perdu son ombre et qui emprunte celle
d’
une fille du peuple. Mais Andersen, comme on pouvait s’y attendre, fai
2758
ominer l’aspect « spirituel » du mythe. Son conte
de
l’Ombre, c’est le symbole de la puissance de création qui vient à se
2759
du mythe. Son conte de l’Ombre, c’est le symbole
de
la puissance de création qui vient à se détacher de l’auteur pour pre
2760
onte de l’Ombre, c’est le symbole de la puissance
de
création qui vient à se détacher de l’auteur pour prendre corps dans
2761
la puissance de création qui vient à se détacher
de
l’auteur pour prendre corps dans l’œuvre poétique. Et le poème ensuit
2762
que l’individu qui l’a conçu comme porté au-delà
de
lui-même par l’attrait puissant d’un désir — reviendra s’asservir le
2763
porté au-delà de lui-même par l’attrait puissant
d’
un désir — reviendra s’asservir le poète… ⁂ C’est une des gloires du r
2764
C’est une des gloires du romantisme allemand que
d’
avoir su élever les faiblesses de l’homme, et quelques-unes de ses plu
2765
sme allemand que d’avoir su élever les faiblesses
de
l’homme, et quelques-unes de ses plus folles illusions, à la hauteur
2766
lever les faiblesses de l’homme, et quelques-unes
de
ses plus folles illusions, à la hauteur du mythe, et de la Fable, plu
2767
plus folles illusions, à la hauteur du mythe, et
de
la Fable, plus profondément vrais que la vie. (Plus riches d’enseigne
2768
e, et de la Fable, plus profondément vrais que la
vie
. (Plus riches d’enseignements concrets, et d’invites à la métamorphos
2769
plus profondément vrais que la vie. (Plus riches
d’
enseignements concrets, et d’invites à la métamorphose). Mettre en for
2770
la vie. (Plus riches d’enseignements concrets, et
d’
invites à la métamorphose). Mettre en forme ce qui nous défait, c’est
2771
xe génial, l’audace comme malgré soi re-créatrice
d’
un Chamisso. Les amateurs d’absurdités lyriques, j’en suis parfois, de
2772
lgré soi re-créatrice d’un Chamisso. Les amateurs
d’
absurdités lyriques, j’en suis parfois, devraient se garder d’affadir
2773
lyriques, j’en suis parfois, devraient se garder
d’
affadir une telle œuvre, n’y admirant à leur coutume qu’une « fantaisi
2774
rant à leur coutume qu’une « fantaisie gratuite »
de
l’art. Nul doute que l’art de Chamisso ne signifie. Il y suffit d’ail
2775
antaisie gratuite » de l’art. Nul doute que l’art
de
Chamisso ne signifie. Il y suffit d’ailleurs qu’il soit vraiment un a
2776
rs qu’il soit vraiment un art — tout effort digne
de
ce nom établit d’abord une action concertée, une mise en ordre, un se
2777
sens donné… C’est par là que Chamisso s’est sauvé
de
lui-même : s’il a fait Schlemihl comme on sait, en grande partie à so
2778
ère toutefois par ceci qu’il l’a fait, témoignant
d’
un pouvoir d’invention dont la nouveauté reste entière. Et j’y songe :
2779
par ceci qu’il l’a fait, témoignant d’un pouvoir
d’
invention dont la nouveauté reste entière. Et j’y songe : ce Schlemihl
2780
onge : ce Schlemihl éternel, ce symbole en bottes
de
sept lieues qui traverse encore notre vie, n’est-ce pas l’ombre de Ch
2781
n bottes de sept lieues qui traverse encore notre
vie
, n’est-ce pas l’ombre de Chamisso ? Une ombre qui a perdu son homme,
2782
i traverse encore notre vie, n’est-ce pas l’ombre
de
Chamisso ? Une ombre qui a perdu son homme, cette fois, mais non pas
2783
profonds. C’est le siècle où je vis qui n’a plus
d’
ombre, et c’est pour lui que je garde ma pitié. Il ne sait même plus é
2784
P.-S. Je n’ai pas voulu alourdir cette esquisse
de
tout un appareil de références bibliographiques. On les trouve d’aill
2785
voulu alourdir cette esquisse de tout un appareil
de
références bibliographiques. On les trouve d’ailleurs réunies dans le
2786
k). Cet érudit psychanalyste ne recense pas moins
d’
une cinquantaine d’auteurs célèbres qui ont traité le mythe de l’ombre
2787
hanalyste ne recense pas moins d’une cinquantaine
d’
auteurs célèbres qui ont traité le mythe de l’ombre perdue dans leurs
2788
ntaine d’auteurs célèbres qui ont traité le mythe
de
l’ombre perdue dans leurs romans, pièces, ou contes fantastiques. Not
2789
rientent plutôt vers l’aspect individuel du mythe
de
l’ombre, rejoignant le mythe voisin du double. (Maupassant par exempl
2790
e). Barrès, dans ses Cahiers, recueille la lettre
d’
un descendant français de Chamisso, selon lequel l’idée de Peter Schle
2791
ers, recueille la lettre d’un descendant français
de
Chamisso, selon lequel l’idée de Peter Schlemihl aurait été donnée à
2792
cendant français de Chamisso, selon lequel l’idée
de
Peter Schlemihl aurait été donnée à son auteur par un de ses parents,
2793
r Schlemihl aurait été donnée à son auteur par un
de
ses parents, au cours d’un séjour à Paris. L’origine du conte célèbre
2794
nnée à son auteur par un de ses parents, au cours
d’
un séjour à Paris. L’origine du conte célèbre serait donc bien françai
2795
u’à soutenir que l’ombre perdue serait le symbole
de
la patrie (française) perdue par Chamisso. Les documents réunis par R
2796
antiquité nordique du mythe, auquel se rattachent
de
très nombreuses coutumes populaires, antérieures de plusieurs siècles
2797
très nombreuses coutumes populaires, antérieures
de
plusieurs siècles, voire d’un ou deux millénaires, à Chamisso. 36.
2798
pulaires, antérieures de plusieurs siècles, voire
d’
un ou deux millénaires, à Chamisso. 36. « J’éprouve que chaque obje
2799
, à Chamisso. 36. « J’éprouve que chaque objet
de
cette terre que je convoite se fait opaque, par cela même que je le c
2800
ritures. 37. Freud : Trois essais sur la théorie
de
la sexualité. La définition du normal est donc ici : adapté au milieu
2801
ilieu social. Qui ne voit ce qu’on pourrait tirer
de
cette « vérité d’expérience » si l’on voulait en faire une règle, com
2802
ne voit ce qu’on pourrait tirer de cette « vérité
d’
expérience » si l’on voulait en faire une règle, comme nous en menacen
2803
totalitaires ? On ne peut accepter une « vérité »
de
ce genre qu’en insistant sur le contraire : l’anormal peut être créat
2804
t sur le contraire : l’anormal peut être créateur
d’
un nouveau type de rapports sociaux, c’est-à-dire d’une nouvelle norma
2805
: l’anormal peut être créateur d’un nouveau type
de
rapports sociaux, c’est-à-dire d’une nouvelle normalité. 38. Dans le
2806
un nouveau type de rapports sociaux, c’est-à-dire
d’
une nouvelle normalité. 38. Dans le conte intitulé « l’Ombre », Ander
2807
aux pays chauds, perd son ombre à force de rêver
d’
une jeune femme qu’il perçoit de sa fenêtre. « Mais dans les climats c
2808
à force de rêver d’une jeune femme qu’il perçoit
de
sa fenêtre. « Mais dans les climats chauds, les choses croissent très
2809
it à sa grande joie qu’une nouvelle ombre partant
de
ses pieds commençait à croître lorsqu’il se promenait dans le soleil.
2810
u’il se promenait dans le soleil. » Ici donc, pas
de
fixation morbide, comme dans Schlemihl. Aussi bien, le diable n’est-i
2811
Paracelse toujours, l’élément sexuel se distingue
de
la Liquor vitae « comme l’écume d’une soupe ». La créativité se purif
2812
l se distingue de la Liquor vitae « comme l’écume
d’
une soupe ». La créativité se purifie donc en le localisant. Il paraît
2813
Il paraît alors que le freudisme ne s’occupe que
de
l’écume d’une soupe ! (ou bien l’appelle-t-il libido ?). 40. Ces tra
2814
alors que le freudisme ne s’occupe que de l’écume
d’
une soupe ! (ou bien l’appelle-t-il libido ?). 40. Ces traits ne saur
2815
ntisme allemand qui en a montré bien d’autres, et
de
tout contraire parfois : que l’on songe à Hegel, à Fichte, à Schlegel
2816
Hegel, à Fichte, à Schlegel. p. Rougemont Denis
de
, « Chamisso et le Mythe de l’Ombre perdue », Les Cahiers du Sud, Mars
2817
. p. Rougemont Denis de, « Chamisso et le Mythe
de
l’Ombre perdue », Les Cahiers du Sud, Marseille, mai–juin 1937, p. 28
2818
Journal
d’
un intellectuel en chômage (25 juillet 1937)q r Début de novembre 1
2819
llectuel en chômage (25 juillet 1937)q r Début
de
novembre 1933 Mon domaine, c’est ce que j’ai sous la main. Voici d’ab
2820
du jardin. Quand je lève le nez, je vois la cour
de
terre battue à l’ombre de ses deux tilleuls, la margelle du puits à g
2821
ose une vieille chatte, le chai à droite. Au-delà
de
la cour, les planches incultes du potager, de chaque côté d’une allée
2822
elà de la cour, les planches incultes du potager,
de
chaque côté d’une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une port
2823
les planches incultes du potager, de chaque côté
d’
une allée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deu
2824
tes du potager, de chaque côté d’une allée bordée
de
rosiers. L’allée aboutit à une porte de bois à deux battants, à demi
2825
ée bordée de rosiers. L’allée aboutit à une porte
de
bois à deux battants, à demi cachée par des lauriers épais. De hauts
2826
x battants, à demi cachée par des lauriers épais.
De
hauts murs blancs enclosent de tous côtés ce jardin de curé qui a jus
2827
es lauriers épais. De hauts murs blancs enclosent
de
tous côtés ce jardin de curé qui a juste la largeur de la maison. On
2828
uts murs blancs enclosent de tous côtés ce jardin
de
curé qui a juste la largeur de la maison. On ne voit rien que le ciel
2829
us côtés ce jardin de curé qui a juste la largeur
de
la maison. On ne voit rien que le ciel au-delà, un ciel lavé, tissé d
2830
oit rien que le ciel au-delà, un ciel lavé, tissé
d’
oiseaux, et parfois traversé par un nuage rapide. En me retournant à d
2831
t à droite, je vois par une autre fenêtre un coin
de
lande, et de petites dunes broussailleuses qui ferment l’horizon bas.
2832
e vois par une autre fenêtre un coin de lande, et
de
petites dunes broussailleuses qui ferment l’horizon bas. Peu de terre
2833
compte deux chambres au rez-de-chaussée, séparées
de
la cuisine par un couloir dallé. À l’étage, où l’on parvient par un p
2834
parvient par un petit escalier qui prend au fond
de
la cuisine, deux autres chambres assez vastes et presque vides, auxqu
2835
vastes et presque vides, auxquelles le toit sert
de
plafond. Très peu de meubles, comme j’aime. Des murs blanchis ou tein
2836
ubles, comme j’aime. Des murs blanchis ou teintés
de
bleu clair, des planchers rudes. Décor candide et gai, oui vraiment p
2837
rte un peu trop basse, règne une pénétrante odeur
de
laurier. On distingue dans l’ombre des amas de branchages, des outils
2838
ur de laurier. On distingue dans l’ombre des amas
de
branchages, des outils et des treilles pour la pêche aux crevettes. J
2839
ux crevettes. Je me suis procuré un petit tonneau
de
vin blanc de l’île. C’est un clairet assez acide, qui laisse peut-êtr
2840
Je me suis procuré un petit tonneau de vin blanc
de
l’île. C’est un clairet assez acide, qui laisse peut-être un léger go
2841
-être un léger goût iodé, au moins l’on est tenté
de
l’imaginer : la vigne croît ici au ras d’un sol sablonneux que l’on f
2842
t tenté de l’imaginer : la vigne croît ici au ras
d’
un sol sablonneux que l’on fume avec du varech. De l’île, du village,
2843
d’un sol sablonneux que l’on fume avec du varech.
De
l’île, du village, de la mer, je ne veux rien dire encore : je laisse
2844
e l’on fume avec du varech. De l’île, du village,
de
la mer, je ne veux rien dire encore : je laisse tout cela se mêler à
2845
n dire encore : je laisse tout cela se mêler à ma
vie
, dans l’heureux étourdissement de la lumière maritime. Pour mes pensé
2846
se mêler à ma vie, dans l’heureux étourdissement
de
la lumière maritime. Pour mes pensées, je les occupe en attendant à d
2847
e. Pour mes pensées, je les occupe en attendant à
de
petits exercices formels, sans nul rapport avec ce beau vertige de li
2848
es formels, sans nul rapport avec ce beau vertige
de
liberté. Depuis six jours que nous sommes arrivés, je n’ai lu que les
2849
ue nous sommes arrivés, je n’ai lu que les Règles
de
Descartes, comme on ferait un mot croisé, pour tuer le temps avant un
2850
e petite rue toute blanche qui contourne la panse
de
l’église, et aboutit à la place principale. Au milieu de cette place,
2851
milieu de cette place, qui est un vaste rectangle
de
terre jaune, les habitants plantèrent à la Révolution un arbre de la
2852
les habitants plantèrent à la Révolution un arbre
de
la Liberté. Cet orme est devenu gigantesque, majestueux exemplaire da
2853
ulence, frisé comme une perruque du grand siècle.
De
trois côtés de la place généralement vide, les maisons s’alignent en
2854
omme une perruque du grand siècle. De trois côtés
de
la place généralement vide, les maisons s’alignent en ordre modeste,
2855
couleur des volets s’harmonise avec chaque façade
d’
une manière subtile et précise qui en dit long sur l’âme de ce peuple
2856
ière subtile et précise qui en dit long sur l’âme
de
ce peuple discret. C’est l’impression que je veux retenir pour le mom
2857
du chou-fleur, des enveloppes jaunes, du peloton
de
ficelle et du kilo de riz. Mes vêtements, citadins mais râpés, ne la
2858
veloppes jaunes, du peloton de ficelle et du kilo
de
riz. Mes vêtements, citadins mais râpés, ne la renseignent pas claire
2859
, ne la renseignent pas clairement. Et que penser
d’
un « Parisien » qui manifeste l’intention de rester ici tout l’hiver ?
2860
enser d’un « Parisien » qui manifeste l’intention
de
rester ici tout l’hiver ? — C’est plutôt en été qu’on vient chez nous
2861
mes vacances ! J’ai du travail chez moi, des tas
de
choses à écrire… Elle n’ose pas m’en demander davantage. Et moi, je r
2862
davantage. Et moi, je recule devant l’entreprise
de
lui expliquer la nature de mon travail. « Écrire », qu’est-ce que cel
2863
le devant l’entreprise de lui expliquer la nature
de
mon travail. « Écrire », qu’est-ce que cela signifie ? Écrire pour le
2864
u’on voudrait. En hiver elle fait peu de réserves
de
produits alimentaires, les habitants n’achetant guère autre chose que
2865
s, les habitants n’achetant guère autre chose que
de
la mercerie, des lainages et des épices. Alors il faut aller de l’aut
2866
, des lainages et des épices. Alors il faut aller
de
l’autre côté de la place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’
2867
t des épices. Alors il faut aller de l’autre côté
de
la place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter d’être vu par l’un
2868
côté de la place, chez Mélie. Ce n’est pas simple
d’
éviter d’être vu par l’une, entrant chez l’autre. Mais c’est prudent,
2869
a place, chez Mélie. Ce n’est pas simple d’éviter
d’
être vu par l’une, entrant chez l’autre. Mais c’est prudent, on me l’a
2870
elles les augmenteront bien plutôt pour le punir
d’
avoir été en face. Sans compter qu’on n’aime pas être accueilli par la
2871
e pas être accueilli par la réprobation sournoise
d’
une épicière. 21 novembre 1933 Le bureau de poste. — Trois mètres sur
2872
rnoise d’une épicière. 21 novembre 1933 Le bureau
de
poste. — Trois mètres sur trois, et grille épaisse au milieu. Derrièr
2873
sse au milieu. Derrière la grille, le long visage
de
Pédenaud. J’ai l’impression que je lui gâte la vie. Trois fois la sem
2874
de Pédenaud. J’ai l’impression que je lui gâte la
vie
. Trois fois la semaine au moins, il me voit venir avec une grande env
2875
’est tapé à la machine. — Est-ce qu’il n’y a rien
d’
écrit à la main ? — Si, il y a des corrections écrites à la main. Péde
2876
nième fois son tarif, fait son calcul sur un bout
de
papier, et conclut que j’ai à payer 72 francs, pour un envoi, ce jour
2877
’ai à payer 72 francs, pour un envoi, ce jour-là,
d’
une centaine de feuillets. Il en paraît lui-même consterné. J’affirme
2878
francs, pour un envoi, ce jour-là, d’une centaine
de
feuillets. Il en paraît lui-même consterné. J’affirme avec vivacité q
2879
Il faut tout recommencer. Finalement l’on décide
d’
envoyer le manuscrit comme échantillon sans valeur. Port : quatre fran
2880
ntends grincer la porte du jardin. C’est la femme
de
Pédenaud qui brandit un papier. J’accours : elle me tend une formule
2881
t un papier. J’accours : elle me tend une formule
de
télégramme, mais ce n’est pas un télégramme, c’est une notification o
2882
un télégramme, c’est une notification officielle
d’
avoir à verser sans délai la somme de Fr. 67.25 restant due sur l’envo
2883
n officielle d’avoir à verser sans délai la somme
de
Fr. 67.25 restant due sur l’envoi de ce matin. En effet, Pédenaud, qu
2884
lai la somme de Fr. 67.25 restant due sur l’envoi
de
ce matin. En effet, Pédenaud, qui a voulu en avoir le cœur net, a pri
2885
ue je m’exécute, sinon c’est lui qui sera forcé «
d’
y aller de sa poche ». Me voilà courant à l’autobus pour arrêter le co
2886
écute, sinon c’est lui qui sera forcé « d’y aller
de
sa poche ». Me voilà courant à l’autobus pour arrêter le courrier. L’
2887
stal, discuter passionnément, trouver une formule
d’
apaisement qui ménage toutes les susceptibilités, et finalement ne rie
2888
raît entre les gens d’ici et moi dès qu’il s’agit
de
mon travail et de ses conditions pratiques. Petits ennuis sans gravit
2889
s d’ici et moi dès qu’il s’agit de mon travail et
de
ses conditions pratiques. Petits ennuis sans gravité, bien sûr. Mais
2890
s sans gravité, bien sûr. Mais quel drame dans la
vie
d’un buraliste de recette auxiliaire ! Depuis lors, il rougit et tran
2891
ns gravité, bien sûr. Mais quel drame dans la vie
d’
un buraliste de recette auxiliaire ! Depuis lors, il rougit et transpi
2892
n sûr. Mais quel drame dans la vie d’un buraliste
de
recette auxiliaire ! Depuis lors, il rougit et transpire rien qu’à me
2893
peu, pour me faire pardonner. Pédenaud est mutilé
de
guerre. Il boite. On lui a donné cette recette auxiliaire à titre de
2894
dans la catégorie bourgeoise. Ma bonne conscience
de
pauvre n’aura pas duré bien longtemps. 16 décembre 1933 Derrière la m
2895
longtemps. 16 décembre 1933 Derrière la même pile
d’
assiettes où je crois avoir déjà dit que j’avais trouvé deux ouvrages
2896
éjà dit que j’avais trouvé deux ouvrages traitant
de
mon île, j’ai déniché ce matin une édition populaire de La Naissance
2897
île, j’ai déniché ce matin une édition populaire
de
La Naissance du jour, de Colette. Je n’avais pas encore lu ce livre.
2898
in une édition populaire de La Naissance du jour,
de
Colette. Je n’avais pas encore lu ce livre. Il est exactement de l’es
2899
n’avais pas encore lu ce livre. Il est exactement
de
l’espèce que j’aime, et l’un des plus charmants dans cette espèce, ma
2900
à voir avec la critique littéraire. À la page 43
de
l’édition que j’ai sous les yeux, je lis ceci : « … ils déménagent… c
2901
je lis ceci : « … ils déménagent… comme les puces
d’
un hérisson mort. » Cette phrase a fait dans mon esprit ce qu’on appel
2902
a fait dans mon esprit ce qu’on appelle un trait
de
lumière. Lundi dernier, au petit matin, nous nous sommes réveillés co
2903
petit matin, nous nous sommes réveillés couverts
de
puces. J’exagère à peine : pour mon compte, j’en ai pris sept sur mon
2904
e, j’en ai pris sept sur mon pyjama dans l’espace
de
deux minutes, ce qui doit constituer une sorte de record. D’autres sa
2905
de deux minutes, ce qui doit constituer une sorte
de
record. D’autres sautaient sur le couvre-pied. D’autres sur le planch
2906
l est vrai qu’on a beau porter un nombre excessif
de
jupons, cela ne devrait pas suffire à rendre vraisemblable une hypoth
2907
’explique sans peine désormais, grâce à la phrase
de
Colette. Je rapporte cette anecdote parce qu’elle comporte une conclu
2908
: pour la première fois depuis je ne sais combien
d’
années, je viens de trouver dans un ouvrage littéraire la solution d’u
2909
de trouver dans un ouvrage littéraire la solution
d’
une question précise. Grâce à Colette, je sais maintenant pourquoi not
2910
is maintenant pourquoi notre chambre était pleine
de
puces. Cela n’a l’air de rien, mais je vois là comme un symbole. Les
2911
tre chambre était pleine de puces. Cela n’a l’air
de
rien, mais je vois là comme un symbole. Les livres devraient être uti
2912
iles. 23 décembre 1933 J’écris ceci sur une table
de
café. À travers la vitrine, je vois le vieux port de cette vieille vi
2913
café. À travers la vitrine, je vois le vieux port
de
cette vieille ville, la plus proche de notre île, et où nous devons e
2914
encore passer deux heures en attendant le départ
de
l’autobus pour Taillefer. Nous sommes attablés ici depuis un bon mome
2915
blés ici depuis un bon moment déjà, tout contents
de
revoir le va-et-vient d’un lieu public, de lire les journaux de Paris
2916
ment déjà, tout contents de revoir le va-et-vient
d’
un lieu public, de lire les journaux de Paris et de fumer des cigarett
2917
ntents de revoir le va-et-vient d’un lieu public,
de
lire les journaux de Paris et de fumer des cigarettes américaines au
2918
a-et-vient d’un lieu public, de lire les journaux
de
Paris et de fumer des cigarettes américaines au goût de miel, introuv
2919
’un lieu public, de lire les journaux de Paris et
de
fumer des cigarettes américaines au goût de miel, introuvables dans l
2920
is et de fumer des cigarettes américaines au goût
de
miel, introuvables dans l’île. Pendant que ma femme lit des hebdomada
2921
mme lit des hebdomadaires, je vais renouer le fil
de
ce journal. Tout d’abord, j’ai à constater l’échec de notre première
2922
e journal. Tout d’abord, j’ai à constater l’échec
de
notre première tentative d’autonomie. Je ne suis pas arrivé à gagner
2923
i à constater l’échec de notre première tentative
d’
autonomie. Je ne suis pas arrivé à gagner assez vite ce qu’il nous fal
2924
il nous fallait pour subsister après l’épuisement
de
notre réserve. J’ai travaillé beaucoup, mais je ne serai pas payé ava
2925
ui vit au jour le jour, il s’agit essentiellement
d’
éviter les lacunes de cette sorte. (Ce que l’on nomme « difficultés de
2926
r, il s’agit essentiellement d’éviter les lacunes
de
cette sorte. (Ce que l’on nomme « difficultés de trésorerie » dans le
2927
de cette sorte. (Ce que l’on nomme « difficultés
de
trésorerie » dans les affaires, devient ici, évidemment, un obstacle
2928
évidemment, un obstacle absolu.) Assuré au moins
de
quelque argent à venir, j’ai accepté l’invitation d’un ami qui nous o
2929
quelque argent à venir, j’ai accepté l’invitation
d’
un ami qui nous offre de passer trois semaines chez lui. Il habite à u
2930
j’ai accepté l’invitation d’un ami qui nous offre
de
passer trois semaines chez lui. Il habite à une petite journée de voy
2931
semaines chez lui. Il habite à une petite journée
de
voyage de notre île. La leçon pratique de cette première expérience d
2932
hez lui. Il habite à une petite journée de voyage
de
notre île. La leçon pratique de cette première expérience de deux moi
2933
journée de voyage de notre île. La leçon pratique
de
cette première expérience de deux mois, c’est que la liberté ne s’imp
2934
e. La leçon pratique de cette première expérience
de
deux mois, c’est que la liberté ne s’improvise pas. Qu’il faut la con
2935
rir avec méthode, et organiser à l’avance un plan
d’
attaque, prévoyant à un jour près la date d’arrivée des renforts. Je n
2936
plan d’attaque, prévoyant à un jour près la date
d’
arrivée des renforts. Je ne suis pas trop fier de ma retraite stratégi
2937
d’arrivée des renforts. Je ne suis pas trop fier
de
ma retraite stratégique, mais tout de même bien décidé à renouveler m
2938
ma tentative, dans un mois. q. Rougemont Denis
de
, « Journal d’un intellectuel en chômage », La Revue du dimanche, su
2939
ans un mois. q. Rougemont Denis de, « Journal
d’
un intellectuel en chômage », La Revue du dimanche, supplément hebdom
2940
», La Revue du dimanche, supplément hebdomadaire
de
la Revue de Lausanne , Lausanne, 25 juillet 1937, p. 1. r. Précédé d
2941
du dimanche, supplément hebdomadaire de la Revue
de
Lausanne , Lausanne, 25 juillet 1937, p. 1. r. Précédé de la note su
2942
ne , Lausanne, 25 juillet 1937, p. 1. r. Précédé
de
la note suivante : « Par les soins de la Guilde du Livre, à Lausanne,
2943
r. Précédé de la note suivante : « Par les soins
de
la Guilde du Livre, à Lausanne, paraîtra très prochainement un ouvrag
2944
Lausanne, paraîtra très prochainement un ouvrage
de
notre compatriote, l’excellent écrivain neuchâtelois Denis de Rougeme
2945
rivain neuchâtelois Denis de Rougement : Journal
d’
un intellectuel en chômage . Grâce à la complaisance du directeur de l
2946
en chômage . Grâce à la complaisance du directeur
de
la Guilde, M. A. Mermoud, nous sommes en mesure d’offrir à nos lecteu
2947
e la Guilde, M. A. Mermoud, nous sommes en mesure
d’
offrir à nos lecteurs la primeur de quelques pages de ce livre. Dans c
2948
mmes en mesure d’offrir à nos lecteurs la primeur
de
quelques pages de ce livre. Dans ces pages, l’auteur peint notamment
2949
ffrir à nos lecteurs la primeur de quelques pages
de
ce livre. Dans ces pages, l’auteur peint notamment le milieu où il s’
2950
Extraits
de
… Journal d’un intellectuel en chômage (15 août 1937)s t Il faut pa
2951
Extraits de… Journal
d’
un intellectuel en chômage (15 août 1937)s t Il faut parler des « a
2952
« autocars ». Je ne sais si l’on se doute à Paris
de
l’importance des autocars et des transformations qu’ils sont en train
2953
formations qu’ils sont en train de causer dans la
vie
provinciale. Je n’ai pas compté le nombre de lignes actuellement expl
2954
la vie provinciale. Je n’ai pas compté le nombre
de
lignes actuellement exploitées. Mais j’ai pu constater dans plusieurs
2955
ais j’ai pu constater dans plusieurs départements
de
l’Ouest qu’il n’est plus guère de « pays » qui ne soit desservi par u
2956
rs départements de l’Ouest qu’il n’est plus guère
de
« pays » qui ne soit desservi par une ou deux ou même trois compagnie
2957
desservi par une ou deux ou même trois compagnies
de
transports locaux. Depuis que j’ai quitté Paris, j’ai bien utilisé un
2958
’ai quitté Paris, j’ai bien utilisé une vingtaine
de
ces lignes. Je commence à connaître leurs coutumes : rien ne pouvait
2959
us rapidement et plus profondément « la coutume »
de
la France rurale. Mais ce n’est pas encore assez dire : l’autocar mod
2960
re assez dire : l’autocar modifie complètement le
mode
de contact entre le voyageur et la province. Naguère encore, quand on
2961
sez dire : l’autocar modifie complètement le mode
de
contact entre le voyageur et la province. Naguère encore, quand on n’
2962
out convergeait vers Paris, non seulement du fait
d’
une organisation ferroviaire centralisée, mais encore sentimentalement
2963
s à l’heure, où l’on se sentait relégué à l’écart
de
la « vraie » circulation. Et l’on ne voyait guère que des gares, ce q
2964
nt dans chaque village. Aujourd’hui, les stations
d’
autocars sont sur la place principale. C’est de là qu’on part au milie
2965
ns d’autocars sont sur la place principale. C’est
de
là qu’on part au milieu d’une grande affluence de badauds, c’est là q
2966
de là qu’on part au milieu d’une grande affluence
de
badauds, c’est là qu’on arrive à grands sons de trompe, c’est enfin c
2967
e de badauds, c’est là qu’on arrive à grands sons
de
trompe, c’est enfin ce que l’on voit le mieux de chaque pays. La voie
2968
de trompe, c’est enfin ce que l’on voit le mieux
de
chaque pays. La voie ferrée était une sorte d’insulte à la vie locale
2969
ux de chaque pays. La voie ferrée était une sorte
d’
insulte à la vie locale ; elle la traversait abstraitement, sans la vo
2970
ys. La voie ferrée était une sorte d’insulte à la
vie
locale ; elle la traversait abstraitement, sans la voir, sans tenir c
2971
it abstraitement, sans la voir, sans tenir compte
de
ses circonstances. Sur ses bords ne vivait qu’une population nomade,
2972
qu’une population nomade, qui portait l’uniforme
de
l’État, partout la même. Vous pouviez parcourir vingt fois la France
2973
même. Vous pouviez parcourir vingt fois la France
de
part en part sans remarquer que les gens qui l’habitent ne sont pas t
2974
quer que les gens qui l’habitent ne sont pas tous
de
la même sorte, et que d’une province à une autre, ce n’est pas seulem
2975
abitent ne sont pas tous de la même sorte, et que
d’
une province à une autre, ce n’est pas seulement le paysage qui change
2976
» dans la nation abstraitement unifiée ? La ligne
d’
autocar fait partie du pays. Elle en épouse la géographie physique mai
2977
voiture. Mais aussi elle tient compte des rythmes
de
la vie locale, du calendrier des marées, de l’heure matinale des foir
2978
e. Mais aussi elle tient compte des rythmes de la
vie
locale, du calendrier des marées, de l’heure matinale des foires, dan
2979
thmes de la vie locale, du calendrier des marées,
de
l’heure matinale des foires, dans les districts ruraux, et ailleurs d
2980
es foires, dans les districts ruraux, et ailleurs
de
l’entrée et de la sortie des usines ou des écoles. La simple intentio
2981
les districts ruraux, et ailleurs de l’entrée et
de
la sortie des usines ou des écoles. La simple intention d’utiliser ce
2982
tie des usines ou des écoles. La simple intention
d’
utiliser ce moyen de transport vous met en contact avec toutes sortes
2983
s écoles. La simple intention d’utiliser ce moyen
de
transport vous met en contact avec toutes sortes d’habitudes locales.
2984
transport vous met en contact avec toutes sortes
d’
habitudes locales. D’abord il faut aller dans deux ou trois cafés pour
2985
dans deux ou trois cafés pour obtenir un minimum
de
précisions concernant l’heure du prochain départ et la destination de
2986
enant du voyage lui-même ? C’est une résurrection
de
ce que Vigny pleurait, la poésie des diligences, mais aérée. C’est fa
2987
la poésie des diligences, mais aérée. C’est fait
d’
une foule d’incidents entrevus, que tout dispose à romancer ; de conve
2988
es diligences, mais aérée. C’est fait d’une foule
d’
incidents entrevus, que tout dispose à romancer ; de conversations abs
2989
incidents entrevus, que tout dispose à romancer ;
de
conversations absurdes et rapidement intimes, avec ce personnage enfo
2990
ge enfoui à côté de vous dans un luxueux fauteuil
de
cuir rouge ou bleu vif, et qui change de tête plusieurs fois pendant
2991
fauteuil de cuir rouge ou bleu vif, et qui change
de
tête plusieurs fois pendant le trajet, de coups de main aux voyageurs
2992
change de tête plusieurs fois pendant le trajet,
de
coups de main aux voyageurs chargés de paquets ou d’un jeune veau, ou
2993
le trajet, de coups de main aux voyageurs chargés
de
paquets ou d’un jeune veau, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’arrêt
2994
coups de main aux voyageurs chargés de paquets ou
d’
un jeune veau, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’arrêts et de détour
2995
yageurs chargés de paquets ou d’un jeune veau, ou
d’
un enfant hurlant et admiré, d’arrêts et de détours imprévus — car les
2996
’un jeune veau, ou d’un enfant hurlant et admiré,
d’
arrêts et de détours imprévus — car les chauffeurs acceptent volontier
2997
au, ou d’un enfant hurlant et admiré, d’arrêts et
de
détours imprévus — car les chauffeurs acceptent volontiers toutes sor
2998
les chauffeurs acceptent volontiers toutes sortes
de
petites commissions que de vieilles dames leur confient au départ ave
2999
lontiers toutes sortes de petites commissions que
de
vieilles dames leur confient au départ avec force recommandations ; e
3000
ar la portière entr’ouverte un instant à la fille
de
l’auberge écartée qui attend le passage du car, les cheveux au vent,
3001
passage du car, les cheveux au vent, sur le bord
de
la route. Rien n’est plus sympathique qu’un conducteur de car. Cela t
3002
ute. Rien n’est plus sympathique qu’un conducteur
de
car. Cela tient évidemment à leur métier. Ce sont en général de jeune
3003
ient évidemment à leur métier. Ce sont en général
de
jeunes gaillards solides et gais, et qui ont toutes les raisons d’aim
3004
ds solides et gais, et qui ont toutes les raisons
d’
aimer le travail et de le faire bien : c’est moderne, c’est sportif, c
3005
qui ont toutes les raisons d’aimer le travail et
de
le faire bien : c’est moderne, c’est sportif, cela vous pose dans l’e
3006
à bord de sa puissante machine, et l’on bénéficie
de
ces petites faveurs que les femmes ont toujours accordées à ceux qui
3007
ndent et disposent, ne fût-ce que pour une heure,
de
leur vie. Oui, voilà bien les hommes avec lesquels je rêverais d’entr
3008
disposent, ne fût-ce que pour une heure, de leur
vie
. Oui, voilà bien les hommes avec lesquels je rêverais d’entreprendre
3009
, voilà bien les hommes avec lesquels je rêverais
d’
entreprendre une belle révolution, qui rajeunisse la France : ils ont
3010
ur, le dynamisme, le sens pratique et la rapidité
d’
esprit que les bourgeois, qui en sont dépourvus, attribuent par erreur
3011
dont ils disposent et qui seraient décisifs lors
d’
une action rapide. Mais loin de moi ces ambitions : ceux qui les ont n
3012
ne suis qu’un écrivain. Ceci me rappelle un bout
de
conversation que j’aurais dû noter plus tôt. Le monsieur rencontré da
3013
er plus tôt. Le monsieur rencontré dans l’autocar
de
Taillefer voulait savoir quel était mon métier. Et quand j’eus dit qu
3014
fique à jouer dans la société. Vous avez le temps
de
réfléchir et de nous faire part de vos lumières, et sans vous, où iri
3015
ns la société. Vous avez le temps de réfléchir et
de
nous faire part de vos lumières, et sans vous, où irions-nous donc, n
3016
avez le temps de réfléchir et de nous faire part
de
vos lumières, et sans vous, où irions-nous donc, nous qui ne croyons
3017
lui dis-je, qu’un écrivain a bien deux fois plus
de
peine à vivre qu’un homme normal, mettons qu’un fonctionnaire c’était
3018
aux circonstances mêmes qui l’ont mis dans le cas
d’
écrire. Car ou bien l’on écrit ce que l’on ne peut pas faire, et c’est
3019
it ce que l’on ne peut pas faire, et c’est l’aveu
d’
une faiblesse ou d’une ambition excessive, deux choses qui compliquent
3020
eut pas faire, et c’est l’aveu d’une faiblesse ou
d’
une ambition excessive, deux choses qui compliquent fort la vie, je cr
3021
on excessive, deux choses qui compliquent fort la
vie
, je crois ; ou bien l’on écrit des choses intelligentes, et c’est enc
3022
des choses intelligentes, et c’est encore l’aveu
d’
une inadaptation cruelle aux mœurs et coutumes de ce temps ; on bien l
3023
d’une inadaptation cruelle aux mœurs et coutumes
de
ce temps ; on bien l’on écrit simplement pour gagner sa chienne de vi
3024
bien l’on écrit simplement pour gagner sa chienne
de
vie, et c’est le bon moyen de traîner la misère la plus honteuse qui
3025
n l’on écrit simplement pour gagner sa chienne de
vie
, et c’est le bon moyen de traîner la misère la plus honteuse qui se p
3026
r gagner sa chienne de vie, et c’est le bon moyen
de
traîner la misère la plus honteuse qui se puisse imaginer, dans les a
3027
dans les antres rédactionnels. Je dis les antres.
De
toute façon, un écrivain est par nature un empêtré. Et voilà le parad
3028
’injustice : c’est qu’on attend, qu’on exige même
de
ces gens-là des vertus au-dessus du commun, la révélation de secrets
3029
-là des vertus au-dessus du commun, la révélation
de
secrets qui suffiraient à rendre heureux les plus indignes, et ingéni
3030
je ne sais quelle supériorité humaine, quel luxe
d’
énergie ou d’invention qui, s’ils les possédaient vraiment, feraient d
3031
uelle supériorité humaine, quel luxe d’énergie ou
d’
invention qui, s’ils les possédaient vraiment, feraient de leurs déten
3032
ion qui, s’ils les possédaient vraiment, feraient
de
leurs détenteurs non point des écrivains mais des Don Juan, des dicta
3033
aurez compris cela, vous cesserez, je le crains,
d’
envier ma condition… s. Rougemont Denis de, « Extraits de… Journal
3034
ins, d’envier ma condition… s. Rougemont Denis
de
, « Extraits de… Journal d’un intellectuel en chômage », Le Journal,
3035
a condition… s. Rougemont Denis de, « Extraits
de
… Journal d’un intellectuel en chômage », Le Journal, 15 août 1937, p
3036
s. Rougemont Denis de, « Extraits de… Journal
d’
un intellectuel en chômage », Le Journal, 15 août 1937, p. 2. t. Pré
3037
e », Le Journal, 15 août 1937, p. 2. t. Précédé
de
la notice suivante : « Brillant essayiste dans deux ouvrages déjà rem
3038
personnalisme [sic], M. Denis de Rougemont vient
d’
illustrer ce que l’on peut appeler sa « doctrine », en nous donnant, s
3039
r sa « doctrine », en nous donnant, sous le titre
de
Journal d’un intellectuel en chômage, un recueil de réflexions, d’obs
3040
rine », en nous donnant, sous le titre de Journal
d’
un intellectuel en chômage, un recueil de réflexions, d’observations e
3041
Journal d’un intellectuel en chômage, un recueil
de
réflexions, d’observations et de jugements. Il y montre ce que peut a
3042
ntellectuel en chômage, un recueil de réflexions,
d’
observations et de jugements. Il y montre ce que peut avoir de quotidi
3043
mage, un recueil de réflexions, d’observations et
de
jugements. Il y montre ce que peut avoir de quotidien cet effort de r
3044
ns et de jugements. Il y montre ce que peut avoir
de
quotidien cet effort de restauration morale — et sociale — qui s’impo
3045
montre ce que peut avoir de quotidien cet effort
de
restauration morale — et sociale — qui s’impose aux nouvelles générat
3046
nouvelles générations. Par les menues expériences
d’
une vie diminuée et matériellement difficile, M. Denis de Rougemont sa
3047
les générations. Par les menues expériences d’une
vie
diminuée et matériellement difficile, M. Denis de Rougemont sait trac
3048
sait tracer un tableau très vivant et très nuancé
de
la province française, ainsi qu’en témoigne cet extrait. »
3049
« Subjectivité et transcendance », Lettre
de
M. Denis de Rougemont (décembre 1937)w x Pourquoi voulez-vous — ou
3050
— ou veulent-ils — que la philosophie se purifie
de
théologie ? La théologie vaut bien la science. C’est même une science
3051
les fondements sont renversés tous les vingt ans
de
fond en comble. Je ne pense pas que la transcendance puisse jamais êt
3052
Nietzsche : dans la mesure où elle est un élément
de
transcendance, la nature devient divinité (et ne peut pas ne pas le d
3053
pas le devenir). Pour ma part, je ne conçois pas
de
relation concrète à la transcendance où manquerait le sentiment du di
3054
nous oriente utilement vers une nouvelle analyse
de
la transcendance dans son rapport aux puissances de l’imagination et
3055
la transcendance dans son rapport aux puissances
de
l’imagination et non seulement dans son rapport à l’éthique. w. Ro
3056
ns son rapport à l’éthique. w. Rougemont Denis
de
, « Lettre de M. Denis de Rougemont », Bulletin de la Société français
3057
t à l’éthique. w. Rougemont Denis de, « Lettre
de
M. Denis de Rougemont », Bulletin de la Société française de philosop
3058
de, « Lettre de M. Denis de Rougemont », Bulletin
de
la Société française de philosophie, Paris, décembre 1937, p. 204. x
3059
de Rougemont », Bulletin de la Société française
de
philosophie, Paris, décembre 1937, p. 204. x. Lettre publiée parmi l
3060
ettre publiée parmi les réactions à la conférence
de
Jean Wahl, « Subjectivité et transcendance ».
3061
M. Pierre Beausire80 demande aux personnalistes «
de
ne point perdre leur temps et leurs forces à discuter avec leurs adve
3062
avec leurs adversaires ». Il leur demande ensuite
de
prendre le pouvoir. Mais avant de prendre le pouvoir, il faut convain
3063
il faut convaincre, sinon l’on se verra contraint
d’
exercer cette dictature que l’on se proposait justement de combattre,
3064
r cette dictature que l’on se proposait justement
de
combattre, et qui est celle de l’État totalitaire. Or, pour convaincr
3065
roposait justement de combattre, et qui est celle
de
l’État totalitaire. Or, pour convaincre, il faut entre autres dissipe
3066
discuter. Au surplus, je ne sais pas si le terme
d’
adversaire convient à M. Pierre Beausire. Il approuve notre réaction (
3067
il énumère nos réclamations, il ajoute en parlant
de
leurs auteurs : « On ne peut que les suivre et les approuver. » En so
3068
mme, il se rangerait à nos côtés pour l’essentiel
de
ce que nous avons dit dans notre numéro spécial81. S’il nous attaque,
3069
ordés, et sur des thèses que je souhaite qu’aucun
de
nous ne soutienne jamais. Précisons. ⁂ « Au nom de quel principe s’in
3070
e que le personnalisme ? « C’est l’amour abstrait
de
l’humanité. » Erreur totale et malentendu maximum. S’il fallait à tou
3071
tus toutes passives et féminines) » (au sentiment
de
l’auteur), mais c’est, au contraire, la volonté d’agir dans le sens d
3072
e l’auteur), mais c’est, au contraire, la volonté
d’
agir dans le sens de ce qui libère en l’homme les forces de résistance
3073
est, au contraire, la volonté d’agir dans le sens
de
ce qui libère en l’homme les forces de résistance et de création, sys
3074
ns le sens de ce qui libère en l’homme les forces
de
résistance et de création, systématiquement déprimées par les tyranni
3075
qui libère en l’homme les forces de résistance et
de
création, systématiquement déprimées par les tyrannies que l’on sait.
3076
se une. Il est, à mon sens, la tradition centrale
de
l’Occident, l’élément civilisateur de notre civilisation, le caractèr
3077
on centrale de l’Occident, l’élément civilisateur
de
notre civilisation, le caractère spécifique de la pensée et de la vie
3078
ur de notre civilisation, le caractère spécifique
de
la pensée et de la vie des hommes qui ont fait l’Europe et qui veulen
3079
lisation, le caractère spécifique de la pensée et
de
la vie des hommes qui ont fait l’Europe et qui veulent la maintenir.
3080
on, le caractère spécifique de la pensée et de la
vie
des hommes qui ont fait l’Europe et qui veulent la maintenir. Et l’in
3081
que les déviations complémentaires et périodiques
de
cette ligne de plus grande efficacité. Le mouvement personnaliste ne
3082
ns l’Europe actuelle se déchaînent des puissances
de
mort, spirituelles et matérielles, radicalement contraires au génie d
3083
et matérielles, radicalement contraires au génie
de
l’Occident. Ces puissances nous ont obligés, par leurs menaces instan
3084
ntes et brutales, à prendre une conscience active
de
ce qui, depuis nos origines, n’était que le sous-entendu de tous nos
3085
depuis nos origines, n’était que le sous-entendu
de
tous nos efforts créateurs. Cette prise de conscience active s’est ef
3086
on des idéologies totalitaires, en termes proches
de
l’anarchisme, etc. Comme l’Europe, le personnalisme est essentielleme
3087
ste. Il exalte les différences en ce qu’elles ont
de
créateur. Il veut une organisation de la cité qui leur permette de s’
3088
u’elles ont de créateur. Il veut une organisation
de
la cité qui leur permette de s’exprimer. Telle est la forme que revêt
3089
eut une organisation de la cité qui leur permette
de
s’exprimer. Telle est la forme que revêt « la charité personnaliste »
3090
arité personnaliste », pour reprendre une formule
d’
Arnaud Dandieu (qui d’ailleurs était nietzschéen). Que le christianism
3091
de la foi, ils connaissent l’Histoire, et savent
de
quoi l’Europe s’est faite. Pierre Beausire ne craint pas de proclamer
3092
Europe s’est faite. Pierre Beausire ne craint pas
de
proclamer que « si l’on veut parler à des hommes, et non à des enfant
3093
oncer à invoquer le Christ ». Je ne craindrai pas
de
lui répondre que ce n’est pas là parler en homme, ni en enfant, mais
3094
lescent impénitent. ⁂ Je ne sais trop quelle dose
d’
ironie M. Beausire joint à son vœu final : « Qu’ils s’emparent hardime
3095
oir dans cet État, et, en manifestant la noblesse
de
leur caractère, nous délivrent du triste spectacle que nous avons sou
3096
tâche. « Le peuple a besoin — nous dit l’auteur —
de
chefs d’une souveraine dignité, d’une intelligence froide et d’un jug
3097
Le peuple a besoin — nous dit l’auteur — de chefs
d’
une souveraine dignité, d’une intelligence froide et d’un jugement dro
3098
dit l’auteur — de chefs d’une souveraine dignité,
d’
une intelligence froide et d’un jugement droit. » Où trouve-t-on cela
3099
souveraine dignité, d’une intelligence froide et
d’
un jugement droit. » Où trouve-t-on cela ? Dans les livres de Nietzsch
3100
nt droit. » Où trouve-t-on cela ? Dans les livres
de
Nietzsche. Mais non pas encore dans l’Histoire ? Si ce n’est pas une
3101
aibles et les sceptiques, pour ceux qui craignent
de
se perdre en s’engageant, et préfèrent la littérature ; si ce n’est p
3102
rent la littérature ; si ce n’est pas une manière
de
« grève perlée » que de n’accepter la lutte que dans ces termes ; si
3103
ce n’est pas une manière de « grève perlée » que
de
n’accepter la lutte que dans ces termes ; si cet idéal est possible,
3104
; si cet idéal est possible, si Beausire connaît
de
tels chefs, ou désire en devenir un, qu’il nous amène ce précieux ren
3105
s amène ce précieux renfort, et nous le saluerons
d’
un vivat ! Nous saurons très bien nous entendre avec tous ceux qui veu
3106
ulent sauver non point nos âmes — c’est l’affaire
de
Dieu seul — mais bien la possibilité de vivre et de créer sa vérité —
3107
l’affaire de Dieu seul — mais bien la possibilité
de
vivre et de créer sa vérité — bonne ou mauvaise — contre les fous tot
3108
Dieu seul — mais bien la possibilité de vivre et
de
créer sa vérité — bonne ou mauvaise — contre les fous totalitaires de
3109
bonne ou mauvaise — contre les fous totalitaires
de
droite ou de gauche, leurs guerres et leurs cultes d’État. 80. Voir
3110
vaise — contre les fous totalitaires de droite ou
de
gauche, leurs guerres et leurs cultes d’État. 80. Voir numéro du 1e
3111
roite ou de gauche, leurs guerres et leurs cultes
d’
État. 80. Voir numéro du 1er décembre 1937 : Le Personnalisme en Sui
3112
se », auquel Beausire croit que je crois, résulte
d’
un malentendu. Je crois à « l’idée suisse » telle que l’exprime Liehbu
3113
e l’exprime Liehburg. Idée qui exclut l’existence
d’
un type suisse racial, ou « national » au sens unitaire. Je ne crois m
3114
ois même pas à l’homo alpinus, création polémique
de
Ramuz. y. Rougemont Denis de, « Réponse à Pierre Beausire », Suisse
3115
création polémique de Ramuz. y. Rougemont Denis
de
, « Réponse à Pierre Beausire », Suisse romande, Morges, 15 janvier 19
3116
udit le Dieu Tout-Puissant qui le laissait mourir
de
faim. Ce blasphème assombrit sa vie, et la révélation qu’en eut plus
3117
aissait mourir de faim. Ce blasphème assombrit sa
vie
, et la révélation qu’en eut plus tard Søren fut décisive pour son dév
3118
re éducation piétiste, un secret qu’il qualifiera
de
terrifiant, et une belle aisance matérielle. Du secret, il tira une p
3119
aisance matérielle. Du secret, il tira une partie
de
son œuvre : son analyse du désespoir considéré comme une révolte cont
3120
ésespoir considéré comme une révolte contre Dieu.
De
sa fortune, il ne voulut tirer nul intérêt : il la confia à l’un de s
3121
ne voulut tirer nul intérêt : il la confia à l’un
de
ses frères, pour éviter d’avoir affaire aux banques, et lorsqu’il mou
3122
: il la confia à l’un de ses frères, pour éviter
d’
avoir affaire aux banques, et lorsqu’il mourut, l’on s’aperçut qu’il n
3123
n restait que 200 francs. Cette fortune provenait
d’
une malédiction, pensait-il. Il l’avait donc dilapidée sans compter, m
3124
dons généreux. À 27 ans, il terminait ses études
de
théologie, et se fiançait avec une jeune fille de 18 ans, Régine Olse
3125
de théologie, et se fiançait avec une jeune fille
de
18 ans, Régine Olsen. Tout le monde connaît le drame de ces fiançaill
3126
ans, Régine Olsen. Tout le monde connaît le drame
de
ces fiançailles douloureusement rompues au bout d’un an. L’idée que K
3127
sa devise devait fatalement le conduire au refus
d’
une perspective de bonheur dans laquelle il ne pouvait voir le vrai to
3128
fatalement le conduire au refus d’une perspective
de
bonheur dans laquelle il ne pouvait voir le vrai tout de son existenc
3129
eur dans laquelle il ne pouvait voir le vrai tout
de
son existence singulière. (Que d’autres y cherchent des raisons physi
3130
t des raisons physiologiques ; c’est probable, et
de
peu de portée). Au lendemain de sa rupture, il partit pour Berlin où
3131
’est probable, et de peu de portée). Au lendemain
de
sa rupture, il partit pour Berlin où il désirait suivre les cours de
3132
artit pour Berlin où il désirait suivre les cours
de
Schelling. Il y demeura quelques mois, puis il revint à Copenhague po
3133
a mort, en 1835. Il travaillait une grande partie
de
la nuit. Georg Brandes raconte qu’on pouvait le voir, de la rue, arpe
3134
uit. Georg Brandes raconte qu’on pouvait le voir,
de
la rue, arpenter longuement les pièces illuminées de ses vastes appar
3135
la rue, arpenter longuement les pièces illuminées
de
ses vastes appartements. Dans chaque chambre il faisait disposer une
3136
on le voyait parcourir les rues les plus animées
de
la ville, parlant, riant et discutant avec les bourgeois, avec des je
3137
ssi que cet original était le plus grand écrivain
de
son pays. Sa première œuvre eut un immense succès : c’était l’Alterna
3138
même année parurent deux autres ouvrages, signés
de
pseudonymes (La Répétition, Crainte et Tremblement) et deux recueils
3139
étition, Crainte et Tremblement) et deux recueils
de
Discours édifiants, signés de son nom. Mais à mesure qu’il faisait mi
3140
t) et deux recueils de Discours édifiants, signés
de
son nom. Mais à mesure qu’il faisait mieux voir le fond chrétien de s
3141
mesure qu’il faisait mieux voir le fond chrétien
de
sa pensée, le public s’écarta, effrayé. Et lorsqu’en 1831, il se mit
3142
a lutte qu’il menait seul contre tous, il tombait
d’
épuisement au cours d’une promenade en ville. On le transporta à l’hôp
3143
eul contre tous, il tombait d’épuisement au cours
d’
une promenade en ville. On le transporta à l’hôpital où il mourut pais
3144
ami, le pasteur Boesen : « Salue tous les hommes
de
tua part, je les aimais bien, tous… » Le seul événement extérieur de
3145
aimais bien, tous… » Le seul événement extérieur
de
sa vie avait été la rupture de ses fiançailles. Mais l’acte qui résum
3146
s bien, tous… » Le seul événement extérieur de sa
vie
avait été la rupture de ses fiançailles. Mais l’acte qui résume toute
3147
vénement extérieur de sa vie avait été la rupture
de
ses fiançailles. Mais l’acte qui résume toute son œuvre, cet acte apr
3148
e Hamlet — autre Danois ! — il put mourir certain
d’
avoir accompli sa mission, ce fut l’attaque qu’il mena contre l’Église
3149
ontre l’Église établie et contre dix-huit siècles
de
chrétienté officielle — attaque contre le « monde chrétien » au nom d
3150
nom du Christ des évangiles. ⁂ Toute mon activité
d’
auteur — nous dit-il dans son Point de vue explicatif sur mon œuvre —
3151
ns cesse le devenir, et le devenir dans l’instant
de
la foi, qui est l’instant de l’acte d’obéissance. Cessons de prendre
3152
venir dans l’instant de la foi, qui est l’instant
de
l’acte d’obéissance. Cessons de prendre le christianisme « à bon marc
3153
l’instant de la foi, qui est l’instant de l’acte
d’
obéissance. Cessons de prendre le christianisme « à bon marché », comm
3154
qui est l’instant de l’acte d’obéissance. Cessons
de
prendre le christianisme « à bon marché », comme les évêques. Pensée
3155
bon marché », comme les évêques. Pensée centrale
de
l’œuvre énorme de Kierkegaard (40 volumes en douze années). Pensée qu
3156
me les évêques. Pensée centrale de l’œuvre énorme
de
Kierkegaard (40 volumes en douze années). Pensée qu’il défendit et qu
3157
ze années). Pensée qu’il défendit et qu’il servit
de
toutes les forces de son génie universel de poète, de philosophe, d’i
3158
’il défendit et qu’il servit de toutes les forces
de
son génie universel de poète, de philosophe, d’ironiste et de théolog
3159
ervit de toutes les forces de son génie universel
de
poète, de philosophe, d’ironiste et de théologien. Il se trouvait dev
3160
outes les forces de son génie universel de poète,
de
philosophe, d’ironiste et de théologien. Il se trouvait devant un mon
3161
s de son génie universel de poète, de philosophe,
d’
ironiste et de théologien. Il se trouvait devant un monde où tout avai
3162
universel de poète, de philosophe, d’ironiste et
de
théologien. Il se trouvait devant un monde où tout avait été brouille
3163
miques. L’évêque Nynster venait de mourir, comblé
d’
honneurs et de gloire mondaine. Sur sa tombe son successeur le qualifi
3164
ue Nynster venait de mourir, comblé d’honneurs et
de
gloire mondaine. Sur sa tombe son successeur le qualifia, selon l’usa
3165
tombe son successeur le qualifia, selon l’usage,
de
« grand témoin de la vérité ». Kierkegaard écrivit alors un article i
3166
eur le qualifia, selon l’usage, de « grand témoin
de
la vérité ». Kierkegaard écrivit alors un article indigné, qui provoq
3167
qui provoqua un énorme scandale. Il décrivait la
vie
de Nynster. Était-ce celle d’un témoin de la vérité ? Non, s’écriait
3168
provoqua un énorme scandale. Il décrivait la vie
de
Nynster. Était-ce celle d’un témoin de la vérité ? Non, s’écriait Kie
3169
e. Il décrivait la vie de Nynster. Était-ce celle
d’
un témoin de la vérité ? Non, s’écriait Kierkegaard : Un témoin de la
3170
ait la vie de Nynster. Était-ce celle d’un témoin
de
la vérité ? Non, s’écriait Kierkegaard : Un témoin de la vérité, c’e
3171
vérité ? Non, s’écriait Kierkegaard : Un témoin
de
la vérité, c’est un homme dont la vie est familière avec toute espèce
3172
: Un témoin de la vérité, c’est un homme dont la
vie
est familière avec toute espèce de souffrance, … un homme qui témoign
3173
homme dont la vie est familière avec toute espèce
de
souffrance, … un homme qui témoigne dans le dénuement, la misère et l
3174
traîné en prison, et puis enfin — car c’est bien
d’
un véritable témoin de la vérité qu’on nous parle — et puis enfin cruc
3175
puis enfin — car c’est bien d’un véritable témoin
de
la vérité qu’on nous parle — et puis enfin crucifié, décapité, brûlé
3176
ndroit écarté, sans être enterré. Voilà un témoin
de
la vérité, sa vie et son existence, sa mort et son enterrement, et l’
3177
ns être enterré. Voilà un témoin de la vérité, sa
vie
et son existence, sa mort et son enterrement, et l’évêque Nynster, no
3178
ue Nynster, nous dit-on, fut un des vrais témoins
de
la vérité ! En vérité, il y a quelque chose de plus contraire au chri
3179
istianisme que n’importe quelle hérésie, et c’est
de
jouer au christianisme, d’en écarter les dangers, et de jouer ensuite
3180
elle hérésie, et c’est de jouer au christianisme,
d’
en écarter les dangers, et de jouer ensuite au jeu que l’évêque Nynste
3181
er au christianisme, d’en écarter les dangers, et
de
jouer ensuite au jeu que l’évêque Nynster était un témoin de la vérit
3182
suite au jeu que l’évêque Nynster était un témoin
de
la vérité. Cas symbolique aux yeux de Kierkegaard. Il fallait un rap
3183
llait un rappel à l’ordre. Il le devint lui-même,
de
tout son être. Et il savait ce que cela devait lui coûter. Car le mon
3184
une confusion impensable, et n’en conçoivent pas
de
malaise. D’autres, qui s’essaient à penser en fin de semaine, comme o
3185
malaise. D’autres, qui s’essaient à penser en fin
de
semaine, comme on fait un peu d’ordre dans l’appartement, reculent bi
3186
à penser en fin de semaine, comme on fait un peu
d’
ordre dans l’appartement, reculent bientôt devant l’énormité — l’absen
3187
t, reculent bientôt devant l’énormité — l’absence
de
normes — de la vie telle qu’ils la découvrent. Ils se rendorment, ou
3188
bientôt devant l’énormité — l’absence de normes —
de
la vie telle qu’ils la découvrent. Ils se rendorment, ou bien édifien
3189
t devant l’énormité — l’absence de normes — de la
vie
telle qu’ils la découvrent. Ils se rendorment, ou bien édifient des s
3190
u bien édifient des systèmes (qu’ils se garderont
d’
habiter). Ceux qui persistent cependant, s’aperçoivent que l’entrepris
3191
tre mortellement compromettante. Aussi l’histoire
de
la pensée n’est-elle peut-être que la chronique de ses retraites éloq
3192
e la pensée n’est-elle peut-être que la chronique
de
ses retraites éloquentes. Très peu vont jusqu’au bout de leur emporte
3193
abat. Un seul, je crois, parvint dans l’intégrité
de
sa force à une mort que toute son œuvre provoquait et qui vaincue par
3194
ans les derniers instants le vrai sens, la valeur
de
destin de la pensée qui aboutissait là. Contempler dans sa mort la «
3195
rniers instants le vrai sens, la valeur de destin
de
la pensée qui aboutissait là. Contempler dans sa mort la « fin » de s
3196
boutissait là. Contempler dans sa mort la « fin »
de
sa passion et l’accomplissement de sa foi, tel fut le sort de Kierkeg
3197
ort la « fin » de sa passion et l’accomplissement
de
sa foi, tel fut le sort de Kierkegaard, son incommensurable grandeur.
3198
n et l’accomplissement de sa foi, tel fut le sort
de
Kierkegaard, son incommensurable grandeur. Un acharnement sans pareil
3199
à forcer l’esprit sur l’obstacle du désespoir et
de
l’absurdité de l’existence ; toute une vie tendue vers l’impossible,
3200
rit sur l’obstacle du désespoir et de l’absurdité
de
l’existence ; toute une vie tendue vers l’impossible, toute une œuvre
3201
poir et de l’absurdité de l’existence ; toute une
vie
tendue vers l’impossible, toute une œuvre de sarcasmes précis contre
3202
une vie tendue vers l’impossible, toute une œuvre
de
sarcasmes précis contre les innombrables tentations d’une religion qu
3203
rcasmes précis contre les innombrables tentations
d’
une religion qui n’est pas Dieu ; et soudain, sur son lit de mort, cet
3204
gion qui n’est pas Dieu ; et soudain, sur son lit
de
mort, cette phrase : Je ne pense pas que ce soit mauvais, ce que j’a
3205
lléluia !82 Deux documents éclairent le mystère
de
ce triomphe, le sens dernier de cette vie et de cette mort. Le premie
3206
airent le mystère de ce triomphe, le sens dernier
de
cette vie et de cette mort. Le premier est de Kierkegaard : Forcer l
3207
mystère de ce triomphe, le sens dernier de cette
vie
et de cette mort. Le premier est de Kierkegaard : Forcer les hommes
3208
e de ce triomphe, le sens dernier de cette vie et
de
cette mort. Le premier est de Kierkegaard : Forcer les hommes à être
3209
ier de cette vie et de cette mort. Le premier est
de
Kierkegaard : Forcer les hommes à être attentifs et à juger, c’est e
3210
r son action, il a compris qu’elle faisait partie
de
son action, oui, que cette action ne commencerait vraiment qu’avec sa
3211
83 On trouve le second document dans le journal
de
l’hôpital où vint mourir Kierkegaard (c’est un interne qui transcrit
3212
toutes ses forces spirituelles et toute son œuvre
d’
écrivain… S’il reste en vie, dit-il, il poursuivra sa lutte religieuse
3213
lles et toute son œuvre d’écrivain… S’il reste en
vie
, dit-il, il poursuivra sa lutte religieuse, mais il craint qu’elle ne
3214
oit alors affaiblie. Au contraire sa mort donnera
de
la force à son attaque, et lui assurera, pense-t-il, la victoire.84
3215
, et lui assurera, pense-t-il, la victoire.84 ⁂
De
cette œuvre considérable, il ne saurait être question, ici, de résume
3216
e considérable, il ne saurait être question, ici,
de
résumer ne fût-ce que les thèmes directeurs. Il faut y aller voir dan
3217
publie ces jours-ci. Mais il sera peut-être utile
d’
insister sur deux caractères qui ne peuvent manquer de frapper, de ret
3218
sister sur deux caractères qui ne peuvent manquer
de
frapper, de retenir ou de repousser le lecteur non prévenu : la « dif
3219
eux caractères qui ne peuvent manquer de frapper,
de
retenir ou de repousser le lecteur non prévenu : la « difficulté » de
3220
qui ne peuvent manquer de frapper, de retenir ou
de
repousser le lecteur non prévenu : la « difficulté » de Kierkegaard e
3221
ousser le lecteur non prévenu : la « difficulté »
de
Kierkegaard et sa dialectique du sérieux et de l’ironie. Kierkegaard
3222
» de Kierkegaard et sa dialectique du sérieux et
de
l’ironie. Kierkegaard est difficile parce qu’il est simple. « La pur
3223
arce qu’il est simple. « La pureté du cœur, c’est
de
vouloir une seule chose », écrit-il. Mais cette seule chose nécessair
3224
re, c’est « en vertu de l’absurde », c’est-à-dire
de
l’incarnation de Dieu en Christ. On ne peut pas le comprendre : on le
3225
rtu de l’absurde », c’est-à-dire de l’incarnation
de
Dieu en Christ. On ne peut pas le comprendre : on le souffre. On l’ai
3226
s autres, sauf Empédocle et Nietzsche, ont refusé
de
signer de leur sang le pacte qui lie le penseur à Méphisto : expérime
3227
sauf Empédocle et Nietzsche, ont refusé de signer
de
leur sang le pacte qui lie le penseur à Méphisto : expérimentateurs q
3228
avant la décision mortelle. Concession, la raison
de
Pascal, et lors même qu’il y renonce : concession, la pitié parfois p
3229
ce : concession, la pitié parfois presque sadique
de
Dostoievsky. Oui, même ceux-là ! Même ces deux-là qui sont allés si l
3230
es deux-là qui sont allés si loin dans la passion
de
l’absolu chrétien, mais seul Kierkegaard en est mort. Une pureté pres
3231
ieu. Et cependant, dans le pire désespoir, jamais
de
défi, ni d’« hybris ». Pureté du chrétien, non du surhomme. Quant au
3232
ndant, dans le pire désespoir, jamais de défi, ni
d’
« hybris ». Pureté du chrétien, non du surhomme. Quant au « sérieux »
3233
u chrétien, non du surhomme. Quant au « sérieux »
de
Kierkegaard, il est de nature à tromper le lecteur mille manières. On
3234
omme. Quant au « sérieux » de Kierkegaard, il est
de
nature à tromper le lecteur mille manières. On peut se laisser prendr
3235
On peut se laisser prendre à la fantaisie baroque
de
certaines paraboles, de certaines ironies polémiques. Et tout d’un co
3236
re à la fantaisie baroque de certaines paraboles,
de
certaines ironies polémiques. Et tout d’un coup on s’aperçoit qu’elle
3237
raboles, de certaines ironies polémiques. Et tout
d’
un coup on s’aperçoit qu’elles nous jettent en plein drame de l’existe
3238
n s’aperçoit qu’elles nous jettent en plein drame
de
l’existence. Kierkegaard déconsidère le sérieux « humain », par l’iro
3239
d déconsidère le sérieux « humain », par l’ironie
de
l’éternité. L’éternité, pour lui, est une ironie sur le temps, à laqu
3240
is, ayant tué en lui toute autre vanité que celle
de
haïr le temps — c’est là son dépit amoureux — Kierkegaard peut enfin
3241
fin parler avec un sérieux total, dont l’écrivain
d’
aujourd’hui n’a même plus l’idée. Un de nos meilleurs auteurs déclarai
3242
l’écrivain d’aujourd’hui n’a même plus l’idée. Un
de
nos meilleurs auteurs déclarait récemment que le palais de Versailles
3243
illeurs auteurs déclarait récemment que le palais
de
Versailles manque de sérieux. C’était bien vu. Mais notre auteur étai
3244
rait récemment que le palais de Versailles manque
de
sérieux. C’était bien vu. Mais notre auteur était-il sérieux lui-même
3245
sérieux vrai est en définitive dans le seul acte
de
foi, qui jette sur nos sérieux, poses et amusettes (ou « plaisirs » c
3246
ses si peu plaisantes en général), un « soupçon »
d’
ironie qui est infiniment pire qu’une ironie. Car peut-être que l’acte
3247
ment pire qu’une ironie. Car peut-être que l’acte
de
foi n’existe pas, n’est qu’une figure de rhétorique pieuse, une illus
3248
e l’acte de foi n’existe pas, n’est qu’une figure
de
rhétorique pieuse, une illusion, un mythe, un saut dans le vide, etc.
3249
s le vide, etc. Et alors il n’y a plus nulle part
de
« vrai » sérieux. Mais peut-être aussi cet acte existe-t-il, quelque
3250
existe-t-il, quelque part, et alors il n’y a pas
de
vrai sérieux dans ma vie tant que je n’ai pas trouvé dans la foi, ou
3251
rt, et alors il n’y a pas de vrai sérieux dans ma
vie
tant que je n’ai pas trouvé dans la foi, ou mieux : tant que la foi —
3252
la foi, ou mieux : tant que la foi — qui est don
de
Dieu — ne m’a trouvé. Kierkegaard a eu trois descendances spirituelle
3253
seconde philosophique : l’école « existentielle »
d’
Allemagne, avec Martin Heidegger et Karl Jaspers. La troisième théolog
3254
gique : l’école dialectique, qui sous l’impulsion
de
Karl Barth est en train de sauver l’honneur et l’existence même des é
3255
aujourd’hui le développement promis à l’influence
de
Kierkegaard sur notre temps : on le redécouvre après cent ans, on le
3256
it partout, on publie sur son œuvre des centaines
d’
ouvrages et d’articles. Ce qui est certain, c’est qu’à la différence d
3257
publie sur son œuvre des centaines d’ouvrages et
d’
articles. Ce qui est certain, c’est qu’à la différence de Nietzsche, p
3258
les. Ce qui est certain, c’est qu’à la différence
de
Nietzsche, personne ne parviendra jamais à « utiliser » Kierkegaard p
3259
politiques et temporelles. Il se dresse, au seuil
de
l’époque comme la plus formidable accusation vivante contre nos lâche
3260
, nos passions courtes et agitées. Sur une pierre
de
cimetière danois, on peut lire cette inscription nue : « Le Solitaire
3261
sion sévère, le ricanement puissant et le message
d’
amour de Kierkegaard traversent notre âge comme cette pierre et ce mot
3262
ère, le ricanement puissant et le message d’amour
de
Kierkegaard traversent notre âge comme cette pierre et ce mot gravé q
3263
comme cette pierre et ce mot gravé qui ne cessent
de
nous accuser dans leur silence d’éternité. 82. « Alléluia » : Louez
3264
qui ne cessent de nous accuser dans leur silence
d’
éternité. 82. « Alléluia » : Louez l’Éternel. Kierkegaard avait auss
3265
: « Il n’y a pas eu, durant mille-huit-cents ans
de
christianisme, une seule tâche comparable à la mienne. Dans la ‟chrét
3266
». 83. Point de vue explicatif sur mon activité
d’
auteur (1848). 84. Rapporté par Georges Brandes, dans Søren Kierkegaa
3267
literarische Charakterbild. z. Rougemont Denis
de
, « Søren Kierkegaard », Jean-Jacques, Paris, 20 février 1938, p. 3.
3268
Nouvelles pages du Journal
d’
un intellectuel en chômage (avril 1938)aa Note pour une préface. —
3269
une préface. — « C’est une entreprise hardie que
d’
aller dire aux hommes qu’ils sont peu de chose », s’écrie Bossuet (Ser
3270
hose, n’est pas trop humiliant pour qui se flatte
d’
une image de soi composée dans la solitude : tant qu’on ne s’est pas a
3271
pas trop humiliant pour qui se flatte d’une image
de
soi composée dans la solitude : tant qu’on ne s’est pas avoué devant
3272
. Et ce n’est pas encore franchement s’avouer que
de
se comparer aux seuls humains que le métier ou notre rang social nous
3273
le métier ou notre rang social nous met en mesure
d’
approcher. L’épreuve décisive est celle que l’on subit au contact de v
3274
euve décisive est celle que l’on subit au contact
de
voisins que rien en nous, que rien dans notre vie n’attendait et ne p
3275
de voisins que rien en nous, que rien dans notre
vie
n’attendait et ne prévoyait. Ce n’est qu’au prix d’un désordre social
3276
n’attendait et ne prévoyait. Ce n’est qu’au prix
d’
un désordre social — selon les préjugés du régime établi — que ces ren
3277
— On dit souvent qu’il faut à l’homme un minimum
de
confort ou d’aisance matérielle pour pouvoir réfléchir, se poser des
3278
ent qu’il faut à l’homme un minimum de confort ou
d’
aisance matérielle pour pouvoir réfléchir, se poser des problèmes nouv
3279
éfléchir, se poser des problèmes nouveaux, créer…
D’
où résulterait qu’un certain degré de pauvreté ou de misère physique c
3280
eaux, créer… D’où résulterait qu’un certain degré
de
pauvreté ou de misère physique condamnerait même un « intellectuel »
3281
où résulterait qu’un certain degré de pauvreté ou
de
misère physique condamnerait même un « intellectuel » au chômage abso
3282
ctuel » au chômage absolu, c’est-à-dire à l’arrêt
de
la pensée, tout au moins de la pensée créatrice. Mais quel est ce cer
3283
’est-à-dire à l’arrêt de la pensée, tout au moins
de
la pensée créatrice. Mais quel est ce certain degré ? À quel niveau p
3284
araît insoluble dès qu’on la pose dans le concret
d’
une vie connue. Prenons deux hommes qui furent tous deux de prodigieux
3285
insoluble dès qu’on la pose dans le concret d’une
vie
connue. Prenons deux hommes qui furent tous deux de prodigieux produc
3286
connue. Prenons deux hommes qui furent tous deux
de
prodigieux producteurs d’idées : deux hommes qui ont écrit chacun une
3287
es qui furent tous deux de prodigieux producteurs
d’
idées : deux hommes qui ont écrit chacun une vingtaine de volumes l’es
3288
: deux hommes qui ont écrit chacun une vingtaine
de
volumes l’espace de dix ans : Kierkegaard et Nietzsche. Le premier ét
3289
nt écrit chacun une vingtaine de volumes l’espace
de
dix ans : Kierkegaard et Nietzsche. Le premier était riche et dépensa
3290
rvi à rapiécer les épaules et le plastron. Le peu
d’
argent de sa retraite de professeur servait à payer ses logeuses succe
3291
iécer les épaules et le plastron. Le peu d’argent
de
sa retraite de professeur servait à payer ses logeuses successives, e
3292
es et le plastron. Le peu d’argent de sa retraite
de
professeur servait à payer ses logeuses successives, et les remèdes c
3293
r d’autres buts à leur existence que la recherche
d’
un gain précaire. Mais à ceux qui ont quelque chose, il faut rappeler
3294
t redouter je ne sais quelle invisible et brusque
vie
tout près. Nuit des villes, rouge et circulante, pleine de rumeurs, c
3295
rès. Nuit des villes, rouge et circulante, pleine
de
rumeurs, comparable à la fièvre. Plus lucide souvent que les jours. I
3296
entre les rosiers. Je trouve, à tâtons, le verrou
de
la porte du fond, dans l’odeur des lauriers épais. Voici les rues du
3297
or blanc et vert. Des chiens surgissent des coins
d’
ombre, aboient horriblement, tournent autour de moi, me flairent avec
3298
loigner du village. De nouveau le noir, et l’écho
de
mes pas contre les murs des maisons mortes. Je me glisse dans le hang
3299
s des maisons mortes. Je me glisse dans le hangar
de
la grosse voiture et tâte ses flancs jusqu’à ce que je rencontre l’ou
3300
es flancs jusqu’à ce que je rencontre l’ouverture
de
la boîte aux lettres. De loin, le village apparaît fantastique : les
3301
je rencontre l’ouverture de la boîte aux lettres.
De
loin, le village apparaît fantastique : les becs de gaz, très bas, éc
3302
nées par le clocher à toit plat, et des fragments
de
silhouettes d’arbres devant les maisons. La rumeur de la mer arrive p
3303
cher à toit plat, et des fragments de silhouettes
d’
arbres devant les maisons. La rumeur de la mer arrive par bouffées. Pu
3304
ilhouettes d’arbres devant les maisons. La rumeur
de
la mer arrive par bouffées. Puis c’est de nouveau cet étrange écho de
3305
s chiens qui reviennent, et pas une âme. « Vallée
de
l’ombre de la mort… étranger et voyageur sur la terre… » Jamais plus
3306
i reviennent, et pas une âme. « Vallée de l’ombre
de
la mort… étranger et voyageur sur la terre… » Jamais plus que dans ce
3307
a terre… » Jamais plus que dans cette nuit. Fin
de
séjour à A… (Gard). — Tout est en place. Je garderai toutefois le pla
3308
Tout est en place. Je garderai toutefois le plan
d’
aménagement et de décoration des trois chambres du premier étage, on n
3309
e. Je garderai toutefois le plan d’aménagement et
de
décoration des trois chambres du premier étage, on ne sait jamais… Le
3310
n ne sait jamais… Les vingt-deux pièces du dessus
de
cheminée ont été replacées au millimètre, dans une symétrie impeccabl
3311
, dans une symétrie impeccable. Mais tout l’effet
de
notre labeur risque d’être détruit par une odieuse malice du sort. No
3312
eccable. Mais tout l’effet de notre labeur risque
d’
être détruit par une odieuse malice du sort. Nous avions descendu du d
3313
est étroit. La descente s’était opérée sans trop
de
mal lors de notre arrivée. Mais nous n’avions pas prévu la remontée !
3314
as prévu la remontée ! Épuisés par une demi-heure
d’
efforts haletants, qui n’ont abouti qu’à coincer le sommier au tournan
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er au tournant, entre la balustrade et les parois
de
la cage d’escalier — au surplus fortement rayées — nous avons couru i
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rtement rayées — nous avons couru implorer l’aide
de
Simard. « Ce cochon-là » refuse, prétextant une hernie ; sa femme aus
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ant sa jambe « coupée ». (Bonne occasion pourtant
de
la décrocher un peu pour toucher davantage à l’assurance !) Il a bien
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que nous avons infligés à la maison. Pas question
d’
aller quérir du renfort à A. Il faut encore boucler les valises, desce
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encore boucler les valises, descendre mes caisses
de
livres à la gare, etc., et le train part dans une heure. Quand la pro
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ns » en général — quand je ne fais que les jauger
d’
un regard — et sympathie violente, « élan vers », dès que mon regard s
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ments, aux mains, à l’attitude distraite et vraie
d’
un être isolé près de moi. Je prends le métro, malgré l’odeur de buand
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é près de moi. Je prends le métro, malgré l’odeur
de
buanderie et ce relent de fauves de certains parfums de femmes, rien
3323
e métro, malgré l’odeur de buanderie et ce relent
de
fauves de certains parfums de femmes, rien que pour regarder des être
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algré l’odeur de buanderie et ce relent de fauves
de
certains parfums de femmes, rien que pour regarder des êtres et vivre
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nderie et ce relent de fauves de certains parfums
de
femmes, rien que pour regarder des êtres et vivre un moment auprès d’
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pour regarder des êtres et vivre un moment auprès
d’
eux, le temps de trois stations, le temps d’imaginer une rencontre, un
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s êtres et vivre un moment auprès d’eux, le temps
de
trois stations, le temps d’imaginer une rencontre, un échange spontan
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uprès d’eux, le temps de trois stations, le temps
d’
imaginer une rencontre, un échange spontané, une de ces découvertes fr
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’imaginer une rencontre, un échange spontané, une
de
ces découvertes frémissantes telles que j’en ai sans doute vécues, ad
3330
uoi j’ai eu ce fort désir soudain, dans le métro,
de
tutoyer mes compagnons de route. Était-ce envie de donner ou de recev
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soudain, dans le métro, de tutoyer mes compagnons
de
route. Était-ce envie de donner ou de recevoir ? Il me semble mainten
3332
e tutoyer mes compagnons de route. Était-ce envie
de
donner ou de recevoir ? Il me semble maintenant que j’écris, que c’es
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compagnons de route. Était-ce envie de donner ou
de
recevoir ? Il me semble maintenant que j’écris, que c’est profondémen
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ent le même mouvement, l’amour. La même déception
de
l’amour, parce rien ne s’est produit, rien ne peut se produire, pour
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lution ! » — Ce substitut, ce renvoi aux calendes
de
la Grande Communication… Montparnasse. — Stupidité triste, parfois
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— Stupidité triste, parfois insolente et lourde,
de
cette population de mannequins vides et mal truqués. Figures grises d
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parfois insolente et lourde, de cette population
de
mannequins vides et mal truqués. Figures grises devant des menthes fa
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occuper des « petits-faits-vrais » vaut mieux que
de
les ignorer. Mais l’excellent, c’est de parvenir à les ignorer avec f
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mieux que de les ignorer. Mais l’excellent, c’est
de
parvenir à les ignorer avec force, une fois qu’on les a bien connus,
3340
e, une grande idée embrassée avec force au mépris
de
soi-même et de l’utilité. Car elle peut devenir le fait dominateur. E
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dée embrassée avec force au mépris de soi-même et
de
l’utilité. Car elle peut devenir le fait dominateur. En vérité, il n’
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venir le fait dominateur. En vérité, il n’y a pas
de
faits grands ou petits en soi et par comparaison. Il y a dans chaque
3343
its en soi et par comparaison. Il y a dans chaque
vie
d’homme à peu près digne de ce nom, un fait qui commande tous les aut
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en soi et par comparaison. Il y a dans chaque vie
d’
homme à peu près digne de ce nom, un fait qui commande tous les autres
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. Il y a dans chaque vie d’homme à peu près digne
de
ce nom, un fait qui commande tous les autres et qui est la mesure de
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qui commande tous les autres et qui est la mesure
de
tout. Quand tu l’auras connu et accepté — tu es seul à pouvoir le con
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travers les paroles qu’ils croient dire : essaie
de
les comprendre quand ils se plaignent ou quand ils rient : tu ne verr
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i. Car il est tout ce que le monde attend, attend
de
toute éternité pour aujourd’hui et de toi seul — et c’est ta foi. 8
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end, attend de toute éternité pour aujourd’hui et
de
toi seul — et c’est ta foi. 85. Kierkegaard avait déposé sa fortune
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250 francs dans le coffre. aa. Rougemont Denis
de
, « Nouvelles pages du Journal d’un intellectuel en chômage », Existe
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Rougemont Denis de, « Nouvelles pages du Journal
d’
un intellectuel en chômage », Existences, Saint-Hilaire-du-Touvet, av